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Les élus de l’étranger : une nouvelle catégorie de représentants politiques ?

Overseas representatives: a new category of political elites?

Responsables scientifiques
Tudi Kernalegenn (Université de Lausanne, Centre de recherche sur l’action politique – CRAPUL) tudi.kernalegenn@gmail.com
Thibaut Jaulin (Sciences Po) thibaut.jaulin@sciencespo.fr

Cette section thématique porte sur la représentation politique des migrants dans leur pays d’origine. Alors que la littérature sur la représentation des immigrés (dans le pays de résidence) est solide et ancienne (Brouard & Tiberj, 2011 ; Koopmans et alii, 2005), très peu de travaux de recherche portent sur les différentes formes de représentation des émigrés. Pourtant, la très grande majorité des pays dans le monde permettent désormais à leurs citoyens à l’étranger de voter à distance, et de nombreux pays ont créé pour ces derniers une représentation parlementaire spécifique (députés et/ou sénateur) et/ou une assemblée représentative.
La littérature sur le vote et les élections à distance s’est significativement développée depuis une dizaine d’année dans une perspective de théorie politique, pour interroger la légitimité de la participation aux élections de citoyens non-résidents (Bauböck & Faist, 2010 ; López-Guerra, 2005), et de sociologie politique, pour analyser la généralisation de cette pratique et les dynamiques de la mobilisation et du comportement électoral à l’étranger (Escobar et alii, 2015 ; Dedieu et alii, 2013 ; Jaulin et Nilsson, 2015 ; Lafleur, 2013). Lors du dernier congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence (2015), la Section thématique « Sociologie du vote à distance », dirigée par T. Jaulin et J. M. Lafleur, a ainsi contribué à la compréhension des conditions de la mise en œuvre du vote à distance et à l’analyse des variables du comportement électoral dans un contexte transnational.
Toutefois, les travaux de sociologie politique qui portent sur la représentation politique des citoyens non-résidents sont rares, y compris en France qui est pourtant l’un des pays qui octroie le plus de droits à ses expatriés. En effet, outre l’Assemblée des Français de l’étranger et 12 sénateurs de l’étranger, les Français de l’étranger sont représentés par 11 députés à l’Assemblée nationale, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, et par 443 conseillers consulaires, depuis la loi du 22 juillet 2013 (Pellen, 2013). Ces réformes s’inscrivent dans une tendance globale depuis la fin des années 1990, avec un nombre croissant de pays qui créent des sièges de députés de l’étranger au sein de leur parlement : le Portugal (dès 1974), la Croatie (1990), l’Italie (2001), la Roumanie (2008), et la Macédoine (2011) en Europe ; la Colombie (2002), l’Équateur (2002), et la République dominicaine (2010) en Amérique latine ; le Mozambique (1990), le Cap Vert (1992), l’Algérie (1996), la Tunisie (2011) et le Sénégal (2016) en Afrique (Collyer, 2014).
Au croisement des travaux sur les migrations et le transnationalisme et de la littérature sur les élites et la représentation politique, cette section thématique a pour ambition de réunir et de confronter des recherches originales sur la représentation politique des migrants dans leur pays d’origine, en particulier les députés et/ou sénateurs de l’étranger, afin de mieux comprendre la genèse de ces nouveaux « espaces politiques transnationaux » (Dufoix et alii, 2010).
Cette section vise, tout d’abord, à mieux cerner le profil socio-politique des élus de l’étranger. A travers une prosopographie de ces nouveaux élus, il s’agira d’abord de comprendre dans quelle mesure la création de circonscriptions extraterritoriales contribue, ou non, au renouvellement des élites parlementaires. Il s’agira également d’analyser la construction de carrière politique dans un contexte transnational : par exemple, à quelles conditions est-il possible de mener une double carrière politique, « ici et là-bas » ? Il s’agira enfin de savoir dans quels cas l’élection de députés de l’étranger permet à des acteurs communautaires de consolider leur capital politique, y compris à travers le clientéliste.
Cette section souhaite ensuite porter l’attention sur la façon dont les élus de l’étranger construisent leur éligibilité (Costa & Kerrouche, 2007). Quels types de compétences, d’outils, et de capital politique sont mobilisés par les candidats à l’étranger ? À quelles conditions les campagnes électorales à l’étranger articulent-elles des dynamiques nationales et locales ? Dans quelle mesure s’accompagnent-elles d’une évolution de l’offre politique, par exemple la valorisation de la double appartenance ? Enfin, les campagnes à l’étranger sont-elles marquées par des formes d’interpénétration entre différents champs politiques nationaux, par exemple lorsque les candidats reçoivent le soutien d’organisations politiques et associatives « étrangères » basées dans le pays de résidence ?
Cette section se propose finalement d’interroger le travail parlementaire des élus de l’étranger. Leur activité législative se distingue-t-elle de celles des autres élus et/ou des élus de leur parti politique ? Le cas échéant, quelles sont leurs priorités et thématiques propres, et comment ces dernières s’articulent-elles aux enjeux nationaux ? Par ailleurs, quelles sont les spécificités des relations qu’ils entretiennent avec leurs administrés ? Comment intervient la variable territoriale dans un contexte transnational ? Par exemple, en quoi est-ce différent de représenter les Français de la première circonscription d’Amérique du Nord ou ceux de la neuvième circonscription du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest ? De manière générale, il s’agira de comprendre dans quelle mesure la « transnationalisation » des élections induit une transformation du travail de député et des liens de représentation.
Les communications retenues s’appuient sur différentes études de cas en Europe, en Afrique, et en Amérique latine. L’exemple des députés français de l’étranger sera l’objet deux communications distinctes, par Cédric Pellen et Tudi Kernalegenn, qui examineront les profils socio-politiques de ces élus et leurs activités au cours de la dernière législature pour comprendre les logiques de prise de rôle institutionnel. Trois autres contributions porteront sur des exemples non-européens. Etienne Smith s’intéressera à la genèse des circonscriptions extraterritoriales sénégalaises et comparera les enjeux de la campagne électorale parmi les Sénégalais de France et du Maroc. Thibaut Jaulin analysera l’entrée en politique des députés tunisiens de l’étranger après la Révolution de 2011 et les spécificités de la campagne électorale tunisienne en Ile-de-France en 2014. Sebastián Umpierrez De Reguero, Mishelle Gellibert, Zaylin Brito s’intéresseront aux perceptions contrastées de cette forme de représentation, par les élus et par les électeurs, à partir de l’exemple des députés de l’étranger équatoriens. Enfin, Sylvestre Noa et Amanda Klekowski porteront l’attention sur les branches extérieures des partis politiques, en l’absence de représentation parlementaire spécifique, à partir de l’exemple du Cameroun et de celui des États-Unis. La diversité des cas d’étude, des approches, et des perspectives permettra une montée en généralité au cours des échanges et une compréhension plus large du rôle des élites politiques transnationales.

