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Les élus et l’argent. Normes et usages

Elected politicians and money: standards and practices

Responsables scientifiques
Didier Demazière (Sciences Po, CSO) didier.demaziere@sciencespo.fr
Rémy Le Saout (Centre Nantais de Sociologie- CENS-CNRS) remy.le-saout@univ-nantes.fr

Inscrit dans un processus de différenciation et de spécialisation sociales, l’exercice du pouvoir politique tend à devenir une activité autonome relevant d’un univers de règles, de croyances et de rôles propres [Offerlé, 1999]. La rémunération occupe une place centrale dans ce mouvement d’autonomisation, dans la mesure où elle permet aux détenteurs de mandats politiques – du moins à certains d’entre eux – de vivre de leur activité. En ce sens, la rétribution monétaire de l’exercice des mandats favorise l’ouverture de l’espace politique à de nouveaux prétendants qui ne disposent pas d’une fortune personnelle [Weber, 1959]. Mais les rétributions matérielles contribuent, à l’inverse, à la clôture de l’espace politique [Gaxie, 1996]. Car l’indemnisation permet aussi à ceux qui peuvent entièrement se consacrer à leur fonction élective de capitaliser un ensemble de ressources (savoir-faire, maîtrise des codes de l’institution, entretien de réseaux, etc.) [Lagroye, 1994] qui leur procure un avantage pour se maintenir dans le champ politique et rend tendanciellement difficile le retour à leur situation professionnelle antérieure – pour ceux qui en ont eu une.
L’hypothèse de base au principe de cette section thématique est que la dimension financière du travail politique, autrement dit les conditions d’emploi des élus, est centrale dans la régulation de cette activité et de ce monde professionnel. La sociologie des professions a souvent mis au jour les mécanismes de clôture de certains marchés professionnels (instauration de numerus clausus, titres scolaires et/ou certification, transmission par filiation) [Friedson, 1984 ; Champy, 2009 ; Demazière, Gadéa, 2009]. Conjointement, elle a souligné que d’autres marchés sont plus ouverts, tels ceux qui relèvent des métiers de la culture et des arts ou bien encore du sport [Dubois, 2013 ; Chantelat, 2001] où l’entrée et l’installation sont faiblement régulées. A cet égard, l’accès au marché du travail politique apparaît peu contrôlé par des normes codifiées, dans la mesure où la compétition électorale doit, en cohérence avec l’idéal démocratique, être relativement ouverte. Cependant, cette « ouverture » favorise les prétendants qui peuvent mobiliser leurs ressources privées pour se consacrer pleinement à l’activité politique. C’est notamment pour rompre avec le caractère ploutocratique du recrutement politique et rendre l’accès à ce marché plus fluide que dès le XIXe siècle des mesures ont été prises pour accorder sur fonds publics un revenu aux parlementaires dont les modalités n’ont d’ailleurs depuis cessé de s’affiner et de s’étendre à l’ensemble des élus (pension de retraite (1904), sécurité sociale (1948), crédits collaborateurs (1953), allocation de retour à l’emploi (1982), etc.). Il s’agit bien ici d’intervenir sur le droit d’entrée mais selon une logique inverse de ce qui s’observe habituellement dans les professions réglementées ou établies : il convient moins de restreindre formellement les conditions d’entrée que de rendre plus accessibles les fonctions politiques à des catégories de population qui ne disposent pas de moyens financiers suffisants pour s’y consacrer pleinement et suspendre leur activité professionnelle. Qu’elles soient envisagées comme condition d’entrée dans l’espace politique ou comme ressource pour s’y maintenir, les indemnités des élus ont de fortes spécificités par rapport à la plupart des mondes professionnels. Elles ne rémunèrent pas la reconnaissance d’une expertise spécifique ou bien la détention de titres professionnels particuliers mais plutôt du temps libéré, du temps disponible. Cette caractéristique est fondamentale car en construisant politiquement les indemnités comme une compensation à la disponibilité et non comme une reconnaissance de compétences certifiées, cette justification permet de légitimer l’attribution de revenus aux élus tout en maintenant la représentation dominante d’un engagement désintéressé.
Bien qu’a priori des conditions matérielles d’exercice des mandats soient centrales dans la régulation de l’activité politique, elles restent, étrangement, un angle mort de la recherche en France [Garrigou, 1992 ; Lehingue, 1999 ; Phélippeau, 2005] alors que cette question est plus développée à l’étranger notamment dans les pays anglo-saxons [Polsby, 1968 ; Hibbing, 1988 ; Fiorina, 1994 ; DeGregorio, 1994 ; Pattie, Johnston, 2009 ; Gagliarducci, Nannicini, 2003 ; Besley, 2004 ; Bolleyer, Gauja, 2014]. On peut d’ailleurs se demander si les chercheurs français n’ont pas intériorisé le caractère tabou de l’objet au point qu’ils n’osent s’aventurer sur ce sujet par crainte de voir leurs productions assimilées à une forme de journalisme sensationnaliste ou de dénonciation aux relents populistes. Aussi, l’objectif de cette section thématique n’est pas de dévoiler « ce que gagnent véritablement les élus » comme le titre régulièrement la presse. Il est d’enrichir la connaissance sur une dimension négligée de l’exercice des mandats électifs et des carrières politiques : comment sont définies les normes qui encadrent l’attribution des gratifications matérielles accordées aux élus, quelles sont leurs conséquences sur les situations financières – hétérogènes et inégales – de ceux-ci ; comment ces derniers intègrent-ils l’argent dans leurs pratiques d’élus et dans leur carrière professionnelle ?
Autrement dit, l’hypothèse privilégiée est que la rémunération des élus a des effets structurants sur l’organisation de ce monde professionnel. Des effets hétérogènes et multidirectionnels aussi, pour ne pas dire antagoniques : elle favorise une ouverture de l’entrée de l’espace politique ; elle produit des effets de clôture par maintien dans cet espace ; elle se diffracte en règles et positions très variées au sein de cet espace. Interroger les conditions et modalités de rémunération des mandats politiques est alors une clé pour informer le fonctionnement du marché du travail et des carrières politiques : l’entrée marquée par le bénéfice de la première indemnité, l’installation avec les cumuls de positions, la survie avec les compétitions électorales récurrentes, la sortie avec les défaites et les conditions de conversion. L’enjeu de cette section thématique est donc de contribuer, à partir d’un point d’entrée original et circonscrit, à l’analyse de cet espace professionnel. Pour cela le questionnement privilégié porte sur les rémunérations des détenteurs de mandats politiques et sur les normes – saisies à partir de leurs usages mais aussi de la production normative – en matière de rétributions matérielles du travail politique.

