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ST 53

Politique publique et régime politique : back to basics

Policy analysis and political regime: back to basics

 

Responsables scientifiques :

Mamoudou Gazibo (Université de Montréal) mamoudou.gazibo@umontreal.ca
Olivier Provini (Université de La Réunion) olivier.provini@univ-reunion.fr

Cette section thématique s’intéresse à l’articulation entre la littérature de la sociologie de l’action publique – ayant eu tendance à l’hyperspécialisation – et les résultats des travaux sur les régimes politiques afin de rattacher, de nouveau, l’analyse des politiques publiques à des problématiques macrosociologiques structurantes à la science politique et aux sciences sociales.

Dans une perspective historique (Elias 1975 [1939], Tilly 1992), la question de l’action publique est indissociable de celle de la trajectoire de l’État et des institutions politiques en général. La nature du régime politique – entendu comme « les règles du jeu politique, l’aménagement institutionnel qui en découle et les relations corrélatives entre gouvernants et gouvernés » (Chazan et al., 1999, p. 140) – et de son idéologie est particulièrement cruciale pour comprendre la variété des gammes de politiques publiques (Lowi, 1972) d’un pays à un autre, par exemple dans le secteur social (Esping-Andersen, 1990 ; Pierson, 1994). Conjointement, la diversification des politiques publiques et des acteurs impliqués dans les processus de formulation et de mise en œuvre – ainsi que dans leurs succès ou échecs – est, pour partie au moins, directement dépendante des mutations qui affectent l’État et les régimes politiques. Dans un contexte marqué, d’une part, par la mondialisation créant des enjeux de politiques publiques transnationales et, de l’autre, par l’institutionnalisation d’acteurs subnationaux, la gouvernance est désormais coproduite (Evans, 1999 ; Papadopoulos, 1999 ; Le Galès 2003 ; Gazibo et Moumouni, 2017). Par conséquent, toute analyse des politiques publiques qui se veut heuristique ne peut éluder une réflexion sur l’État et les régimes politiques.

C’est en ce sens que l’hyperspécialisation de la sociologie de l’action publique constitue un risque notable (Dubois, 2009) pour le développement d’analyses pertinentes au plan scientifique. À partir des réflexions de P. Bezès et F. Pierru, il convient de se réjouir des analyses fondatrices sur l’« État au concret » (Padioleau, 1982) et sur l’« État en action » (Jobert et Muller, 1987) – ayant permis de multiplier les travaux afin de décomposer le tout « État », d’ouvrir la boîte noire des bureaucraties publiques et de démontrer l’incohérence interne de l’État (Levi 2002). Pour autant, les travaux en sociologie de l’action publique ont progressivement et peut-être paradoxalement « eu pour effet de couper l’analyse des politiques [publiques] des problématiques macrosociologiques et des réflexions théoriques et intégratrices sur l’État » (Bezès et Pierru, 2010, p. 494). Alors que l’articulation entre la sociologie de l’action publique et les régimes politiques s’effectue généralement en filigrane des recherches actuelles, l’enjeu de cette section thématique est de la remettre au cœur des réflexions d’un point de vue épistémologique, théorique, comparatif et empirique.

Cette proposition s’inscrit dans le cadre du programme de recherche FAPPA (Faire des Politiques Publiques en Afrique) porté par le laboratoire Les Afriques dans le Monde à Sciences Po Bordeaux. Mais cette section thématique tend, largement, à dépasser ce cadre initial afin d’établir de nouvelles collaborations scientifiques et de poursuivre l’internationalisation des questionnements et des résultats obtenus. Alors que le programme de recherche FAPPA propose de discuter, par les contextes africains, la validité scientifique et prétendument universelle des résultats des policy sciences accumulés au Nord, d’une part, et de réarticuler systématiquement la sociologie de l’action publique et la sociologie historique de l’État, d’autre part (Darbon et Provini, 2018), nous souhaitons, par cette entrée par les régimes politiques, travailler de nouvelles problématiques plus structurantes et transversales à la science politique et aux sciences sociales aux Suds et aux Nords. FAPPA pourra constituer, néanmoins, un soutien logistique et financier à la section thématique notamment pour faire venir des chercheurs du Canada et du continent africain, par exemple, afin d’y favoriser l’internationalisation comparée des débats et des cas d’études.

 

This thematic section focuses on the connections between the literature on public policy analysis – which tends towards a hyperspecialization – and the research on political regimes. The aim is to rearticulate policy analysis with the fundamental macrosociological questions of political and social sciences.

