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ST 56

Crises économiques et changements dans l’action publique : les apports d’une approche centrée sur les interactions d’acteurs

Crises and policy change: towards an interaction-centred approach

 

Responsables scientifiques :

Patrick Hassenteufel (Université de Versailles-Saint-Quentin-Paris-Saclay et Sciences Po Saint-Germain-en-Laye/ Printemps) patrick.hassenteufel@uvsq.fr
Sabine Saurugger (Univ. Grenoble Alpes, Sciences Po Grenoble, CNRS/ PACTE) Sabine.saurugger@iepg.fr

La crise des subprimes de 2007, suivie par la crise des dettes souveraines en 2009 a considérablement modifié le contexte dans lequel l’action publique est construite et produite. Les pays européens, en particulier, ont été confrontés à d’importants déficits budgétaires et à des niveaux de dettes croissants, créant à la fois des contraintes renforcées pour les acteurs des politiques publiques, tout en ouvrant des possibilités de changement. En effet de nombreuses « réformes » ont été adoptées depuis 2008 dans un contexte budgétaire, financier et monétaire plus contraint, rappelant le ‘Politics in hard times’ mis en avant par Gourevitch (1986) pour les crises des années 1930 et des années 1970. C’est cette combinaison de contraintes renforcées et d’opportunités de changement que nous souhaitons analyser dans cette section thématiques afin de comprendre les évolutions des politiques publiques dans plusieurs domaines en ne se limitant pas aux politiques économiques et en plaçant le cas français à la fois en perspective comparative et dans le cadre d’interdépendances supra-nationales multiples (européennes et internationales).

Si ces dernières années de nombreuses publications, essentiellement anglo-saxonnes (notamment les ouvrages de Bermeo & Pontusson, 2012 ; Schäfer & Streeck, 2013 ; Stuckler & Basu 2013 ; Schmidt & Thatcher 2013 ; Blyth, 2013; Thelen, 2014 ; Kickert et Randma-Liiv, 2015 ; Bauer, Jordan, Green-Pedersen et Héritier, 2012 ; Castells et al., 2018 et les numéros de revue suivants: Governance 25 (1) 2012, JEPP, Public Administration, Policy and Politics, Journal of Comparative Policy Analysis 18 (5), 2016, Western European Politics 37 (6) 2014, Politique Européenne n°42, 2013) se sont intéressées aux politiques publiques dans la crise, celles-ci ont privilégié des approches d’économie politique en se focalisant sur l’analyse des politiques d’austérité afin de souligner l’importance croissante des considérations budgétaires et financières dans la construction des politiques macro-économiques. De ce fait, elles ont porté une attention limitées aux autres domaines de politique publique (et même aux politiques industrielles comme le souligne Smith, 2014 : 140), si ce n’est celui des politiques sociales, l’État-Providence étant fortement impacté par les politiques d’austérité budgétaires (De la Porte, Heins, 2016 ; Schubert, De Vilota, Kuhlmann, 2016 ; King, Le Galès 2017 ; Hall, 2018). Par ailleurs, les analyses d’économie politique s’intéressent davantage au contenu et aux effets des réformes des politiques macro-économiques qu’aux processus politiques et aux interactions d’acteurs qui mènent à ces changements qui concernent plus largement l’ensemble des politiques publiques.

Sans négliger les apports des ces recherches qui sont devenues des approches dominantes dans l’analyse des crises économiques et financières, cette section thématique cherche à comprendre un autre aspect de l’action publique en temps de crise : celui des relations de pouvoirs entre acteurs en se demandant non seulement en quoi elles ont été modifiées par cette crise au long cours mais aussi comment elles permettent de comprendre les choix de politiques publiques effectués dans ce contexte. Plus largement, à travers l’analyse des politiques publiques en temps de crise, nous cherchons aussi à apporter des éléments de réponse à une des grandes questions de l’analyse des politiques publiques : à savoir pourquoi et comment les politiques publiques changent ? Pour ce faire nous partons de l’hypothèse que les rapports de force sont à la fois une variable dépendante et indépendante des changements dans l’action publique. Nous poursuivons donc ici la perspective développée par Bob Hancké, Martin Rhodes et Mark Thatcher (2007) qui ont inclus les réseaux d’élite et la structure de l’Etat dans l’analyse de l’économie politique, et plus spécifiquement dans le cadre conceptuel des « variétés des capitalismes ». Nous proposons d’aller plus loin en adoptant comme argument central guidant les contributions de cette section thématique le fait que la structuration des interactions de pouvoir, non seulement entre acteurs publics mais aussi avec les acteurs privés, aux différents niveaux de l’action publique (infra-nationaux, nationaux et supra-nationaux), est une clef de compréhension essentielle des transformations de l’action publique en temps de crise. L’attention est donc portée sur l’usage stratégique que les acteurs font du contexte, même fortement contraint économiquement et financièrement, afin de façonner les politiques publiques (Jessop 2005). Il renvoie au « travail politique » opéré par les acteurs pour problématiser les enjeux, proposer des instruments et légitimer des orientations (Smith, 2014).

