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Responsables scientifiques
Claude Proeschel (Université de Lorraine, GSRL (Groupe Sociétés, Religions, Laïcités) (EPHE-CNRS) Paris
) claude.proeschel@univ-lorraine.fr
Sara Teinturier (Projet Religion et Diversité (CRSH – Canada), Université de Montréal) sara.teinturier@umontreal.ca
Les sociétés européennes contemporaines s’inscrivent dans une tendance longue de sécularisation, entendue à la fois comme un « déclin de l’hégémonie religieuse » (Monod, 2007), et une « sortie de la religion » (Gauchet 1985). Elle se traduit à la fois d’une part par un affaiblissement de l’influence du cadre normatif issue des religions, des pratiques en résultant (Davie 2002, Bréchon 2014 ), mais aussi et, d’autre part, par une recomposition et diversification des paysages religieux qui se poursuit dans un contexte d’individualisation et de bricolage religieux (Hervieu Léger 1999), du fait de la privatisation du fait religieux, et de l’accroissement de l’internationalisation des mouvements d’idées et de populations.
L’on constate cependant la résurgence d’une présence du religieux dans l’espace public (Casanova 1994) ; ainsi de l’installation durable de l’islam dont les formes d’institutionnalisation sont toujours en débat (Frégosi 2008, Thomas 2012) ; de l’affirmation d’un courant identitaire catholique qui a montré son dynamisme à travers son opposition, dans plusieurs pays, au projet de loi sur le mariage pour tous ou l’assistance médicale à la procréation (Dobbelaere et Pérez Agote 2015). Ceci nous met en demeure de nous interroger à la fois sur l’existence d’une crise de la sécularisation (Berger 1999) ou de la laïcité comme son achèvement institutionnel (Monod 20007) et plus précisément, sur la portée de ces évolutions au regard des exigences d’une citoyenneté démocratique, fondement de l’espace public commun (Habermas 1997, Rawls 1995).
Notre objectif est alors ici d’étudier les conséquences, dans toute leur complexité, de cette visibilité accrue du religieux dans l’espace public à partir de leurs implications en matière de citoyenneté. Que disent de la démocratie libérale, en particulier, les
interactions conflictuelles entre laïcité, sécularisation et affirmations confessionnelles ? Anthony Giddens le relevait dès le début des années 1990 : c’est autour des questions de l’intime que les débats politiques et sociétaux se focalisent désormais (Giddens 1992). Les religions, de leur côté, se sont également emparées d’une telle problématique : les questions de bioéthique, de droits des femmes, de droits des minorités sexuelles, le concept de genre, mobilisent toutes les confessions, et cela, dans les différents espaces européens qui ne présentent pas, sur ces questions, de cadre légal harmonisé (Rochefort 2014, Béraud Portier 2015).
Nous souhaitons ici nous concentrer ici plus particulièrement sur deux aspects qui questionnent le fonctionnement démocratique et la citoyenneté ; l’intervention des autorités religieuses dans le débat public ; les revendications posées en termes de clauses ou d’objection au nom de la conscience.
1. L’intervention des autorités religieuses dans le débat public (Axe 1). Il s’agit ici d’interroger les modalités et conséquences de cette intervention, entre autres :
-Quelles sont les ressources de mobilisation , stratégies et relais associatifs déployés, peut on parler de croisades morales (Mathieu 2005), comment les qualifier au prisme de la participation politique ?
-l’investissement des groupes religieux dans des questions publiques entraine t’elle une redéfinition des frontières entre espace public et espace privé ? Le cas échéant, comment questionne t’elle la définition et la production du bien commun dans une société pluraliste démocratique ?
-En quoi ces engagements influent-ils les modèles nationaux de séparation ou de collaboration entre politique et religieux ?
2-Le respect et la garantie de la liberté de conscience, de pensée et de religion sont un aspect fondamental de la démocratie contemporaine reconnu par la CEDH. Récemment, c’est sur le fondement de l’article 9 que l’objection de conscience a été reconnue comme un droit par la Cour de Strasbourg, y compris pour des motifs d’ordre religieux (Hervieu 2011).