As a result of a social process of differentiation and specialization, the exercise of political power gradually tends to become an autonomous activity, with its own rules, beliefs and roles. The financial retributions become more and more central in the autonomization of political activity because it permits certain political representatives to live from their work. This historical movement has given rise to a rich conceptualization, in terms of political professionalization, elected occupation, professional role, political work. However, analysis of the material conditions for the exercise of the political mandates is rather weak, at least in France compared to Anglo-Saxon countries The French researches on the codification of legislative texts concerning the allocation of financial resources to elected officials highlight the malaise of parliamentarians faced with the stake of the retribution of political activities. According to the literature, these reforms are developed in a relative secrecy because of the lag between the dominant representations that configure the political activites as a devoted commitment of elected and the possibility to obtain monetary compensation from this altruist commitment. Also, studying this issue of compensation for elected mandates is a quite sensitive subject, that is liable to be interpreted as a populist denunciation or as a form of sensationalist journalism.
Also, the objective of this thematic section is not to disclose « that truly earn elected politicians » as the press proclaims it regularly. It is to enrich the knowledge on a neglected dimension of the exercise of elective offices and political careers: how to define the rules that govern the allocation of material earnings granted to elected, what are their consequences on their financial situations – various and unequal; how do they consider the material dimension of their professional career; how do they use the money from their acrtivités, and for their work? Our hypothesis is that the financial dimension of political work, ie the conditions of employment of the elected representatives, is central for the regulation of this activity and of this professional world. The remuneration of elected politicians has structuring effects, which are also heterogeneous if not antagonistic: it promotes the opening of the entrance into the political space by pulling down the entry costs; it produces contrary effects leading to a closure of this space by creating specific interest to stay within; it is diffracted in very different rules and various positions across this space. So, examine the terms and conditions of remuneration of political mandates is a key point to understand the labor market and the unfolding of political careers: the entrance characterised by the earnings of the first allowance, the installation with overlapping of different positions and mandates, the survival with recurring electoral competitions, the exit with the defeats and the external conversions.
As the aim of this thematic section is to contribute to the analysis of this professional space, a main question is privileged: it concerns the retribution of elected politicians and the standards – their uses and their social production – in terms of material rewards of political work.

