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ST29

Les mobilisations de mères et de pères, un non objet pour la science politique ? Réflexions sur les processus de politisation parentale individuels et collectifs au début du 21ème siècle

Mothers and fathers’ mobilizations: a non-subject in political science? Reflections on the individual and collective parental politicization processes at the beginning of the 21st century

Responsables scientifiques
Aurélie Fillod-Chabaud (IREDU, Université de Bourgogne) aureliefillod@hotmail.fr
Manon Réguer-Petit (CEE, Sciences Po) manon.reguerpetit@sciencespo.fr

L’analyse des liens entre familles et action publique a nourri une série de travaux en France sur le familialisme (Lenoir 2003) et sur l’influence du mouvement familial sur l’élaboration des politiques familiales (Chauvière 2010 ; Martin et Hassenteufel 2000). Toutefois, les transformations des configurations familiales et le renouveau des mobilisations familiales ces dernières années (Manif pour tous, journées de retrait de l’école contre la théorie du genre, mouvements de parents séparés), invitent à reconsidérer l’analyse des mobilisations collectives et des processus de politisation individuelle liés à la parentalité. Ces questionnements, délaissés par la science politique française suscitent en contraste des débats à l’étranger (Flam 2013).
En France, les mouvements conservateurs familiaux ont principalement été abordés sous l’angle des mobilisations catholiques autour du genre et des enjeux sexuels et reproductifs (Béraud 2011 ; Hunt 2011), nous souhaiterions renouveler ces questionnements à la lumière des travaux existants à l’étranger, autour notamment de la valorisation de la norme parentale traditionnelle. Elle se traduit par des mobilisations sur différents enjeux tels que la paternité post-divorce, les « dérives » du féminisme (Crowley 2009) ou la promotion de la norme maternelle naturalisée, par les mouvements pro-life (Merchant 2008) ou encore la leche league (Sandre-Pereira 2005).
L’étude des mobilisations parentales enrichit également les réflexions menées sur le renouvellement des répertoires d’action collective (Offerlé 2008). Les mouvements mobilisant des registres émotionnels (Traïni 2009) ou mettant en scène des corps souffrants (Siméant 1998) sont à mettre en lien avec plusieurs formes de mobilisations parentales. On pense par exemple à l’étude des rassemblements de parents endeuillés (Tully 1995) ou de mères de soldats et de prisonniers politiques (Bayard de Volo 2001), qui ont d’ores fait l’objet de plusieurs travaux à l’étranger. En France, les rassemblements de parents d’enfants victimes ou les récentes mobilisations de mères d’enfants partis en Syrie pourraient, au même titre, devenir un objet de recherche stimulant pour l’étude des mouvements sociaux.
Questionner les mobilisations parentales et la politisation des parents permet enfin de renouveler les travaux sur la socialisation politique, notamment secondaire. La socialisation politique familiale à l’âge adulte reste un point aveugle de la science politique francophone. Or, la question de l’impact des trajectoires conjugales et parentales sur la participation et les orientations partisanes a soulevé des débats au sein de la science politique nord-américaine. Les individus mariés seraient plus souvent engagés dans des associations (Burns, Schlozman, et Verba 2001) et participeraient davantage électoralement (Kingston et Finkel 1987) tandis que les divorces et séparations favoriseraient des comportements abstentionnistes (Sandell et Plutzer 2005 ; Wolfinger et Wolfinger 2008), en particulier pour les femmes (Voorpostel et Coffé 2012). La propension des individus séparés ou divorcés à se tourner vers des partis de gauche (Chapman 1985; Weisberg 1987), en particulier lorsqu’il s’agit de femmes (Edlund et Pande 2002) est de même soulignée.
La relative occultation de ces questionnements par la science politique francophone est d’autant plus étonnante que le contexte de diversification des configurations familiales invite à tenir compte des transformations des modalités d’exercice de la parentalité et de leurs effets sur la socialisation politique des individus. Les transformations des trajectoires familiales influent-elles sur la participation et les orientations partisanes dans le contexte français ? Par ailleurs, la question du rapport des citoyens-parents aux institutions politiques et à l’action publique reste non interrogée.
L’encadrement et le contrôle de la parentalité par l’Etat (Neyrand 2014) suivant des logiques sociales et genrées (Cardi 2015) suscitent une confrontation des parents, en particulier des femmes en situation de précarité, avec les institutions et les administrations publiques. De même, les séparations et divorces sont l’occasion de frottements avec la justice familiale (Collectif Onze 2013). Or, des travaux de science politique ont montré comment les relations de guichet, notamment dans le contexte scolaire (Barrault 2013) pouvaient entrainer des stratégies de résistances ou de contournement face à l’action publique (Spire 2012 ; Siblot 2006 ; Barrault 2009). Ces travaux invitent à creuser les questionnements relatifs aux effets des expériences concrètes de l’Etat et des administrations réalisées en tant que parent sur le rapport au politique.

