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Les échelles de citoyenneté

Scales of citizenship

Responsables scientifiques
Eric Savarese (Université de Montpellier CEPEL) eric.savarese@umontpellier.fr
Sylvie Strudel (Université Panthéon-Assas CECP/CEVIPOF) sylvie.strudel@u-paris2.fr

Historiquement définie comme participation aux affaires de la cité (Finley, 1985), la citoyenneté peut être envisagée à différentes échelles. Saisie dans le cadre de l’Etat-Nation, elle est conditionnée par l’attribution de la nationalité (Leca, 1992), et renvoie, très classiquement, à des trajectoires d’émergence d’un ensemble de droits et de devoirs (Marshall, 1950). Abordée dans le cadre du régime représentatif (Manin, 1985), l’analyse de la citoyenneté porte souvent sur le vote et repose, notamment, sur une sociologie historique de l’électeur citoyen (Ihl, Deloye, 2008 ; Rosanvallon, 1992). Traitée à l’échelle de l’Europe, elle désigne surtout un certain nombre de droits bien établis, sans que des devoirs spécifiques puissent être, à ce jour, définis au sein d’une communauté politique balbutiante (Strudel, 2008 ; Wihtol de Wenden, 1997). Etudiée, enfin, à l’échelle de territoires plus restreints, la citoyenneté peut être associée à une grande diversité de pratiques de participation (Savarese, 2015) et à une pluralité de modes d’appartenance à la communauté politique (Duchesne, 1997 ; Venel, 2004 ; Norris, 1999) .

Ces différentes approches ont toutes enrichi la connaissance de la citoyenneté. Les plus récentes d’entre elles ont progressivement permis de souligner, à l’encontre des implicites de la démocratie représentative, que si la citoyenneté inclut le vote elle ne saurait s’y réduire : les « citoyennetés ordinaires » (Carrel, Neveu, 2014) -incorporent des micro-pratiques telles que chercher à être reconnu, entendu, se mobiliser pour défendre des droits ou pour participer à leur élaboration, et visent plus généralement tout ce qui concerne le maintien de conditions collectivement acceptables du « vivre ensemble ». Ces approches ont également permis d’établir, notamment avec le processus de construction européenne, que l’analyse de la citoyenneté devait, aujourd’hui, être partiellement autonomisée du cadre de référence de l’Etat-Nation (Habermas, 2000 ; Shaw, 2007). Plus largement encore, elles ont interrogé les conditions de possibilité d’une citoyenneté de résidence « déliée » de la nationalité et des cadres stato-nationaux, par le déploiement d’une citoyenneté post-nationale adossée au mouvement de globalisation et de reconnaissance des droits humains (Bauböck, 1994 ; Benhabib et al., 2006 ; Soysal, 1994). Enfin, l’étude de la citoyenneté est aujourd’hui aussi sensiblement décloisonnée d’une approche formelle dès lors que, sociologiquement, les droits ne font sens que rapportés à leurs usages, et que les usages des droits varient sensiblement selon les propriétés sociales des citoyens (Baglioni, 2009).