REFERENCES

Besley T., Paying Politicians: Theory and Evidence, Journal of the European Economic Association, vol. 2, 2004.
Bolleyer N, Gauja A., The Limits of Regulation: Indirect Party Access to State Resources in Australia and the UK, Governance, 2014.
Champy F., La sociologie des professions, Paris, PUF, 2009.
Chantelat P. (dir.), La professionnalisation des organisations sportives, Paris, L’Harmattan, 2001.
De Gregorio C., Professional committee staff as policymaking partners in the US Congress, Congress and the Presidency, vol.21, n°1, 1994.
Demazière D., Gadéa C., Sociologie des groupes professionnels, Pairs, La Découverte, 2009.
Dubois V., La culture comme vocation, Paris, Raisons d’agir, 2013.
Fiorina M., Divided Government in the American States: A Byproduct of Legislative Professionalism?, American Political Science Review, vol. 88, 1994.
Friedson E., La profession médicale, Paris, Payot, 1984.
Gagliarducci S., Nannicini T., Do Better Politicians perform better ? Disentangling Incentives from Selection, Journal of the European Economic Association, vol. 11, 2003.
Garrigou A., Vivre de la politique. Les “quinze mille”, le mandat et le métier, Politix, n°20, 1992.
Gaxie D., La démocratie représentative, Paris, Montchrestien, 1996.
Hibbing J.R., Legislative Institutionalization with Illustrations from the British House of Commons, American Journal of Political Science, n°3, 1988.
Lagroye J., Etre du métier, Politix, n° 28, 1994.
Lehingue P., Vocation, art, métier ou profession ? Codification et étiquetage des activités politiques, in Offerlé M. (dir.), La profession politique. XIXe-XXe siècles, Paris, Belin, 1999.
Offerlé M. (dir.), La profession politique. XIXe-XXe siècles, Paris, Belin, 1999.
Pattie C., Johnston R., MPs’ Expenditure and General Election Campaigns: Do Incumbents Benefit from Contacting their Constituents, Political Studies, n°3, 2009.
Phélippeau E., La formalisation du rôle d’assistant parlementaire (1953-1995), in Courty G. (dir.), Le travail de collaboration avec les élus, Paris, Michel Houdiard Editeur, 2006.
Polsby N. W., The Institutionalization of the US House of Representatives, American Political Science Review, n°1, 1968.
Weber M., Le savant et le politique, Paris, Plon, 1959.

