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ST 60

Mesure des effets, effets de la mesure. Enjeux de connaissance dans le gouvernement des risques sanitaires liés à l’environnement

Measuring impacts, impacting policies. Knowledge and the government of environmental health problems

 

Responsables scientifiques :

Renaud Hourcade (CNRS, Arènes UMR 6051) renaud.hourcade@cnrs.fr
Jean-Pierre Le Bourhis (CNRS, Arènes UMR 6051) jean-pierre.Lebourhis@cnrs.fr

Exposition aux particules fines, aux résidus de pesticides, aux perturbateurs endocriniens, développement des maladies chroniques… La prise de conscience grandissante des dangers sanitaires d’origine environnementale a conduit depuis deux décennies à leur mise à l’agenda récurrente, tant à l’échelle internationale qu’européenne et nationale. Elle intervient dans un contexte de recours croissant et formalisé à l’expertise, de mise en place d’institution et d’agences spécialisées dans la production de connaissances décisionnelles, de légitimation des politiques par l’invocation de la science mais aussi, en retour, de politisation de la science et de mise en tension du champ scientifique (Frickel et al 2012 ; Buton et Pierru 2012).

Ces évolutions confèrent à la mesure des menaces et à leur divulgation auprès du public une place centrale tout au long du cycle politique, que ce soit dans le déclenchement de mobilisations, la définition des problèmes publics ou dans l’élaboration d’outils de gestion rationalisés (valeurs limites et seuils acceptables, zonages, étiquetage…). Ces processus prennent placent par ailleurs dans un cadre multiniveaux et au sein d’échanges transnationaux désormais très denses (Boudia, Henry, 2018), qui forcent à prendre en compte les circulations entre pays d’alertes, de connaissances et d’outils.

Depuis une quinzaine d’années, de nombreux de travaux se sont intéressés à ces questions, en France comme dans la littérature internationale. Ils ont attiré l’attention sur les mobilisations et militantismes basés sur les savoirs, les pratiques de production de doute et d’ignorance, les processus historiques de rationalisation de la gestion des risques (chimiques, radioactifs) et leur remise en cause en situation de controverse, ou encore le rôle des savoirs professionnels, comme ceux de la toxicologie réglementaire, dans l’orientation de l’action publique. Dans le prolongement de ces recherches, cette section thématique propose d’interroger les multiples tensions et transformations associées à la production de connaissances dans les domaines de la santé et de l’environnement et d’en explorer les impacts sur la construction des problèmes et sur l’action publique au croisement de ces deux secteurs.

Le moment parait opportun pour une telle entreprise pour au moins deux raisons. La première est la fréquence des mises à l’agenda gouvernemental des sujets de santé-environnement depuis quelques années, ceux-ci connaissant une phase de politisation accrue, de la régulation des phytosanitaires (glyphosate, néonicotinoïdes…) à la dénonciation de perturbateurs endocriniens omniprésents (alimentation, cosmétiques, plastiques). Ce contexte a ouvert de multiples terrains pour la recherche, du local à l’international, et permis un renouvellement des questionnements autour, par exemple, de l’harmonisation des évaluations des risques entre agences nationales (Bisphénol A) ou de la place des acteurs privés dans la production des connaissances régulatoire (procédures REACH sur l’enregistrement des substances chimiques).

La seconde raison est d’ordre plus général pour la science politique : les enjeux de santé-environnement offrent un terrain d’exploration privilégié pour interroger la technicisation des échanges politiques, évaluer les évolutions contemporaines dans les usages de la connaissance et l’impact de ces transformations sur la façon de déterminer les choix démocratiques. A cet égard, le dynamisme remarquable de la recherche française sur la place des sciences en société (et en politique) depuis une dizaine d’années justifie d’y consacrer un échange approfondi, en présence de chercheurs européens et internationaux, au cours du principal congrès de science politique.

 

Exposure to fine particles, pesticide residues, endocrine disruptors, rise of chronic diseases… The growing awareness of environmental health hazards has set them high on the political agenda, at the international, European and national level. This occurs against the backdrop of an increased recourse to expertise in policy making, the development of institutions and agencies specialized in the production of regulatory knowledge, and frequent strategies of legitimizing policies through the invocation of science. At the same time, evolutions in the politicization of science and increasing tensions in the scientific field have been noted (Frickel et al 2012, Buton and Pierru 2012).

These evolutions give a pivotal role to the measurement, and public disclosure, of dangers throughout the political cycle : measures can justify mobilizations, define public problems or guide public action through rationalized government tools (acceptable limit values and thresholds, zoning, labeling…). These processes also take place in a multilevel framework and within a dense network of transnational exchanges (Boudia, Henry, 2018), which make necessary to take into account the circulation of tools, knowledge and alerts between countries.