Les enjeux éthiques, au sens large, sont l’un des lieux privilégiés de l’expression d’une objection de conscience pour raison religieuse. Or, la question de l’objection de conscience connaît depuis une vingtaine d’années une évolution dans ses formes et dans leurs implications au niveau social. Longtemps demeurée une demande individuelle, elle paraît aujourd’hui, au moins sous certaines de ses manifestations, relever de la volonté de remise en cause des normes communes et semble utilisée pour refuser une évolution générale du droit dans des domaine où il a longtemps entériné certaines normes religieuses (mariage, famille…)
Dès lors, dans ce nouveau contexte, comment concilier la neutralité de l’éthos démocratique libéral, qui s’incarne dans des normes applicables à tous, et l’objection de conscience dont pourraient se prévaloir des citoyens au nom de leurs convictions religieuses ?
Sur ce point (Axe 2), nous entendons dans le cadre de la section thématique mieux connaître les mobilisations religieuses faites au nom de l’objection de conscience dans
les différents États européens ; cerner les réponses politiques, intellectuelles, sociales, qui ont pu être faites à la contestation de normes communes établies ; approfondir la réflexion en termes de théorie politique sur les difficultés posées par la conciliation entre définition d’une norme commune et des revendications plus particulières. Des approches socio-historiques trouvent ici place à côté de réflexions plus théoriques. doctrines religieuses n’ont en effet pas toujours cautionné l’objection de conscience comme moyen légitime de l’action, y compris civique (Sorabji, 2014 ; Teinturier, 2013). Mesurer les déplacements réalisés au fil du temps permettrait de mieux comprendre quelques-unes des relations complexes entre démocratie [libérale] et religions à l’époque contemporaine.
L’on se demandera, plus généralement, si tant la place de religieux dans l’espace public que les « nouvelles » formes d’objection de conscience ne traduisent pas l’impossibilité dans le cadre de sociétés plurielles et post séculières au sens habermassien (Habermas 2008) du politique comme espace commun. La question, constitutive de la postmodernité, de la formation et de la légitimité de la norme commune, pour lesquelles Rawls nous invite, en convoquant le devoir de civilité, à mettre de côté certaines de nos croyances quand il s’agit d ‘établir des institutions ou règles politiques communes, rencontre ici un point d’achoppement particulièrement important. La nécessité pour chacun de déployer des raisonnements intelligibles pour tous, que tous peuvent reconnaître comme valides, même s’il n’y a pas d’accord sur les conclusions, et qui implique que chacun a « conscience d’appartenir à une communauté plus large » (Audard 2009) paraît en particulier réinterrogée.
European contemporary societies countries, faced with a long trend of secularization, which is understood both as a « decline of the religious hegemony » (Monod, 2007), and as an « exit out of the religion » (Gauchet 1985). It leads to, on one side, a weakening in the influence of the normative religious framework and the practices arising (Davie 2002, Bréchon 2014), It leads to the other side to a recomposition of the religious field, namely an extend of the religious diversity.
At the same time, religions increased their visibility in the public sphere: this is the case for Islam, which forms of institutionalization are still in debate (Frégosi 2008, Thomas 2012); but also for Catholicism, which experiences a strong identity mobilization,and proved its dynamism, in several countries, through its opposition to the same-sex marriage (Dobbelarere and Pérez Agote 2015). This challenges us to ask ourselves about a possible crisis of secularization (Berger 1999) or of laity as ist institutional achievment (Monod 2007). More precisely we must question the scope of these evolutions in front of the requirements of democratic citizenship, as basis ot the common public space (Habermas 1997, Rawls 1995).