Nous développerons trois axes d’études, au sein desquels nous privilégierons les travaux issus d’enquêtes empiriques en cours ou achevées.

1. Les associations de parents : une typologie en train de se faire
Quelles formes revêtent les mobilisations parentales ? Quels sont les buts affichés de leurs actions ? Un des objectifs de cette ST est de poser les jalons d’une typologie du paysage associatif et militant parental. Cette typologie pourra avoir plusieurs entrées :
– Au nom de quoi et de qui les parents se mobilisent ? Les associations de pères séparés, de mères seules, de parents gays et lesbiens, de parents de familles nombreuses, de parents de triplés, de jumeaux, se mobilisent-elles au nom des parents ou des enfants ?
– Quels sont les services proposés par ces associations ? S’agit-il principalement d’entraide – associations de parents d’enfants victimes ou de parents d’enfants hospitalisés – de lutte pour la reconnaissance d’une injustice ou d’une pathologie ? S’agit-il de défense de droit (scolarisation, séparations, GPA, adoption) ?
– Quels sont les répertoires d’action et les rhétoriques engagés par ces mouvements ? Quels sont les répertoires d’action mobilisés par les parents se regroupant autour d’événements tragiques (attouchements, décès, enlèvements d’enfants) ? Comment sont employés – ou non – les registres émotionnels en fonction de la gravité de leur perte, de leur sentiment d’injustice, de leurs interlocuteurs (l’Etat, la justice, l’Eglise) ?

2. Trajectoires parentales et politisation
Le deuxième axe questionne le lien entre les trajectoires parentales et la politisation. En quoi la trajectoire familiale et l’identité parentale peuvent-elles être des vecteurs de mobilisation ? Comment s’articulent-elles avec les caractéristiques sociales, ethniques et genrées des individus ? Nous portons une attention particulière sur les mobilisations récentes de parents précaires (e.g. Les mères vigilantes d’Argenteuil, les parents de la cité Castellane à Marseille) dont les dispositions sociales et genrées rompent avec les caractéristiques classiques de militants associatifs. La parentalité peut-elle, et à quelles conditions, constituer un vecteur de mobilisation ? En miroir, nous questionnons les effets de la socialisation associative (Barrault-Stella 2014) sur les trajectoires sociales, militantes, familiales et professionnelles des individus.

3. Les parents au guichet de l’Etat
Le troisième axe se concentre sur la politisation des parents liée aux contacts avec les administrations, agents et institutions publiques qui encadrent la famille et la parentalité.
Quels sont les effets du recours, intentionnel ou forcé, aux institutions encadrant la parentalité et la famille ? Nous nous intéressons ainsi aux relations face à l’école (Barrault 2013) mais aussi aux confrontations, souvent plus contraintes et subies par des familles en situation de précarité, à des travailleurs sociaux et des dispositifs d’encadrement de l’enfance. La question du rapport à la justice en contexte de séparation conflictuelle, de la socialisation juridique (Fillod-Chabaud 2014) et de l’éventuel défiance qui en découle (Réguer-Petit, 2016) est une autre forme de rapport aux institutions étatiques creusée dans cet axe.
Cet axe ouvre les questionnements sur la politisation des parents hors du contexte associatif. Comment l’expérience de politiques publiques liées à l’enfance, à la scolarité ou à la famille peuvent susciter une politisation du discours voire influer sur les choix d’orientation électorale à l’échelle locale et/ou nationale des parents ?

The contemporary changes of family trajectories and the renewal of family mobilizations these past years (Manif pour tous, parents against gender theory and divorced or separated parents rights’ movements), urge to reconsider the analysis of collective action and individual politicization processes related to parenting. While neglected by the French political science these questions are raised abroad (Flam 2013). This panel aim is to examine contemporary parenting mobilizations and collective/individual forms of politicization related to parenting. These questions contribute to three central fields of political science: collective action, sociology of activism and activists’ careers, political socialization. We mean to develop three research areas, in which current or finished empirical studies we be studied.

