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Le rapport entre l’économique et la politique

The relationship between the Economic and the Political

Section thématique présentée par le groupe de projet SPECO de l’Association Française de Science Politique

Responsables scientifiques
Colin Hay (CEE-Sciences Po Paris) colin.hay@sciencespo.fr
Andy Smith (FNSP, CED-Université de Bordeaux) a.smith@sciencespobordeaux.fr

Cette section thématique rendra compte d’une partie des travaux effectués au sein du groupe de projet de l’AFSP intitulé Science politique et économie (Spéco). Lancé à l’automne 2016, Spéco s’est déroulé à travers des journées d’étude de lancement, des ateliers réguliers sur les papiers en cours, une école d’été (en juin 2016) et la mise en place d’une page web qui diffuse les travaux écrits de ses membres. Au cœur de tous ces échanges se trouve le projet de produire, dans un lapse de temps optimal, au moins un ouvrage collectif sur le rapport entre l’économie et la politique. Etant donné l’ambition scientifique et le calendrier de ce projet, nous avons centré notre section thématique sur des versions relativement abouties de contributions à un « dictionnaire du rapport capitalisme-politique ». Dans un deuxième temps, nous présenterons ce projet d’ouvrage. Auparavant, il importe de rappeler l’objet et la raison d’être de Spéco.

Pourquoi un groupe de projet Science politique et économie ?
Ce groupe trouve son origine dans le constat du relatif silence de la science politique française à l’égard de l’activité économique et de son analyse. L’absence de chercheurs français dans les débats concernant l’économie en général, et la crise débutée en 2007-08 en particulier, ne sont pas la seule illustration de ce mutisme. Il s’observe également dans la faible proportion d’articles portant sur ces problématiques dans nos revues de référence, ou encore dans le nombre très réduit de thèses soutenues revendiquant une approche politique des faits économiques. Ce délaissement est également manifeste si l’on en juge par le peu de sections thématiques abordant ces enjeux aux congrès de l’Association française de science politique. Logiquement, cette situation se prolonge jusque dans notre offre de formation où l’enseignement de l’économie à l’Université et dans les Instituts d’études politiques est systématiquement délégué à des économistes « de métier » sans suivi par des politistes. La science politique française a donc largement omis d’employer ses approches, concepts et théories à la production de connaissances sur les « faits sociaux » économiques – une situation que les porteurs de ce projet jugent préoccupante, tant pour la qualité des échanges dans notre discipline que pour celle du débat public.
Si ce constat est préoccupant, notre discipline ne manque toutefois pas d’atouts pour renverser cette situation. Un premier motif de confiance peut être trouvé dans le nombre, réduit mais croissant, de politistes engageant des travaux sur les rapports entre économie et politique. Composé de chercheurs formés ailleurs (ex. Colin Hay), provenant d’autres d’autres courants disciplinaires (ex. Cornelia Woll, Andy Smith) ou de jeunes docteurs ou doctorants qui s’y sont spécialisés au cours de leurs thèses (ex. Benjamin Lemoine, Clément Fontan, Cyril Benoît), ce collectif naissant constitue le noyau dur du groupe de projet Spéco.
Si ce réseau donne de premiers gages de satisfaction, c’est notamment parce qu’il s’anime déjà autour d’un faisceau de propositions théoriques et méthodologiques convergent, ainsi que d’une envie partagée de participer activement à des controverses internationales et interdisciplinaires. On remarque en effet qu’au-delà de leurs différences d’approches ou de conceptualisation de leurs objets, ces politistes s’accordent autour d’un « angle d’attaque » commun constituants le socle pour des échanges cumulatifs. Ontologiquement, ils conçoivent l’économie comme un champ structuré par des institutions et des rapports de pouvoir. Ils considèrent ces phénomènes comme fondamentalement contingents et reliés à la politique. Epistémologiquement, ils partagent des postulats constructivistes, institutionnalistes et sociologiques qui les amènent à considérer que le rapport entre la politique et l’activité économique est façonné par les représentations sociales des acteurs qui s’y investissent, leurs interdépendances et les dispositifs qui les structurent. En d’autres termes, et en s’appuyant aussi sur des travaux pertinents nombreux développés par des sociologues économiques et des économistes « hétérodoxes », ce groupement de chercheurs est déjà convaincu que le type de science politique couramment pratiqué en France est particulièrement approprié pour investir, de manière conséquente, l’analyse politique de l’activité économique capitaliste.