This panel aims to study the process of secularization and religious diversity in its complexity, through its consequences for citizenship. In particular, what do we learn about liberal democracy from these conflicting interactions between laïcité, secularization and religious affirmations? Anthony Giddens pointed it out in the early 1990s: political and societal debates focus more and more around issues of intimacy (Giddens, 1992). For their part, religions have also seized such a problem: bioethical issues, women’s rights, rights of sexual minorities, the concept of gender, mobilize all religions, in different European countries which have not harmonized their legal framework on such matter of content (Rochefort 2014, Béraud and Portier 2015).
This panel wishes to focus on two issues that question the democratic functioning and citizenship: the involvement of religious leaders in public debate; the claims raised in terms of conscientious objection . We suggest two main axes for our panel.
1. The increasing involvement of religious leaders in public debate (Axe 1). We will question the different procedures of this involvement and its consequences, for example :
-the different kind of mobilization of resources, strategies or associational mobilization up to the moral crusade (Mathieu 2005) ;
– Does the investment of the religious groups in public questions result in a redefinition of the borders between public place and private space?
-Are there consequences on the national State-Churches patterns ?
2. Ethical issues are one of the privileged expressions of a conscientious objection for religious reasons. But, for the last decades, the question of conscientious objection has changed in both its forms and its social consequences. It is no more an individual application but it appears to question common norms on behalf of a superior natural law; it seems also to be used to deny a general evolution of this natural law in this domain where some norms, especially religious norms, have long been endorsed by the law.
Therefore, in such a new context, how to balance the neutrality of the liberal democratic ethos, with the same norms for all, and conscientious objection that some citizens ground for, on behalf of their religious beliefs?
On such a matter, this panel aims to better know religious mobilizations which take place in the different European countries, on behalf of conscientious objection. It aims also to identify policy or political responses, or intellectuals and social answers, that have been made to challenge institutionalized common norms. It will also help thinking in terms of political theory about the difficulties of accommodating common norms and more specific claims.
REFERENCES
Audard, Catherine, « John Rawls et les alternatives libérales à la laïcité », in Raisons Politiques 2009/2, n° 34, p. 101-125.
Béraud, Céline et Portier, Philippe, Métamorphoses catholiques, Paris, Editions de la MSH, 2015.
Berger,Peter L., ed., The Desecularization of the World, Resurgent Religion and World Politics, Grand Rapids, Eerdmans, 1999
Bréchon Pierre, Gonthier Frédéric (dir) Les valeurs des Européens. Evolutions et clivages, Armand Colin, coll. U, 2014.
Casanova, José, Public Religions in the Modern World, Chicago, University of ChicagoPress, 1994
Dobbelaere, Karel, Pérez-Agote, Alfonso (dir),The Intimate. Polity and the Catholic Church. Laws about Life, death and the Family in So-called Catholic Countries, Leuven, Leuven University Press, 2015.
Davie, Grace, , Europe: the Exceptional Case. Parameters of Faith in the Modern World Londres, Darton, Logman and Todd Ltd., 2002
Fregosi, Franck , Penser l’Islam dans la laïcité: les musulmans de France et la République, Paris, Fayard, 2008.
Gauchet, Marcel, Le désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Gallimard, 1985
Giddens, Anthony, La transformation de l’intimité : sexualité, amour et érotisme dans les sociétés modernes, Paris, Hachette Littératures, 2006 [1992].
Habermas, Jürgen, Droit et démocratie. Entre faits et normes, Paris, Gallimard, 1997 Habermas, Jürgen, « Qu’est ce qu’une société « post-séculière ? » », Le Débat, 2008/5, p. 4-15
Mathieu, Lilian, « Repères pour une sociologie des croisades morales », Déviance et Société 2005/1 (Vol. 29), p. 3-12.
Monod, Jean-Claude, Sécularisation et laïcité, PUF, 2007
Rawls, John, (1993), Libéralisme politique, PUF, trad C. Audard, 1995.
Rochefort, Florence (2014), « Genre, religions, sécularisation », in Laufer, Laurie et Rochefort, Florence(dir.), Qu’est ce que le genre ?, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2014.
