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Responsables scientifiques :
Alain Eloka (Laboratoire d’analyses de la gouvernance et de l’action publique en Europe – LAGAPE, Université de Lausanne) Alain.Eloka@unil.ch
Sofia Wickberg (Centre d’études européennes – CEE, Sciences Po Paris et Université Versailles St Quentin) sofia.wickberg@sciencespo.fr
Depuis que la lutte anti-corruption s’est affirmée comme une prescription globale dans la décennie 1990, des voix s’élèvent dans le champ universitaire pour déplorer que les initiatives qu’elle recouvre ne soient pas pensées et analysées comme objet d’étude per se (Gillespie and Okruhlik, 1991 ; Eyebiyi, 2014 ; Sicakova-Beblava and Beblavy, 2016). De fait, la littérature sur la lutte contre la corruption ne se distingue souvent guère de celle sur la corruption (Stephenson, 2018) ; si bien que les politiques anti-corruption ne sont généralement abordées qu’en tant qu’aspect secondaire et consécutif de considérations faites sur la corruption en tant qu’ensemble de pratiques sociales illégitimes et condamnables. Il s’ensuit que corruption et lutte contre la corruption sont systématiquement confondues en un seul et même objet de réflexions généralement orientées vers la recherche de « solutions » à un « problème » scientifiquement indéfini(ssable ?) (Campos and Pradhan, 2007 ; Koechlin, 2013).
La lutte contre la corruption se présente pourtant comme un phénomène socio-politique autonome, et les logiques et les canaux de ses multiples occurrences empiriques ne renvoient pas toujours, ni nécessairement, à l’objectif fondamental d’éradiquer la corruption. Certains travaux ont de ce point de vue commencé à souligner le caractère politiquement orienté de certaines de ces actions (De Sousa, Larmour and Hindess, 2009). Mais on sait aussi avec d’autres recherches d’inspiration néo-institutionnaliste (DiMaggio et Powell 1983) combien une fois des politiques lancées ou des dispositifs institutionnels impulsés, ceux-ci peuvent avoir tendance à auto-entretenir leur développement indépendamment même des raisons ayant justifié leur création. En tout cas, malgré l’ampleur grandissante de la lutte contre la corruption depuis la décennie 1990 (McCoy, 2001 ; Hough, 2013) la corruption ne semble pas avoir pour autant diminué (Damania, Fredriksson and Mani, 2004 ; Mishra, 2006 ; Von Soest, 2013 ; Banque mondiale, 2017).
Par ailleurs, si l’abondante littérature suscitée par la lutte anti-corruption est embourbée dans des réflexions normatives et aporiques autour du problème « corruption », elle est également imprégnée d’une grille de lecture économiciste et juridiciste, presqu’exclusivement anglophone dans la lettre et anglo-saxonne dans l’esprit, même lorsqu’elle porte sur des espaces sociaux non anglo-saxons et encore moins anglophones.
À l’aune de ces différentes considérations, il apparaît ainsi pertinent de non seulement produire des travaux académiques qui donnent à voir la lutte anti-corruption en tant que phénomène politique autonome, mais aussi de le faire dans un cadre non anglophone qui permette de prendre une nécessaire distance vis-à-vis de l’orthodoxie anglo-saxonne pour, ensuite, mieux engager le débat avec cette dernière et la faire évoluer. C’est la raison d’être fondamentale de cette section thématique que nous proposons d’organiser dans le cadre des prochains Congrès de l’Association française de science politique et du Réseau des Associations francophones de science politique. Elle ambitionne de rassembler des chercheurs et chercheuses venant d’horizons – théoriques et géographiques – différents et ayant en commun le projet d’analyser les formes, pratiques et justifications de la lutte anti-corruption sans pour autant caricaturer et délégitimer la position respectable des militants anti-corruption.
Ever since the fight against corruption emerged on the global stage in the 1990s, academics are increasingly advocating for these initiatives to be taken as topics of inquiry per se (Gillespie and Okruhlik, 1991; Eyebiyi, 2014; Sicakova-Beblava and Beblavy, 2016). Academic literature on anti-corruption is indeed typically entangled with the literature on corruption (Stephenson, 2018). Anti-corruption policies are thus generally studied as secondary aspects ensuing from the analysis of corruption as illicit and punishable social practices. Thus, corruption and anti-corruption are systematically confused as one and the same object of study, traditionally focussing on the search for “solutions” to a “problem” that is scientifically undefined (and undefinable?) (Campos and Pradhan, 2007 ; Koechlin, 2013).
