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Repenser le rôle des Policy Analysis dans les processus de politiques publiques

Rethinking the Role of Policy Analysis in the Policy Process

Responsables scientifiques
Patrick Hassenteufel (Université Versailles Saint-Quentin-Paris Saclay/ Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, Printemps) patrick.hassenteufel@uvsq.fr
Philippe Zittoun (LAET-ENTPE, Université de Lyon) pzittoun@gmail.com

Dans les années 1980, plusieurs chercheurs français (J. Leca, Y. Mény, JC Thoenig, JG Padioleau …) ont développé un nouveau champ de recherche qu’ils ont appelé « L’analyse des politiques publiques » en important des travaux américains (Leca et Muller 2008) qui, paradoxalement, se situent moins dans ce que ces derniers ont l’habitude d’appeler les « Policy Analysis » que dans ce qu’ils qualifient au sein du champ des « Policy Studies » de « Policy Process Studies ».
Dans le champ américain, on peut en effet différencier, d’un, côté les manuels et ouvrages qui utilisent principalement le terme de « Policy Analysis » comme celui de William N. Dunn, de Lewis G. Irwin ou d’Eugene Bardach et ceux qui privilégient le terme « Policy Process » comme ceux de Michael Hill, de John Hudson et Stuart Lowe, de Paul Sabatier et Christopher Weible ou encore, plus ancien, de Charles Jones (Dunn 2003; Bardach 2008; Hill 2014; Hudson et Lowe 2004; Sabatier et Weible 2014; Irwin 2015). S’il existe évidemment des manuels qui abordent une perspective plus générale sur les « Public Policy » comme l’Oxford Handbook, on retrouve cette distinction dans le découpage intérieur avec une partie dédiée par exemple aux « Modes of Policy Analysis » (Moran, Rein, et Goodin 2008).
La particularité des « Policy Analysis » est d’abord d’être une « problem-solving discipline » (Dunn, p. 1) pour reprendre le terme de William Dunn, c’est-à-dire une discipline dont la vocation est de développer des outils méthodologiques et des instruments analytiques pour résoudre les problèmes publics. Il s’agit donc de « tâches intellectuelles » qui ont vocation de permettre à de futurs professionnels, les policy analysts, de fournir des conseils avisés, rigoureux et inspirés (Lasswell 1971). Le terme de Policy Analysis est d’abord utilisé en économie mais se développe aussi en science politique dès les années 1950. Parmi les méthodes analytiques les plus connues, on peut citer les analyses dites coûts/bénéfices (Peters 2015) , celles dites multicritères (Irwin, 2015) ou encore les méthodes incrémentales (Charles E. Lindblom 1958). A l’inverse, les « Policy Process Studies » se tournent délibérément vers la compréhension de processus, en particulier la fabrique (« policymaking »), le changement (« policy change ») et la mise en œuvre (« implementation ») en proposant d’en saisir les dynamiques et d’en comprendre les causes. Cette orientation sur les processus émerge surtout dans les années 1970 en s’inspirant des travaux sur la décision des années 1950 et 1960 (Lasswell 1956; Simon 1944) au sein du champ de la science politique. Des auteurs tels que Charles Jones (« Attention in this book is directed to policy process ») (Jones, 1970, p. 25) ou James Anderson (« Public Policy can be study to gain greater knowledge on its origin, the processes by which is it developed », Anderson 1975, p. 7), affirment cette forte orientation en consacrant leurs ouvrages au processus lui-même. Cette orientation est reprise également par des auteurs tels que Charles Lindblom qui publie un ouvrage sur le processus de fabrique, « The policy-making process » (Lindblom 1968) tout en y interrogeant le rôle des Policy Analysis. L’émergence de nombreux travaux politistes vers l’étude des processus n’a pas pour autant mis fin aux travaux de Policy Analysis. Les travaux plus normatifs des Policy Analysis permettent aux chercheurs américains non seulement de légitimer leur travaux compréhensifs dans un champ académique souvent attaqué mais aussi de produire un savoir plus professionnalisant qu’ils dispensent aux futurs Policy Analyst, les futurs hauts fonctionnaires bénéficiant d’un enseignement bien plus universitaire qu’en France. Au-delà des enjeux de légitimation, la présence concomitante des deux champs d’études a facilité leur porosité et ouvert des questionnements de recherche particulièrement intéressants.
