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Responsables scientifiques :
Prunelle Aymé (CERI, Sciences Po Paris), prunelle.ayme@sciencespo.fr
Thomas Douniès (CURAPP-ESS, UPJV & CRESPPA-CSU, Paris 8 – Paris Nanterre), thomas.dounies@gmail.com
La dimension genrée de l’action publique a été démontrée par des travaux qui ont documenté, aux États-Unis puis en France, les présupposés de genre sur lesquels les politiques publiques reposent (Lewis 1992 ; Orloff 1993 ; Sainsbury 1999), leurs effets différenciés sur les femmes et les hommes (Jenson 2009 ; Mettler 1998), ou encore l’émergence de « politiques du genre » (Jacquot 2014).
Alors que le genre apparaît comme une dimension structurante du rapport aux institutions (Siblot 2006 ; Bozec, Réguer-Petit 2015) et de la manière dont ces dernières entendent gouverner leurs publics (Serre 2012), la question de l’articulation entre rapports de genre et rapport ordinaire à l’État reste peu explorée empiriquement. On en sait encore peu sur comment, au concret, s’articulent le déploiement des politiques et la structuration des rapports de genre.
Ce panel propose de dépasser cet état de la littérature en décloisonnant des courants d’analyse rarement pensés ensemble. Souvent situés à une échelle macro, les travaux sur le genre des politiques publiques ont peu intégré les apports de l’étude « par le bas » de l’action publique (Revillard 2018). De son côté, l’étude des policy feedback a peu documenté la dimension genrée des processus de légitimation de l’État (Dupuy, Van Ingelgom, 2015) et des effets politiques de l’action publique (McDonagh 2010). Enfin, la sociologie du genre et la sociologie de la socialisation politique n’interrogent qu’à la marge les effets de l’État dans la construction des rapports sociaux de genre.
En croisant ces approches, cette section thématique propose de penser le genre comme une composante des normes véhiculées par l’action publique et comme une dimension centrale de la réception des politiques publiques. Elle rassemble des communications qui interrogent la dimension genrée de la socialisation à et par l’État et plus largement la place du genre dans la structuration des rapports entre les institutions étatiques et leurs administré.e.s. Les communications sont adossées à des enquêtes empiriques, qui portent sur des domaines d’action publique variés (justice, action sanitaire et sociale, insertion professionnelle, politiques mémorielles…), dans une diversité de contextes nationaux et d’échelles d’action publique. La section thématique s’organise autour des deux axes de réflexions suivants :
Axe 1 : Le genre dans le gouvernement étatique des conduites : prescriptions, appropriations et contournements
Un premier axe d’analyse étudie la dimension genrée des rôles sociaux et des figures d’(in)désirabilité que promeut l’action publique. En quoi les prescriptions genrées participent-elles à la définition du bon et du mauvais pauvre, du bon et du mauvais migrant, du bon et du mauvais élève, etc. ? En quoi l’image de « bon.ne usager.e » s’articule aux rôles sociaux de genre dans d’autres sphères (être une bonne mère, un bon père) et à leur imbrication avec les rapports de classe et de race ? Dans quelle mesure ces normes de socialisation genrées peuvent-elles être résistées ou contournées par celles et ceux dont elles prétendent façonner les comportements ? On réfléchira aussi à la manière dont ces prescriptions pratiques révèlent des effets de spécialisation genrée de l’action publique, consistant en une surreprésentation d’hommes ou de femmes du côté des publics ou des professionnel.le.s.
Axe 2 : Le genre, révélateur et vecteur des transformations des modalités de gouvernement
Un second axe propose d’étudier le genre comme un analyseur de la transformation de l’action publique et des modalités de gouvernement des populations. D’une part, en quoi les rapports de genre dans l’action publique nous renseignent sur les processus de « modernisation » de l’intervention publique, qui prétendent notamment à une gestion moins attachée à des statuts uniformes qu’aux caractéristiques individuelles ? Qu’est-ce que le prisme du genre nous permet de voir des mots d’ordres des réformes de l’État autour de l’activation, de l’autonomie, ou de l’empowerment des usager.e.s ? D’autre part, les transformations de l’État produisent-elles un gouvernement différencié en fonction du genre ? Les changements des formes d’intervention (délégation aux échelons locaux, approches « partenariales », conditionnalité des allocations sociales) ainsi que l’enrôlement d’acteurs non-étatiques ont-ils un effet sur les dynamiques de genre qui se jouent dans le rapport des usager.e.s à l’action publique ? Les études situées en dehors de l’Europe pourront également nous renseigner sur l’effet des différents contextes politiques sur la dimension genrée de l’action publique.
Feminist scholars in the United States and in Europe have demonstrated that gender shapes policy processes and outcomes. They have shown that most public policies rely on gender assumptions (Lewis 1992; Orloff 1993; Sainsbury 1999), and that policies often have differentiated effects on women and men (Jenson 2009; Mettler 1998). More recently, these works have studied the emergence of “gender policies” (Jacquot 2014).
These works suggest that gender is a structuring dimension of citizens’ encounter with institutions (Siblot 2006; Bozec, Réguer-Petit 2015) and of the ways institutions intend to govern their targets and clients (Serre 2012). However, the articulation between gender relations and citizens’ ordinary relation to the state remains empirically underexplored. We still know little about how public policy implementation and gender relations interfere on the ground.