This workshop looks at the political representation of migrants in their country of origin at a moment when a large majority of countries in the world has adopted external voting provisions and several have created specific parliamentary seats for their citizens’ abroad.
The developing literature on external voting includes studies in political theory, which discuss the legitimacy of the enfranchisement of non-resident citizens (Bauböck & Faist, 2010), and in comparative political sociology, which look at the generalization of external voting and at the voting behaviour of external electors (Dedieu et alii, 2013 ; Escobar et alii, 2015 ; Lafleur, 2013 ; Jaulin et Nilsson, 2015). However, few research studies focus on migrants’ political representation in their country of origin, including in France although French expatriates are particularly well represented (Pellen, 2013).
This workshop stands at the crossroad of transnational studies and the literature on political representation. It gathers original research studies on migrants’ political representation and, by doing so, hopes to contribute to the understanding of the genesis of “new transnational political spaces” (Dufoix et al, 2010).
This workshop first aims to look at the socio-political profile of migrants’ representatives. Through a prosopography overseas representatives, it discusses the extent to which the creation of overseas constituencies contributes to elite renewal? It also explores the construction of political careers in a transnational context. For example, under which conditions some representatives have a double political career, “at home and abroad”? Furthermore, when and how do overseas constituencies enable community stakeholders to consolidate their political capital, including through clientelism?
The workshop further examines the processes through which overseas representatives give shape to their candidacy (Costa & Kerrouche, 2007). What are the peculiar resources (communication skills and tools, political capital) mobilized to campaign abroad? Furthermore, how overseas electoral campaigns contribute to the evolution of the content of the candidates’ program (e.g. the valuation of dual identity)? Moreover, how national and local dynamics articulate in overseas campaigns? To what extent different national political spheres interpenetrates, for example when a candidate is supported by political organisations and civil society associations from the host country?
Finally, this workshop seeks to examine overseas representatives’ parliamentary work and relations with their electors? To what extent the overseas representatives political and legislative agenda differ from other representatives, in particular those from the same party? To what extent the transnationalisation of elections leads to the transformation of the relations between politicians and voters? How such relationship changes depending on the constituency? For example, is it different to represent French electors in North Africa and in North America? To sum up, does the relation between political representation and territoriality change in a transnational context?
Selected papers build on case studies from Europe, Africa and Latin America. The diversity of case studies and approaches will contribute to fruitful discussions in order to better understand the formation and the role of these new transnational political elites.