Axe 1 / La codification des indemnisations des élus

Romain Rambaud  et Julien Bonnivard (Université de Grenoble, CRJ), Histoire du droit des indemnités des élus. Pour une analyse en termes de régimes politiques : vers une fonction publique républicaine sui generis de la représentation politique
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Marie-Ange Grégory (IEP Aix en Provence, CHERPA), La négociation d’avantages pécuniaires : un objet fédérateur, propice à la mobilisation des élus
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Aurélie Tibbaut et Florent Legrand (Université libre de Bruxelles, CEPAP), La rémunération des élus locaux à Bruxelles : quelle influence sur l’exercice du contrôle démocratique ?
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Axe 2 / Les usages de l’argent par les élus

Abel François (Université de Lille 1, LEM) et Eric Phélippeau (Université Paris Nanterre, ISP), Vivre de la politique locale

Louise Dalibert (Université de Nantes), La gratification financière du métier politique. Le cas de Jean-Philippe Magnen
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Sébastien Vignon (Université Picardie Jules Vernes, CURAPP-ESS), Les usages symboliques et politiques des indemnités électives dans les mondes ruraux. L’exemple des maires de Picardie
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Romain Rambaud et Sébastien Brameret (Université de Grenoble-Alpes, CRJ)

Les élus et l’argent, cartographie des possibles
Le suivi des législations et des règlements encadrant les rapports des élus (nationaux et locaux) à l’argent permet de déterminer quels types de problèmes ont été résolus et quels types de problèmes il reste à encadrer juridiquement. Il en ressort que la société a d’abord encadré ces questions à l’échelle macro-économique, c’est à dire à l’échelle du système politique dans sa globalité : cf. la fixation des indemnités des élus ou la place de l’argent dans le financement des campagnes électorales et des partis politiques. Plusieurs hypothèses peuvent être formulées. En premier lieu, l’essor de la législation pourrait être lié à la multiplication des excès autant qu’à la professionnalisation. En deuxième lieu, nous pouvons constater un développement très important de cet encadrement en lien avec le processus de décentralisation. 1982 devrait donc constituer un point de rupture (on constate pourtant qu’il n’y a aucune évolution du code des communes de 1977 aux lois de 1992), et la période récente (post 2012) une période d’accélération et d’approfondissement de l’encadrement. Si des améliorations peuvent encore être apportées au niveau global, les difficultés se trouvent, semble-t-il, aujourd’hui davantage à l’échelle micro-économique : cumul de fonctions pour les hommes politiques, participations à de nombreuses activités lucratives dans le secteur public local. Tout cela pose la question de l’effectivité relative et de la mise en œuvre délicate de la législation et de la réglementation, dans un contexte jurisprudentiel de plus en plus marqué. Le passage de situations d’ensemble à des situations individuelles engendre des questions certes nouvelles, mais d’autant plus délicates.

Elected politicians and money, a map of possibilities
Monitoring the evolution of legislation and regulation governing the relations of elected representatives (both nationally and locally) with money makes it possible to determine which types of problems have been solved, and what kinds of difficulties still remain. It emerges that society has initially framed these issues at the macroeconomic level, that is to say on the scale of the political system as a whole: i.e. the fixing the allowances of elected officials or the funding of electoral campaigns and political parties. Several hypothesis can be formulated. In the first place, the rise of legislation could be linked to the multiplication of excesses and to the process of professionalisation of the political life. Secondly, we can observe a very important development of this framework in connection to the process of decentralisation. 1982 should therefore be a breaking point (but there is no significant change in the legislation between the adoption of the 1977 Municipal Code and the 1992 laws), and the recent period (post-2012) a period of acceleration and deepening of the framework. While improvements can still be made at the global level, the difficulties are now seemingly more at the microeconomic level: accumulation of functions for politicians; participation in many lucrative activities in the local public sector. In the end, this raises the question of the relative effectiveness and the delicate implementation of the legislation and regulations, in an increasingly pronounced case-law context. The transition from general perspective to individual situations leads to questions that are certainly new, but all the more delicate.