Sorabji Richard, Moral conscience through the ages: fifth century BCE to the present, Chicago, Chicago University Press, 2014
Taylor, Charles, L’âge séculier Seuil, 2011
Thomas, Elaine R., Immigration, Islam, and the Politics of Belonging in France: A Comparative Framework, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2012.
Teinturier, Sara, « Du refus du port des armes à la rivalité biopolitique. Catholiques et objection de conscience depuis le début du XXe siècle », Séminaire de recherches, Post- Doctorants GSRL, EPHE-CNRS, 21 février 2013.
Axe 1 / le religieux dans le débat public.Religion and religious actors in the public debate
Présidente de séance : Sara Teinturier
Discutante : Joelle Allouche-Benayoun (GSRL, EPHE-CNRS)
Francesco Piraino (Scuola Normale Superiore – EHESS), Le soufisme en Europe, entre engagement spirituel et politique
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David Smadja (Université Paris-Est Marne-la-Vallée), Convictions religieuses de la communauté juive et citoyenneté : la mise en évidence d’une requalification citoyenne d’une croyance religieuse à caractère féministe
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Anne Lancien (GSRL, EPHE-CNRS), Organisations laïques et résurgence du religieux dans l’espace public : une concurrence axiologique illustrée par le cas de la Ligue de l’enseignement
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Axe 2 / l’objection de conscience en politique. Conscientious objection and political issues
Président de séance : Claude Proeschel
Discutant : Blandine Chelini-Pont (LID2MS, Université d’Aix-Marseille)
Michele Saporiti (Université de Milano-Bicocca / GSRL, EPHE-CNRS), Les raisons de la conscience. L’objection de conscience contemporaine entre droit positif et droit naturel
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Sylvie Guichard (Université de Genève), Liberté de religion et liberté de conscience
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Marie Gayte (Université de Toulon, laboratoire Babel), Blandine Chelini-Pont (LID2MS, Université d’Aix-Marseille)
Mon droit ou leur droit ? Les évêques catholiques des Etats-Unis et l’objection de conscience dans le contexte des « guerres culturelles »
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Francesco Piraino (Scuola Normale Superiore – EHESS)
Le soufisme en Europe, entre engagement spirituel et politique
Le soufisme est le parcours ésotérique et/ou mystique de purification de l’âme au sein de la religion islamique. Au sein des certaines confréries soufies, une nouvelle tendance politique et théologique s’est développée au cours des dernières décennies, appelle le « contre réformisme ». Le contre réformisme soufi s’oppose au réformisme islamique qui s’incarne dans les positions et les organisations politiques et théologiques développées entre le XVIIIème et le XXème siècle, tels que l’illustrent les cas des Frères Musulmans, des salafistes et des wahhabites.
Les valeurs démocratiques, appréhendées à la fois comme l’acceptation des diversités religieuses, ethniques, culturelles, sexuelles, et comme la participation communautaire dans la régulation du vivre ensemble, sont non seulement acceptées mais surtout considérées comme intrinsèquement islamiques. L’Islam propose de venir au secours d’une démocratie en crise des valeurs (cf. Abd al Malik 2013). Khaled Bentounes (Shaykh de l’‘Alāwiyya) répète souvent « la France a besoin de l’Islam, comme l’Islam a besoin de la France ».
Cette recherche déconstruira les perspectives dichotomiques qui opposent ainsi la modernité à la tradition, la religion à la sécularisation et la sphère privé à la sphère publique. L’hypothèse principale est que certaines confréries soufies jouent un rôle clé dans l’expansion de l’espace démocratique tant en France qu’au Maghreb, qui peut être considéré comme un espace éthique discursif dans lequel la pluralité et l’altérité sont protégées, qui vise au bien commun.
Sufism in Europe, between spiritual and political engagement
Sufism is the esoteric and/or mystical path of soul purification within the Islamic religion. Over the last decades, a new political and theological tendency, called “counter-reformism” has developed within certain Sufi orders. Sufi counter-reformism is opposed to the Islamic reformism embodied in the political and theological positions and organizations developed between the eighteenth and twentieth centuries, as illustrated by the cases of the Muslim Brotherhood, the Salafists and the Wahhabis.
