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ST 40

La part du monde dans la politique de l’Union européennes

The external dimension of European Union politics

 

Responsables scientifiques :

Samuel B.H. Faure (Sciences Po Saint-Germain-en-Laye / Printemps) samuel.faure@sciencespo-saintgermainenlaye.fr
Natasha Wunsch (Sciences Po Paris / CEE) natasha.wunsch@sciencespo.fr

 

« Souveraineté européenne », « Europe géopolitique », « autonomie stratégique », etc. : il ne se passe pas une semaine sans que les acteurs institutionnels du champ de l’Eurocratie (Georgakakis, 2012) utilisent ces labels pour expliciter leur stratégie politique au travers de leurs discours officiels et autres tweets (Bora, 2019). Les représentant-e-s des groupes d’intérêts, les journalistes spécialisés et les expert-e-s ont également intégré ces termes à leur langage professionnel ordinaire. Le Collège de France a même ouvert un cycle de conférences sur le sujet au printemps 2021. En outre, pas un seul secteur d’action publique ne semble échapper à cette catégorisation des problèmes publics européens. Ce n’est pas seulement les enjeux liés à la politique internationale de l’UE qui sont visés (Petiteville, 2006), mais l’ensemble des politiques communautaires. Il est dorénavant question de « souveraineté alimentaire », d’« autonomie industrielle », ou encore de « souveraineté sanitaire ». Il en va de même du défi démocratique et des mouvements populistes en Europe qui sont décryptés comme influencés par des évènements se déroulant à l’extérieur de l’UE (Trump, Bolsonaro, Erdogan). La politique de l’UE semble donc déterminée par les dépendances réciproques qu’elle entretient avec le « monde » c’est-à-dire par les acteurs qui se situent à l’extérieur de ses frontières tels que la Chine, les États-Unis ou les GAFA, ainsi que les phénomènes globaux (réseaux sociaux, pandémies, flux migratoires). La « polycrise » des années 2000 et 2010 – Grande Récession, guerre en Ukraine, attaques terroristes, Brexit, Covid-19 (Mégie, Vauchez, 2014 ; Van Middelaar, 2017 ; Voltolini, Natorski, Hay, 2020) – a soudain révélé cette interdépendance de l’UE vis-à-vis du monde.

Ce constat qui pourrait relever de l’évidence est un impensé de l’étude de la politique européenne. Dès les années 1950, l’UE s’est institutionnalisée pour répondre à des objectifs de politique interne : la paix, la prospérité, la libre circulation (Moravcsik, 1998 ; Stone Sweet, Sandholtz et Fligstein, 2001). De fait, la question de la dépendance de l’UE au monde, ou pour le dire autrement de sa « souveraineté », ne se posait pas dans la mesure où l’enjeu était de gérer les interdépendances politiques et économiques au sein de l’UE entre « État-nations » puis « État-membres » (Bickerton, Hodson et Puetter, 2015). L’UE était, si l’on peut dire, hors du monde, c’est-à-dire politiquement indépendante de celui-ci ; l’intégration politique de l’UE étant peu affectée par la dynamique de mondialisation (Fligstein et Mérand, 2002). Cela n’est pas antinomique avec l’émergence, il y a déjà plusieurs décennies, d’une politique du commerce extérieur de l’UE (Meunier, da Conceicao-Heldt, 2015), d’une politique d’élargissement (Wunsch, 2016 ; Richter, Wunsch, 2020), d’une politiques étrangère (Lequesne, 2015 ; Bicchi, Bremberg, 2018 ; Deschaux-Dutard, Lequesne, 2020) et même d’une politique de défense (Faure, 2016). Ces politiques publiques consistaient à « projeter » l’UE sur la scène internationale, dans un rapport « sortant » de l’UE vers le monde, afin que l’UE agisse à l’extérieur de ses frontières (Saurugger, 2020).

C’est la dynamique inverse que nous souhaitons interroger dans le cadre de cette section thématique en prenant pour objet d’étude la variable explicative « monde » qui demeure un angle mort de la sociologie politique de l’UE et plus largement de la sociologie de l’action publique européenne (Hassenteufel, Saurugger, 2021). Notre objectif est donc de rendre compte de ce « défi géopolitique » c’est-à-dire de la manière dont la politique mondiale transforme les politiques publiques de l’UE, sa gouvernance et les sociétés démocratiques qui la constituent.