1. Parents’ associations: a typology in the making
How do these mobilizations take form? One goal of this panel is to lay the groundwork for a typology of associative landscape and parental activism. This typology may have several entries:
– In what and whose name do parents mobilize? Do these associations (separated parents, single mothers, gays and lesbians’ parents, large families, parents of triplets, twins) get involved on behalf of parents or children?
– What are the services provided by the parent organizations: is it self-help – parents of victims or parents of hospitalized children – or do they fight for the recognition of injustice or pathology or else fight to defend their rights on education, marital separation, surrogacy recognition, adoption?
– What are the repertoires of action and the rhetoric used by these movements? What are the repertoires of action used by parents gathering around tragic events (child sexual abuse, death, child abduction)? Are emotional registers used or not depending on the seriousness of their loss, their sense of injustice, their interlocutors (the state, the justice, the Church)?

2. Parental trajectories and politicization
The second line of research questions the link between parental trajectories and politicization. In what way, family trajectory and parental identity can be vectors of commitment? How can it be analysed according to social, ethnic and gendered positions of individuals? We will pay special attention to the recent mobilizations of precarious parents (e.g. The vigilant mothers Argenteuil, parents of Castellane in Marseille) whose social gendered positions do not match with the classic features of activism analysis. Can parenting constitute a vector of mobilization? In which conditions? Then we will focus on the effects of associative socialization (Barrault Stella-2014). What are the effects of commitment in parent associations on: social activists, individuals and family trajectories?

3. Parents in front of the State’s institutions
The third line of research will focus on the politicization of parents in contact with public authorities and institutions. This line aims to open discussions on the relationship between parents and agents of public parenthood and family institutions. What are the effects of the intentional or non-intentional use of institutions governing parenthood and family? We are particularly interested in the relationship not only with school (Barrault 2013) but also with social workers and the state supervision of childhood on precarious families. The relation to justice in a context of conflict separation and law socialisation (Fillod Chabaud 2014) and the possible mistrust ensuing (Réguer-Petit 2016) will also be raised in this line. It will open questions about the parents’ politicization out of the associative area. How can the experience of public policies related to children, to education or family generate politicization of discourse, electoral vote or orientation at the local and / or national level?