Nous invitons donc des soumissions de papiers qui abordent cette question de manière comparative (dans le temps ou dans l’espace), dépassant le seul cas français et portant sur des domaines de politiques publique variés (défense, environnement travail/emploi, social, santé…). Sont particulièrement invités des travaux défendant ou critiquant les approches des variétés du capitalisme, qui permettent de discuter la pertinence ou les limites des approches centrées sur l’interaction entre acteurs. Des papiers permettant de comprendre, dans cette perspective analytique et comparative, les transformations institutionnelles (création de nouvelles institutions, déplacement des rapports de pouvoir au sein de l’État, évolution des rapports centre/périphérie …) et la construction de politiques de réponse à la crise à des niveaux supra-nationaux (européen et international) sont également attendus.

 

The subprime crisis of 2007, followed by the sovereign debt crisis in 2009 has considerably modified the context in which public policy making takes place in Europe. European countries have been confronted with important budget deficits and level of debts which have put pressure on the policy structures, paradigms and ‘ways of doing things’. A series of recent publications (Bermeo & Pontusson, 2012 ; Streeck, Schäfer, 2013 ; Stuckler/Basu 2013 ; Schmidt/Thatcher 2013 ; Blyth, 2013, 2014 ; Thelen, 2014 as well as special issues: Governance, JEPP, Public Administration, Policy and Politics …) have dealt with this puzzle from point of view of austerity politics, underlining the increased importance of budgetary and financial considerations on macro-economic policy-making in political economy approaches. These studies concentrate more on the policy content when analysing the reaction to the crises than on the processes and interactions that led to those. Hence, Bermeo and Pontusson (2012), for instance, point out three specificities of state economic policymaking responses to the crises: First, that states not in danger of default relied overwhelmingly on fiscal stimulus packages to cope with the crisis. Second, that the size and composition of fiscal stimuli varied considerably across states. Third, that the heavy reliance on fiscal stimulus, plus a radically different industrial policy, distinguished the reactions to the Great Recession from reactions to its predecessor. They underline, in particular the distinctiveness between these crises and the instruments used to address previous economic and financial crises such as protectionism, devaluation, and nationalization, which were, for the most part, absent in the current policy options that governments considered from 2008 to today.

Without neglecting this perspective, which became dominant in comparative politics, the papers of this panel aim at analysing the changing power relations between actors in policy-making under the stress, created by economic and financial crises. More precisely, why do changes occur, are power relations the dependent or independent variables of these changes, or both? We follow the critical perspective sketched out by Bob Hancké, Martin Rhodes and Mark Thatcher (2007) who included the influence of elite networks and the structure of the state into VoC frameworks. We suggest, however, to go a step further in arguing that the interaction of power structures among state or state and non-state actors allows us to understand the forms of public policy arrangements taken after the crisis.

This panel conceives of public policy as a dynamic processes generated by recursively related elements. The interaction between agents and structure, as well as the strategic use of structure by administrative agents (see also Jessop 2005), are at the centre of this panel’s papers. The specific transformations of actor configurations will be analysed from an actor-centred constructivist perspective, taking into account the multiple levels of action (supranational, national and local).

We invite in particular submissions dealing with these questions from a comparative perspective, both in time and in space, going beyond the French case. We particularly welcome papers defending or criticising the varieties of capitalism approach, which might allow to understand the usefulness, or on the contrary the limits of actor-centred approaches.