Un projet d’ouvrage sur le rapport capitalisme-politique
S’engager dans ces débats internationaux tout en promouvant les acquis des sciences sociales françaises concernant le rapport entre l’économie et la politique est donc l’objectif à moyen et à long terme de notre projet de traité. Tenir un tel engagement exige un travail durable et progressif qui ne pourra se faire que si nous arrivons à établir un socle de connaissances et une base pour les nombreux points qui restent à discuter et à éclaircir à travers de nouvelles recherches. A plus court terme, l’ambition de cet ouvrage est donc de constituer un texte cohérent autour duquel nous pourrions stimuler des collaborations de deux types : entre ceux d’entre nous qui inscrivent leurs travaux déjà dans le champ de l’économie politique, d’une part et, d’autre part, avec des collègues qui se voient actuellement davantage comme des spécialistes des politiques publiques, des partis politiques, des mouvements sociaux, etc. Pour ce faire, le fil conducteur de l’ouvrage sera donc le rapport entre le capitalisme et la politique : comment qualifier cette relation ? qu’est-ce qui la structure ? comment change-t-elle ? quelles en sont ses causes profondes ? qui en bénéficie ? quels en sont les perdants ?
Afin d’aborder ce vaste thème de manière progressive et pédagogique, l’ouvrage sera structuré en trois parties. Suite à une introduction que nous co-rédigerons, la première partie consistera en une série de chapitres consacrés à des perspectives de recherche existantes sur le rapport capitalisme-politique, ainsi que les méthodologies et les techniques de recherches qu’elles tendent à privilégier. Ensuite, la deuxième partie de l’ouvrage sera composée d’une série d’entrées plus courts consacrés aux concepts clés de l’économie politique. En lien avec les perspectives analysées dans la première partie, l’objectif ici sera de présenter diverses acceptions de chaque concept, leurs origines et leurs évolutions éventuelles. Enfin, la dernière partie de l’ouvrage rassemblera une série de chapitres centrés sur des controverses clés qui, aujourd’hui, marquent l’économie politique. Après avoir cerné « leur » controverse, chaque chapitre présentera une prise de position théorique et une démonstration empirique. Au total, structuré ainsi, l’ouvrage vise à présenter la diversité des approches existantes du rapport entre l’économique et la politique, mais aussi à démontrer pourquoi et comment des approches informées davantage par la sociologie politique peuvent éclairer des débats scientifiques et publics contemporains. Il est évident que nous ne pourrions présenter l’ensemble des contributions au futur ouvrage. C’est la raison pour laquelle notre première séance de travail sera centrée sur une confrontation entre un échantillon de perspectives analytiques, tandis que la deuxième focalisera sur une série de controverses politiques que le capitalisme ne cesse de soulever.

‘Political science and the Economic’ (Science politique et l’économie: Spéco) is one of the AFSP’s four current ‘project groups’ (http://www.afsp.info/gp/speco.html. Funded for the period October 2015 to October 2017, Spéco’s aim is to promote both analysis of the economic within political science and, more generally, to develop a specific focus upon the relationship between economic activity and politics. To further these aims, one of our outputs will be to produce the first comprehensive handbook of political economy in the French language. Consequently, our two panels to be held at the AFSP’s congress in Montpellier congress will bring together contributors to present relatively advanced drafts of chapters from this volume.

SPECO has a membership of over 100 academics and the volume will draw on their breadth and diversity to produce a coverage of the field that is genuinely comprehensive. We would expect the book to become the standard reference and point of departure for future work in French in this area; we would also expect it to receive a very large number of course adoptions, serving as central reading for courses in political economy, comparative political economy, the politics of the economy, economic sociology and public policy analysis. Throughout, the central theme of the book will be the relationship between capitalism and politics: how it is structured, how it changes, what causes it, who benefits and who loses out.