Democratic values, understood both as acceptance of religious, ethnic, cultural, and sexual diversities, and as community participation in the regulation of living together, are not only accepted but mostly viewed as intrinsically Islamic. Islam proposes to come to the aid of a democracy living a crisis of values (cf. Abd al-Malik 2013). Khaled Bentounes (Shaykh of Alāwiyya) often repeats: “France needs Islam, as Islam needs France”.
This research will deconstruct the dichotomous perspectives that oppose modernity to tradition, religion to secularization, and the private sphere to the public sphere. The main hypothesis is that certain Sufi brotherhoods play a key role in the expansion of democratic space in both France and the Maghreb. The democratic space can be considered a discursive ethical space in which plurality and otherness are protected, and which aims to the common good.
David Smadja (Université Paris-Est Marne-la-Vallée)
Convictions religieuses de la communauté juive et citoyenneté : la mise en évidence d’une requalification citoyenne d’une croyance religieuse à caractère féministe
Cette communication vise à rendre compte de l’expression des croyances religieuses en mettant en évidence un trait féministe propre à la pensée juive et en montrant de quelle manière il informe l’attitude publique adoptée par une partie de la communauté juive à l’égard de l’ordre genré et de ses possibles transgressions. Il s’agit en effet de rendre compte de la signification publique d’une croyance qui est avant tout religieuse et qui ressortit à la sphère privée. Autrement dit, la question se pose de savoir de quelle manière une croyance devient pertinente pour être exposée dans l’espace public comme expression d’une famille spirituelle parmi d’autres et ce particulièrement dans le contexte d’une controverse publique à caractère éthique. La controverse autour du féminin et du genre revêt une signification à la fois liturgique et sociopolitique dans la mesure où elle place en son cœur la question décisive des libertés reconnues aux femmes dans la communauté religieuse et ouvre vers une critique des rapports de subordination et d’inégalité. Toutefois, nous formons l’hypothèse que la préoccupation pour l’émancipation des femmes peut également apparaître, non pas nécessairement en réaction au, mais également à partir du contexte religieux, assumé comme tel, donc de manière endogène au fait religieux. Au plan méthodologique, on privilégiera des données produites par la réalisation d’entretiens et l’analyse des prises de position publique sur un campus numérique virtuel, Akadem. Ce format a été choisi parce qu’il se situe plus directement à l’interface du religieux et du politique, du privé et du public.
Religious beliefs of the french jewish community and citizenship : toward a feminist framework of jewish political thought
This presentation intends to tackle religious beliefs within politics by focusing on a feminist framework of jewish political thought. Overall, we aim to analyze the way private beliefs become political or, in other words, are likely to be stated in the public realm as an expression among others of a comprehensive approach. On the one hand, the controversy on the status of women and on gender is mainly understood as religious (or liturgic) to the extent that it has been nurtured on the sensitive question of the liberty that has to be recognized for women within the religious community. Logically, it channels a growing criticism of the male domination. But, on the other hand, another hypothesis can be put forward. The concern for the emancipation of women can flow, not only against, but also within the religious realm, and which may be apprehended differently. In order to verify this hypothesis, we will use data collected during interviews or on a website, called Akadem, which hosts a public forum about religious and political issues.
Anne Lancien (GSRL, EPHE-CNRS)
Organisations laïques et résurgence du religieux dans l’espace public : une concurrence axiologique illustrée par le cas de la Ligue de l’enseignement
Si la section thématique 32 propose d’interroger les modalités et les conséquences de la résurgence du religieux dans l’espace public à partir d’une analyse des autorités confessionnelles, notre allocution vise à élargir cette approche en intégrant l’acteur associatif laïque, à partir de l’exemple de la Ligue de l’enseignement.