This panel proposes to go beyond this state of the art by decompartmentalizing bodies of research that are rarely considered together. Often situated at the macro-level, very few works on the gender of public policy have integrated lessons from the “bottom-up” study of public policy (Revillard 2018). On the other hand, the literature on policy feedbacks has not yet documented the gendered dimension of the state legitimation process (Dupuy, Van Ingelgom, 2015) and of policies’ political outcomes (McDonagh 2010). Finally, works on gender relations and political socialization only marginally question the effects of public policy in the construction of gender.
By combining these approaches, this panel proposes to view gender as a one of the standards conveyed by public policy and as a central dimension of the reception of public policy. It brings together contributions that question the gender dimension of socialization in and by the state and, more broadly, the place of gender in the structuring of relations between state institutions and their constituents. Contributions rely on empirical surveys, which relate to various fields of public policy (justice, health and social action, professional integration, memorial policies, etc.) in a variety of national contexts and at different scales. The panel is organized around the following axes:
Axis 1: Gender as a practical prescription of public policies
A first avenue of research invites us to study the gender dimension of social roles and figures of (un)desirability promoted by public policy. How do gendered prescriptions participate in the definition of the good and the bad poor, the good and the bad migrant, the good and the bad student, etc.? How is the image of “good user/client” articulated with gender roles in other spheres (being a good mother, a good father) and their intersection with class and race relations? To what extent can these gendered norms be resisted or circumvented by those whose behavior they pretend to shape? Contributions will also reflect on the way these practical prescriptions may reveal the effects of a gender specialization of specific policies, consisting in an over-representation of men or women on the side of target populations or professionals.
Axis 2: Gender as mirror and vector of the transformations of government
Panelists will also reflect on gender as a tool to analyze the transformation of public policy and the way policies intend to govern their public. At a time when public policies tend to promote individualized treatments of their target populations, detached from uniform categories, what does the study of gender in administrative relations tell us about the “modernization” of the state? Can the gender lens help us understand the complex outcomes of slogans such as activation, autonomy or empowerment of clients/citizens/publics? On the other hand, do state transformations produce gender-differentiated government? What are the outcomes of the transformations of government (delegation to local levels, partnership-based approaches) as well as the enrollment of non-state actors on the gender dynamics at play in the encounter of users and professionals? Studies outside of Europe will shed light on the effect of different political contexts on the gender dimension of public policy.
Introduction : Prunelle Aymé et Thomas Douniès
Axe 1 / Le genre dans le gouvernement étatique des conduites : prescriptions, appropriations et contournements
Alice Baudy (MESOPOLHIS, UMR 7064 – Sciences Po Aix), Appropriations et effets politiques de l’action publique adressée aux descendantes de harkis.
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Eloi Dibon (IRISSO – Université Paris Dauphine), Principe d’allocataire unique à la CAF, séparations conjugales et résidence alternée : quand des pères séparés se disent discriminés par la CAF et cherchent à faire changer le calcul des prestations familiales.
Aude Lejeune (CERAPS, UMR 8026 – Université de Lille), Genre et expériences du tribunal : salariés et salariées du secteur privé au conseil des prud’hommes.
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Solenn Real Molina (SESSTIM, ISSPAM – Université Aix-Marseille), Mobilisations des minorités sexuelles et de genre face aux politiques des drogues : de l’auto-support communautaire aux stratégies institutionnelles.
Discutante : Gwenaëlle Perrier (chercheuse associée au Lise et maîtresse de conférences en science politique à l’université de Paris 13)
Axe 2 / Le genre, révélateur et vecteur des transformations des modalités de gouvernement
Ronan Jacquin (CERI – Sciences Po), Les child grants en Namibie : rapports sociaux de genre et réception de l’action publique.
Laurine Chassagne (IRISSO – Université Paris Dauphine), L’égalité des sexes comme dimension de l’insertion professionnelle : la prise en compte du genre dans la définition de l’insertion de la jeunesse sous main de justice.
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Aymeric Mongy (CERAPS – Université de Lille), L’État-stratège au prisme du genre. L’engagement associatif des parents de personnes handicapées, révélateur des effets genrés des réformes néo-managériales de l’État.
Zélie Jobert (CESSP – Université Paris 1 Panthéon Sorbonne), Lutter contre les inégalités liées au genre au Rwanda : enjeux et effets des partenariats locaux ONG/État dans la mise en œuvre des programmes MenEngage.
Discutante : Sophie Jacquot (professeure de science politique à l’Université Saint-Louis – Bruxelles, chercheuse au CReSPo et à l’IEE)
AYME Prunelle prunelle.ayme@sciencespo.fr
BAUDY Alice alicebaudy@gmail.com
CHASSAGNE Laurine laurine.chassagne@dauphine.psl.eu
DIBON Eloi eloi.dibon@dauphine.psl.eu
DOUNIES Thomas thomas.dounies@gmail.com
JACQUIN Ronan ronan.jacquin@sciencespo.fr
JACQUOT Sophie sophie.jacquot@usaintlouis.be
JOBERT Zélie zelie-jobert@hotmail.fr
LEJEUNE Aude aude.lejeune@univ-lille.fr
MONGY Aymeric aymericmongy@gmail.com
PERRIER Gwenaëlle perriergwen@yahoo.fr
REAL Solenn solenn.real@inserm.fr