In order to address this theme progressively and pedagogically, the volume will be structured in three parts. In the first, after an introductory essay by the co-editors setting out the academic terrain of those who have studied the capitalism-politics relationship, there will be a series of chapters on core perspectives interrogating the link between the political and capitalism, as well as the research methodologies and techniques they each favour. The second part of the volume will contain a series of much shorter mini-essays on the core concepts of political economic analysis. These essays will relate how the concepts they consider are understood and deployed differently (or not) in different schools of political economics analysis. The third part will consist of a series of short essays describing key controversies in political economy today. Each essay will also provide empirical illustrations of the approaches and concepts set out in parts 1 and 2. Overall, this tripartite structure will allow researchers and students to use the book as a means of gauging the state of the art in terms of perspective, concepts and their application to real world situations.

As regards our two work sessions in Montpellier, the first will be centred upon texts drawn from the book’s first part, i.e. analytical perspectives on the capitalism-politics relationship. In order to illustrate and further discuss these approaches, the second session will focus instead upon a range of political controversies that capitalism in its many guises has repeatedly generated.

Session 1 : Perspectives
Mardi 11 juillet de 9 à 13h

Colin Hay (CEE-Sciences Po Paris) & Andy Smith (CED-Sciences Po Bordeaux), Introduction : capitalisme et politique
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Vincent Gayon et Benjamin Lemoine (IRISSO-Paris Dauphine), Constructivisme

Julien Patarin-Jossec (CED-Université de Bordeaux), L’économie de l’hégémonie : éléments d’une critique féministe du capitalisme
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Philippe Bezes (CEE-Sciences Po Paris), Transformations du capitalisme et réforme des administrations d’Etat

Session 2 : Controverses
Mercredi 12 juillet de 9 à 13h

Guillaume Gourges (CRJFC-Université de France Comté) et Karel Yon (CERAPS-Lille 2), Rapport salarial

Gaël Coron (IODE-EHESP) et Bernard Friot (IDHES), Protection sociale

Arnaud Sergent (IRSTEA Bordeaux), Le capitalisme face au changement climatique : pour une (méso) économie politique des mutations industrielles

Matthieu Ansaloni (LAASP), Ecole de la régulation
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Colin Hay (CEE-Sciences Po Paris) & Andy Smith (CED-Sciences Po Bordeaux)

Introduction : capitalisme et politique
Ce papier examine la relation dynamique entre la politique et l’économie au sein de sociétés capitalistes, et ceci en argumentant que pour développer une économie véritablement politique il ne faut privilégier ni l’une ni l’autre de ces entrées en matière. Procéder ainsi contraste fortement avec ce qui prédomine actuellement au sein de l’économie et de la science politique mainstream. Notre proposition alternative sera déclinée en deux temps. Tout d’abord, nous montrerons le caractère intrinsèquement politique du capitalisme en tant que système économique en explorant les contraintes imposées par « le besoin » de performance économique au sein de l’espace du politique. Nous examinerons plus particulièrement la construction politique récente des impératifs économiques, ainsi que son impact sur les Etats. Dans un deuxième temps, nous ciblerons l’interdépendance entre les traits économiques et politiques du capitalisme en reformulant les trois « P » : le politique, les politiques publiques et la politique. Lorsque l’impact de la politique sur l’économie est réduit au rôle du politique ou de l’action publique, l’analyse néglige de nombreux acteurs et processus clés. De même, lorsque la politique est vue comme synonyme du pouvoir, ou abordée comme un simple registre de légitimation, la recherche tend à négliger les sources plus profondes du changement ou de la reproduction. L’objectif à viser est plutôt de développer des approches holistes à même de cerner la dialectique au cœur du rapport économie-politique.

Introduction: capitalism and politics
In this paper we examine the dynamic and changing relationship between politics and economics in capitalist societies, making the case in the process for a genuine political economy which analytically privileges neither moment.  This we contrast to both mainstream economics and mainstream political science. The argument unfolds over two core sections.  In the first we explore the inherently political character of capitalism as an economic system, exploring the constraints imposed by the need for economic performance on the space in which politics takes place.  We look in particular at the politics of the construction of perceived economic imperatives and the role this has played in the development of the state in recent decades.  In the second section we examine the dynamic interplay of political and economic factors in contemporary capitalism by reformulating the 3 Ps: politicians, policy and politics. When the political in the economic is reduced to the acts of politicians or to public policy, analysis overlooks numerous key actors and processes. Similarly, when politics is seen as just a synonym for power, or treated as a mere strategy of legitimation, research neglects deeper sources of reproduction or change. The goal therefore is to produce more holistic analyses of the economic-politics relationship that tease out its underlying dialectics.

