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ST 63

Sociologie politique des utopies communautaires

Political Sociology of Utopian Communities

 

Responsables scientifiques :

Laurent Jeanpierre (Université Paris 8—Saint-Denis, UMR CRESPPA CNRS 7012) laurent.jeanpierre@univ-paris8.fr
Margot Verdier (Laboratoire Sophiapol, Université Paris Nanterre) margotverdier@ntymail.com

Le projet de vivre en communauté et d’expérimenter collectivement des formes de vie et d’activité alternatives à celles qui dominent la vie sociale est une modalité récurrente de l’action collective. Étudiées par les historiens, par exemple dans le cas des hérésies religieuses, des communautés millénaristes ou bien encore des utopies socialistes du dix-neuvième siècle occidental, ces expériences ne suscitaient plus, depuis quelques décennies, l’engouement des sociologues et des politistes.

Le renouvellement récent des luttes contre la réification capitaliste, lié au développement de l’écologie politique, encourage la production de nouveaux travaux alimentés par les réflexions sur le(s) commun(s) et la diversité de ses formes qui se matérialisent dans les expériences inspirées des mobilisations contre les Grands Projets Inutiles et Imposés (GPII) et la Zone à Défendre (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes. L’objectif de cette section thématique est donc de rassembler les recherches de science politique en cours en France et dans d’autres pays européens, et au-delà, sur des utopies communautaires passées ou présentes.

Par « utopies communautaires » nous entendons des expériences organisées de défection collective vis-à-vis des modes de vie dominants prenant appui sur un territoire urbain ou rural partagé. Nous concentrerons l’attention de la section thématique sur des expériences postérieures au grandes révolutions occidentales de la fin du XVIIIème siècle, ayant une dimension politique explicite dans le discours des protagonistes, ce qui exclut a priori les recherches sur les phénomènes sectaires ou les communautés religieuses ou artistiques plus ou moins instituées. À côté des utopies britanniques ou états-uniennes du dix-neuvième siècle ou du mouvement des kibboutz, qui ont nourri la littérature sur notre thème, les enquêtes portant sur les squats urbains ou les communautés utopiques actuelles, en particulier dans les pays non-occidentaux, sont les bienvenues.

La session thématique privilégie les approches en termes de sociologie politique plutôt que la seule histoire des idées politiques ou le traitement socio-économique, philosophique ou littéraire qui ont dominé les recherches sur les utopies, y compris en science politique. Les méthodes mobilisées pour nourrir les communications présentées devront relever de l’ethnographie, du travail en archives, ou de toute autre technique jugée pertinente. Une attention particulière sera accordée aux recherches comparatives ou quantitatives, l’étude de cas et la monographie ayant souvent prévalu dans les travaux existants.

On pourra interroger l’engagement communautaire, la distribution des pouvoirs, les formes de représentation (leurs critiques ou leur absence), les modalités de prise de décision, d’application des décisions, la régulation des conflits, les pratiques de justice et les logiques d’institution des normes, les rapports de pouvoir, en particulier ceux ayant trait au genre, les relations avec l’institution familiale, etc. La politique extérieure des communautés utopiques pourra aussi être étudiée : relations avec d’autres expériences jugées semblables, avec les pouvoirs publics et l’État, avec les organisations politiques plus classiques (partis, syndicats) et les mouvements sociaux, etc. Une interrogation plus macrosociologique portant sur le lien entre utopies communautaires et mobilisations collectives pourra aussi être conduite. Ces expérimentations font elles partie d’un répertoire ascendant ou au contraire déclinant de la politique contestataire ? Sont-elles soumises à des cycles politiques et quels en seraient les facteurs explicatifs ?

 

Community living, collective experiences of alternatives to the dominant forms of life and activities, is a recurrent mode of collective action. Studied by historians, for instance in the case of religious heresies, millenarian communities or even socialist utopias of the Western nineteenth century, these experiences have not raised the interest of sociologists’ and political scientists’ communities for a few decades.

The recent renewal of struggles against capitalist commodification, related to the development of political ecology, encourages the production of new works inspired by the reflections on the common(s) and the diversity of its forms which are experimented in struggles against territorial planning and infrastructure projects such as the Zone to Defend of Notre-Dame-des-Landes, France. The purpose of this thematic section is therefore to gather ongoing political science researches on past and present utopian communities.

By “utopian communities” we think of organized experiences of collective defection from dominant modes of life relying on a shared urban or rural territory. We will focus the panel on experiences and experiments which followed the great Western revolutions of the end of the 18th century that are characterized by an explicit political dimension. This definition excludes researches on sectarian phenomenon or more or less institutionalized religious or artistic communities. Beside 19th Great Britain or United States utopias or the kibbutz movement, which have nourished the major part of the scientific literature on our theme, inquiries upon urban squats and current utopian communities, especially in non-Western countries, are very welcome.

The section will favor approaches in terms of political sociology instead of history of political ideas or socio-economical, philosophical or literary analyses which have dominated researches on utopias, even in political science. Methods mobilized can include ethnography, archival research, or every other relevant methodology. A special attention will be brought to quantitative or comparative researches as case study and monography prevail in already existing works.