Paradoxalement, si les pionniers français ont laissé de côté l’aspect normatif et analytique des travaux de politiques publiques américain compte-tenu des traditions académiques françaises, ils ont gardé le terme « Analyse des Politiques Publiques » comme intitulé non plus d’une activité intellectuelle spécifique mais de l’ensemble du sous-champ des politiques publiques « à la française ». Le chapitre inaugural du tome quatre du Traité de Science Politique écrit par Jean-Claude Thoenig s’intitule ainsi « L’analyse des politiques publiques » et si l’auteur fait bien la distinction entre « policy analysis » et « policy design » (Thoenig 1985), il regroupe dans le premier terme essentiellement des références aux « Policy Process Studies » plus qu’à une « problem-solving orientation ». De ce point de vue, le développement du terme pour désigner un champ en plein institutionnalisation n’a jamais vraiment été réinterrogé à l’aune de son sens (que signifie « Analyse » pour un champ académique) et de ses usages anglo-saxons.
Au-delà de la simple erreur de traduction, ce qui est fréquent dans l’exercice d’importation et que l’on retrouve par exemple pour le terme « Problem Agenda setting », et qui pourrait se clore avec un changement de nom du champ disciplinaire, c’est toute la problématique du rôle des Policy Analysis dans les processus qui a été ignorée et que cette section thématique veut remettre à l’ordre du jour. En effet, dès l’émergence de travaux sur les processus et probablement compte-tenu de la porosité évoquée, l’une des questions que se posent les chercheurs anglo-saxons est de comprendre le rôle des Policy Analysis dans les processus qui touchent les politiques publiques. C’est par exemple le cas dans les travaux de Lindblom qui, après avoir défendu les vertus de l’analyse incrémentale, se demande comment les acteurs choisissent et utilisent du savoir sur les politiques publiques dans les processus (Lindblom 1968; Lindblom 1979). Si ces questions ont parfois été abordées dans les travaux français proposant une focale particulière sur l’expertise par exemple, elles s’interrogent malgré tout peu sur l’influence de ce type de savoir sur les processus et surtout cette question de la production du savoir sur les politiques publiques reste le plus souvent cantonnée à cette catégorie d’acteurs.
Dans un ouvrage collectif à paraître en 2017 sur cette question des « Policy Analysis » en France (Halpern, Hassenteufel, Zittoun, 2017), la plupart des auteurs sollicités commencent ainsi leur réflexion en indiquant à la fois la pauvreté des sources qu’ils ont à leur disposition et la richesse qu’ouvre une telle problématique. Il n’existe ainsi que peu de travaux qui interrogent les cadres disciplinaires, les méthodes empiriques, les approches analytiques et les outils conceptuels que déploient les parlementaires lorsqu’ils élaborent des rapports, les haut-fonctionnaires d’un Ministère et/ou d’un grand corps, les collectivités locales, les groupes d’intérêts, les syndicats, les mouvements sociaux, les partis politiques, les think tanks etc. Nous faisons donc l’hypothèse qu’ouvrir une telle perspective de recherche peut s’avérer particulièrement riche en enseignement sur les processus eux-mêmes.
La section thématique sera organisée en trois temps. Dans un premier temps nous reviendrons sur l’émergence de la Policy Analysis en France en faisant porter la focale sur le poids de la sociologie des organisations et sa diffusion dans le champ politique. Puis, nous mettrons le cas français en perspective comparative avec les cas de la Belgique et de l’Allemagne, à partir de la notion de style d’analyse (Hassenteufel, Zittoun, 2017). La section thématique se terminera par une analyse de la Policy Analysis dans un domaine de politique publique : celui de la santé, afin de s’interroger sur les spécificités sectorielles.