Marie-Ange Grégory (IEP Aix en Provence, CHERPA)

La négociation d’avantages pécuniaires : un objet fédérateur, propice à la mobilisation des élus
Cette communication souhaite mettre en évidence que la négociation d’avantages pécuniaires est un moyen efficace pour fédérer un groupe d’élus. L’argent serait en quelque sorte le nerf de la mobilisation. Dans une perspective socio-historique, deux exemples sur les conditions matérielles des conseillers généraux permettent d’éclairer leur mobilisation pour bénéficier de droits comparables à ceux des élus municipaux. Le premier focus revient sur l’action de la Revue Départementale en 1911 en faveur du remboursement des frais de transports et de séjour engagés par les conseillers généraux ; remboursement consenti par la loi de finances du 27 février 1912 (art. 38). Le second focus s’intéresse à la longue mobilisation des associations d’élus départementaux – l’Association des présidents des conseils généraux de France créée en 1946 et l’Union des conseillers généraux de France fondée en 1973 – sur la question de la retraite de leurs membres ; jusqu’à l’obtention d’un droit à la retraite pour les conseillers généraux par la loi n° 92-108 du 3 février 1992 (Titre IV « Retraite des élus locaux »). Au travers de ces deux exemples et de niveaux divers de formalisation de l’action collective, il s’agit d’éclairer les acteurs investis dans la production des réformes visant à améliorer les conditions d’exercice du mandat départemental et les registres de justification qu’ils mobilisent.

The negotiation of pecuniary benefits: a federating object, favourable to the mobilisation of elected representatives
This communication wishes to highlight that the negotiation of pecuniary benefits is an effective means to federate a group of elected representatives. Money would to some extent be the sinews of the mobilisation. In a social-historical perspective, two examples on the material conditions of departmental councillors allow to shed light on their mobilisation to beneficiate from comparable rights to councillors. The first focus comes from the action of the Revue départemenale in 1911 in favour of the reimbursement of travel costs incurred by departmental councillors; reimbursement agreed by the finance law of 27 February 1912 (38th article). The second focus is aimed at the long mobilisation of associations of departmental representatives – the Association des présidents des conseils généraux de France registered in 1946 and the Union des conseillers généraux de France founded in 1973 – on the topic of the pensions of their members; until the attribution of a right to retirement for departmental councillors by the law number 92-108 of 3rd February 1992 (4th title, “pensions of elected representatives”). Through these two examples and diverse levels of formalisation of the collective action, one brings light onto the actors invested in the production of reforms aiming at improving the conditions of the practice of the departmental mandate and the registers of justification that it brings in.

Aurélie Tibbaut et Florent Legrand (Université libre de Bruxelles, CEPAP)

La rémunération des élus locaux à Bruxelles : quelle influence sur l’exercice du contrôle démocratique ?
En Belgique, la commune est administrée par un bourgmestre (maire), un collège communal (exécutif local) et un conseil communal. Ce dernier assume un rôle de contrôle démocratique sur les actes posés par l’exécutif local. L’ambition de notre étude est de questionner les effets structurants de la valorisation pécuniaire du mandat de conseiller sur le travail politique de celui-ci. Depuis les années 2000, plusieurs réformes visant à moderniser la gouvernance locale ont été adoptées. Pour autant, cette question du contrôle démocratique n’a jamais véritablement fait l’objet de l’attention du législateur. L’indemnisation des élus locaux touche pourtant aux équilibres du système politique local. Prendre celle-ci en considération est indispensable pour comprendre l’investissement des conseillers dans l’exercice du contrôle démocratique. Pour ce faire, nous analysons dans un premier temps le type de valorisation choisi par le législateur (jeton de présence), les registres de justification mobilisés pour ce choix et les enjeux qui s’y rattachent. Ensuite, nous mettons en exergue la disjonction entre la conception théorique du contrôle démocratique et l’exercice réel de celui-ci par les élus en question. Nos premiers résultats montrent que celle-ci s’explique notamment par une inadéquation entre la valorisation financière et l’implication nécessaire à l’exercice du mandat de conseiller local.

