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Responsables scientifiques :
Magali, Della Sudda (CNRS-Centre Emile Durkheim) m.dellasudda@sciencespobordeaux.fr
Frédéric Gonthier (Sciences Po Grenoble, Université Grenoble Alpes, PACTE-CNRS) frederic.gonthier@iepg.fr
Parmi les mouvements sociaux contemporains, le mouvement des Gilets jaunes (GJ) a suscité de nombreuses interrogations et interprétations, largement liées à la combinaison de différents répertoires d’action collective concomitants et évoluant dans le temps. Dans sa première phase de « mobilisation de clavier », son cadrage relève surtout du registre contestataire des libéraux indépendants (Spire 2018). Les mots d’ordre antifiscaux, anti-État, voire anti-écologistes, donnent prise à une lecture en termes de mobilisation populiste, poujadiste et anti-démocratique.
Depuis les premiers actes, l’évolution des revendications et les actions des GJ ont conduit à complexifier la lecture. Si la référence au « peuple » est bien centrale dans le mouvement, le sujet collectif qui se donne à voir se définit surtout comme un peuple de travailleurs pauvres (Guerra et al., 2019), d’actifs « empêchés » de vivre de leur travail, issus des classes populaires (Collectif d’enquête Gilets jaunes, 2019) et moyennes (Le Lann et al., 2020 ; Dormagen et al., 2021). Par ailleurs, l’usage intense, non centralisé des réseaux sociaux et les tentatives de structuration du mouvement témoignent d’un élargissement des revendications au-delà de la taxe sur les carburants (Sebbah et al. 2018), vers le pouvoir d’achat, la justice sociale ou les transformations institutionnelles comme le Référendum d’initiative citoyenne. Médiatiquement moins visible, la mobilisation continue des GJ et les rapprochements initiés avec des groupes protestataires parfois très différents lors de la pandémie de Covid-19, invitent aujourd’hui -i.e, à l’été 2021- à nuancer le constat médiatique d’une disparition des GJ.
Cette ST interroge dans quelle mesure les GJ constituent un nouveau sujet politique, potentiellement porteur de revendications originales, fédérateur des mécontentements en cours ou à venir, et qui a désormais investi l’espace public à côté des organisations partisanes, syndicales et associatives traditionnelles ? A tout le moins, il s’agit de questionner le travail de subjectivation politique inédit (Jeanpierre, 2019 ; Tarragoni, 2016) qui a émergé avec les GJ, ainsi que son articulation à une logique de politisation des milieux populaires (Agrikoliansky et Aldrin, 2019).
Un peu plus de quatre ans après le début du mouvement, six élections (européennes, municipales, départementales et régionales, présidentielle et législatives) offrent un matériau sans précédent pour observer ce que les GJ font à la compétition politique.
La première session s’intéressera à la question des convergences et des logiques d’engagement, en mettant d’abord en perspective les GJ avec d’autres mouvements sociaux contemporains (Marches Climat, anti-passe sanitaire, Marche pour Adama), puis en examinant le rapport au mouvement GJ des militants de différentes familles politiques, afin d’impulser une réflexion générale sur la manière dont de nouveaux sujets politiques peuvent émerger et être portés à investir la compétition politique. La seconde session portera sur les formes et modes de politisation à l’œuvre dans le mouvement. La question de la subjectivation politique sera saisie à partir de deux entrées : celle des valeurs politiques et des logiques d’émancipation que ces valeurs sous-tendent ; celle des cadrages opérés dans et par le mouvement, en prêtant notamment attention aux enjeux de visibilité sous-jacents et à leurs effets sur l’offre politique.
