le portail de la science politique française
Responsables scientifiques :
Catherine Hoeffler (EUI/Sciences Po Bordeaux) catherine.hoeffler@eui.eu
Clémence Ledoux (Université de Nantes) clemence.ledoux@univ-nantes.fr
(pour le collectif WPDPP)
La sociologie de l’action publique en France et dans les espaces francophones est marquée, depuis ses débuts, par la prépondérance d’approches qualitatives. Depuis quelques années, les présupposés et fondements des travaux développés ont donné lieu à des questionnements méthodologiques renouvelés. Ainsi par exemple, le recours quasi-systématique à l’entretien est interrogé (Bongrand, Laborier, 2005 ; Pinson, Sala Pala, 2007) ; les enjeux liés à la description des cas et des arguments sont soulignés (Kreuzer, 2019) ; la manière de mobiliser les sources écrites administratives est ré-examinée (Dupuy, Pollard, 2012 ; Née, Oger, Sitri, 2017) ; et les conditions d’archivage et de partage des enquêtes qualitatives font l’objet de discussions (Duchesne, 2017). Au-delà des seules questions de méthodes, ce sont des enjeux plus larges, liant épistémologie et méthodes, qui sont au cœur des réflexions : la manière de penser (ou pas) la causalité et l’explication, les moyens d’administrer la preuve, et plus largement les conditions de validité des recherches fondées sur des données qualitatives.
L’un des débats, particulièrement vif, porte plus spécifiquement sur la méthodologie du process-tracing (e.g. Beach, 2019 ; Bezes, Palier, Surel, 2018 ; Trampusch et Palier 2016). Le process-tracing a connu un large succès dans la communauté scientifique, plus précisément dans les sous-disciplines s’intéressant à l’analyse du changement des politiques, comme l’analyse des politiques publiques ou encore l’économie politique comparée. Considérée comme une tentative de clarification et de formalisation de certaines pratiques interprétatives et/ou explicatives dans l’analyse qualitative, cette méthodologie est aujourd’hui marquée par l’ambiguïté de sa définition et la pluralité de ses opérationnalisations. En effet, le process tracing peut être utilisé de manière extensive-permissive, pour mettre en mots et formaliser des pratiques de contextualisation historique et de démonstration de l’importance de mécanismes de changement. Mais le process tracing est aussi mobilisé, de manière plus stricte, comme méthodologie permettant de générer une explication causale, centrée exclusivement sur des inférences au sein d’un même cas. Les tentatives de circonscrire les mécanismes et domaines d’application du process-tracing ont mené au renforcement de ce deuxième type d’usages, dits limités-restrictifs, dans une épistémologie souvent résolument positiviste.
Cette section thématique a pour objectif de discuter des alternatives à la méthodologie du process-tracing ou, pour reprendre les termes de C. Hay (2016), à l’ambition du process-tracing. Les approches qualitatives en sociologie de l’action publique sont aux prises, comme d’autres, avec les injonctions méthodologiques liées à la scientificité des méthodes de collecte et d’analyse des données, à leur transparence et à leur caractère systématique. S’il convient donc de mieux les formaliser et d’être réflexif sur leur utilisation, cette réflexion méthodologique ne doit pas nécessairement déboucher sur une appropriation des critères de validité et des méthodes des approches positivistes ni sur un abandon du recours à l’interprétation (Passeron 2006).
Cette section thématique a l’ambition de rassembler des contributions s’attachant à expliciter et à discuter des fondements des analyses du changement de l’action publique, s’appuyant sur des méthodes qualitatives et, ainsi, à explorer les alternatives au process-tracing.
The sociology of public action in France and in the French-speaking world has been marked, since its beginnings, by the preponderance of qualitative approaches. In recent years, the presuppositions and foundations of the works in this field have given rise to renewed methodological questions. Thus, for example, the quasi-systematic use of interviews has been questioned (Bongrand, Laborier, 2005; Pinson, Sala Pala, 2007); the issues linked to the description of cases and arguments have been highlighted (Kreuzer, 2019); the way in which administrative written sources are mobilised has been re-examined (Dupuy, Pollard, 2012; Née, Oger, Sitri, 2017); the conditions for archiving and sharing qualitative surveys have been discussed (Duchesne, 2017). Beyond questions of method alone, broader issues, linking epistemology and methods, are at the heart of these reflections: the way of thinking (or not) about causality and explanation, the means of administering proof, and more broadly the conditions of validity of research based on qualitative data are questioned.
One of the debates, which is particularly lively, concerns more specifically the methodology of process-tracing (e.g. Beach, 2019; Bezes, Palier, Surel, 2018; Trampusch and Palier 2016). Process-tracing has gained widespread acceptance in the scientific community, more specifically in sub-disciplines concerned with the analysis of policy change, such as public policy analysis or comparative political economy. Considered as an attempt to clarify and formalise certain interpretative and/or explanatory practices in qualitative analysis, this methodology is today marked by the ambiguity of its definition and the plurality of its operationalisations. Indeed, process tracing can be used in an ‘extensive-permissive’ way, to put into words and formalise practices of historical contextualisation and demonstration of the importance of mechanisms of change. But process tracing is also mobilised, more strictly, as a methodology for generating a causal explanation, focused exclusively on inferences within a single case. Attempts to circumscribe the mechanisms and fields of application of process-tracing have led to the reinforcement of this second type of use, known as ‘limited-restrictive’, and linked to an epistemological perspective that can often be considered as clearly positivist.
The aim of this panel is to discuss alternatives to process-tracing methodology or, in the words of C. Hay (2016), to the ambition of process-tracing. Qualitative approaches in the sociology of public action are grappling, like others, with methodological injunctions related to the scientificity of data collection and data analysis, their transparency and their systematic nature. While it is therefore appropriate to formalise them better and to reflect on their use, this methodological reflection should not necessarily lead to an appropriation of the validity criteria and methods of positivist approaches or to an abandonment of the recourse to interpretation (Passeron 2006).