REFERENCES

Bauböck (Rainer), Faist (Thomas) dir., 2010 : Diaspora and Transnationalism. Concepts, Theories and Methods, Amsterdam : Amsterdam University Press.
Brouard (Sylvain), Tiberj (Vincent), 2011 : As French as Everyone Else ? A Survey of French Citizens of Maghrebin, African and Turkish Origin, Philadephia : Temple University Press.
Collyer (Michael), 2014 : « Inside Out ? Directly elected “special representation” of emigrants in national legislatures and the role of popular sovereignty », Political Geography, n° 41, p. 64-73.
Costa (Olivier), Kerrouche (Éric), 2007 : Qui sont les députés français ? Enquête sur des élites inconnues, Paris : Les Presses de Sciences Po.
Dedieu (Jean Philippe), Chauvet (Lisa), Gubert (Flore), Mesplé-Somps (Sandrine), Smith (Étienne), 2013 : « Les “batailles” de Paris et de New York. Une analyse du comportement électoral transnational des migrants sénégalais en France et aux États-Unis », Revue française de science politique, vol. 63, n° 5, p. 865-892.
Dufoix (Stéphane), Guerassimoff (Carine), Tinguy (Anne de) ed., 2010: Loin des yeux, près du cœur. Les États et leurs expatriés, Paris : Les Presses de SciencesPo.
Escobar (Cristina), Arana (Renelinda), McCann (James A.), 2015 : « Expatriate voting and migrants’ place of residence : Explaining transnational participation in Colombian élections », Migration Studies, vol. 3, n° 1, p. 1-31.
Jaulin (Thibaut), 2015 : « Voter ici et là-bas : les Tunisiens à l’étranger depuis 2011 », Revue européenne des migrations internationales, vol. 31, n° 3 & 4, pp. 41-71
Koopmans (Ruud), Statham (Paul), Giugni (Marco), Passy (Florence), 2005 : Contested Citizenship : Immigration and Cultural Diversity in Europe, University of Minnesota Press.
Lafleur (Jean Michel), 2013 : Transnational Politics and the State. The External Voting Rights of Diaspora, New York and London : Routledge.
Lagroye (Jacques), 1994 : « Être du métier », Politix, vol. 7, n °28, p. 5-15.
López-Guerra (Claudio), 2005 : « Should Expatriates Vote ? », The Journal of Political Philosophy, n° 13, p. 216-34.
Pellen (Cédric), 2013 : « À la conquête de l’Amérique. La campagne des élections législatives dans la première circonscription des Français de l’étranger », Revue française de science politique, vol. 63, n° 6, p. 1137-1162.

Sebastián Umpierrez de Reguero, Mishelle Gellibert, Zaylin Brito (Universidad Casa Grande, Équateur), Il faut être deux pour danser: les perceptions des représentants et de leurs électeurs sur la représentation spéciale en Équateur
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Étienne Smith (Chaire d’études africaines comparées, Rabat / Sciences Po CERI), Les élus de l’étranger au Sénégal à l’épreuve de l’élection directe

Sylvestre Noa (Université de Yaoundé I, Cameroun), La représentation politique partisane : démembrements et élus extérieurs du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC)

Thibaut Jaulin (Sciences Po Paris), Les députés tunisiens de l’étranger : figures et campagnes transnationales

Tudi Kernalegenn (Université de Lausanne, Centre de recherche sur l’action politique – CRAPUL), Représenter les émigrés au Parlement : sociologie et carrière des députés et sénateurs des Français de l’étranger

Cédric Pellen (Université de Strasbourg, SAGE (UMR 7363) Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe), Qui sont les députés des Français de l’étranger ? Caractéristiques et pratiques parlementaires des détenteurs d’un mandat inédit

Amanda Klekowski von Koppenfels (University of Kent, Brussels School of International Studies), « Imposés mais pas représentés » : les Américains de l’étranger et leur (manque de) représentation directe

