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Responsables scientifiques :
Marcelo de Almeida Medeiros (Université Fédérale de Pernambuco, Brésil) mam14@uol.com.br
Frédéric Louault (Université Libre de Bruxelles, Belgique) flouault@ulb.ac.be
La qualification des démocraties est un défi permanent pour la science politique. Les classifications inondent la littérature, sur base de grilles analytiques minimalistes (procédurales), maximalistes (substantielles) ou intermédiaires. Mais malgré des réflexions prolifiques sur les changements de régimes, les critères permettant d’évaluer la « qualité » des démocraties peinent à considérer de manière convaincante les évolutions des régimes politiques (Collier & Levitsky 1997, Diamond 1999 ; O’Donnell 1999 ; Przeworski et al. 1997 ; Diamond & Morlino 2005, Mainwaring & Perez Liñan 2014, etc.). Les catégorisations typologiques ont montré leurs limites et de nombreux régimes politiques contemporains présentent des caractéristiques hybrides qui les rendent difficilement adjectivables (Dabène, Geisser & Massardier 2008, Diamond 2015). Dans le sillage des intuitions de Charles Tilly sur la dé-démocratisation (2003), de récents travaux ont néanmoins tenté de mieux expliquer – voire de conceptualiser – la transformation des démocraties contemporaines, faisant émerger des notions telles la récession démocratique (Levitsky & Way 2015) le glissement démocratique (Bermeo 2016) ou encore la régression démocratique (Tomini & Wagemann 2018). La Section Thématique ici proposée envisage de prolonger ces élans théoriques en puisant de nouveaux cas d’étude dans les démocraties contemporaines d’Amérique latine.
Cette aire d’étude présente en effet des cas particulièrement stimulants pour observer les enjeux actuels des affaiblissements démocratiques. Dans les années 1980, les gouvernements civils, portés par la troisième vague de démocratisation (Huntington 1991), s’y étaient efforcés de reconstruire et consolider des régimes démocratiques après un cycle politique marqué par l’affirmation des autoritarismes (Hagopian & Mainwaring 2005 ; O’Donnell & Schmitter 2013, etc.). Dans les années 2000, une série d’alternances électorales pacifiques, qualifiée de « virage à gauche » (Dabène 2012), semblait confirmer le fort ancrage des procédures démocratiques dans la région. Observant la prolifération d’innovations démocratiques, tant au niveau local que national, certains auteurs présentaient même l’Amérique latine comme un « laboratoire politique de l’Occident » (Couffignal 2013). Néanmoins, la fin du boom des matières premières et l’essoufflement de la croissance économique ont mis à jour, au tournant des années 2010, la fragilité des modèles de développement et des conquêtes démocratiques. Certaines expériences initialement progressistes se prolongent dans des dérives autoritaires (Venezuela depuis 2016, Nicaragua en 2018), tandis qu’une nouvelle instabilité politique touche plusieurs pays : coups d’Etat au Honduras (2009) et au Paraguay (2012), destitution du président du Guatemala (2015), destitution de la présidente du Brésil (2016), crise post-électorale au Honduras (2017-2018), démission du président du Pérou (2018), etc. Cette instabilité politique, alimentée par de nombreux scandales de corruption, vient nourrir la défiance des populations envers les gouvernants, les institutions et les régimes démocratiques.
L’objectif de la section thématique est de mobiliser des outils analytiques originaux pour évaluer les mutations récentes des démocraties contemporaines en Amérique latine et affiner les avancées théoriques sur les phénomènes d’affaiblissements ou de régressions démocratiques (en descendant notamment jusqu’à la street level democracy). Cette section permettra en outre d’examiner plus spécifiquement le rapport entre élections et démocratie en Amérique latine. Alors que des élections de premier ordre sont organisées dans seize pays de la région entre 2017 et 2019, plusieurs phénomènes incitent à réexaminer l’hypothèse d’ « élections contre la démocratie » (Dabène 2007) : une crise de l’offre politique, l’émergence d’outsiders qui remettent en question les règles du jeu démocratique et une désertion électorale croissante.