From a historical perspective (Elias 1975 [1939], Tilly 1992), public policies as they are understood today are coterminous with the state and its institutions. The nature of a political regime – defined as ‘‘the rules of the political game, its concomitant institutions and the way in which society is linked to the apparatus of the state’’ (Chazan and al., 1999, p. 140) – and its ideology are particularly crucial to understand the wide range of public policies (Lowi, 1972) from one country to another, for instance in the social sector (Esping-Andersen, 1990; Pierson, 1994). Concomitantly, the diversification of public policies and stakeholders involved in their formulation and implementation – as well as in their success or failure – depends at least partly on the changes affecting the state and political regimes. In a context shaped, on the one hand, by globalization giving rise to transnational policy processes and, on the other hand, by subnational stakeholders getting institutionalized, governance is increasingly being coproduced (Evans, 1999; Papadopoulos, 1999; Le Galès 2003; Gazibo and Moumouni, 2017). Consequently, to be productive, no research on public policy can sidestep the question of the state and political regimes among many other factors.

The hyperspecialization of policy analysis comes with a considerable risk (Dubois, 2009) for the development of relevant scientific studies. This is why the literature on the “concrete state” (Padioleau, 1982) and the “state in action” (Jobert and Muller, 1987), inspired by the reflections of P. Bezès and F. Pierru, are to be welcomed. In fact, this important literature has led to increased attempts to unbundle the “state” as a whole, to open the black box of public administration and to reveal the incoherence within the state (Levi, 2002). However, research on public action increasingly and perhaps paradoxically “has had the effect of cutting off [public] policy analysis from macrosociological problems and theoretical and inclusive reflections about the state” (Bezès and Pierru, 2010, p. 494). In current studies, the articulation of policy analysis and political regimes is instead addressed implicitly. Hence, the aim of this thematic section is to make it again a central epistemological, theoretical, comparative and empirical concern.

The current proposal is part of the research program FAPPA (Faire des Politiques Publiques en Afrique, Making public policies in Africa), carried out by the laboratory Les Afriques dans le Monde at Sciences Po Bordeaux. However, the thematic section aims to exceed this initial frame to establish new scientific collaborations and to continuingly internationalize available research results. Based on empirical observations made in African contexts, the research program FAPPA, on the one hand, discusses the scientific and allegedly universal validity of the results of policy sciences accumulated in the North and, on the other hand, seeks to systematically articulate policy analysis and historical sociology of the state (Darbon and Provini, 2018). Through the lens of political regimes, we aim to treat new structuring and transversal problems of political science and social science in the South and the North. Nevertheless, FAPPA can provide a logistical and financial support for the thematic section to invite researches from Canada and the African content, which is crucial for encouraging comparative and internationalized debates and case studies.

 

REFERENCES

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Axe 1

Président de la séance : Mamoudou Gazibo (Université de Montréal)
Discutants : Dominique Darbon (Sciences Po Bordeaux) et Olivier Provini (Université de La Réunion)

Abdoul Karim Saidou (Université Ouaga 2), Régimes de transition et changement de politiques publiques en Afrique: analyse des exemples du Niger et du Burkina Faso
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Benjamin Chemouni (Université de Cambridge et Wolfson College), Penser l’action publique en contexte autoritaire : les politiques publiques dans le secteur de l’électricité au Rwanda

Valentine Schehl (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), La régulation de la participation à l’action publique en contexte autoritaire : le cas de la politique des prix du pain au Maroc

Axe 2

Président de la séance : Olivier Provini (Université de La Réunion)
Discutants : Dominique Darbon (Sciences Po Bordeaux) et Mamoudou Gazibo (Université de Montréal)

Jonas Weko (Université Paris 2 Panthéon-Assas), Régimes politiques et politiques sociales : comparaison des politiques de santé au Rwanda, au Nigéria et en Afrique du Sud
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Maude Benoit et Gabriel Lévesque (Université du Québec à Montréal), Que la politique de législation de cannabis nous apprend-elle sur le régime politique canadien ?
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Pauline Bendjebbar (Université Paris-Est), Trajectoires comparées d’institutionnalisation de l’agriculture biologique en Ouganda et au Bénin

BENDJEBBAR Pauline p.bendjebbar@gmail.com

CHEMOUMI Benjamin bc500@cam.ac.uk

BENOIT Maude benoit.maude@uqam.ca

DARBON Dominique d.darbon@sciencespobordeaux.fr

GAZIBO Mamoudou mamoudou.gazibo@umontreal.ca

LEVESQUE Gabriel levesque.gabriel.3@courrier.uqam.ca

PROVINI Olivier olivier.provini@univ-reunion.fr

SAIDOU Abdoul Karim akarims40@yahoo.fr

SCHEHL Valentine valentineschehl@gmail.com

WEKO Jonas jonasweko@hotmail.com