Vincent Gayon et Benjamin Lemoine (IRISSO-Paris Dauphine)

Constructivisme
Si elle rappellera les apports principaux et les limites des approches constructivistes en sociologie et en science politique, cette entrée au Dictionnaire souhaiterait plus spécifiquement faire le point sur les approches constructivistes de la réalité économique. Elle reviendra ainsi sur de grands classiques de l’économie politique et de la sociologie et sur des sociologues et politistes contemporains qui se sont intéressés, avec des moyens théoriques et méthodologiques différents et variés, à appréhender la réalité économique sous un angle constructiviste. Ces travaux ont, chacun à leur manière, interrogé et problématisé l’apparition de cette entité spécifique – l’« économie » ou l’« économique » –, se différenciant progressivement d’autres sphères d’activité, y imposant ses règles, et se dotant d’une objectivité propre. Ils ont ainsi pu insister par exemple sur les disciplines, les professions et les dispositifs de gouvernement, en particulier statistiques et comptables, qui maintiennent l’ordre économique, c’est-à-dire constituent l’« économie » comme réalité autonome et stabilisent des manières d’agir sur elle. Cette entrée permettra donc de prendre pleinement pour objet le travail permanent de construction, de naturalisation et de maintien de l’ordre économique déployé par une multitude d’acteurs, d’institutions et d’instruments techniques.

Constructivism
The presentation will analyze the main contributions and limitations of constructivist approaches in sociology and political science that aim to describe economic reality. Thus, it will re-investigate the great classics of political economy and sociology, and to contemporary sociologists and politicians who, with varying theoretical and methodological means, were interested in understanding economic reality from a constructivist angle. Each in their own way, such classics questioned and problematized the appearance of this specific entity – the “economy » or « economics » – gradually differentiated from other spheres of activity, imposing its rules and its own objectivity. For example, such authors have been able to highlight the impact of of disciplines, professions and systems of government, and statistics and accounting in particular, which maintain the economic order, i.e which constitute the « economy » as an autonomous reality and stabilize different ways of acting on it. This entry for the future Dictionnaire will thus show the value of precise accounts of the permanent work of construction, naturalization and maintenance of the economic order deployed by a multitude of actors, institutions and technical instruments.

Julien Patarin-Jossec (CED-Université de Bordeaux)

L’économie de l’hégémonie : éléments d’une critique féministe du capitalisme
Alors que subsistent en économie politique des difficultés tant théoriques que méthodologiques à dresser une dialectique des relations qu’entretiennent économie et politique qui n’invisibilise pas la fonction des structures étatiques dans les rapports de production capitalistes, ou ne faisant pas d’une crise politique la conséquence unilatérale d’une déstabilisation d’un système économique, certaines théories féministes critiques du système capitaliste à l’ère néolibérale sont susceptibles de pourvoir quelques pistes de travail. S’appuyant en grande partie sur le postulat marxien de « privilège épistémique » de la classe des opprimés, ces théories forgent ainsi, dès les années 1990, un lien logique entre le système de valeurs néolibérales dans lequel s’exerce le pouvoir politique des États occidentaux et l’hégémonie du modèle économique capitaliste qui en résulte. D’où une critique des modes de production propre aux sociétés occidentales modernes comme appui et structure de la domination masculine (notamment à travers les rôles de travailleur-consommateur et de citoyen-client de prestation sociale). Heuristique en dépit d’indéniables lacunes et contraintes théoriques (dont sa contribution à l’assise de politiques publiques néolibérales dès le début des années 1970), l’esquisse d’une économie politique féministe suppose de produire une émancipation politique par l’exégèse du système économique dans lesquels les rapports de pouvoirs s’insèrent au fil des interactions, des flux financiers, ou encore de la définition des actions étatiques.