Sebastián Umpierrez de Reguero, Mishelle Gellibert, Zaylin Brito (Universidad Casa Grande, Équateur)

Il faut être deux pour danser: les perceptions des représentants et de leurs électeurs sur la représentation spéciale en Équateur
La représentation spéciale (la représentation politique des émigrants dans les législatures nationales du pays d’origine) est un système relativement nouveau que seule une minorité d’États en Afrique, en Europe et en Amérique Latine ont (Lafleur, 2015). Il y a un nombre croissant de contributions qui décrivent, explorent et analysent ce phénomène. En effet, les chercheurs ont essayé de fournir des explications sur ses liens avec la démocratie (Collyer, 2014; Collyer, 2013; Collyer et Vathi, 2007), la souveraineté (Collyer, 2014) et le fonctionnement interne des parlements nationaux (Lafleur, 2013). Cependant, la littérature sur la représentation spéciale est limitée. Dans le contexte latino-américain, ce type de représentation est à peine étudié par les savants. Dans ce contexte, nous nous attendons à contribuer aux débats ouverts des pratiques transnationales politiques des migrants avec une recherche qualitative préliminaire dans laquelle nous explorerons le cas de la représentation spéciale en Équateur. Plus précisément, notre recherche vise à répondre à la manière dont les Membres de l’Assemblée et leurs électeurs perçoivent ce système de représentation. Des données empiriques mettent en évidence le rôle des représentants des émigrants comme moyen de relier les Équatoriens résidant à l’étranger au processus décisionnel dans leur pays d’origine.
Néanmoins, tant les représentants que les représentés conçoivent une représentation spéciale comme nécessaire, mais avec une efficacité limitée en raison du manque de ressources et de communication.

It takes two to dance: the perceptions of the representatives and their represented on special representation in Ecuador
Special representation (emigrant political representation in the home country national legislatures) is a relatively new system that only a minority of states in Africa, Europe and Latin America implement (Lafleur, 2015). There are a growing number of contributions that describe, explore and analyse this phenomenon. Indeed researchers have sought to provide explanations regarding its links with democracy (Brand, 2010; Collyer, 2014), (transnational) turnout (Ciornei & Østergaard-Nielsen, 2015; Collyer, 2013; Collyer & Vathi, 2007), sovereignty (Collyer, 2014) and the internal functioning of the home- country parliaments (Lafleur, 2013). However, the literature on special representation is
limited. In the Latin American context this type of representation is barely studied by scholars. In this context, we expect to contribute to the contemporary open debates of migrant political transnational practices with a preliminary qualitative research in which we explore the case of special representation in Ecuador. More precisely, our research aims to respond on how the Assembly Members and their constituencies perceive this system of representation. Empirical evidence highlights the role of emigrant representatives as a pathway to connect Ecuadorians residing abroad with the decision-making process in the home-country. Both the representatives and the represented conceive special representation as necessary but with a limited efficiency due to the lack of resources and communication.

Étienne Smith (Chaire d’études africaines comparées, Rabat / Sciences Po CERI)

Les élus de l’étranger au Sénégal à l’épreuve de l’élection directe
Si le droit de vote des Sénégalais de l’étranger a été reconnu dès 1992, la question d’une représentation parlementaire spécifique pour le corps électoral externe a longtemps fait débat au Sénégal. Divers mécanismes ont été mis en place à partir de la fin des années 1990 pour la représentation parlementaire de la diaspora, mais ces députés n’ont pas été élus directement par les Sénégalais de l’étranger qui n’ont cessé de revendiquer de « vrais » représentants, principe qui n’est finalement retenu qu’avec la réforme constitutionnelle de 2016 créant 15 sièges de députés pour les Sénégalais de l’étranger. A partir d’un terrain portant sur la mise en place de ces nouvelles circonscriptions puis de la campagne pour les élections législatives, cette communication vise à interroger la fabrique bureaucratique de cette nouvelle représentation parlementaire, et à analyser les profils et le « faire campagne » des candidats. L’objectif est de mesurer ce que les nouvelles modalités d’élection directe de ces représentants modifient dans le rapport entre les représentants et l’électorat expatrié, les relations clientélaires ainsi que dans le type de profils sociologiques de ces représentants. L’hypothèse est que l’élection directe et ses exigences propres marginalise les profils plus atypiques de représentants qui ont émergé durant la période précédente (rétribution du militantisme en diaspora) au profit de notables de la diaspora plus conformes au profil des députés au Sénégal même.