REFERENCES

Barrault, Lorenzo. 2009. « Écrire pour contourner: L’évitement scolaire par courrier ». Actes de la recherche en sciences sociales 180 (5): 36‑43.
Barrault, Lorenzo. 2013. Gouverner par accommodements. Stratégies autour de la carte scolaire. Nouvelle Bibliothèque des Thèses. Dalloz-Sirey.
Bayard de Volo, Lorraine Bayard. 2001. Mothers of Heroes and Martyrs: Gender Identity Politics in Nicaragua, 1979-1999. Johns Hopkins University Press. Baltimore.
Burns, Nancy, Kay Lehman Schlozman, et Sydney Verba. 2001. The Private Roots of Public Action. Gender, Equality, and Political Participation. Cambridge: Harvard University Press.
Cardi, Coline. 2015. « Les habits neufs du familialisme. Ordre social, ordre familial et ordre de genre dans les dispositifs de soutien à la parentalité ». Mouvements 2 (82): 11‑19.
Chapman, Jenny. 1985. « Marital Status, Sex and the Formation of Political Attitudes in Adult Life ». Political Studies 33 (4): 592–609.
Chauvière, Michel. 2010. « Le rôle des lobbies dans la politique familiale ». Informations sociales 157 (1): 70‑79.
Collectif Onze. 2013. Au tribunal des couples: enquête sur des affaires familiales. Paris: Odile Jacob.
Crowley, Jocelyn E. 2009. « Fathers’ Rights Groups, Domestic Violence, and Political Countermobilization ». Social Forces 88 (2): 723‑55.
Edlund, Lena, et Rohini Pande. 2002. « Why Have Women Become Left-Wing? The Political Gender Gap and the Decline in Marriage ». Quarterly Journal of Economics, 917 – 961.
Flam, Helena. 2013. « Politics of Grief and Grieving “Mothers” Movements ». In The Wiley-Blackwell Encyclopedia of Social and Political Movements. Blackwell Publishing Ltd.
Gerson, Kathleen. 1987. « Emerging Social Divisions Among Women : Implications for Welfare State Politics ». Politics & Society 15 (2): 213 – 221.
Kingston, Paul W., et Steven E. Finkel. 1987. « Is There a Marriage Gap in Politics? » Journal of Marriage and the Family, 57 – 64.
Knoke, David, et Randall Thomson. 1977. « Voluntary Association Membership Trends and the Family Life Cycle ». Social forces 56 (1): 48 – 65.
Lenoir, Rémi. 2003. Généalogie de la morale familiale. Seuil. Liber. Paris.
Martin, Claude, et Patrick Hassenteufel. 2000. « Comparer les politiques publiques au prisme des groupes d’intérêt : le cas des associations familiales en Europe ». Revue internationale de politique comparée 7 (1): 21‑51.
Merchant, Jennifer. 2008. « 3. Les militants pro-life à l’échelle locale ». Les conservateurs américains se mobilisent, Frontières, 142‑53.
Neyrand, Gérard. 2014. Soutenir et contrôler les parents. Le dispositif de parentalité. Toulouse: Erès.
Offerlé, Michel. 2008. « Retour critique sur les répertoires de l’action collective ( XVIIIe – XXIe siècles) ». Politix, no 81: 181‑202.
Sandell, Julianna, et Eric Plutzer. 2005. « Families, Divorce and Voter Turnout in the US ». Political Behavior 27 (2): 133‑62.
Sandre-Pereira, Gilza. 2005. « La Leche League : des femmes pour l’allaitement maternel (1956-2004) ». Clio 21 (1): 12‑12.
Siblot, Yasmine. 2006. Faire valoir ses droits au quotidien: les services publics dans les quartiers populaires. Presses de Sciences Po.
Siméant, Johanna. 1998. « L’efficacité des corps souffrants: le recours aux grèves de la faim en France ». Sociétés contemporaines 31 (3): 59‑86.
Spire, Alexis. 2012. Faibles et puissants face à l’impôt. Paris: Raisons d’agir.
Traïni, Christophe. 2009. Emotions… Mobilisation! Presse de Science Po. Paris.
Tully, SR. 1995. « A painful purgatory: Grief and the Nicaraguan mothers of the disappeared ». Social Science Medecine 40 (12): 1597‑1610.
Voorpostel, Marieke, et Hilde Coffé. 2012. « Transitions in Partnership and Parental Status, Gender, and Political and Civic Participation ». European Sociological Review 28 (1): 28‑42.
Weisberg, Herbert F. 1987. « The Demographics of a New Voting Gap Marital Differences in American Voting ». Public Opinion Quarterly 51 (3): 335–343.
Wolfinger, Nicholas H., et Raymond E. Wolfinger. 2008. « Family Structure and Voter Turnout ». Social forces 86 (4): 1513–1528.

Axe 1 / Revendications et répertoires d’action de parents d’élèves

Discutant : Lorenzo Barrault-Stella

Ayşen Uysal (Université Dokuz Eylül, Izmir) et Evşen Altun (Université Dokuz Eylül, Izmir), Trajectoires politiques et répertoire d’action des parents d’étudiants. Exemple de la mobilisation croisée des parents et de ses enfants pour défendre l’école en Turquie

Félicie Roux (Université Paris-Est, au Lab’Urba et au Labex Futurs urbains – GT Justice, Espace, Discrimination, Inégalités), « Parents mobilisés » et « égalité 93 » : retour sur une enquête auprès de collectifs de parents d’élèves à Saint-Denis, Saint-Ouen et Montreuil
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Anne-Elise Vélu (Université Paris Dauphine, IRISSO CNRS UMR7170), Les formes de politisation des familles de classes populaires face aux dispositifs de prise en charge des difficultés scolaires de leurs enfants
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Axe 2 / Mobilisations en santé publique

Discutante : Aurélie Fillod-Chabaud

Julie Landour (Centre Georg Simmel – UMR 8131), Une émancipation conservatrice ? Les mouvements de Mompreneurs en France
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Elisa Herman (Centre Max Weber (UMR 5283), programme « Politiques sociales locales » DREES-MiRE), Guichet unique de demandes de places en EAJE : espace de dépolitisation de la conciliation travail parental / travail rémunéré ?
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Axe 3 / (Dé)politisations face à l’état social et à la justice

Discutante : Manon Réguer-Petit

Aymeric Mongy (Université de Lille 2, CERAPS), Les mouvements de parents de personnes autistes. De la rationalisation économique à l’expropriation de la cause

Sarah Caunes (CRESSPA, UMR, 7217), De la requête à l’occupation : politisation et mobilisations des proches de prisonnier.e.s politique en Turquie (1980-2000)
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Ayşen Uysal (Université Dokuz Eylül, Izmir) et Evşen Altun (Université Dokuz Eylül, Izmir)