The remuneration of local elected officials in Brussels : Which influence on the exercise of democratic control ?
In Belgium, municipalities are governed by a mayor, an executive committee and a council. The latter essentially exercises a democratic control over the actions of the local executive. In this study, we aim to examine the structuring effects of the financial compensation perceived by the councilors and how they influence their work. Since the 2000s, several reforms aiming to modernize governance at the local level were adopted. The democratic control function, however, has never really been in the spotlight of legislators. Yet, the financial benefits perceived by the councilor is critical for the balance of power in the local political system. It is hence necessary to take them into consideration to understand the councilors’ involvement in their democratic control function. To do so, I we first analyze the kind of compensation chosen by the legislator (attendance fee), why such choice was made, and the manner in which this choice is justified. Then, we highlight the disjunction between how the democratic control was theoretically thought and designed and how it is actually exercised by the councilors. Preliminary results show that this gap can be mainly explained by a mismatch between the financial compensation and the involvement needed to fulfil local councilor mandates.

Abel François (Université de Lille 1, LEM) et Eric Phélippeau (Université Paris Nanterre, ISP)

Vivre de la politique locale
Depuis la fin des années 1980, différentes catégories d’élus et de responsables publics ont l’obligation de remplir des déclarations de patrimoine et d’intérêts. De nombreux élus locaux ont finis par être concernés par ces obligations déclaratives : depuis 2013, les maires des communes de plus de 20 000 habitants doivent aussi s’y conformer. Mais ce matériau empirique n’a pas encore suscité les usages scientifiques qu’il mérite. Alors qu’il offre une entrée en matière particulièrement heuristique pour réfléchir aux conditions matérielles d’exercice des activités politiques.
L’objet de cette communication est d’apprécier dans quelle mesure un traitement statistique de ces données officielles peut nous permettre de penser la question centrale depuis Weber relative aux processus de professionnalisation politique. Le projet consiste à s’appuyer sur les déclarations d’intérêts et d’activités des 452 maires des communes de plus de 20 000 habitants publiées par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pour apprécier ce que signifie aujourd’hui vivre de la politique locale.

To live off local politics
Since the end of 1980s, various categories of elected representatives and public officials have the obligation to fill declarations of assets and interests. Numerous local elected representatives ended up to be concerned by these declarative obligations : since 2013, the mayors of the municipalities of more than 20 000 inhabitants must also comply with it. But this empirical material has not aroused the scientific uses yet which it deserves. While it offers an introduction particularly heuristics to think about the material conditions of exercise of the political activities.
The purpose of this communication is to appreciate to what extent a statistical treatment of these official data can allow us to think of the central question since Weber concerning the processes of political professionalization. The project consists in leaning on the declarations of interests and activities of the 452 mayors of the municipalities of more than 20 000 inhabitants published by the High Authority for transparency in public life (HATVP) to appreciate what means exactly today to live off local politics.

Louise Dalibert (Université de Nantes)

La gratification financière du métier politique. Le cas de Jean-Philippe Magnen
Il s’agit d’envisager la gratification financière que procure le métier politique sous l’angle d’une étude de cas. En septembre 2014, Jean-Philippe Magnen (vice-président du Conseil régional des Pays-de-la-Loire, ancien porte-parole d’EELV) annonce sa décision de quitter la vie politique, à 47 ans, pour reprendre son activité de psychothérapeute. Que nous révèlent l’étude biographique de cet ex-professionnel de la politique et son plaidoyer pro domo sur l’impact de la rétribution financière au sein du monde politique professionnel ? La rétribution économique semble centrale dans la régulation et l’évolution des carrières, la sortie de Jean-Philippe Magnen permet d’étayer cette thèse par la négative ; le fait qu’il soit moins fortement tributaire des logiques de dépendance financière lui permet de poser un acte rare dans le paysage politique : s’en retirer. Malgré ce relatif détachement, les questions d’argent occupent une place significative dans son plaidoyer. Il faut y voir la volonté de réhabiliter symboliquement les mandats locaux. La gratification financière influe également sur les représentations véhiculées au sein du monde politique professionnel, sur la valeur que les acteurs accordent aux différents mandats électifs. Enfin, son plaidoyer sur l’argent en politique montre à la fois la difficulté d’aborder publiquement les questions de financement de la vie politique et l’intériorisation par l’individu des justifications classiques du métier politique.