Plusieurs interrogations nourriront notre réflexion : comment la Ligue s’est-elle adaptée au retour de l’acteur religieux au sein de la sphère publique, qu’elle pensait définitivement libéré de toute hétéronomie dogmatique ? Comment intègre-t-elle cet acteur à ses réflexions sur la laïcité ? Se place-t-elle en situation de concurrence ou de dialogue ?
Notre argumentation s’articulera en deux points : d’une part, nous étudierons la résurgence de la question de la morale laïque défendue par la Ligue de l’enseignement, afin de concurrencer les institutions religieuses sur leur expertise éthique face à une laïcité souvent perçue, à tort selon l’organisation, comme neutralité axiologique. D’autre part, nous analyserons la reconnaissance de cet acteur et de sa légitimité à intervenir au sein du débat public, en tant que composante, parmi d’autres, de la société civile et participant à ce titre à l’élaboration du socle commun constitutif de la Cité. Notons cependant que cette reconnaissance ne se veut pas institutionnelle, la Ligue refusant toute affirmation de droits collectifs et ainsi toute institutionnalisation du pluralisme. L’organisation souhaite la mise en place d’une charte de la laïcité, qui définirait, à partir du dialogue entre l’ensemble des acteurs du débat public, les valeurs constitutives de la société.
Ce travail se fonde sur une analyse des archives de la Ligue de l’enseignement menée dans le cadre d’un doctorat portant sur cette organisation : comptes rendus de réunions statutaires (conseil d’administration, bureau, congrès, assemblée générale, etc.), publications diverses (revue, actes de colloques, ouvrages comprenant les interventions de membres de la Ligue tout comme celles d’acteurs religieux, etc.), archives du dialogue mené avec les institutions confessionnelles, courriers, etc. Sur le plan théorique, nous choisissons de centrer notre étude sur les auteurs sollicités par la Ligue elle-même : Jürgen Habermas, Paul Ricœur, John Rawls (même si ces trois références sont relativement peu citées par l’organisation), ou encore Ferdinand Buisson et Claude Nicolet.
Secular organisations and religious resurgence in the public space: an axiological dispute exemplified by the League of education
While the panel proposes to examine the translations and consequences of religious resurgence in the public sphere from an analysis of religious leaders, our contribution aims at broadening the approach through a consideration of secular organisations. Our case study will be the League of education.
The contribution will focus on three main questions: how does the League of education adapt to the increased visibility of religions in the public sphere, which were so far perceived as freed from any dogmatic heteronomy? How does this new context impact its analysis of secularisation? Does the League respond to the evolution by debate or dispute?
Two axes will be developed to answer these issues: on the one hand, this study will analyse the secular morality the League of education insists on, to respond to the ethic expertise of religious leaders and to underline that secularisation is not axiological neutrality. On the other hand, our contribution will focus on the League’s recognition of religious leaders and of their legitimacy to intervene in the public debate, as a component and a contributor to the values of the civil society. The recognition is not an institutional one; the League of education indeed refuses any claim for collective rights and so any institutionalisation of pluralism. The organisation works to establish a secular charter, which would define the core values of society, from a deliberation with all the stakeholders in the public debate.
This contribution stems from a PhD dissertation on the League of education; the research is based on an analysis of its archives: regular meeting minutes (Executive board, congresses, etc.), publications of the League (journals, conference proceedings, books written by League’s leaders), archives of deliberations with religious institutions, letters, etc. On the theoretical level, we will focus on researchers studied by the League: Jürgen Habermas, Paul Ricoeur, John Rawls (even if their works are not so much quoted by the organisation), and also Ferdinand Buisson and Claude Nicolet.