This thematic panel however sees the fight against corruption as an autonomous socio-political phenomenon. The strategies and dynamics of its empirical manifestations are not always and not necessarily linked to the fundamental objective of eradicating corruption. A number of studies have by now even identified the political character of these initiatives (De Sousa, Larmour and Hindess, 2009). Beyond that, institutionalist scholars (DiMaggio et Powell 1983) have demonstrated that, once a policy has been adopted or an institution set up, they tend to sustain themselves independently of the problem they were initially supposed to solve. In the case of corruption, despite the growing scale of anti-corruption efforts since the 1990s (McCoy, 2001 ; Hough, 2013) the problem does not seem to shrink (Damania, Fredriksson and Mani, 2004 ; Mishra, 2006 ; Von Soest, 2013 ; World Bank, 2017).
While the rich literature inspired by the fight against corruption is stuck in normative and intractable considerations about the problem of “corruption”, it should be noted that it has also been largely dominated by economic and legal perspectives. Academic work on anti-corruption is predominantly Anglo-Saxon in word and thought, even when it looks at non-Anglo-Saxon contexts.
In light of these considerations, it appears timely to produce academic inquiries that look at anti-corruption as an independent political object. Doing so in a non-Anglo-Saxon framework would also be opportune, to take distance from the orthodoxy in view to later be able to better engage with the mainstream literature. This is the core motivation for proposing this thematic section in the framework of the Congress of the French Political Science Association and of the Network of Francophone Political Science Associations. It aims to bring together researchers from different theoretical and geographical backgrounds sharing an interest in studying, with a critical yet constructive perspective, the forms, practices and justifications of the fight against corruption.
Axe 1 / La lutte contre la corruption, une prescription globale
Hítalo Silva (WFaria Advogados, Brésil), Transnationalization of anti-corruption laws in Latin America: challenges in the implementation of an effective Corporate Compliance Program
Thomas Scapin (Sciences Po Lyon), De la lutte contre la corruption à la promotion de la bonne conduite : socio-genèse des travaux sur la gestion de l’éthique publique à l’OCDE (décennie 1990)
Alain Eloka (Université de Lausanne / Sciences Po Bordeaux), Le répertoire des ‘coups’ dans la ‘lutte contre la corruption’
Denis Saint-Martin (Université de Montréal), À la rescousse des champions nationaux : le pouvoir politique des entreprises et la refonte du régime global de lutte à la corruption.
Sofia Wickberg (Sciences Po Paris), Transnationalisation du conflit d’intérêt : le rôle de la communauté internationale de lutte contre la corruption
Axe 2 / Dynamiques et traductions nationales de la lutte contre la corruption
Letícia Meniconi Barbabela (UCD Dublin, Irlande), How is fiscal decentralization related to individuals’ awareness of corruption in local governments?
Éric Phélippeau (Université Paris Nanterre), Mandat parlementaire, activités professionnelles privées et politiques de probité
Marianne Sévérin (LAM, Bordeaux), Serges D. Kamga (TMALI, Pretoria), La société civile et la lutte contre la corruption en Afrique du Sud. Comment l’OUTA a fait pression sur le parlement sud-africain dans un contexte de « State capture »
Stéphanie Yates et Étienne Cardin-Trudeau (Université du Québec à Montréal), Les portes tournantes en politique : Une influence illégitime du milieu des affaires dans la sphère politique ?
Maxime Boucher (University of Waterloo), Christopher Cooper (University of Ottawa), Denis Saint-Martin (Université de Montréal), Quis custodiet ipsos custodes? : Autoréglementation et portes tournantes dans le secteur financier au Canada
BOUCHER Maxime maxime.boucher@uwaterloo.ca
CARDIN-TRUDEAU Étienne
COOPER Christopher christopher.cooper@uottawa.ca
ELOKA Alain alain.eloka@unil.ch
KAMGA Serges D. dkamgsa@unisa.ac.za
MENICONI BARBABELA Letícia leticia.barbabela@ucdconnect.ie
PHELIPPEAU Éric ephelipp@parisnanterre.fr
SAINT-MARTIN Denis denis.saint-martin@umontreal.ca
SCAPIN Thomas thomas.scapin@sciencespo-lyon.fr
SEVERIN Marianne marianne.severin@gmail.com
SILVA Hítalo Silva hitalorick@gmail.com
WICKBERG Sofia sofia.wickberg@sciencespo.fr
YATES Stéphanie yates.stephanie@uqam.ca