This thematic section seeks to make a return to the American distinction between policy analysis and policy process studies. Drawing on the studies by William Dunn, policy analysis studies can be perceived as a “problem-solving discipline” (Dunn, p. 1), i.e., as a discipline which focuses on the development of analytical tools and methodological instruments to support the problem-solving process. These “intellectual tasks” allow future practitioners and policy analysts to produce rigorous and relevant advice (Lasswell, 1971). Although the term “policy analysis” is mainly used in Economics, it is also widely used in Political Sciences with the famous cost-benefit analysis, multiple criteria analysis or incrementalism (Lindblom, 1958). On the contrary, “policy process studies” focus on understanding processes and their causes and, specifically, policymaking, policy change and policy implementation.
Paradoxically, French academics have shown little interest in the normative aspect of policy analysis given the French political science tradition. However, they have preserved the term “Analyse des Politiques Publiques” to refer to the sub-field of policy studies. The title of the first chapter in volume 4 of the “Traité de Science Politique” by Jean-Claude Thoenig is “Analyse des Politiques Publiques”. While Thoenig established a clear distinction between policy analysis and policy design (Thoenig 1985), he essentially relied on existing policy process literature rather than on policy analysis. Given this perspective, developing this term to refer to a domain in the midst of institutionalisation has never really been re-examined in the light of its meaning (i.e., “analyse” in the academic field) and its Anglo-Saxon usage.
Beyond translation errors which are common when importation occurs, French policy studies have often overlooked the role of policy analysis. In this section, we propose to revive this issue in Academia. Since the emergence of policy process studies, and taking into account the aforementioned porosity, US researchers have largely questioned the role of policy analysis in the policy process. For instance, analyzing policymaking, Lindblom (Lindblom, 1968; Lindblom, 1979) argued that it was necessary to understand how the main actors made, chose and used policy analysis knowledge. While similar questions have occasionally been addressed in French policy studies such as those that focus on expertise, these studies have paid little attention to how this type of knowledge influences the policy process. As a result, the analysis of the making of policy knowledge has remained largely confined to this specific category of actors.
Lastly, very few French studies have examined the analytical frameworks, empirical methods, types of policy analysis and the conceptual tools used by members of parliament, high-ranking civil servants, local government, interest groups, trade unions, social movements, political parties, think tanks, etc. We believe that opening up this research perspective can lead to a better understanding of the policy process.
The section will tackle three main issues: the influence of sociology in the development of policy analysis in France, the comparison of the policy analytical styles (Hassenteufel, Zittoun, 2017) in different European countries (France, Belgium and Germany) and the specificities of policy analysis in the healthcare sector.

REFERENCES

Anderson, James. 1975. Public Policy-making. New York: Praegger.
Bardach, Eugene. 2008. A Practical Guide for Policy Analysis: The Eightfold Path to More Effective Problem Solving. 3rd Revised edition. CQ Staff Directories,US.
Dunn, William N. 2003. Public Policy Analysis: An Introduction. Prentice Hall.
Halpern C., Hassenteufel P., Zittoun P., 2017, Policy analysis in France, The Policy Press, à paraître
Hassenteufel P., Zittoun P., “Policy Analytical Styles” dans Brans M., Geva-May I., Howlett M., Routledge Handbook of Comparative Policy Analysis, Routledge, 2017
Hill, Michael. 2014. The public policy process. Routledge.
Hudson, John, et Stuart Lowe. 2004. Understanding the Policy Process: Analysing Welfare Policy and Practice. Policy Pr.
Irwin, Lewis G. 2015. The Policy Analyst’s Handbook: Rational Problem Solving in a Political World: Rational Problem Solving in a Political World. Routledge.
Jones, Charles O. 1970. An introduction to the study of public policy. Wadsworth series in public policy. Belmont, Calif.,: Wadsworth Pub. Co.
Lasswell, Harold D. 1971. A Pre-View of Policy Sciences. American Elsevier Pub. Co.
Leca, Jean, et Pierre Muller. 2008. « Y a-t-il une approche française des politiques publiques ? Retour qur les conditions de l’introduction de l’analyse des politiques publiques en France. » In Politiques Publiques et démocratie, édité par Philippe Giraud et Philippe Warin, 3572. Paris: Seuil.
Lindblom, CE. 1979. « Still Muddling, Not Yet Through ». Public Administration Review 39 (6): 51726.
Lindblom, Charles E. 1958. « Policy Analysis ». The American Economic Review 48 (3): 298312.
Lindblom, Charles Edward. 1968. The policy-making process. Foundations of modern political science series. Englewood Cliffs, N.J.,: Prentice-Hall.
Moran, Michael, Martin Rein, et Robert E. Goodin. 2008. The Oxford Handbook of Public Policy. Oxford Univ Pr (Txt).
Sabatier, Paul A., et Christopher M. Weible. 2014. Theories of the Policy Process. 3eéd. Westview Press.
Thoenig, Jean-Claude. 1985. « L’analyse des politiques publiques ». In Traité de science politique, édité par Madeleine Grawitz et Jean Leca, 4:160. Paris: PUF.