Trajectoires politiques et répertoire d’action des parents d’étudiants. Exemple de la mobilisation croisée des parents et de ses enfants pour défendre l’école en Turquie
En Turquie, depuis quelques années, les écoles laïques d’état sont transformées en écoles religieuses. A partir des années 2010, le gouvernement de l’AKP a commencé à transformer la plupart des collèges et des lycées en écoles coraniques pour former « une jeunesse pieuse ». De même, dans ce cadre de transformation des écoles et du système d’éducation, certaines écoles réputées ont été définies comme « école projet » et puis, les professeurs qui travaillaient dans ces établissements de longue date ont été mutés ailleurs et remplacés par d’autres considérés plus « pieux ». Ces politiques du gouvernement AKP ont donné suite à la naissance de la mobilisation des parents d’élève.
Cette communication vise à analyser la trajectoire politique et le répertoire d’action, à la fois individuel (changer le quartier pour ne pas inscrire son enfant à l’école coranique, contester les professeurs pieux, etc.) et collectif (usage du nombre, mobilisation du droit, scandalisation) des parents d’élèves qui contestent contre la transformation des collèges et des lycées d’état en écoles coraniques. La parentalité peut-elle, et à quelles conditions, constituer un vecteur de mobilisation? Quels sont les liens entre les profils sociaux des parents et leurs formes de mobilisation ? Les archives de la presse et les entretiens semi-directifs réalisés avec les parents et les étudiants nous guident pour cette recherche.

Political Trajectory and Repertoires of Action of Students’ Parents. The cause of « schools » in Turkey
In Turkey, in recent years, secular state schools have been transformed into religious schools. Beginning in 2010, the AKP government began transforming most colleges and high schools into Imam Hatip schools to form « a pious youth ». Similarly, in this framework of transformation of the schools and the education system, some reputable schools were defined as « project schools » and then the professors who worked at these long-standing institutions were transferred elsewhere and replaced by others considered more « pious ». These policies of the AKP government have resulted in the birth of the mobilization of the parents of students.
This paper aims to analyze the political trajectory and the repertoire of action, both individual (changing the neighborhood so as not to enroll its child in the Imam Hatip school, challenging pious teachers, etc.) and collective (mass demonstrations, mobilization of the law, scandalization), of the parents of students who contest against the transformation of the colleges and state schools into Imam Hatip schools. If and under what conditions parenthood constitute a vector of mobilization? What are the links between the social profiles of the parents and their forms of mobilization? Newspaper archives and semi-structured interviews with parents and students guide us in this research.

Félicie Roux (Université Paris-Est, au Lab’Urba et au Labex Futurs urbains – GT Justice, Espace, Discrimination, Inégalités)

« Parents mobilisés » et « égalité 93 » : retour sur une enquête auprès de collectifs de parents d’élèves à Saint-Denis, Saint-Ouen et Montreuil
Cette présentation a pour but de revenir sur une enquête menée auprès de collectifs de parents d’élèves en Seine-Saint-Denis ayant dénoncé une discrimination territoriale dans le secteur éducatif. A travers leurs mobilisations, les parents ont suggéré un traitement différentiel, imputé à l’Etat, en matière d’éducation en raison du lieu de scolarisation de leurs enfants et ont, en conséquence, revendiqué des moyens supplémentaires pour une « école de qualité » autour d’une cause collective, l’ « égalité 93 ».
Il s’agira donc d’interroger la construction des revendications qui mettent en tension éducation et « territoire » et les différentes façons de problématiser l’espace comme une injustice par les parents. Dans la perspective d’éclairer les conditions d’émergence de ces formes d’engagements, l’étude de l’ancrage local des mobilisations ainsi que celle des trajectoires peut s’avérer pertinente.
Les mobilisations scolaires étudiées permettent en ce sens d’interroger le processus de politisation parentale au prisme de l’imbrication entre rapports à l’école et à l’espace local. Elles constituent en outre une façon de (ré)interroger les rapports sociaux locaux et la façon dont se constituent ou se réactualisent les rapports aux institutions d’usager-e-s d’un service public en particulier à travers les répertoires d’action mobilisés.