In this sense, this panel aims to bring together contributions that seek to clarify and discuss the foundations of policy change analyses based on qualitative methods and thus explore alternatives to process-tracing.
Références / References
Beach, D., Pedersen, R. B. (2019). Process-Tracing Methods: Foundations and Guidelines. University of Michigan Press
Bennett, A., George, A. (2005). Case Studies and Theory Development in the Social Sciences. Cambridge: MIT Press
Bezes, P., Palier, B., & Surel, Y. (2018). Le process tracing : du discours de la méthode aux usages pratiques. Revue française de science politique, 68(6), 961-965.
Bongrand, P., & Laborier, P. (2005). L’entretien dans l’analyse des politiques publiques : un impensé méthodologique ?. Revue française de science politique, 55(1), 73-111.
Duchesne, S. (2017). De l’analyse secondaire à la réanalyse. Une innovation méthodologique en débats. Recherches qualitatives. 21, 7-28.
Dupuy, C. & Pollard, P. (2012). A quoi servent les rapports administratifs d’expertise ? Retour sur une source écrite centrale en sociologie de l’action publique. Travaux de science politique/ Political Science Working Paper Series, Université de Lausanne, n°53.
Hay, C. (2016). Process Tracing: A Laudable Aim or a High-Tariff Methodology?. New political economy, 21(5), 500-504.
Kreuzer, M. (2019). The Structure of Description: Evaluating Descriptive Inferences and Conceptualizations. Perspective on Politics, 17(1), 122-139.
Née, É., Oger, C., & Sitri, F. (2017). Le rapport, entre description et recommandation, Mots, n°114, ENS Éditions.
Passeron, Jean-Claude. 2006. Le raisonnement sociologique : un espace non poppérien de l’argumentation. Paris : Albin Michel.
Pinson, G., & Pala, V. S. (2007). Peut-on vraiment se passer de l’entretien en sociologie de l’action publique ?. Revue française de science politique, 57(5), 555-597.
Trampusch, Christine, et Bruno Palier. 2016. « Between X and Y: How Process Tracing Contributes to Opening the Black Box of Causality ». New Political Economy 21 (5) : 437‑54.
Axe 1 / Discuter le process tracing
Présidente : Claire Dupuy (UCLouvain, ISPOLE)
Discutante : Sara Casella Colombeau (Université Grenoble Alpes, ILCEA4, ICM)
Deborah Galimberti (Centre Emile Durkheim, Bordeaux), On (causal) narratives and mechanisms. Reflections from two case-studies within the comparative historical approach
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Elen Le Chêne (CERAPS, Université de Lille & MESOPOLHIS, Université Aix-Marseille), Aymeric Mongy (CERAPS, Université de Lille), Apports et contradictions d’une approche en termes de process tracing des processus de changements dans l’action publique. Retour réflexif sur deux parcours doctoraux
Manon Ratel (Université de Droit et Science Politique de Montpellier, CEPEL), Penser les prolongements du process tracing dans la recherche autour du changement dans l’action publique éducative
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Luis Rivera Velez (Sciences Po/CERI), Compléter les « trous » laissés par le process tracing : l’utilisation de l’analyse contrefactuelle dans l’analyse des politiques publiques
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Axe 2 / Les alternatives au process tracing
Présidente : Julie Pollard (Université de Lausanne, IEP, LAGAPE)
Discutante : Sophie Jacquot (Université Saint-Louis – Bruxelles, CReSPo, IEE)
Laura Bonn (Université Sorbonne Nouvelle Paris 3 & Friedrich-Alexander-Universität, Erlangen-Nürnberg), Analyse de contenu qualitative comme alternative au process-tracing ?
Céleste Bonnamy (Université Libre de Bruxelles/CEVIPOL & Université Paris 1 Panthéon Sorbonne/CESSP), Le champ comme alternative au process-tracing ? Mobiliser les concepts de « Champ de l’Eurocratie » et de « travail politique » pour analyser une politique publique européenne
Patrick Hassenteufel (Université Paris-Saclay-UVSQ, laboratoire Printemps), Zittoun Philippe (ENTPE, laboratoire LATTS), L’approche pragmatique des processus de politique publique, une alternative au process tracing ?
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Blandine Mesnel (Université Paris 2 Panthéon Assas & CEE), Rivière Camille (CEMS, EHESS), De la mise en œuvre de deux volets de la politique agricole commune : les guides et formulaires administratifs comme artefact de l’action publique
BONN Laura Laura.Bonn@hotmail.de
BONNAMY Céleste celeste.bonnamy@gmail.com
CASELLA COLOMBEAU Sara sara.casella.colombeau@gmail.com
DUPUY Claire claire.dupuy@uclouvain.be
GALIMBERTI Deborah deborah.galimberti@gmail.com
HASSENTEUFEL Patrick patrick.hassenteufel@me.com
JACQUOT Sophie sophie.jacquot@usaintlouis.be
HOEFFLER Catherine catherine.hoeffler@eui.eu
LE CHENE Elen elen_lechene@hotmail.fr
LEDOUX Clémence clemence.ledoux@univ-nantes.fr
MESNEL Blandine blandine.mesnel@sciencespo.fr
MONGY Aymeric aymericmongy @gmail.com
POLLARD Julie julie.pollard@unil.ch
RATEL Manon Ratel.Manon@hotmail.fr
RIVERA VELEZ Luis luis.riveravelez@sciencespo.fr
RIVIERE Camille camille.riviere@ehess.fr
ZITTOUN Philippe pzittoun@gmail.com