The economy of hegemony: elements of a feminist criticism on capitalism
Some theoretical and methodological difficulties remain in political economy for building a dialectical approach of relationships between the economic and the political. To overcome them, and without erasing the function of state structures in the relations of capitalist production, or reducing a political crisis to a consequence of a destabilization of an economic system, some feminist theories which formalize a criticism of capitalism in the neoliberal era can provide a relevant starting point. Mainly based on the Marxian postulate of the “epistemic privilege” of the oppressed class, since the 1990s such theories have built a logical linkage between the system of neoliberal values from which Western states exercise their political power and the hegemony of the capitalist economical model. Hence their criticism of the production patterns which are specific to modern Western societies, the latter being a support as well as a structure of the masculine domination (for instance, via the roles of worker-consumer and of citizen-clients as regards social security benefits).
Despite its obvious theoretical gaps and restrictions (including the involvement of second wave feminism in the development of neoliberal public policies in the early 1970s), these these theories heuristically to craft a feminist political economy which postulates that political emancipation has to go through an exegesis of the economic system in which power relationships are integrated in the course of interactions concerning financial flows or the definition of public actions.

 

Matthieu Ansaloni (LAASP)

Ecole de la régulation
Dans quelle mesure la Théorie de la régulation est-elle susceptible de contribuer à une analyse politique des phénomènes économiques ? En réponse à cette question, l’article s’attache à montrer que si la Théorie de la régulation repose originellement sur une exclusion de la question de la régulation politique, son corpus théorique, parce que construit sur les rapports sociaux qui sont au fondement de l’activité économique, ouvre sur une analyse politique, c’est-à-dire centrée sur les rapports de force, donc les valeurs. Cet article revient sur les principaux travaux « régulationnistes » qui ont cherché à prendre en compte la question de la régulation politique de l’activité économique. Il montre que cet effort, s’il a été nourri par des auteurs multiples, est passé par un retour plus ou moins explicite à Gramsci : en dernière analyse la politique économique est l’expression du projet que porte un bloc hégémonique. Après avoir mis au jour les mérites et les limites de cet effort, l’article poursuit en distinguant quelques complémentarités entre le programme « régulationniste » et les travaux de science (sociologie) politique portant sur l’activité économique.

The Régulationist school
How can the “Régulationist school” contribute to the understanding of the political dimension of economic activity? In this paper, it will be argued that if at the beginning politics as a variable was not at the heart of “Régulationist theory”, precisely because they link economic activities to social relationships, its main assumptions open the way to a political analysis based on struggles and values. This paper will firstly present the ways politics as variable has been integrated within “Régulationist theory”. Though varying in many ways, all its propositions converge towards a return to Gramsci: economic policy is determined by a political project defended by a hegemonic bloc. This paper then sets out both the contributions and the limits of these propositions. Finally, it proposes a research agenda that underlines potential complementarities between “Régulationist theory” and the political science (or sociology) which currently studies economic issues.

Guillaume Gourges (CRJFC-Université de France Comté) et Karel Yon (CERAPS-Lille 2)

Rapport salarial
Dans une économie de marché, la relation de travail implique à la fois une transaction de nature économique (salaire contre travail) et une relation de pouvoir (subordination du salarié à l’autorité de l’employeur). Le rapport salarial désigne l’ensemble des règles, dispositifs et institutions qui configurent ces deux dimensions à l’échelle d’une formation sociale donnée. Cette communication proposera une synthèse problématisée de la littérature scientifique concernant l’évolution du rapport salarial. Nous proposerons, au-delà d’une caractérisation de cette évolution, de dégager des pistes de réflexion sur la part proprement « politique » de la stabilisation/déstabilisation du rapport salarial depuis la seconde guerre mondiale. En effet, l’abandon, complet ou partiel, de certains objectifs (plein emploi, sécurité et citoyenneté sociale, progression continue du pouvoir d’achat) et la promotion d’objectifs alternatifs (flexibilisation des conditions de rupture du contrat de travail, gestion « active » du chômage, promotion de l’autoentreprise, valorisation du « dialogue social ») gagnent à être pensés, au-delà de leur détermination par le contexte macro-économique, comme le résultat d’affrontements politiques mêlant autorités publiques (nationales et internationales, élues et non élues), syndicats de travailleurs, organisations patronales et firmes capitalistes. Nous proposerons, via quelques exemples empiriques ciblés, d’incarner cette dimension proprement politique du rapport salarial et de dégager des pistes susceptibles d’éclairer le déséquilibre croissant de ce rapport au détriment des salariés.