Overseas representatives in Senegal: the challenge of direct election
In Senegal, voting from abroad exists since 1992. However, the issue of parliamentary representation of the overseas electorate has not been settled until the constitutional reform of 2016 which grants 15 seats for the diaspora. Focusing on the bureaucratic making of these new constituencies and the electoral campaign of the candidates, this paper examines the trajectories of this new parliamentary elite and the ways in which direct election changes the rules of the game as far as clientism and campaigning is concerned. The main preliminary hypothesis is that the conditions of direct election and the resources required for campaigning marginalizes former profiles based on trajectories of militantism and encourages the notabilization of the candidates, which therefore tend to be more homogeneous with the average representatives in Senegal rather than embody a distinctively new political personnel.

Sylvestre Noa (Université de Yaoundé I, Cameroun)

La représentation politique partisane : démembrements et élus extérieurs du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC)
A la différence de ce qui s’observe dans certains pays contemporains, avec l’élargissement de la représentation parlementaire aux citoyens résidents hors du pays, le pouvoir camerounais continue de privilégier compte tenu du rapport qu’il entretient avec sa diaspora, une représentation politique partisane. En fait, les autorités en désaccord avec une frange importante de leurs concitoyens vivants à l’extérieur, optent pour une tribune canalisée, qui sélectionne au gré des critères spécifiques les interlocuteurs, pour ensemble, discuter des problèmes des gens du dehors. Pour ce faire, le pouvoir utilise le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), son parti politique, pour procéder au casting de ses alliés au sein de la diaspora. Ceux-ci bénéficient de son estime, parce qu’étant parfaitement en osmose avec la République et ses représentants ; à contrario de ceux qui les profanent. Au vue de cette marque d’attention, les élus du RDPC exercent comme de véritables parlementaires de remplacement; et évitent finalement au pouvoir, d’entrer en interaction avec des individus incontrôlables, outrancièrement indociles et méprisants à son égard. En effet, bien qu’étant d’abord des acteurs d’une chapelle politique, ils jouissent d’une considération institutionnelle faisant d’eux en quelque sorte des « élus de la nation » : d’une part, la mise à leur disposition des ambassades du Cameroun comme cadre de concertation et d’organisation de leurs diverses manifestations ; et d’autre part, l’accompagnement dans leurs multiples actions par les plus hautes autorités diplomatiques camerounaises.

Biased political representation : dismemberment and expatriate elected representatives of the Cameroon People’s Democratic Movement (CPDM)
Contrary to what is being observed in some contemporary states, the Cameroonian power keeps privileging a biased political representation because of the relation it shares with its diaspora and this, despite the enlargement of the parliamentary representation towards citizens living abroad. In conflict with a considerable range of their citizens residing abroad, the authorities choose a talking platform where specifically chosen orators address the issues faced by our citizens in foreign countries. In order to achieve this, the government passes through the CPDM, it’s political party, to pick it’s allies within the diaspora. Being on its side, the diaspora benefits from the government’s esteem, contrary to those who are against the power in place. Considering this power they are being endowed with, these elected representatives of the CPDM behave like interim/replacing parliamentarians. This stops the government from interacting with uncontrollable individuals who happen to be quite stubborn and insulting towards the power in place. In addition to being active political actors, they are first of all given an important institutional weight due to their status of « elected of the nation ». This is observed at two levels: on the one hand, the easy access they are given at Cameroonian embassies where they can hold meetings and carry out their various manifestations and, on the other hand, important Cameroonian diplomatic authorities accompany them in their numerous activities.

Thibaut Jaulin (Sciences Po Paris)

Les députés tunisiens de l’étranger : figures et campagnes transnationales
Cette communication porte sur les députés tunisiens « de l’étranger » à l’Assemblé constituante et au Parlement tunisien depuis 2011. A partir d’entretiens avec ces députés et d’une ethnographie de la campagne électorale de 2014 en Île-de-France, elle vise à mieux cerner les articulations entre les formes d’activisme politique parmi les migrants et l’évolution des savoirs et des pratiques associés à « l’acte de vote » dans un contexte transnational.
Plus précisément, cette communication se propose de revenir sur le profil des élus de l’étranger, et sur les spécificités des campagnes à l’étranger. Il s’agit de mettre en évidence les compétences, les outils et le capital politique mobilisés par les candidats, et de comprendre si, et dans quelle mesure, la création de circonscription extraterritoriales contribue à la reproduction des élites politiques. De plus, l’exemple tunisien offre des piste d’analyse diachronique stimulantes pour mieux comprendre l’articulation entre les dynamiques locales, nationales, et transnationales qui animent la genèse de ces nouveaux espaces politiques que sont les circonscriptions extraterritoriales.