Axe 1 / Emergence et diffusion de la Policy Analysis en France
Président-discutante : Charlotte Halpern (CEE-Sciences Po Paris)

Alexandre Paulange-Mirovic (Université Paris-Dauphine/PSL, IRISSO), Une policy analysis impossible ? Les tentatives de diffusion de l’analyse sociologique des organisations à l’ÉNA (1970-1975)

Rafaël Cos (CERAPS/Université de Lille), Anne-Cécile Douillet (CERAPS/Université de Lille), Des policy analysis partisanes ? Le travail sur et pour l’action publique dans les partis politiques français

Axe 2 / Les styles de Policy Analysis, éléments de comparaison européenne
Président-discutant : Philippe Zittoun (LAET-ENTPE, Université de Lyon)

David Aubin (Université catholique de Louvain), Marleen Brans (Université catholique de Louvain) et Lev Lhommeau (Université catholique de Louvain), Le style d’analyse des politiques publiques au sein du système politique belge

Renate Reiter (FernUniversität Hagen), Annette Töller (FernUniversität Hagen), La Policy Analysis dans l’enseignement de la science politique en Allemagne
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Axe 3 / La Policy Analysis dans le domaine de la santé
Président-discutant : Patrick Hassenteufel (UVSQ-ScPo SGL, Printemps)

Ulrike Lepont (CSO, Sciences Po Paris), Le métier de policy analyst aux Etats-Unis : le cas des health policy analysts
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Constantin Brissaud (SAGE, Université de Strasbourg), De l’objectivation du problème à l’expertise politique sur ses solutions : l’OCDE et la « crise » des systèmes de santé (1990-2014)

Alexandre Paulange-Mirovic (Université Paris-Dauphine/PSL, IRISSO)

Une policy analysis impossible ? Les tentatives de diffusion de l’analyse sociologique des organisations à l’ÉNA (1970-1975)
Cette communication prend pour objet les tentatives de Michel Crozier et son équipe pour diffuser la sociologie des organisations dans la formation des élèves de l’École Nationale d’Administration au début des années 1970. En s’appuyant sur un matériau empirique varié (archives et entretiens), il s’agit d’objectiver les conditions de l’entrée et du reflux de l’analyse stratégique des organisations dans la formation de hauts fonctionnaires généralistes. Ces tentatives prennent place dans un moment particulier, situé entre le lancement de l’opération de Rationalisation des Choix Budgétaires et les débuts du management public en France. Acteur mineur d’une configuration qui relie hauts fonctionnaires généralistes, grands corps techniques et universitaires, l’équipe de Michel Crozier joue un rôle de renfort dans les luttes contre les savoirs juridiques traditionnels. L’étude de l’évolution sur le temps court de la place et des stratégies des sociologues des organisations à l’ÉNA, du contexte et des conditions de leurs interventions, ainsi que des instruments intellectuels et pédagogiques mobilisés, donnent à voir différentes strates explicatives de leur échec. Malgré les appuis dont ils disposent, leur entreprise pour proposer une forme de policy analysis imprégnée des résultats de l’analyse stratégique sur les objets administratifs se révèle désajustée, tant par son ambition que par son opportunité.