« Parents mobilisés » and « égalité 93 » : a study field with activist groups of parents’ pupils in Saint-Denis, Saint-Ouen et Montreuil
This presentation aims to revisit a field study lead with activist groups of pupils’ parents, in the district area of Seine-Saint-Denis, that have denounced a « territorial discrimination » in the educational field. Through their mobilizations, parents have suggested a differential treatment attributed to public State in public education because of their children’s place of schooling. Thus, they have claimed additional ressources for quality school and about a collective cause : territorial equality (« égalité 93 »).
It will question the construction of claims which link education and « territory » and the different ways to signify space as injustice. In order to enlight the emergence of this kind of commitments, the study of local rootedness of mobilizations and trajectories might be relevant.
Educational mobilizations that have been studied allow in that way to question processes of parental politization through the intertwining of relationships to schooling and to the local community. They also represent a mean of (re)interrogating social relations and relationships to institutions, specially through the collective-action repertoire that is mobilized.

Anne-Elise Vélu (Université Paris Dauphine, IRISSO CNRS UMR7170)

Les formes de politisation des familles de classes populaires face aux dispositifs de prise en charge des difficultés scolaires de leurs enfants
Cette communication porte sur les rapports de parents d’élèves pris en charge par des dispositifs de lutte contre la difficulté scolaire avec l’institution scolaire. Les familles suivies appartiennent aux fractions basses des classes populaires, et sont décrites par les professionnels de l’école comme « démissionnaires ». Les difficultés scolaires de leurs enfants sont vues comme le résultat de leurs « difficultés » éducatives, personnelles et sociales et les prises en charges proposées visent à compenser les effets d’une parentalité perçue comme négative pour l’élève et ses acquisitions scolaires.
Si ces familles sont contraintes de s’en remettre aux prises en charges recommandées par les professionnels de l’école, il s’agira de mettre en avant leurs formes de résistances aux verdicts scolaires. Loin d’être passifs et non investis, ils ont souvent une opinion sur les prises en charges proposées et des stratégies pour contourner les dispositifs d’encadrement auxquels ils sont régulièrement soumis. Sans pour autant nier les rapports de domination dans lesquels ils sont engagés, il s’agira de mettre en avant leurs résistances aux injonctions de l’école. Leur expérience au contact des politiques publiques de prise en charge de la difficulté scolaire voire des dispositifs d’encadrement leur donne une compétence propre et suscite une politisation de leur discours concernant l’institution scolaire et la scolarité de leurs enfants.

Forms of politicisation of working class families in front of measures aiming to support the learning difficulties of their children
This communication focuses on the relation between parents and the academic institution. Their children, diagnosed with special needs are taken care of by specific measures. These families belong to the working classes and are often described by the school’s professionals as « negligent ». To explain their children’s difficulties, these professionals tend to put the responsibility on their educational practices. Therefore, the support suggested by the school focuses on their way of parenting seen as responsible of their children’s failures.
Most of these families have to rely on the school professionals educational counselling. Nevertheless, it is interesting to study their forms of resistance to these injunctions. Far from being passive and not invested, they often have an opinion on the school’s recommendation and have strategies to bypass the measures to which they are submitted. Without denying relations of domination, it is necessary to highlight their forms of resistance. Their everyday experience towards these public policies gives them skills and political opinion concerning the school institution and the schooling of their children.

Julie Landour (Centre Georg Simmel – UMR 8131)

Une émancipation conservatrice ? Les mouvements de Mompreneurs en France
Cette communication s’intéresse à l’impossible essor de la cause de l’initiative économique des mères. À l’appui d’une enquête conduite entre 2012 et 2015 en France auprès des Mompreneurs, ces femmes qui disent créer une activité économique indépendante à la faveur d’une grossesse, elle examine les ressorts de cet « échec » dans la mobilisation du groupe et interroge la portée conservatrice d’un groupe qui se revendique de la parentalité, et plus particulièrement de la maternité. Un premier temps reviendra sur les formes initiales de mobilisation des Mompreneurs et leur représentation médiatique. Un second temps se centre sur les rassemblements des Mompreneurs : présentes sur l’ensemble du territoire à travers des antennes locales, les Mompreneurs se retrouvent dans des Mamcafés organisés mensuellement. La description analysée de l’un d’entre eux donnera à voir les formes d’entraide qui existent au sein du groupe, mais également leurs limites au plan du genre. La communication se terminera sur le cas atypique de Noëlle, avocate passée des Mompreneurs à un militantisme intersectionnel, défendant les droits des femmes racisées, des lesbiennes mais aussi des personnes transgenres ou des travailleurs.ses du sexe. Son cas révèle les formes et limites du militantisme parental ici analysé, tout en donnant à voir les éléments sociaux et biographiques qui permettent le déploiement d’une parole qui reste celle d’une mère indépendante de deux enfants, l’enjeu subversif en plus.