  

REFERENCES

Bauer M., A.J. Jordan, C. Green-Pedersen and A. Héritier (eds) (2012), Dismantling Public Policy, Oxford: Oxford University Press

Bermeo, N., & Pontusson, J. (Eds.). (2012). Coping with Crisis. Russell Sage Foundation.

Blyth, M. (2013). Austerity: the history of a dangerous idea. Oxford University Press.

Blyth, M. (2013). Paradigms and paradox: The politics of economic ideas in two moments of crisis. Governance, 26(2), 197-215.

Castells, M., Bouin, O., Caraça, J., Cardoso, G., Thompson, J., & Wieviorka, M. (Eds.). (2018). Europe’s crises. John Wiley & Sons.

King D., Le Galès P. (eds) (2017), Reconfiguring European States in Crisis, Oxford University Press

De la Porte C., Heins E. (2016), The Sovereign Debt Crisis, the Eu and Welfare State Reform, Palgrave,

Hall, P. A. (2018). Varieties of capitalism in light of the euro crisis. Journal of European Public Policy, 25(1), 7-30.

Hancké, B., Rhodes, M., & Thatcher, M. (Eds.). (2007). Beyond varieties of capitalism: Conflict, contradictions, and complementarities in the European economy. Oxford University Press.

Jessop, Bob (2005) Critical Realism and the Strategic-Relational Approach. New Formations: A Journal of Culture, Theory and Politics (56). pp. 40-53.

Kickert J.M., Randma Liiv T. (eds.) (2015), Europe Managing the Crisis. The Politics of fiscal consolidation, Routledge

Schmidt, V., & Thatcher, M. (Eds.) (2013) Resilient Liberalism in Europe’s Political Economy, Contemporary European Politics, Cambridge University Press, Cambridge University Press

Schubert K., de Villota P., Kuhlmann J. (2016), Challenges to European Welfare Systems, Springer

Smith A. (2014), « Les usages scientifiques de la crise de 2008 et suite. Les cas des European Studies, Politique Européenne, 44, p. 124-151.

Schäfer, A & Streeck, W.(Eds.). (2013). Politics in the Age of Austerity. John Wiley & Sons.

Stuckler, D., & Basu, S. (2013). The body economic: why austerity kills. Basic Books.

Thelen, K. (2014). Varieties of Liberalization and the New Politics of Social Solidarity. Cambridge University Press.

Patrick Hassenteufel (UVSQ) et Sabine Saurugger (Sciences Po Grenoble), Crises économiques et changements dans l’action publique : les apports d’une approche centrée sur les interactions d’acteurs

Tiago Moreira Ramalho (Sciences Po Paris, Centre for European Studies and Comparative Politics), The Rise of Heterodoxies and the Evolution of Austerity in Southern Europe / Discutants : Hélène Caune et Mehdi Arrignon

Lydie Cabane (Université de Leiden), From improvised banking crisis management to the institutionalisation of the banking union in the EU: explaining the emergence of banking resolutions / Discutants : Clément Fontan et Jean Joana

Pierre Pénet (Université de Genève), La fabrique de l’austérité : réseaux d’acteurs et ignorance stratégique / Discutants : Denis Saint-Martin et Catherine Hoeffler

William Genieys (Sciences Po Paris, Centre for European Studies and Comparative Politics), Les ressorts cachés de l’Affordable Care Act : ‘cost containment’ and custodians of state policies / Discutant : Louise Hervier et Simon Persico

ARRIGNON Mehdi mehdi_arrignon@yahoo.fr

CABANE Lydie l.d.cabane@fgga.leidenuniv.nl

CAUNE Hélène helene.caune@iepg.fr

FONTAN Clément clement.fontan@gmail.com

GENIEYS William william.genieys@sciencespo.fr

HASSENTEUFEL Patrick patrick.hassenteufel@uvsq.fr

HOEFFLER Catherine catherinehoeffler@gmail.com

JOANA Jean joana.jean@numericable.fr

LHERVIER Louise louisehervier@hotmail.com

MOREIRA RAMALHO Tiago tiago.moreiraramalho@sciencespo.fr

PENET Pierre pierre.penet@unige.ch

PERSICO Simon simon.persico@iepg.fr

SAINT-MARTIN Denis denis.saint-martin@umontreal.ca

SAURUGGER Sabine sabine.saurugger@iepg.fr