Toutefois, les imbrications de ces échelles de citoyenneté sont plus rarement étudiées que ne le sont celles de l’action publique. Or, une sociologie historique et politique de la citoyenneté gagnerait à davantage développer une pensée de l’imbrication.
– D’abord en raison du développement récent de « micro-nationalismes » (Ecosse, Catalogne,…) qui supposent d’analyser les tensions entre les modalités d’appartenance à l’échelle locale et à l’échelle de l’Etat central, sans que soit forcément remise en cause la citoyenneté européenne. Comment définir des usages du vote et/ou des pratiques de participation qui rendent compte du succès de ces mouvements ? Comment y sont construites les modalités d’appartenance à la communauté politique locale et nationale ?
– Ensuite parce que ces questions peuvent être envisagées comme connexes avec d’autres qui relèvent d’une sociologie historique de la citoyenneté dans le monde colonial (Cooper, 2014) et plus particulièrement dans les colonies de peuplement (Veraccini, 2010), où les conditions de l’appartenance dépendent à la fois des propriétés du territoire colonial et des règles fixées depuis les anciennes métropoles. Comment les citoyens des territoires colonisés envisagent leurs rapports à la terre coloniale et à la métropole ?
– Egalement parce qu’une certaine « percée eurosceptique », à la fois en Grande Bretagne et au sein de nombreux partis nationalistes en Europe, implique d’aborder les tensions entre citoyenneté nationale et citoyenneté européenne. Dans quelle mesure la citoyenneté nationale peut-elle être conçue en opposition à l’Europe, alors que l’une comme l’autre sont construites en référence à des appartenances à des territoires – sauf pour la minorité de citoyens favorables à une citoyenneté universelle fondée sur la résidence et, in fine, la fiscalité (Duchesne, Frognier, 2002) ?
– Enfin, au sein d’un grand nombre de pays européens, le nombre de bi-nationaux a d’autant plus augmenté que les Etats ont eu tendance à accepter ce statut. Désormais confrontée à des restrictions dictées par des politiques sécuritaires, cette tendance se rétracte (Faist and Kivisto, 2007). Comment se construit une multi-appartenance à des communautés politiques ?

Ces différentes questions impliquent d’articuler des pratiques de participation citoyenne et des modalités d’appartenance à des communautés politiques multiples saisies à différentes échelles ; d’identifier comment se construisent, en matière de citoyenneté, les tensions et les ajustements entre des territoires saisis à l’échelle locale, nationale et supranationale. Et, ainsi, de croiser différentes échelles d’analyse de la citoyenneté. L’articulation de différentes échelles ne postule pas de primauté d’une « micro », d’une « meso » ou encore d’une « macro analyse » : de façon plus réaliste, il s’agit de faire varier des échelles (Revel, 1996) pour identifier comment la diversité des pratiques et des perceptions citoyennes peuvent être élaborées en référence à des territoires multiples.

The nesting of scales of citizenship are more rarely studied than those of public policy. Even so, a historical and political sociology of citizenship would benefit from the development of thought on questions of how various levels of perceived membership and belonging relate to questions of citizenship.
In the first place, the recent development of “micro-nationalisms” (Scotland, Catalonia, …) invite us to analyze tensions between modes of belonging from the local to the national level, without necessarily calling into question European citizenship. How can we define the use of the vote and/or of other means of participation that bear witness to the success of these movements? How are modes of belonging to local or national political communities constructed within them?
These questions can be considered in connection with others relating to historical sociology of citizenship in the colonial world (Cooper, 2014) where conditions of belonging depended at once on the properties of the colonial territory and on the rules set by the colonizing powers. How did citizens of colonial territories envisage their relationship at once to the colony and to the home country?
Similarly, the “Euro skeptic breakthrough” at once in the UK and within numerous European nationalist parties suggests that we consider the tensions between national and European citizenship. Do what extent should national citizenship be considered in opposition to Europe, as both are constructed with respect to the notion of territorial belonging, except in the case of the minority of citizens favorable to a universal model of citizenship – and ultimately of taxation – based solely on place of residence. (Duschesne and Frongier, 2002)
Finally, within a large number of European countries, the number of dual nationals has increased – all the more as states now tend to accept this status. In the face of restrictions due to security policies, this tendency is now being reversed. (Faist and Kivisto, 2007) How can multiple membership in political communities be constructed in this new context?
These various questions imply the need to articulate citizen participation with the various modalities of belonging and membership in political communities encountered at different scales, as well as identifying how tensions and adjustments among territories from the local to the supranational level may be constructed in the context of citizenship.