Communications can question commitment to the utopian community and its experiments, its distribution of powers, forms of political representation (their critics and/or their absence), decision making and enforcement procedures, conflict regulation, justice practices, power relations, in particular those related to gender issues, as well as relations with the familial institution, etc. The politics of utopian communities can also be studied from its relations with the outer world: relations with similar experiences, with public authorities and the State, with more classical political organizations (unions, parties) and social movements, etc. Another interrogation could also be raised, on a more macroscopic scale, upon the relations between utopian communities and mobilizations. Are these experiences part of a rising or declining political repertoire of protests? Are they submitted to political cycles and which would be their explanatory factors?

 

REFERENCES

DUVEAU, Georges, 1961. Sociologie de l’utopie et autres « essais », Paris, Presses universitaires de France.

GARFORTH, Lisa, 2018. Green Utopias. Environmental Hope before and after nature, Cambridge, Polity.

KANTER, Rosabeth Moss, 1972. Commitment and Community: Communes and Utopias in Sociological Perspective, Cambridge, Harvard University Press.

LACROIX, Bernard, 1981. L’utopie communautaire, Paris, Presses universitaires de France.

LALLEMENT, Michel, 2009. Le travail de l’utopie. Godin et le familistère de Guise, Paris, Les Belles Lettres.

LALLEMENT, Michel, 2015. L’âge du faire Hacking, travail, anarchie, Paris, Le Seuil.

MAUGER, Gérard, FOSSÉ, Claude, 1977. La Vie buissonnière. Marginalité petite-bourgeoise et marginalité populaire, Paris, Maspero.

OVED, Yaacov, 2013. Globalization of Communes, 1950-2010, New York, Transaction publishers.

SARGISSON, Lucy, SARGENT, Lyman Tower, 2004. Living in Utopia. New Zealand’s Intentional Communities, London, Routledge.

Squatting Europe Kollective, 2014. The Squatters’ Movement in Europe : Commons and Autonomy as Alternatives to Capitalism, London, Pluto.

PRUVOST, Geneviève, « Chantiers participatifs, autogérés, collectifs : la politisation du moindre geste », Sociologie du travail, n°57, 2015, p. 81-104.

VERDIER, Margot, 2018. La perspective de l’autonomie. La critique radicale de la représentation et la formation du commun dans l’expérience de l’occupation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, thèse pour l’obtention du doctorat en sociologie, Université Paris Nanterre.

Axe 1 / L’engagement dans les utopies communautaires : trajectoires, dynamiques internes, environnement politique

Présidence de séance : Laurent Jeanpierre (CRESPPA, Université Paris 8) et Margot Verdier (Sophiapol, Université Paris Nanterre)

Colin Robineau (CARISM, Université Paris 2), Des configurations familiales propices à la critique ? Le cas de militants « autonomes » porteurs d’un habitus polarisé

Madeg Leblay (ARENES, Université Rennes 1), Les dynamiques politiques de l’engagement utopique : étude à partir des lieux ruraux d’habitat coopératif et écologique

Lucile Ruault (CERMES 3, CERAPS), « Pas question de se couper du monde ». Quand communauté et action collective ne font qu’un : l’exemple de la Commune d’Aix dans les années 1970

Cléa Pineau (CESSP, Paris 1 Panthéon Sorbonne), Fabriquer de l’utopie communautaire en dehors de sa communauté. L’utopie kurdiste à Mersin (Turquie).

Discutant : Bernard Lacroix (Université Paris Nanterre)

Axe 2 / Les expériences alternatives à l’épreuve du temps

Présidence de séance : Laurent Jeanpierre (CRESPPA, Université Paris 8) et Margot Verdier (Sophiapol, Université Paris Nanterre)

Madeleine Sallustio (LAMC, Université libre de Bruxelles), Négociations et tensions temporelles au sein des collectifs néo-paysans autogérés du sud-est du Massif central

Marie-Charlotte Allam (PACTE, Sciences Po Grenoble), Au-delà de l’utopie. Les conditions de pérennisation d’une expérience pédagogique alternative : La Villeneuve de Grenoble (1968-2005)

Benjamin Dubertrand (LISST-CAS, Université Toulouse 2 Mirail), Vivre dans les ruines de l’utopie en Ariège aujourd’hui.

Paolo Stuppia (CESSP, Université Paris Nanterre), Que reste-t-il des utopies communautaires du « retour à la terre » (back-to-the-land) ? Une comparaison latérale France/Californie.

Discutants : Laurent Jeanpierre (CRESPPA, Université Paris 8) et Margot Verdier (Sophiapol, Université Paris Nanterre)

ALLAM Marie-Charlotte marie-charlotte.allam@umrpacte.fr

DUBERTRAND Benjamin bendubertrand@gmail.com

JEANPIERRE Laurent laurent.jeanpierre@univ-paris8.fr

LEBLAY Madeg madeg.leblay@gmail.com

PINEAU Cléa pineau.clea@gmail.com

ROBINEAU Colin colin.robineau@laposte.net

RUAULT Lucile ruaultlucile@gmail.com

SALLUSTIO Madeleine sallustiomadeleine@gmail.com

STUPPIA Paolo paolo.stuppia@parisnanterre.fr

VERDIER Margot margotverdier@ntymail.com