The financial reward of the profession of politician
The financial reward provided by the profession of politician will be considered from the standpoint of a case study. In September 2014, Jean-Philippe Magnen (Vice-President of the Pays-de-la-Loire Region, former EELV spokesman) announced his decision to withdraw from politics, at the age of 47, in order to return to work as a psychotherapist. What does the biographical study of this ex-professional of politics reveal, as well as his pro-domo advocacy on the impact of financial reward within in the professional political world ? The economic reward seems central in the regulation and evolution of careers, Jean-Philippe Magnen’s exit provides support for this position in the negative ; the fact that he’s less dependent on the pattern of financial dependence allows him to accomplish a rare action in the political landscape : to withdraw from it. Despite this relative detachment, money matters occupy a significant place in his advocacy. We must see there the will to symbolically rehabilitate the local political mandates. The financial reward also influences the representations conveyed within the professional political world, on the value given by actors to the different elective mandates. Finally, his plea on money in politics shows both the difficulty of publicly address the issue of financing political life and the interiorization by the individual of the classical justifications of the profession of politician.

Sébastien Vignon (Université Picardie Jules Vernes, CURAPP-ESS)

Les usages symboliques et politiques des indemnités électives dans les mondes ruraux. L’exemple des maires de Picardie
Si les petites communes offrent a priori les moins bonnes conditions pour financièrement « vivre de la politique », la rémunération du travail des édiles s’est toutefois développée. D’une part sous l’effet de l’institutionnalisation de nouveaux rôles politiques à l’échelle intercommunale qui peut s’accompagner du versement d’indemnités dont le versement fait l’objet de négociations puisqu’il n’est pas rendu systématique par le législateur. D’autre part, et plus récemment, dans le cadre de la réforme du cadre juridique des indemnités puisque depuis le 1er janvier 2016, dans les municipalités de moins de 1 000 habitants, les montants prévus par la loi sont fixes et le conseil municipal ne peut plus les réduire. En croisant les trajectoires biographiques des élus (communes de Picardie) et les conceptions de leur engagement politique, cette communication rend compte de leur rapport différencié aux indemnités électives, et plus précisément des arguments qu’ils convoquent pour justifier l’indemnisation de leur activité politique. A partir du suivi des campagnes électorales municipales et intercommunales, elle montre également que la question de l’indemnisation des élus fait l’objet et est construite comme une « arme » politique pour disqualifier l’adversaire.

The symbolic and political uses of the elective compensations in the rural worlds.The example of the mayors of Picardy
If the small municipalities offer a priori the least good conditions to live financially  » on the politics(policy) « , the remuneration for the work of the town councillors however developed. On one hand under the influence of the institutionalization of new political roles in the intermunicipal scale which can come along with the payment of compensations the payment of which is the object of negotiations because it is not made systematic by the legislator. On the other hand, and more recently, within the framework of the reform of the legal framework of the compensations because since January 1st, 2016, in the municipalities of less than 1 000 inhabitants, the statutory amounts are fixed and the City Council cannot reduce them any more. By crossing the bibliographic trajectories of the elected representatives (municipalities of Picardy) and the conceptions.

Mercredi 12 juillet 2017 9h00-13h00

BRAMERET Sébastien sebastien.brameret@univ-grenoble-alpes.fr
DALIBERT Louise Louise.dalibert@etu.univ-nantes.fr
DEMAZIERE Didier didier.demaziere@sciencespo.fr
FRANCOIS Abel abel.francois@univ-lille1.fr
GREGORY Marie-Ange marieange.gregory@gmail.com
LEGRAND Florent Florent.Legrand@ulb.ac.be
LE SAOUT Rémy remy.le-saout@univ-nantes.fr
PHELIPPEAU Eric ephelipp@u-paris10.fr
RAMBAUD Romain Romain.rambaud@univ-grenoble-alpes.fr
TIBBAUT Aurélié atibbaut@ulb.ac.be
VIGNON Sébastien sebastienvignon@yahoo.fr