REFERENCES

Baglioni (L.), Sociologia della cittadinanza. Prospettive teoriche e percorsi inclusivi nello spzion sociale europeo, Rubbetino, 2009.
Bauböck (R.), Transnational Citizenship. Membership and Rights in International
Migration, Aldershot, UK: Edward Elgar, 1994.
Benhabib (S.) et al., Another Cosmopolitanism: Hospitality, Sovereignty, and Democratic Iterations, Oxford, Oxford University Press, 2006.
Carrel (M.), Neveu (C.), Citoyennetés ordinaires. Pour une approche renouvelée des pratiques citoyennes, Paris, Khartala, 2014.
Cooper (F.), Citizenship between empire and nation. Remaking France and French Africa, 1945 – 1960, Princeton, Princeton University Press, 2014.
Duchesne (S.), Citoyenneté à la française, Paris, Presses de Sciences Po, 1997.
Duchesne (S.), Frognier (A.P.), « Sur les dynamiques sociologiques et politiques de l’identification à l’Europe », Revue Française de Science Politique, 42, 4, 2002.
Faist (T.) and Kivisto (P.) eds., Dual Citizenship in Global Perspective, Houndsmills, Basingstoke: Palgrave Macmillan, 2007.
Finley (M.), L’invention de la politique, Paris, Flammarion, 1985.
Habermas (J.), Après l’Etat–Nation. Une nouvelle constellation politique, Paris, Fayard, 2000.
Leca (J.), « Nationalité et citoyenneté dans l’Europe des immigrations », in Costa-Lascoux (J.), Weil (P.), Dir., Logiques d’Etats et immigration, Paris, Kimé, 1992, pp. 13-57.
Manin (B.), Principes du gouvernement représentatif, Paris, Flammarion, 1995.
Marshall (T.H.), Citizenship an social class and other essays, Cambridge, Cambridge University Press, 1950.
Norris (P.), Critical citizens. Global support for democratic government, Oxford, Oxford University Press, 1999.
Revel (J.), Dir., Jeux d’échelles. La micro analyse à l’expérience, Paris, Hautes Etudes Gallimard Le Seuil, 1996.
Rosanvallon (P.), Le sacre du citoyen. Histoire intellectuelle du suffrage universel en France, Paris, Gallimard, 1992.
Savarese (E.), « Territoires de la citoyenneté en France et en Italie », Pôle Sud, 43, 2015/2.
Shaw (J.), The Transformation of Citizenship in the European Union, Cambridge:
Cambridge University Press, 2007
Soysal (Y.), Limits of Citizenship. Migrants and Postnational Membership in Europe,
Chicago: University of Chicago Press, 1994.
Strudel (S.), « Citoyennetés », dans Céline Belot , Paul Magnette et Sabine Saurugger (dir.), Science politique de l’Union européenne, Paris, Economica, 2008, pp. 175-195.
Veraccini (L.), Settler colonialism. A theoretical overview, New – York, Palgrave Mac Millan, 2010.

Axe 1 / Entre infranational et national
Discutant : Marc Swyngedouw (ISPO, University of Leuven)

Florence Di Bonaventura (Centre de Recherche en Science Politique (CReSPo) et Institut d’Etudes Européennes (IEE) de l’Université Saint-Louis – Bruxelles, USL-B), La Lega Nord et le primat de la communauté infranationale. La « décitoyennisation » au « renforcement » de la démocratie nationale et européenne : un paradoxe
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Christophe Roux (Université Nice Sophia Antipolis, ERMES), La citoyenneté nationale comme processus de cristallisation des « identités régionales ». Illustrations socio-historiques franco-italiennes du dépassement contrarié des appartenances secondaires
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Sophie Duchesne (Centre Émile Durkheim, CNRS/Sciences Po Bordeaux), Retour vers le Brexit : (re)analyse d’entretiens de 2004 sur ce que c’est qu’être anglais.e
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Axe 2 / Entre national et supranational
Discutant : Vincent Martigny (Ecole polytechnique, CEVIPOF)

Clémentine Lehuger (Paris I Panthéon-Sorbonne, CESSP), Citoyenneté et autochtonie : le « vigilantisme citoyen » à Mayotte