An impossible policy analysis? Organizational sociology at the ENA (1970-1975)
The paper focuses on the attempts by Michel Crozier and his team to spread the sociology of organizations in the curriculum of the French National School of Administration (École Nationale d’Administration; ENA) in the early 1970s. Based on a variety of empirical material (archives and interviews), we outline the conditions for the relative rise and fall of the strategic analysis of organizations in the training of senior civil servants. These attempts take place in a critical lapse of time located between the launch of the method of rationalization of budgetary choices and the early development of public management in France. Michel Crozier’s team is a minor player in a figuration that involves senior civil servants, technical grands corps and academics, and plays a supporting role in the struggle against traditional legal knowledge. The careful study of the strategies of the sociologists at the ENA, the context and the conditions of their interventions, as well as the intellectual and pedagogical instruments employed, indicate the different explanatory strata for their failure. Despite the support available to them, their attempt to advocate for a form of policy analysis build on the results of strategic sociological analysis of administrations proves to be inadequate, both by its scope and its timeliness.

Rafaël Cos (CERAPS/Université de Lille), Anne-Cécile Douillet (CERAPS/Université de Lille)

Des policy analysis partisanes ?
 Le travail sur et pour l’action publique dans les partis politiques français
Les fonctions « programmatique » et de « structuration du débat public » traditionnellement attribuées aux partis politiques les désignent a priori comme des espaces produisant et/ou mobilisant du savoir sur les politiques publiques. C’est ce présupposé de l’existence d’une policy analysis partisane que nous souhaitons prendre au sérieux en étudiant les activités intellectuelles de production « d’idées » sur l’action publique au sein des partis. Le lien entre partis politiques et politiques publiques est alors analysé non plus en termes de « variable partisane » mais de « travail partisan ». A partir d’un ensemble de contributions empiriques rassemblées pour un numéro thématique, cette communication propose une montée en généralité sur les formes et modalités de la contribution des partis à la mise en débat des politiques publiques et, au-delà, au policy process. Trois dimensions sont explorées en particulier : les supports matériels et les acteurs de la policy analysis partisane, la temporalité du travail partisan sur les politiques publiques, les canaux liant travail partisan sur les politiques publiques et production de l’action publique. Le pari de cette communication est de faire de l’étude du travail partisan sur les enjeux d’action publique un analyseur du fonctionnement du champ politique (en termes de liens entre sphère gouvernementale et sphère partisane, d’indifférenciation partisane ou encore de lien entre investissement sur des questions d’action publique et entreprises – individuelles ou collectives – de conquête du pouvoir).

Is there a Party-based Policy Analysis? Work on and for Public Policies in French Political Parties.
In line with the ‘programmatic function’ typically attributed to parties, as well as with their role in structuring public debates, political parties are supposedly spaces where knowledge on public policies is produced and used. We would like to give serious consideration to this hypothesis of a party-based policy analysis. Our purpose is therefore to study intellectual activities leading to the production of “ideas” related to public policies within political parties. The interaction between parties and public policies is thus analysed in terms of “partisan work” rather than “partisan variable”. On the basis of a series of empirically-based articles gathered in the perspective of a Journal special issue, we will draw general conclusions on the way political parties contribute to the debates on public policies and, further, to the policy process. Three dimensions are scrutinized: actors and material supports of partisan policy analysis; the temporality of party-based work on public policy; transmission channels from partisan intellectual production on policy issues to policy making. Our ambition is to make the production of party expertise on public policies a heuristic research topic for the study of the political field (regarding for instance the links between parties and government, the alignment of party options, the correlation between concern for policy issues and conquest of political power, etc.).

David Aubin (Université catholique de Louvain), Marleen Brans (Université catholique de Louvain) et Lev Lhommeau (Université catholique de Louvain)

Le style d’analyse des politiques publiques au sein du système politique belge
L’analyse des politiques publiques (policy analysis) est un sujet peu exploré en Belgique. Lors de la conception du livre Policy analysis in Belgium (Policy Press, 2017), ses auteurs se sont rendu compte de la parcimonie et de la dispersion des sources scientifiques disponibles, surtout du côté francophone du pays. Il fut donc nécessaire de lancer plusieurs enquêtes, quantitatives et qualitatives, afin de savoir comment travaillaient les acteurs politiques, qu’ils soient situés à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Etat. Ces travaux ont permis de savoir comment ces acteurs, que ce soient les fonctionnaires, les cabinets ministériels, les partis politiques, les think tanks ou les interlocuteurs sociaux, collectent et analysent l’information sur les politiques publiques qui leur est nécessaire à la formulation d’avis ou à la prise de décision politique. Alors que le livre adopte un découpage par acteurs, cette communication a pour ambition de faire la synthèse des pratiques de ces acteurs au sein du système politique belge et de préciser leur contribution respective au processus de décision politique (policy process). Existe-t-il un style national d’analyse des politiques publiques en Belgique ? Cette communication comparera les données empiriques collectées pour chaque catégorie d’acteurs afin de reconstruire les pratiques en matière d’analyse et leur contribution au processus de décision. Elle montrera que le travail politique en Belgique est très peu formalisé, bien loin des méthodes prônées par les manuels anglo-saxons (par ex. Dunn 2003 ; Weimer et Vining 2010), et que celui-ci est très influencé par le positionnement stratégique des partis politiques.