Among contemporary social movements, the Yellow Vests (YVs) movement has raised numerous comments, mostly due to various repertoires of collective action that evolved over time and were highly contingent upon local configurations. In its first phase of ‘keyboard mobilization’, pundits depicted the movement as a protest of independent and small-business workers (Spire 2018). Then it was framed as populist and anti-democratic as a result of its anti-taxation and anti-statist, if not anti-ecological, mottos
Since the very first Acts, the claims and actions of the YVs have suggested more balanced insights. While the appeal to ‘the people’ is indeed pivotal, the collective subject that emerges is rather based on the ‘working poor’ (Guerra et al., 2019), workers struggling to make ends meet and coming from both the working class (Collectif d’enquête Gilets jaunes, 2019) and the middle class (Le Lann et al., 2020; Dormagen et al., 2021). On top of that, the large and non-centralized use of social networks, together with the attempts to unify the movement, point to the fact that grievances have gone beyond the fuel tax (Sebbah et al. 2018), expanding to purchasing power, social justice or institutional changes such as the Referendum on the Citizen’s Initiative. Today (i.e., summer 2021), though less visible in the media, the protest of the YVs is still vivid. The Covid-19 pandemic led potential protestors to turn to social networks and bridge with other social movements, thus suggesting to reconsider the media claim of a disappearance of the YVs.
This panel aims at addressing the extent to which the YVs represent a new political subject that has now taken over the public arena alongside traditional parties, unions and grassroot groups, with its specific grievances and the ability to coalize current or future discontent. At the very least, the panel will investigate the making of the unprecedented political subjectivation (Jeanpierre, 2019; Tarragoni, 2016) that occurred within the YVs movement, as well as its linkage with a process of politicization and self-consciousness from the working class (Agrikoliansky and Aldrin, 2019).
Four years after the outbreak of the movement, six elections (European, municipal, departmental and regional, presidential and legislative) will offer unprecedented material for making sense of how the YVs have shaped political competition. The first section of the ST will focus on logics of convergence and forms of commitment, first by putting the YV in perspective with other contemporary social movements (Climate Marches, protests against the health pass and compulsory vaccination, March for Adama), then by examining the relationship to the GJ movement of activists from different political families, in order to prompt a more general reflection on how new political subjects can emerge and are likely to invest the political competition. The second session will focus on the forms and modes of politicization within the movement. The question of political subjectivation will be addressed from two perspectives: political values and the underlying logics of emancipation; and the framing of the movement, paying particular attention to saliency issues and their effects on the political offer.
Références / References
Agrikoliansky É and Aldrin P (2019) Le mouvement des Gilets jaunes : un apprentissage en pratique(s) de la politique ? Politix n° 128(4). De Boeck Supérieur: 143–177.
Collectif d’enquête sur les Gilets jaunes (2019) Enquêter in situ par questionnaire sur une mobilisation en cours : une étude sur les Gilets jaunes. Revue française de science politique. 69-5: 869-892.
Le Lann Y et al. (2018) Enquête. Les gilets jaunes ont-ils une couleur politique ? L’Humanité. 19 décembre 2018
Dormagen et al. (2021), Le mouvement des Gilets jaunes, un mouvement anti-écologie ? Écologie & politique. 62.
Guerra T, Alexandre C and Gonthier F (2019) Populist Attitudes among the French Yellow Vests. Populism 3(1). 1–12.
Jeanpierre L (2019) In Girum. Les leçons politiques des ronds-points, Paris, La Découverte.
Sebbah et al. (2018) Les Gilets jaunes se font une place dans les médias et l’agenda politique. LERASS, rapport de recherche.
Spire A (2018) Résistances à l’impôt, attachement à l’Etat. Enquête sur les contribuables français. Paris. Seuil.
Tarragoni F (2016) Du rapport de la subjectivation politique au monde social. Raisons politiques 62-2: 115–130.
Session 1 – Convergence et logiques d’engagement
Axe 1 / Convergences et coalition en question
Discussion : Magali Della Sudda (CNRS-Centre Emile Durkheim)
Samuel Legris (École normale supérieure Paris-Saclay), Jeremy Ward (INSERM, CERMES3), ‘Gilets jaunes’ et « anti-pass sanitaire » berrichons : une convergence difficile
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Roman Vareilles (Cepel, Université de Montpellier), Acte 36 : les Gilets Jaunes marchent pour Adama. Conditions et effets d’une coalition improbable
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Chloé Alexandre (PACTE-CNRS, Sciences Po Grenoble – UGA), Fin du monde, fin du mois, même combat ? Tracer les contours sociopolitiques du profil des militants jaunes et verts à partir d’une enquête quantitative en miroir entre le mouvement et gilets jaunes et le mouvement climat
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Axe 2 / Logiques d’engagement des militants
Discussion à confirmer.