Julien Audemard (Université de Montpellier, CEPEL) et David Gouard (Université de Montpellier, CEPEL), Les logiques de la participation électorale des électeurs communautaires en France
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Louise Perrodin (LIPHA – Université Paris Est), Les réfugiés Rohingyas en Malaisie : revendication d’une citoyenneté supranationale et construction d’une citoyenneté au concret à l’échelle locale
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Florence Di Bonaventura (Centre de Recherche en Science Politique (CReSPo) et Institut d’Etudes Européennes (IEE) de l’Université Saint-Louis – Bruxelles, USL-B)

La Lega Nord et le primat de la communauté infranationale. La « décitoyennisation » au « renforcement » de la démocratie nationale et européenne : un paradoxe
Dans une approche de sociologie historique de longue durée, notre proposition de communication entend nourrir la réflexion théorique et empirique sur la citoyenneté. Ce concept de citoyenneté est intrinsèquement lié aux concepts de communauté politique et d’identité, et fait partie intégrante du processus de construction de l’Etat-nation. Notre cadre théorico-historique – se fondant sur la littérature relative aux notions d’Etat, de nation, de citoyenneté et d’identité – cible le cas italien et nous permet d’éclairer la conception de la citoyenneté périphérique que défend la Lega Nord – parti politique ethno-nationaliste et eurosceptique – dans son rapport à l’Etat italien et à l’Europe. Ce parti critique assez virulemment ces deux derniers les accusant de vider le sens de la citoyenneté et de la démocratie tant dans ses aspects sociaux, culturels et politiques. Il conteste l’histoire nationale italienne instituée, l’universalité des concepts d’Etat, de nation et de citoyenneté. Sa conception de la citoyenneté est assez restrictive et anti-libérale. Dans l’appréhension de celle-ci, nous considérons la citoyenneté en termes d’appartenance à la communauté politique, qui définit par ailleurs les frontières de l’exclusion, et analysons les formes d’expression de l’idéal communautaire de la Lega. Cette étude sur la citoyenneté revêt une dimension tant objective que subjective et symbolique.

The Lega Nord and the primacy of the subnational community. « Restricted citizenship » at the « strengthening » of national and European democracy: a paradox
In a long-term historical sociology approach, our paper proposal intends to feed theoretical and empirical reflection on citizenship. This concept of citizenship is intrinsically linked to the concepts of political community and identity, and is an integral part of the nation-state building process. Our theoretical and historical framework – based on the literature on the notions of State, nation, citizenship and identity – targets the Italian case and allows us to enlighten the conception of peripheral citizenship defended by the Lega Nord – an ethno-nationalist and Eurosceptic political party – in its relation to the Italian State and to Europe. This party strongly criticises the latter two accusing them of emptying the sense of citizenship and democracy in its social, cultural and political aspects. The Lega challenges the established Italian national history and the universality of the concepts of State, nation and citizenship. Their conception of citizenship is rather restrictive and anti-liberal. In the apprehension of this, we consider citizenship in terms of belonging to the political community, which defines the boundaries of exclusion, and analyse the forms of expression of the Lega community’s ideal. This study on citizenship has an objective, subjective and symbolic dimension.

Christophe Roux (Université Nice Sophia Antipolis, ERMES)

La citoyenneté nationale comme processus de cristallisation des « identités régionales ». Illustrations socio-historiques franco-italiennes du dépassement contrarié des appartenances secondaires
Il est difficile pour toute analyse minutieuse de la citoyenneté de ne pas être attentif à la pluralité des échelles territoriales qui la sous-tendent et, en son sein, de la centralité de l’Etat-nation. L’idée de nation basée sur la citoyenneté illustre clairement la croyance selon laquelle la construction nationale vise à fournir aux individus une source d’identification censée prévaloir sur les affiliations secondaires à d’autres groupes sociaux. La présente communication vise à examiner la façon dont un tel processus fonctionne réellement et avance une interprétation contre-intuitive mettant en avant la saillance du niveau régional dans une telle configuration. Basé sur une analyse socio-historique des cas corse et sarde entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle, elle montre comment la construction nationale pilotée par l’Etat peut aider à renforcer, plutôt qu’affaiblir, les identités régionales. L’insistance sur le rôle de l’Etat le rend en effet comptable des déséquilibres territoriaux en terme de développement économique et de ressources culturelles. Ce processus sert de base à un discours politique que les mouvements régionalistes utilisent plutôt qu’ils ne l’inventent dans les deux régions. A travers cet exemple, cette reconstruction éclaire les effets, la portée et la dynamique temporelle exact de la citoyenneté nationale en termes d’échelles territoriales.