The wage labor nexus
In the market economy, the work relationship is made up of two dimensions: an economic transaction (wage in exchange of labour) and a relation of power (the subordination of the employee to the authority of the employer). The wage labour nexus refers to the various rules, institutions and mechanisms that configure these two dimensions at the scale of any social formation. The paper will offer a critical review of the scientific literature dealing with the evolution of the wage labour nexus. Apart from characterising this evolution, we will reflect upon the very political dimension of the process of (de)stabilisation of the wage labour nexus since World War II. It will be argued that it is heuristic to consider the dereliction of certain goals (full employment, social security and citizenship, the continuous growth of purchasing power) and the emergence of others (increased flexibility of labour contracts, « activation » of unemployment policies, promotion of self-entrepreneurship, promotion of « social dialogue »), by going beyond their determination by the macro-economic context. Instead they should be seen as the result of political struggles between public institutions (elected or not, at the state or international level), labour unions, employers’ associations and capitalist firms. We will illustrate our argument with empirical cases and propose several hypotheses in order to shed light upon an increasing destabilisation of the wage labour nexus which has been to the detriment of employees.

Gaël Coron (IODE-EHESP) et Bernard Friot (IDHES)

Protection sociale
La communication a pour objectif de discuter des grilles de lectures académiques de la protection sociale et d’en proposer une nouvelle. Tout d’abord, elle récuse les approches plus ou moins fonctionnalistes qui ont cours en économie et en science politique. Du côté de l’économie, la protection sociale est vue soit dans une perspective de solvabilisation de la demande (keynesien), de reproduction élargie de la force de travail (marxiste) ou de correction des inégalités (classique). Du côté de la science politique, elle est perçue comme un outil de légitimation de l’Etat. Nous proposons, ici, de resituer la protection sociale comme un enjeu salarial et plus précisément de voir la prestation sociale (santé, retraite, famille, chômage, …) à la fois comme un élément du salaire et comme un facteur de redéfinition du rapport salarial. Dans certaines périodes historiques, la protection sociale a aussi été l’espace d’une construction démocratique en partie a-étatique. Enfin, nous étudierons dans les formes contemporaines de discours autour de la protection sociale, celles qui contribuent à pérenniser et à accroître symboliquement et matériellement la distinction entre protection sociale et salaire.

Social protection
The purpose of the communication is to discuss existing academic interpretations of social protection and to propose a new one. First of all, it rejects the more or less functionalist approaches in economics and political science. On the economics side, social protection is seen either from the perspective of solvability of demand (Keynesian), of enlarged reproduction of the labor force (Marxist) or of correction of inequalities (classical). On the political science side, it is essentially seen as a tool that confers legitimacy on the state. Instead, we propose here to place social protection as a wage issue and, more precisely, to see social benefits (health, pensions, family policies, unemployment payments, …) both as an element of wages and as a factor which redefines the wage relationship. In some historical periods, social protection has also contributed to create a democratic space, partly outside state structures. Finally, in contemporary forms of discourse on social protection we shall study those that have contributed to maintaining and increaseing the distinction between social protection and wages from the symbolic and material points of view.

Philippe Bezes (CEE-Sciences Po Paris), Réforme des administrations d’Etat

Transformations du capitalisme et réforme des administrations d’Etat
En partant des perspectives ouvertes par la sociologie de Max Weber, cette communication explorera les liens possibles entre les transformations contemporaines du capitalisme et les réformes des administrations d’Etat depuis les années 1980. Plusieurs échelles d’analyse et plusieurs mécanismes seront proposés pour examiner les interdépendances entre les deux phénomènes : une perspective macrosociologique centrée sur les transformations globales des Etats et mettant en avant le rôle de la crise économique et financière; une perspective intermédiaire valorisant les changements idéologiques et organisationnels ; une perspective plus microsociologique mettant en évidence le rôle des acteurs (les ministères financiers) et l’influence d’instruments introduisant des formes de marchandisation dans les fonctionnements administratifs.