The assessment of democracies’ quality is a permanent challenge for political science. Based on minimalist (procedural), maximalist (substantial) or intermediate analytical grids, classifications spreads into literature. But despite teeming reflections on regime changes, the criteria for evaluating the « quality » of democracies have trouble to consider in a persuasive way the evolution of political regimes (Collier & Levitsky 1997, Diamond 1999; O’Donnell 1999; Przeworski et al. 1997 ; Diamond & amp; Morlino 2005, Mainwaring & Perez Liñan 2014, etc.). Typological categorizations have shown their limits and many contemporary political regimes have hybrid characteristics that make them difficult to be labeled (Dabène, Geisser & Massardier 2008, Diamond 2015). In the wake of Charles Tilly’s intuitions on de-democratization (2003), recent works have nevertheless attempted to better explain – even to conceptualize – the transformation of contemporary democracies, bringing out notions such as Democratic Recession (Levitsky & Way 2015) Democratic Slippage (Bermeo 2016) or Democratic Regression (Tomini & Wagemann 2018). This thematic section’s ambition is to extend these theoretical impulses by drawing new case studies in contemporary Latin American democracies.
This geographic area presents stimulating case studies to observe the current stakes of democratic weakening. In the 1980’s, civil governments, driven by the third wave of democratization (Huntington 1991), had attempted to rebuild and consolidate democratic regimes after a political cycle marked by the assertion of authoritarianism (Hagopian & Mainwaring 2005; O’Donnell & Schmitter 2013, etc.). In the 2000s, a series of peaceful electoral alternations, qualified as « left turn » (Dabène 2012), seemed to confirm the strong anchoring of democratic procedures in the region. Observing the proliferation of democratic innovations, both at the local and national levels, some authors even described Latin America as a « West political lab » (Couffignal 2013). Nevertheless, the end of the commodity boom and the slowing down of economic growth updated, at the turn of the 2010s, the fragility of development models and democratic conquests. Some initially progressive experiences moved towards authoritarian drifts (Venezuela since 2016, Nicaragua in 2018), while a new political instability affects several countries: coups in Honduras (2009) and Paraguay (2012), dismissal of the president of Guatemala (2015), controversial dismissal of the President of Brazil (2016), post-election crisis in Honduras (2017-2018), resignation of the President of Peru (2018), etc. This political instability, fueled by numerous corruption scandals, is nursing people’s mistrust of governments, institutions and democratic regimes.
The objective of the thematic section is to mobilize original analytical tools to evaluate the recent changes of contemporary democracies in Latin America and to refine the theoretical advances on the phenomena of democratic weakening or regressions (down to street level and grassroots focuses). This section will also examine more specifically the relationship between elections and democracy in Latin America. While first-order elections are held in sixteen countries in the region between 2017 and 2019, several phenomena encourage the re-examination of the hypothesis of « elections against democracy » (Dabène 2007): a crisis in the political supply, the emergence of outsiders who question the rules of the democratic game and a growing electoral defection.
Axe 1/ Représentations politiques et régressions démocratiques : approches comparatives
Président-discutant : Frédéric Louault (Université libre de Bruxelles, CEVIPOL)
Manuel Alcántara (Université de Salamanque) & Asbel Bohigues (Université de Salamanque), La fatigue démocratique dans l’Amérique latine contemporaine
Camila Carvallo (Université Catholique de Louvain), Le défi démocratique: la perception des jeunes du régime politique dans le Cône Sud
Charlotte Beaudoin (IEP de Grenoble), Opinions publiques et instabilités démocratiques en Amérique latine
Axe 2 / Régressions et recompositions démocratiques au concret
Président-discutant : Marcelo de Almeida Medeiros (Université Fédérale de Pernambuco)
Olivier Dabène (Sciences Po, CERI/OPALC), La démocratie entre appropriation et gouvernance de l’espace public
Thomas Posado (Université Paris-VIII, CRESPPA-CSU), Comprendre la régression démocratique au Venezuela à partir des conséquences pour les mouvements sociaux
Damien Larrouqué (Sciences Po, CERI), Frédéric Louault (Université libre de Bruxelles, CEVIPOL), Dario Rodriguez (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, CREDA), Destitutions présidentielles et régressions démocratiques en Amérique latine
ALMEIDA MEDEIROS (de) Marcelo mam14@uol.com.br
ALCANTARA Manuel malcanta@usal.es
BEAUDOIN Charlotte charlotte.beaudoin@etu-iepg.fr
BOHIGUES Bohigues Asbel asbogar@usal.es
CARVALLO Camila camila.carvallo@uclouvain.be
DABENE Olivier olivier.dabene@sciencespo.fr
LARROUQUÉ Damien damien.larrouque@sciencespo.fr
LOUAULT Frédéric flouault@ulb.ac.be
POSADO Thomas thomas.posado@free.fr
RODRIGUEZ Dario dario.rodriguez@sciencespo.fr