National citizenship as a ‘crystalizing’ process for regional identities. Historical-sociological evidence of the difficulties to transcend ‘secondary’  identities in France and Italy
It is difficult for any careful analysis of citizenship not to pay attention to the plurality of territorial scales and to centrality of the nation-state. The idea of the nation based on citizenship (as powerfully advocated by D. Schnapper) clearly exemplifies the belief that nation-building aims to provide an identity that prevails over ‘secondary’ group affiliations. This paper intends to investigate on how such a process actually works. It offers a counter-intuitive interpretation about the relevance of the regional level in such a setting. Based on a sociological-historical analysis of Corsica and Sardinia between the end of the 19th and the beginning of the 20th centuries, it shows how state-led nation-building may help to strengthen, rather than to weaken, regional identities. The emphasis put on the role of the state leads to make it accountable for territorial unbalance in terms of economic development and cultural resources. This process offers the basis of the political discourse used, rather than invented, by regionalist movements in both regions. Through that particular example, this account sheds light on the real scope, effects and temporal dynamics of national citizenship in terms of territorial scaling.

Sophie Duchesne (Centre Émile Durkheim, CNRS/Sciences Po Bordeaux)

Retour vers le Brexit : (re)analyse d’entretiens de 2004 sur ce que c’est qu’être anglais.e
Cette contribution portera sur « le sentiment national », autrement dit, les types de relations entretenues entre les citoyen.ne.s et la ou les communauté(s) politique(s) nationale(s) auxquelles ils se réfèrent. En l’occurrence, l’analyse, menée selon une approche compréhensive, portera sur un corpus d’une soixantaine d’entretiens, menés en 2004 au sud et au nord de l’Angleterre, sur les significations associées au fait d’être britannique. L’échantillon est diversifié de façon classique et comporte une part d’interviewés issus de l’immigration. La grille d’entretien laissait ouverte la question des niveaux d’appartenance tant pour ce qui est de la relation entre Angleterre et Grande-Bretagne que pour la part à conférer à l’Union européenne. Deux notions, qui contribuent dans la culture britannique à organiser les relations entre individus, la notion d’accointance (acquaintance) et celle de de communauté (community), sont au cœur de l’analyse. Elles posent la question de l’imbrication entre échelles de citoyenneté dans des termes différents de ceux utilisés dans la science politique de langue française.
Ces entretiens ont une douzaine d’années et n’ont jamais été analysés. Le contexte du Brexit leur confère un intérêt particulier mais soulève autant de questions méthodologiques. Je m’appuierai pour les travailler sur les réflexions qui ont accompagné le développement, au cours des deux dernières décennies, de la réanalyse des enquêtes qualitatives.

Back to the Brexit : (re)analysis of 2004 face-to-face interviews on what it means to be English
This paper will deal with the notion of “national feelings”, that is, with the entertaining of relationships between citizens and the political communitie(s) that they refer to. The analysis aims to understand how people account for these relationships. The corpus is a series of about 60 interviews conducted in the South and the North of England in 2004 on meanings associated with being British. The sample is diversified in a classical way and includes interviewees with migrant background. The interview grid left the levels of belonging open, regarding England and Britain notably as much as the European Union. ‘Acquaintance’ and ‘community’, two notions that participate in structuring relationships between people in the British political culture, are central in the analysis. They raise questions about the imbrication between citizenship scales in different terms from what is commonly done in French speaking political science.
These interviews are twelve years old and have not yet been analysed. The Brexit current context gives them a particular interest but raises methodological questions. I order to analyse them I shall rely on the reflections generated by the development of secondary qualitative analysis in the last two decades.