The policy analysis style of the Belgian polity
Policy analysis remains an under-investigated field in Belgium. During the preparation of the book Policy analysis in Belgium (Policy Press, 2017), the editors discovered how parcimonious and dispersed are the scientific contributions, and more particularly in the Francophone part. As a result, a series of studies, both quantitative and qualitative, was launched in order to establish how political actors work, be they located inside or outside government. These enquiries showed how policy actors (for example civil servants, ministerial advisers, political parties, think tanks, trade unions and business organizations), gather and process information in order to formulate advice and take policy decisions. Although the book divides chapters in specific actors policy work, this communication aims at synthesizing the actor practices within the Belgian polity and specifying their respective contributions to the policy process. Is there a national policy style in Belgium? The data collected on each category of actors will be compared in order to construct an image of policy work in practice. It comes out that policy work is little formalized in Belgium, at distance from ideal-typical practices presented in policy textbooks (for example Dunn 2003 ; Weimer et Vining 2010), and much influence by the strategic positioning of political parties.

Renate Reiter (FernUniversität Hagen), Annette Töller (FernUniversität Hagen)

La Policy Analysis dans l’enseignement de la science politique en Allemagne
L’analyse des politiques publiques a été intégrée dans les études de Science Politique en Europe depuis les années 1980. Dans ce contexte, la Policy Analysis a aussi été incorporée dans les programmes d’enseignement universitaire de Science Politique. La communication présente et analyse ce processus d’incorporation. Nous posons les questions suivantes: quelle trajectoire trajet a pris l’intégration de Policy Analysis dans les programmes d’enseignement supérieure de Science Politique depuis 25 ans? Quelle est l’ampleur de cette intégration? Pourquoi l’analyse des politiques publiques a été intégrée dans les programmes de l’enseignement? Nous employons des méthodes d’analyse quantitative et qualitative pout faire ressortir l’état et l’importance de l’analyse des politiques publiques au sein des programmes d’études (analyse des enseignants-chercheurs qui enseignent la Policy Analysis ; analyse du contenu des programmes de niveau “Bachelor” et “Master”; interviews d’experts). Le résultat principal est que l’analyse des politiques publiques est aujourd’hui partie intégrante de la plupart des programmes d’études universitaires de Science Politique en Allemagne, mais que la sous-discipline a été intégrée de façon très diverse. Cet établissement différencié renvoie à un processus ‘auto-amplifiant’ “path-dependent” et qui s’est déroulé dans certain cas, mais pas dans d’autres, sur la base d’engagements individualisés entre les années 1980 et les années 1990.

The role of policy analysis in teaching political science at German universities
In Europe, policy analysis has become part of the study of political science since the 1980s. In this context, it has been incorporated in the teaching of political science at universities. The contribution traces back and analyses this process. We ask to what extent, in which way and why policy analysis has been integrated in programmes teaching political science at universities in Germany during the past 25 years. In order to map the importance of policy analysis in study programmes, we employ a mixture of quantitative and qualitative methods (evaluation of personal teaching policy analysis at ‘professor level’; assessment of B.A.- and M.A.-level programmes; expert interviews). The overall finding is that policy analysis has been established as part of most, but by far not of all, programmes, and also to strongly varying extents. This diversified establishment can be imagined as a more or less self-enforcing, path-dependent process that occurred in some, but not in other, cases in the decade between the mid-1980s and the mid-1990s based on the, first and foremost, scattered initiative of individuals.