For fifteen years, many researches have addressed these issues, both in French and international literature. They have drawn attention to knowledge-based activism and mobilizations, the production of doubt and ignorance, the century-long institutionalization process of rationalized risk management (for chemical, radioactive substances) and its contestation through social and scientific controversies, or, at last, the role of professional knowledge, such as those of regulatory toxicology, in the making of public policies. Building on these studies, this thematic section proposes to explore the multiple tensions and transformations associated with the production of knowledge in the health and environmental domains and to question their impacts on problem definition and public policies in the two areas.

It seems timely to explore such issues for at least two reasons. First, environmental health problems have become common on governmental agendas in recent years and often involved increased politicization: regulation of pesticides and phytosanitary products (glyphosate, neonicotinoids…), denunciation of ubiquitous endocrine disrupters (in food, cosmetics, plastics)… This context has opened multiple new fields for research, both at the local and international level. It also introduced new questions such as, for example, the harmonization issues of risk assessments between national agencies (Bisphenol A) or the role of private actors in the production of regulatory knowledge (REACH procedures on the registration of chemical substances).

The second reason is of a more general nature for political science: environment health issues offer a privileged field of exploration regarding the growing technicization of political exchanges, contemporary evolutions in the uses of knowledge and the consequences of such transformations for the democratic debate. In this respect, the remarkable dynamism of French research on the place of science in society (and in politics) for the past ten years justifies a deep discussion of the topic, in the presence of European and international researchers, during the course of one of the major congresses of political science.

 

REFERENCES

Boudia, Soraya ,Emmanuel Henry, La mondialisation des risques Une histoire politique et transnationale des risques sanitaires et environnementaux, PUR, 2015

Brown Phil, Rachel Morello-Frosch, Stephen Zavestoski, Contested Illnesses. Citizens, Science, and Health Social Movement, Berkeley, CA: University of California Press, 2012.

Buton, François et Pierru, Frédéric. « Instituer la police des risques sanitaires ». Gouvernement et action publique, 2012, n°4, p. 67-90.

Frickel, Scott et Moore, Kelly (ed.). The new political sociology of science: Institutions, networks, and power. Univ of Wisconsin Press, 2006.

Axe 1 / Entrepreneurs de mesure : acteurs et mobilisations autour des instruments de connaissance

Discutante : Sara Angeli Aguiton (CNRS, Centre Alexandre Koyré)

David Demortain (INRA, UMR Laboratoire Interdisciplinaire Sciences Innovations Sociétés), Politique des modèles : Calcul des doses et pouvoir industriel dans l’administration des produits chimiques

Jean-Noël Jouzel (Centre de sociologie des organisations, CNRS-SciencesPo), Des mesures improbables. L’épidémiologie face à l’évaluation réglementaire des risques des pesticides

Mehdi Arrignon (Agroparistech, UMR PACTE), Le marché des mesures environnementales. Concurrence et monopole de l’information dans la lutte contre les pandémies

Axe 2 / La mesure en cause(s) : usages, contestations et détournements 

Discutant : Renaud Crespin (CSO, CNRS, SciencesPo)

Pierre Mayance (Université Paris I Panthéon-Sorbonne, CESSP UMR 8209), Mesurer le respect des normes pour promouvoir les bonnes pratiques. Une problématisation des produits phytosanitaires par l’industrie (1970-1990).

Gwenola Le Naour (Sciences Po Lyon, Triangle UMR 5206), « Logiques de l’ignorance ». Du conflit au silence, retour sur des démobilisations ouvrières et militantes des années 1970 aux années 1980.

Magalie Bourblanc (CIRAD, UMR G-EAU, Université de Montpellier)/ (CEEPA, University of Pretoria, South Africa) ; Gabrielle Bouleau (Irstea – Bordeaux, Unité « Environnement, territoires, infrastructures »), Expertise scientifique et cadrage de l’action publique : qualité de l’eau et « marées vertes »

ANGELI AGUITON Sara sara.aguiton@ehess.fr

ARRIGNON Mehdi mehdi_arrignon@yahoo.fr

BOULEAU Gabrielle gabrielle.bouleau@irstea.fr

BOURBLANC Magalie magalie.bourblanc@cirad.fr

CRESPIN Renaud renaud.crespin@sciencespo.fr

DEMORTAIN David david.demortain@inra.fr

HOURCADE Renaud renaud.hourcade@cnrs.fr

JOUZEL Jean-Noël jeannoel.jouzel@sciencespo.fr

LE BOURHIS Jean-Pierre jean-pierre.Lebourhis@cnrs.fr

LE NAOUR Gwenola gwenola.le.naour@sciencespo-lyon.fr

MAYANCE Pierre mayancep@gmail.com