Clémentine Lehuger (Paris I Panthéon-Sorbonne, CESSP)

Citoyenneté et autochtonie : le « vigilantisme citoyen » à Mayotte
Dans un contexte démographique très tendu du fait de la pression migratoire extrême que subit l’île de Mayotte conjugué à une rareté des ressources étatiques, la réinvention d’une différence entre les Mahorais et les Comoriens, pensée comme fondamentale se traduit actuellement dans des manifestations extrêmement violentes d’ostracisation des Comoriens à travers notamment les actions des « Comités de citoyens » ou encore « Comités de vigilance ».
Ces groupes se livrent à des expulsions et semblent ainsi reprendre a leur compte cette « mission civilisatrice bricolée » que de précédents travaux de recherche m’avait permis de constater chez les Métropolitains, faisant des Comoriens l’incarnation d’un arriération aussi bien sociale que morale,voire même les responsables du retard de développement à Mayotte. La figure du Comorien est saisie comme registre d’explication qui vient justifier le contexte de tensions sociales, économiques et politiques qui caractérise Mayotte et convoque le répertoire politique historique hyper-mobilisateur de « Mayotte française » retraduit ici sur le mode « Mayotte aux Mahorais » selon une conception exclusiviste de la citoyenneté qui s’appuie sur un répertoire de l’autochtonie qui se manifeste notamment dans ce « droit à la terre », rattaché ici à la notion de terroir que revendiquent les Mahorais en chassant les personnes identifiées comme Comoriennes.

Citizenship and and indigenousness : : the civic vigilantes in Mayotte
In a very tensed demographic context because of the migratory pressure supported by Mayotte combined with the rarity of State ressources, this reinvention of a difference between Mahorais and Comorians thought as fundamental, actually translates into extremely violent manifestations against comorian people throughout the actions of the « Citizens committees » or « vigilance committee ».
The members of these militias seem make it their own this « civilizing homemade mission » that my previous research work had shown about the metropolitan people, making Comorians as the embodiement of an retardation social as well as moral perhaps even the responsibles of the delayed development of Mayotte. The comorian figure is used as an explanation justifying social tensed climate in Mayotte and convenes the extremely-mobilising political directory of « French Mayotte » translated here as «  Mayotte to the Mayotte people » according to a exclusivist conception of citizenship supported by an indigenousness directory expressed in revendication of « rights to lands » close to the notion of « terroir ».

Julien Audemard (Université de Montpellier, CEPEL) et David Gouard (Université de Montpellier, CEPEL)

Les logiques de la participation électorale des électeurs communautaires en France
Peu de travaux se sont penchés sur la participation électorale des électeurs ressortissants des pays membres de l’Union Européenne résidant en France. L’exercice du droit de vote par les électeurs communautaires résidant en dehors de leur pays d’origine demeure pourtant l’un des éléments essentiels permettant d’appréhender concrètement la citoyenneté européenne. Dans cette perspective, deux grandes séries de questionnement structurent notre propos : la première porte sur les déterminants de l’inscription et de la participation électorales des citoyens européens résidant en France ; la seconde, sur les effets électoraux des contextes sociopolitiques dans lesquels évoluent ces électeurs.
Notre analyse repose sur l’étude de listes d’émargement complémentaires de quelques deux cent communes de taille diverse, localisées dans une quinzaine de départements métropolitains, à l’occasion des élections municipales et des élections européennes du printemps 2014. Deux principaux résultats seront mis en évidence. On observe d’abord des inégalités de participation électorale selon la nationalité. L’explication tient pour l’essentiel à la diversité des caractéristiques sociales propres aux différents groupes communautaires. Par ailleurs, la mobilisation des électeurs européens, parce qu’elle est souvent plus forte lors des élections municipales, nous amène à prendre au sérieux l’effet de l’enracinement local sur les conditions d’exercice de la citoyenneté européenne.