Ulrike Lepont (CSO, Sciences Po Paris)

Le métier de policy analyst aux Etats-Unis : le cas des health policy analysts
Depuis les années 1970, aux Etats-Unis, le statut de « policy analyst » s’est considérablement répandu dans toutes sortes d’organisations ayant rapport de près ou de loin à la politique. Cependant, peu de travaux se sont penchés sur cette activité professionnelle encore récente et aux contours particulièrement flous. A partir du cas des health policy analysts, cette communication propose une analyse de ce en quoi consiste ce métier aux Etats-Unis et du type de savoir qu’il met en jeu. Elle revient sur le processus d’institutionnalisation et de professionnalisation de cette activité, qui a dû construire un registre de légitimité propre. Elle interroge enfin le rôle de ces acteurs dans l’élaboration des politiques publiques américaines.

Being a policy analyst in the US: the case of health policy analysts
Since the 1970s in the US, being a policy analyst has become a common job in all type of organizations connected in some way to policy stakes. However, few works have sought to analyze this professional activity, which is still relatively recent and particularly fuzzy. On the basis of the case of health policy analysts, this paper proposes to examine what this kind of job consists in and what type of knowledge it entails. It looks over the process of institutionalization and professionalization of policy analysts, who had to build specific legitimacy. At last, it questions the role of these actors in the American policymaking process.

Constantin Brissaud (SAGE, Université de Strasbourg)

De l’objectivation du problème à l’expertise politique sur ses solutions : l’OCDE et la « crise » des systèmes de santé (1990-2014)
L’objectivation d’une « crise » des « dépenses de santé » à partir de la fin des années 70 exigeait la conceptualisation de « comptes de santé » nationaux, comparés entre Etats et dans le temps grâce à la base « Eco-santé » créée à l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques). Cette communication décrit, via l’analyse d’une base de données prosopographique, l’internalisation d’une expertise sur les politiques de santé à l’OCDE entre la fin des années 1980 et aujourd’hui, pour expliquer les modifications des indicateurs utilisés dans les rapports, et les modes d’intercessions dans les processus de création de politiques publiques de santé relatées en entretien. La communication conclut sur les facteurs déterminant la saisie de savoirs experts pour l’élaboration de politiques publiques dans le cas étudié : la trajectoire de l’OCDE dans l’espace des organisations internationales entre 1980 et aujourd’hui, la spécificité de la structuration de l’économie de la santé comme discipline académique sur la période, la position dominée de la division santé dans l’Organisation.

From problem’s objectivation to political expertise on its solutions; OECD and the “crisis” of “health systems” (1990-2014)
The objectivation of a “crisis” of “health expenditures” in the late 1970’s required the conceptualization of national “health accounts”, compared between States and over time through the “Eco-Santé” database created in OECD (Organization of Economic Cooperation and Development). This communication describes, using the analysis of a prosopographical database, the internalisation of expertise on health policy in the OECD from the 1980’s onward, in order to explain the changes in indicators used in reports, and in modes of intercession in health policy processes mentioned in interviews. The communication concludes on the factors determining the use of expert knowledge in the policy process studied : the trajectory of OECD in international organizations space between 1980’s and today, the specificity of health economics’ structuration on the period, the dominated position of health division in the Organization.

Lundi 10 juillet 2017 13h30-17h30

AUBIN David david.aubin@uclouvain.be
BRANS Marleen marleen.brans@kuleuven.be
BRISSAUD Constantin cbrissaud@gmail.com
COS Rafaël rafael.cos@univ-lille2.fr
DOUILLET Anne-Cécile anne-cecile.douillet@univ-lille2.fr
HALPERN Charlotte charlotte.halpern@sciences-po.org
HASSENTEUFEL Patrick patrick.hassenteufel@uvsq.fr
LEPONT Ulrike ulrike.lepont@gmail.com
LHOMMEAU Lev lev.lhommeau@uclouvain.be
PAULANGE-MIROVIC Alexandre alexandre.paulange@gmail.com
REITER Renate Renate.Reiter@fernuni-hagen.de
TOLLER Annette Annette.Toller@fernuni-hagen.de
ZITTOUN Philippe pzittoun@gmail.com