Michele Saporiti (Université de Milano-Bicocca / GSRL, EPHE-CNRS)
Les raisons de la conscience. L’objection de conscience contemporaine entre droit positif et droit naturelle
Pendant la seconde moitié du XXème siècle, l’objection de conscience a profondement changée. Quand le pouvoir politique a consideré que les requêtes d’objection etaient méritantes de protection normative (comme pour le service militaire obligatoire ou pour l’avortement), cette tipologie de résistence a gagné une dimension propriement juridique. Dans d’autres mots, il s’est produite une transistion de l’objection comme requête à l’objection comme droit positif. Malgré ca, à côté de cette approche (perspective), c’est possible d’identifier une approche differente liée au droit naturel et aux traditions légales religieuses. Dans cette perspective, la dimension morale et radicale de l’objection de conscience ne peut pas être réduite au discours legal et l’objecteur s’engage dans un rôle critique si non militant vers le droit positif.
Cette exposé est focalisée sur l’analyse de ces deux tipologies d’approche à l’objection de conscience. Avant tout on essayera de comparer l’approche centré sur le droit positif à l’intepretation de l’objection de conscience dans des traditions religieuses specifiques (droit positif limité vs droit moral individuel). En autre on identifiera leur objectives et effets partiques ou potentiels dans l’etat constitutionnel de droit. En fin, on cosidéraira un cas de grande actualité à la lumière de cette reconstruction théorique: le mariage pour tous.
The reasons of conscience. Contemporary conscientious objection between positive and natural law
During the second half of the Twentieth Century, conscientious objection underwent a profound transformation. In cases in which the ethical requests of objectors have been recognized as deserving of normative protection (as in the case of military service or abortion), this kind of resistance has acquired a specific legal dimension. In other words, there has been a transition from conscientious objection as a bare claim to conscientious objection as a positive right. Nevertheless, alongside the positive law-based approach, it is possible to identify a different approach grounded on natural law and on religious legal traditions. Within such peculiar perspective, the moral dimension of conscientious objection is irreducible to the legal discourse. Moreover, conscientious objectors assume a critical if not a militant role towards positive law.
This paper focuses on these two approaches to conscientious objection. Firstly, it will try to compare the positive law-based approach and the religiously grounded approach to conscientious objection (limited positive right vs individual moral right). Secondly, it will point out their goals and practical effects within the constitutional rule of law. Finally, the paper will apply this theoretical framework to a thorny case study: the same-sex marriage issue in France.
Sylvie Guichard (Université de Genève)
Liberté de religion et liberté de conscience
Dans la plupart des systèmes juridiques, les croyances religieuses bénéficient d’une meilleure protection que les convictions laïques. Ainsi, plusieurs auteurs proposent de remplacer la liberté de religion par une liberté de conscience plus large afin de corriger ce qu’ils considèrent comme l’inégalité en faveur des croyants introduite par la liberté religieuse.
Durant la dernière décennie, dans plusieurs pays européens et en Amérique du Nord, des croyants, employés de l’état, ont refusé d’accomplir certaines fonctions au nom de leur conscience religieuse. Les griefs retenus par les tribunaux sont la liberté religieuse à l’exclusion d’autres droits ou garanties plus générales comme la liberté de conscience.
Le but de cette contribution est d’esquisser la manière dont la protection de la conscience s’agence avec celle de la religion. Pour cela, nous établirons dans un premier temps quelle est la portée propre de la liberté de conscience selon les instruments juridiques internationaux, puis en prenant l’exemple du droit français, anglais et suisse. Dans une deuxième partie, nous évoquerons la question du refus de représentants de l’état de marier des personnes de même sexe et le comparerons aux objections de conscience dans le domaine médical (concernant principalement les interruptions de grossesse) ainsi qu’au refus du service militaire.
Freedom of religion and freedom of conscience
In most judicial systems, religious beliefs are better protected than secular convictions. For this reason, several scholars propose to replace the freedom of religion with a larger freedom of conscience. This would allow, according to these authors, to correct the inequality in favour of believers introduced by freedom of religion.
During the last decade, in several European countries as well as in North America, believers, working for the state refused, to accomplish certain functions invoking conscientious objection. However, the grievances taken into account by the courts is freedom of religion, and they exclude other, more general rights, such as freedom of conscience.