Changing Capitalism and the reforms of public bureaucracies
Starting from the perspectives opened by Max Weber’s sociology, this paper will explore the possible links between the contemporary transformations of capitalism and the reforms of public bureaucracies since the 1980s. Several scales of analysis and several mechanisms will be proposed to examine the interdependencies between the two phenomena: a macro-sociological perspective centred on the global transformations of states and highlighting the role of the economic and financial crisis; an intermediate perspective that values ideological and organizational changes; a more micro-sociological perspective highlighting the role of actors (finance ministries) and the influence of instruments introducing forms of commodification within administrative operations.

Arnaud Sergent (IRSTEA Bordeaux)

Le capitalisme face au changement climatique : pour une (méso) économie politique des mutations industrielles
Le changement climatique se pose aujourd’hui comme un défi majeur pour le capitalisme. Au-delà des polémiques sur l’objectivité des faits scientifiques, il existe en effet des débats autour des évolutions du capitalisme à travers la remise en question de la pérennité de son régime d’accumulation et de la légitimité de son modèle d’organisation économique et social. On peut notamment identifier deux grands espaces de controverse : le premier réactive la logique d’opposition entre marché et Etat dans la perspective de corriger les défaillances du marché et/ou de pallier à l’inefficacité des dispositifs de gouvernance qui conduisent à des problèmes environnementaux ; le deuxième porte sur les conditions de reproduction du système capitaliste en lien avec les rapports de compétitivité et de pouvoir associés aux développements technologiques. Dominés l’un par les approches néo-institutionnalistes et l’autres par les approches néo-schumpétériennes, ces débats contribuent à dépolitiser le processus de confrontation du capitalisme aux enjeux climatiques. A l’inverse une (méso) économie politique institutionnaliste permet d’envisager les déterminants politiques et la dimension contingente de ces changements à l’échelle des industries. L’exemple de l’industrie papetière en Europe montre ainsi le caractère itératif et indéterminé d’une mutation industrielle portée conjointement par les acteurs publics et privés et largement conditionnée par les politiques climat-énergie.

Capitalism and climate change: for an institutionalist political (meso) economy of industrial transformations
Climate change is now a core issue for capitalism. Beyond all the controversies about the objectivity of scientific facts, climate change challenges capitalism’s development by challenging the sustainability of the accumulation regime and the legitimacy of the model of socio-economic organization. In the literature, two different spaces of controversy can be identified: the first concerns the dichotomy between the market and the state from the angle of correcting market failure and/or overcoming governance failures which cause environmental problems; the second is centred upon the forms of capitalism’s reproduction in relation to innovation driven industry dynamics (competition and power relationships). While the former is dominated by the New Economic institutionalism and the second by Neo-Schumpeterian approaches, we argue that both these debates contribute to de-politicizing the process of confronting capitalism with climate issues. Conversely we promote an institutionalist political (meso) economy in order to emphasize the role of political factors and the contingency of change at the scale of an industry. The example of the paper industry in Europe will be explored to reveal the iterative and indeterminate character of an industrial transformation carried out jointly by public and private actors and largely structured by climate-energy policies.

Mardi 11 juillet 2017 9h00-13h00
Mercredi 12 juillet 2017 9h00-13h00

ANSALONI Matthieu matthieuansaloni@yahoo.fr
BEZES Philippe bezes@hotmail.com
CORON Gaël gael.coron@ehesp.fr
FIROT Bernard bfriot@u-paris10.fr
GAYON Vincent Vincent.gayon@dauphine.fr
GOURGUES Guillaume guillaume.gourgues@hotmail.com
HAY Colin colin.hay@sciencespo.fr
LEMOINE Benjamin Benjamin.lemoine@dauphine.fr
PATARAN-JOSSEC Julie julie.patarin-jossec@u-bordeaux.fr
SERGENT Arnaud arnaud.sergent@irstea.fr
SMITH Andy a.smith@sciencespobordeaux.fr
YON Karel karel.yon@univ-lille2.fr