A conservative liberation? Mompreneurs in France
This communication aims at showing the impossible rise of the cause defending mothers’ economic initiative. Thanks to an investigation conducted in France between 2012 and 2015 amongst Mompreneurs’ groups, these women who say they created an independent activity once they became mother, we examine the mechanisms explaining the fail of this mobilization. In the end, we interrogate the conservative impact of this group who insists on parenting, and more especially mothering. The first movement will consider the way Mompreneurs originally mobilized themselves and how it was depicted in the media. A second part details Mompreneurs gatherings : present everywhere in France though local branches, they gather in “Mamcafés” mensually organized. The analyzed depiction of one of them show how mutual assistance takes place in the group, but also how it can be restrictive regarding gender roles. The communication will end on Noelle’s unusual case : after a few years amongst Mompreneurs, this lawyer became an intersectionalist militant, who defends rights of racialized women, lesbians, transpeople or sex workers. Her case reveals the forms and limits of the parenting militantism here analyzed, as well as it shows the social and biographical resources that help her to develop a new speech where subversive stakes are added.

Elisa Herman (Centre Max Weber (UMR 5283), programme « Politiques sociales locales » DREES-MiRE)

Guichet unique de demandes de places en EAJE : un espace de dépolitisation de la conciliation travail parental / travail rémunéré ?
L’accueil des jeunes enfants relève aujourd’hui des politiques sociales, censé permettre de concilier une natalité relativement élevée et un maintien des femmes dans l’emploi (Ortalda, 2010). Le temps que les parents consacrent à s’occuper directement de leurs enfants renvoie aux normes de parentalité et de genre (ARSS 2016) et aux possibilités d’être relayé(e) par des services publics (EAJE – Etablissement d’accueil du jeune enfant – municipaux et associatifs) ou privés (assistantes maternelles agréées et EAJE privés). Sur quoi reposent les qualifications des demandes comme légitimes par les agents des guichets uniques, dans un contexte où la dimension locale de la politique est importante ? Observe-t-on une politisation éventuelle des enjeux de genre sur le partage du temps parental et sur le thème de la « conciliation » (par exemple féministe ou égalitaire) dans les services dédiés et dans les discours des parents demandeurs ? Pour y répondre, nous prenons appui sur une enquête qualitative (et quantitative mais peu mobilisée pour cette contribution) réalisée dans trois communes contrastées socialement. Nous montrerons les dimensions (procédure, écoute, prévention) structurant les qualifications des demandes comme prioritaires ou non. Nous observerons alors la place tenue par l’enjeu du genre, largement implicite et masqué par celui de la mixité sociale et de la réponse à la singularité des demandes.

Single window demand for childcare : space of depolitization of work-life balance ?
Childcare today belongs to social policies, supposed to be a way to conciliate a relatively high birth-rate and women’s employement (Ortalda, 2010). The time the parents use to care directly of their children depends on parenthood and gender norms (ARSS 2016) and on the possibility to entrust them to publics services ((EAJE – Etablissement d’accueil du jeune enfant – associatives or of municipalities). What lies behind the demands categorizations by the single window agents, in the context of local politics decisions? Can we observe in this services, and in the agents and families words, an eventual gender matter politization about the parental work sharing, and about the work-life balance thema (for example in a feminist or egalitarian way)? To answer these questions, we lies on a qualitative and quantitative survey, made in three cities socially diversified. We can show the dimensions (administration, social work, prevention) structuring these demands categorization as priority or not. We can observe the gender question place, widely implicit and hide by the questions of social diversity and of answering on singular demands.

Aymeric Mongy (Université de Lille 2, CERAPS)