The logics of electoral participation of Europeans voters in France
Few works have addressed the question of electoral participation of European voters living in France. The vote of E.U citizens living abroad their own country is yet one of the key elements for understanding European citizenship. In this perspective, our concerns are structured by two points. The first one is about factors of electoral registration and participation of European voters. The second one focuses on the electoral effects of political contexts European voters are embedded in.
Our survey is based on the study of voting lists from 200 cities of different size, located in 15 French departments, during 2014 Municipal and European elections. It provided two main results. First, mobilization disparities according to nationality, which reveals the diversity of social characteristics of the different European groups. Second, the stronger mobilization for Municipal elections asks the issue of the effects of the local rooting processes to the exercise of European citizenship.

Louise Perrodin (LIPHA – Université Paris Est), Les réfugiés Rohingyas en Malaisie : revendication d’une citoyenneté supranationale et construction d’une citoyenneté au concret à l’échelle locale

Les Rohingyas en Malaisie : revendication d’une citoyenneté supranationale et construction d’une citoyenneté au concret
Depuis le début des années 1990, des Rohingyas – population musulmane majoritairement apatride qui se revendique autochtone du Myanmar, où ils sont victimes d’une superposition de persécutions – trouvent refuge en Malaisie. Toutefois, l’Etat malaisien rejette le droit international relatif au statut de réfugié, et son Immigration Act ne fait aucune mention du droit d’asile, de telle sorte que les Rohingyas sont considérés comme des immigrants illégaux et ne peuvent prétendre à une citoyenneté formelle. L’objet de cette communication est de discuter le rapport à la citoyenneté des Rohingyas en Malaisie par une étude des interactions entre deux échelles de citoyenneté. D’une part une citoyenneté transnationale est revendiquée par les Rohingyas en Malaisie à travers le statut de réfugié. D’autre part des éléments de construction, toujours de manière informelle, d’une citoyenneté au concret à l’échelle locale pour les Rohingyas invite à reconsidérer le présupposé selon lequel la citoyenneté formelle précède la construction d’une citoyenneté au concret. Les interactions entre ces deux niveaux seront analysées dans le contexte malaisien – symptomatique en Asie du Sud-est – où une citoyenneté multiculturelle et hiérarchique est instrumentalisée en vue de stratégies électoralistes.

Rohingyas in Malaysia: claims for a supranational citizenship and building of a practical citizenship
Since the beginning of the 1990s, some Rohingyas – a Muslim population, majorly stateless, claiming for their recognition as autochthonous of Myanmar, where they are victims of a superposition of persecution – are finding refuge in Malaysia. Yet, this latter rejects international law relating to the status of refugee and its Immigration Act does not mention any right to asylum. As such, Rohingyas are called illegal immigrants and are not eligible to any formal citizenship. This paper aims at discussing Rohingyas in Malaysia’s relationship towards citizenship by way of analyzing the interactions between two scales of citizenship. On the one hand, Rohingya are claiming for a supranational citizenship through their approach of the status of refugee. On the other hand, elements of a construction of an informal citizenship at the local scale for the Rohingyas suggests that the assumed chronology of a formal citizenship necessarily preceding the citizenship in practice does not necessarily hold true. Interactions between both levels will be analyzed in light of the Malaysian approach of citizenship – one that largely exemplifies that of other Southeast Asian countries – favoring a multicultural, hierarchical citizenship serving electioneering strategies.

Mardi 11 juillet 2017 9h00-13h00

AUDEMARD Julien julien_audemard@yahoo.fr
DI BONAVENTURA Florence florence.dibonaventura@usaintlouis.be
DUCHESNE Sophie s.duchesne@sciencespobordeaux.fr
GOUARD David gouardd@yahoo.fr
LEHUGER Clémentine clementine.lehuger@laposte.net
MARTIGNY Vincent vincent.martigny@polytechnique.edu
PERRODIN Louise louise.perrodin@univ-paris-est.fr
ROUX Christophe christophe.roux@unice.fr
SAVARESE Eric eric.savarese@umontpellier.fr
STRUDEL Sylvie sylvie.strudel@u-paris2.fr
SWYNGEDOUW Marc marc.swyngedouw@kuleuven.be