Elisabeth Godefroy (Centre Emile Durkheim-Sciences Po Bordeaux), La ‘peste brune’ des Champs Elysées. Entrisme(s), maintien et désengagement des militants des droites radicales extra-partisanes dans les « actes » parisiens des gilets jaunes
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Aldo Rubert (Université de Lausanne et Université de Bourgogne Franche-Comté), ’Ces cons qui ne s’intéressent pas à la politique sont un caillou dans sa chaussure’ : engagements électoraux d’un groupe de gilets jaunes normand
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Laura Chazel (PACTE-CNRS, Sciences Po Grenoble – UGA et Facultad de Ciencias Políticas y Sociología, Universidad Complutense, Madrid), De la rue aux institutions ? Comprendre le populisme de gauche par le prisme des mouvements sociaux : une analyse comparée des cas Podemos-Indignés et La France insoumise-Gilets jaunes
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Session 2 – Jeux d’échelle autour de la subjectivation
Axe 3 : Valeurs, subjectivation et émancipation
Discussion : Frédéric Gonthier (PACTE-CNRS, Sciences Po Grenoble – UGA)
Charif Elalaoui (CERReV), Étienne Walker (ESO-Caen, Université de Caen Normandie), Une politisation par le bas pour se constituer en tant que sujet(s) politique(s). Le cas des Gilets jaunes normand·es
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Thomàs Zicman de Barros (CEVIPOF, Sciences Po Paris), Les Gilets jaunes au-delà de la subjectivation
Tristan Guerra (PACTE-CNRS, Sciences Po Grenoble – UGA), E Pluribus Unum. Valeurs et cultures politiques des Gilets Jaunes
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Axe 4 : Politisations en ligne et mise à l’agenda
Discussion et intervention de clôture : Federico Tarragoni (LSCP, Université Paris Diderot)
Samuel Noguerra (Université de Montpellier), Un leadership numérique ? Usages et effets de Facebook sur l’organisation du mouvement des Gilets jaunes héraultais
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Olivier Baisnée, Alizé Cavé, Maximilien Gidon, Cyriac Gousset, Jérémie Nollet, Fanny Parent (Sciences Po Toulouse, LaSSP), Le mouvement des gilets jaunes et la mise à l’agenda des violences policières en manifestation. L’émergence d’une demande politique, entre auto-médiatisation, champ journalistique et offre électorale
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ALEXANDRE Chloé chloe.alexandre@sciencespo-grenoble.fr
BAISNEE Olivier olivier.baisnee@sciencespo-toulouse.fr
CAVE Alizé alize.cave@sciencespo-toulouse.fr
CHAZEL Laura laura.chazel@sciencespo-grenoble.fr
DELLA SUDDA Magali m.dellasudda@sciencespobordeaux.fr
ELALAOUI Charif charif.elalaoui@unicaen.fr
GIDON Maximilien maximiliengidon@gmail.com
GODEFROY Elisabeth e.gdfroy@gmail.com
GONTHIER Frédéric frederic.gonthier@iepg.fr
GOUSSET Cyriac cyriac.gousset@gmail.com
GUERRA Tristan tristan.guerra@iepg.fr
LEGRIS Samuel samuel.legris1@gmail.com
NOGUERRA Samuel samnog@live.fr
NOLLET Jérémie jeremie.nollet@sciencespo-toulouse.fr
PARENT Fanny parent.fanny@gmail.com
REUNGOAT Emmanuelle emmanuelle.reungoat@umontpellier.fr
RUBERT Aldo aldo.rubertechevarria@unil.ch
TARRAGONI Federico federico.tarragoni@gmail.com
VAREILLES Roman rvareilles@live.fr
WALKER Etienne etienne.walker@unicaen.fr
WARD Jeremy jeremy.ward.socio@gmail.com
ZICMAN DE BARROS Thomàs thomas.zicmandebarros@sciencespo.fr