Les mouvements de parents de personnes autistes. De la rationalisation économique à l’expropriation de la cause
Longtemps considéré comme une maladie mentale relevant de la psychiatrie, l’autisme est juridiquement reconnu comme un handicap en 1996. Il entre alors de plein pied dans un secteur médicosocial lui même en pleine mutation. Ce dernier connaît depuis la fin des années 2000 un processus de gestionnarisation consécutif à la territorialisation des politiques de santé (création des ARS, procédure d’appel d’offre, contractualisation des objectifs et des moyens, etc.). Cette montée en puissance des espaces administratifs et des pratiques gestionnaires dans le monde du handicap vont profondément bouleverser la construction de la cause de l’autisme et avec elle toute l’économie politique du champ associatif. La dynamique de « modernisation » et la logique de rationalisation qui la sous tend vont en effet faire évoluer les profils sociaux des parents, leur rapport au politique, la nature des capitaux investis dans la cause, ainsi que les déterminants de leur engagement. Ce mouvement de réforme reconfigure également les jeux d’oppositions et d’alliances au sein de ce microcosme militant de plus en plus confronté à de nouveaux concurrents plus à même de se conformer aux impératifs gestionnaires. S’appuyant sur un travail de thèse en cours, cette communication se donne pour objectif de rendre compte de ces mutations à travers l’histoire d’une association locale de parents, l’analyse de leurs carrières militantes ainsi qu’une sociologie de la trajectoire institutionnelle de leurs enfants.

Parental movements of people with autism : from economic rationalization to expropriation of the cause
Autism used to be considered like a mental disorder. In 1996, it is legally recognized as a disability. From then on, it enters into a medical social care sector that’s the subject of his own processes. Since the end of the 2000s, the territorialization of health policies is accompanied by a movement of management reform (creation of Regional Health Agency, tools of request for proposal, contracting, etc.). The rise of administratives spaces and management practices are deeply transforming the caus of autism and the political economy of the disability associations field.
This dynamic of modernization is a form of economic rationalization with powerful effects on the social profiles of parents, their relations to political, the nature of the capitals invested in the cause, and the determinants of their engagement. This series of reforms is also reconfiguring the sets of alliances and opposition within a microcosm of militants, which is more and more facing a new competition able to responds to the management requirements. On the basis of an ongoing thesis, this communication is intended to report these changes by the story of a local association of parents, the analysis of their militant careers and a sociology of the institutional path of their children.

Sarah Caunes (CRESSPA, UMR, 7217)

De la requête à l’occupation : politisation et mobilisations des proches de prisonnier.e.s politique en Turquie (1980-2000)
Dans cette présentation je m’attacherai dans un premier temps à retracer l’émergence et la construction des mobilisations collectives des familles au début des années 1980, au lendemain du coup d’État, dans le contexte hostile à toute forme de mobilisation qu’est celui d’un pays gouverné par une junte militaire.   Il s’agira d’appréhender, comment, dans ces conditions, la parentalité se constitue en vecteur de mobilisation alors que toute autre forme de mobilisation est proscrite et impossible. D’abord affectées par la répression violente contre leurs enfants, les familles constituent des collectifs, se rassemblent et entament des processus de protestations. Dans un second temps je montrerai, documents d’archives visuelles à l’appui, quel répertoire d’action des familles de prisonnier.e.s a pris forme dans les années 1980, de la pétition à l’occupation, et la grève de la faim, et comment il s’est routinisé dans les années 1990. Je soulignerai le rôle moteur des interactions entre les prisonnier.e.s organisé.e.s et leurs familles dans le développement d’actions protestataires des familles.

From request to occupation : politicization process and mobilizations of political prisoners’ relatives in Turkey (1980-2000)
I will trace the emergence and building of a collective mobilization of the prisonners’ families in the begining of the 1980 ‘s, after coup, in an hostile context for any form of mobilization, in a country ruled by military junta. We will try to understand how under this conditions, when any other form of mobilization is forbidden an impossible, parenthood become a vector o mobilization. First affected by the violent repression against their children, parents bring together, build up collectives, and begin process of dissent. In a second part, from visual archives we will focuse on the building during the 1980’s of a repertorie of contention of the political prisonners’ relatives, from petition to hunger strike, and the way it take a more routinize form in the 1990’s. In this regard, the role of the interactions between organized prisonners and their families in the building of the contintious actions of families will be underline.

Mardi 11 juillet 2017 9h00-13h00

ALTUN Evşen evsenaltun@gmail.com
BARRAULT-STELLA Lorenzo lorenzo.barrault-stella@cnrs.fr
CAUNES Sarah sarahcaunes@yahoo.fr
FILLOD-CHABAUD Aurélie aureliefillod@hotmail.fr
HEMRAN Elisa hermanelisa@yahoo.fr
LANDOUR Julie julielandour@msn.com
MONGY Aymeric aymericmongy@gmail.com
REGUER-PETIT Manon manon.reguerpetit@sciencespo.fr
ROUX Félicie felicie.roux@gmail.com
UYSAL Ayşen uysalaysen@yahoo.fr
VELU Anne-Elise anne-elise.velu@dauphine.fr