The aim of this contribution is to investigate how freedom of conscience and freedom of religion relate to each other. In order to do this, we will first look at the protection offered by the freedom of conscience according to international human rights, then taking the examples of France, England and Switzerland. In a second part, we will evoke the question of state representatives refusing to perform same sex marriages and we will compare it to conscientious objections in medical fields (mainly for termination of pregnancy) as well as the refusal to serve in the military.
Marie Gayte (Université de Toulon)
Mon droit ou leur droit ? Les évêques catholiques des Etats-Unis et l’objection de conscience dans le contexte des « guerres culturelles »
En mars 2010, Barack Obama fait adopter par le Congrès une réforme de santé visant à permettre à un maximum d’Américains de bénéficier d’une couverture santé. Cette couverture, que les employeurs devront fournir à leurs salariés, devra inclure la contraception. Si les établissements de culte en sont dispensés, les organismes détenus par des ordres religieux, de type hôpitaux ou universités, ne le sont pas. La décision déclenche une levée de boucliers au sein de l’épiscopat catholique qui dénonce une atteinte à la liberté et appelle à la « désobéissance civile ».
Il est bientôt rejoint par de nombreuses organisations évangéliques, avec lesquelles ils finissent par faire cause commune pour défendre leur droit à l’objection de conscience devant Congrès et tribunaux et le faire inscrire dans la loi, non seulement en matière de contraception, mais également de mariage homosexuel. Depuis 2010, plusieurs Etats ont ainsi adopté des textes légalisant la désobéissance civile (certaines d’entre eux grâce à un lobbying très actif des conférences épiscopales locales), permettant par exemple aux commerçants qui le souhaitent de refuser les couples gays au nom de leurs convictions religieuses.
Cette communication s’attachera à mettre en évidence les racines de l’objection de conscience dans le contexte religieux américain ainsi que ses déclinaisons actuelles. Elle se penchera sur le cadre conceptuel très « américain » dans lequel l’épiscopat souhaite l’ancrer (droit des minorités, respect du Premier Amendement…) et dressera un premier état des lieux de l’efficacité, aux échelons fédéral et des Etats, de cette stratégie.
Whose rights? US Catholic Bishops and Conscientious Objection in the Culture War Context
In March 2010, Congress adopted at Barack Obama’s urging a healthcare reform aimed at offering health insurance to a majority of Americans. This coverage has to be provided by employers and must include contraception. While churches were exempt from this obligation, religious-owned institutions, such as hospitals or schools, whose mission is not primarily of a religious nature, were not. This caused outrage among Catholic bishops, who denounced an attack on religious freedom and called for « civil disobedience ».
It was soon joined by several evangelical organizations, with whom they joined forces to defend a right to conscientious objection in Congress and courthouses and have it enshrined in law, not only for contraception but also for gay marriage Since 2010, several states have adopted bills legalizing civil disobedience (some thanks to very active lobbying from local bishops’ conferences), allowing for instance storeowners to refuse service to same-sex couples on behalf of their religious beliefs.
This paper will try to identify the roots of this use of conscientious objection in the US religious context as well as in its current incarnations. It will look at the very « American » framing of the concept chosen by the bishops (minority rights, First Amendment rights) and offer a preliminary assessment of the efficiency of this strategy, both at the federal and the states level.
Lundi 10 juillet 2017 13h30-17h30
ALLOUCHE-BENAYOUN Joelle joelle.allouche@gsrl.cnrs.fr
CHELINI-PONT Blandine blandine.chelini-pont@univ-amu.fr
GAYTE Marie marie.gayte@orange.fr
GUICHARD Sylvie sylvie.guichard@unige.ch
LANCIEN Anne anne.lancien@gmail.com
PIRAINO Francisco Francesco.piraino@sns.it
PROESCHEL Claude claude.proeschel@wanadoo.fr
SAPORITI Michele michele.saporiti@unimib.it
SMAJDA David david.smajda@u-pem.fr
TEINTURIER Sara sara.teinturier@umontreal.ca