 

European sovereignty’, ‘geopolitical Europe’, ‘strategic autonomy’, etc. Not a week goes by without institutional actors in the field of Eurocracy (Georgakakis, 2012) using these labels to explain their political strategy through their official speeches and social media interventions (Bora, 2019). Representatives of interest groups, specialized journalists and experts have also integrated these terms into their ordinary professional language. The Collège de France even conducted a series of conferences on the subject in spring 2021. Moreover, not a single sector of public action seems to escape this categorization of European public problems. It is not only issues related to the EU’s international policy that are targeted (Petiteville, 2006), but all community policies. Politicians speak of ‘food sovereignty’, ‘industrial autonomy’, or « health sovereignty ». The same applies to the democratic challenge and populist movements in Europe, which are discussed as being influenced by events taking place outside the EU (Trump, Bolsonaro, Erdogan). The EU’s policy thus seems to be determined by the reciprocal dependencies it has with the « world, » i.e. by actors outside its borders such as China, the United States or GAFA, as well as by global phenomena (social networks, pandemics, migratory flows). The ‘polycrisis’ (Zeitlin, Nicoli, Laffan 2019) of the 2000s and 2010s – Great Recession, war in Ukraine, terrorist attacks, Brexit, Covid-19 (Mégie, Vauchez, 2014; Van Middelaar, 2017; Voltolini, Natorski, Hay, 2020) – suddenly revealed this interdependence of the EU vis-à-vis the world.

This observation, which could be taken for granted, remains underexplored in the study of European politics. As early as the 1950s, the EU was institutionalized to meet internal policy objectives: peace, prosperity, free movement (Moravcsik 1998; Stone Sweet, Sandholtz and Fligstein 2001). Indeed, the question of the EU’s dependence on the world, or to put it another way, its ‘sovereignty,’ did not arise insofar as the issue was to manage political and economic interdependencies within the EU between « nation-states » and then « member-states » (Bickerton, Hodson and Puetter, 2015). The EU was, so to speak, ‘outside’ of the world, i.e. politically independent of it; the EU’s political integration being little affected by the dynamics of globalization (Fligstein and Mérand, 2002). This is not inconsistent with the emergence, already several decades ago, of an EU external trade policy (Meunier, da Conceicao-Heldt, 2015), an enlargement policy (Wunsch, 2016; Richter, Wunsch, 2020), a foreign policy (Lequesne, 2015; Bicchi, Bremberg, 2018; Deschaux-Dutard, Lequesne, 2020) and even a defense policy (Faure, 2016). These public policies consisted of ‘projecting’ the EU onto the international scene, in an ‘outgoing’ relationship from the EU to the world, so that the EU acted outside its borders (Saurugger, 2020).

It is the opposite dynamic that we wish to examine in this thematic section by taking as an object of study the explanatory dimension of the ‘world,’ which remains a blind spot in the political sociology of the EU and more broadly in the sociology of European public action (Hassenteufel, Saurugger, 2021). Our objective is therefore to account for this ‘geopolitical challenge,’ i.e. the way in which global politics transforms the EU’s public policies, its governance and the democratic societies that constitute it.

La présidence et la modération de la ST seront assurées par les deux coordinateurs de la ST, Samuel B.H. Faure (Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, Printemps) et Natasha Wunsch (Sciences Po Paris, CEE).

Pierre Haroche (Institut de recherche stratégique de l’École militaire / IRSEM) , What is a ‘Geopolitical Commission’? Supranationalism meets global power competition
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David Cadier (Université de Groningen), Entre discours et défi géopolitique : la géopolitisation des politiques de l’Union européenne à l’égard de l’Ukraine
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Adrien Estève (Sciences Po Paris / CERI), Entre circulation conceptuelle et transferts institutionnels. La part du monde dans la diplomatie européenne sur la sécurité climatique
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Léonard Colomba-Petteng (Sciences Po Paris / CERI), La part d’Afrique dans la politique de l’Union européenne : les « usages » de la PESC par le gouvernement du Niger
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CADIER David david.cadier@gmail.com

COLOMBA-PETTENG Léonard leonard.colombapetteng@sciencespo.fr

ESTEVE Adrien adrien.esteve@sciencespo.fr

FAURE Samuel B.H. samuel.faure@sciencespo-saintgermainenlaye.fr

HAROCHE Pierre pierre.haroche@irsem.fr

WUNSCH Natasha natasha.wunsch@sciencespo.fr