The Tunisian overseas representatives: transnational backgrounds and campaigns.
This contribution deals with the Tunisian overseas representatives at the Constituent Assembly and at the Parliament since 2011. Based on interviews with the latter’s and an ethnography of the Tunisian electoral campaign in Paris and suburbs in 2014, it aims at exploring the relations between the forms of political activism among migrants and the reproduction of electoral knowledge and know-how in a transnational context.
More particularly, this presentation looks at the profile of the overseas representatives and at the specificities of transnational electoral campaign. It aims at identifying the skills, tools, and political capital mobilized by the candidates and understanding if, and to what extent, the creation of overseas constituencies contributes to elite reproduction. In addition, the case of Tunisia includes avenue for analysis to look at the relations between local, national and transnational dynamics at stake in the genesis of novel electoral spaces such as the overseas constituencies.

Tudi Kernalegenn (Université de Lausanne, Centre de recherche sur l’action politique – CRAPUL)

Représenter les émigrés au Parlement : sociologie et carrière des députés et sénateurs des Français de l’étranger
Les Français résidant à l’étranger sont représentés par des sénateurs (3 en 1947, 12 depuis 1983) et des députés (11 depuis 2012). Ce qui fait de la France (au même titre que l’Italie) un des États les plus généreux pour ce qui est de la représentation politique de ses citoyens établis hors de ses frontières. Cette spécificité française est pourtant relativement méconnue. L’objectif de cette communication est de mieux comprendre qui sont les parlementaires représentant les Français établis à l’étranger. Nous nous focaliserons sur les députés de la XIVe législature (2012-2017) et les sénateurs élus ou réélus en 2011 et 2014.
Il s’agira tout d’abord de mieux appréhender le profil socio-politique (origines et lieu(x) de résidence, trajectoires éducatives et professionnelles, engagements…) de ces élus, et comprendre dans quelle mesure il se distingue de celui des parlementaires élus en France métropolitaine.
Il s’agira également de saisir le déroulement des carrières politiques dans un contexte transnational jusqu’à leur élection. Quelles sont les spécificités de ces carrières de représentants des Français à l’étranger ? Comment les aspirants députés construisent-ils leur éligibilité ? Comment sont-ils désignés comme candidats ? Comment font-ils campagne et se projettent-ils auprès de leurs concitoyens ?
Cette communication est à la fois une contribution à la sociologie des parlementaires et à l’analyse du transnationalisme.

Representing emigrants in Parliament: sociology and political career of deputies and senators of French overseas residents
The French residing abroad are represented by senators (3 in 1947, 12 since 1983) and deputies (11 since 2012). Which makes of France (in the same way as Italy) one of the most generous states in terms of the political representation of its citizens established outside its borders. This French specificity is however relatively unknown. The purpose of this communication is to understand better who are the parliamentarians representing the French people living abroad. We will focus on the deputies from the 14th Legislature (2012-2017) and the senators elected or re-elected in 2011 and 2014.
First, it will be necessary to understand better the socio-political profile (origin and place(s) of residence, educational and professional career paths, commitments, etc.) and to assess the extent to which it differs from that of parliamentarians elected in metropolitan France.
We also aim to grasp the course of political careers in a transnational context until their election. What are the specificities of the careers of representatives of the French abroad? How do aspiring MPs build their eligibility? How are they nominated? How do they campaign and project themselves to their fellow citizens?
This presentation is both a contribution to the sociology of parliamentarians and to the analysis of transnationalism.

Cédric Pellen (Université de Strasbourg, SAGE (UMR 7363) Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe)

Qui sont les députés des Français de l’étranger ? Caractéristiques et pratiques parlementaires des détenteurs d’un mandat inédit
Cette communication interroge les caractéristiques et pratiques parlementaires des premiers députés des Français établis hors de France sous la XIVe législature (2012-2017). Par l’examen des profils socio-politiques et des activités des quatorze responsables politiques ayant représenté l’une des onze circonscriptions extraterritoriales au cours de la législature, elle renseigne sur les logiques de prise de rôle institutionnelle de ces détenteurs d’un mandat inédit à l’Assemblée nationale. Les attributs des députés des Français de l’étranger sont-ils du même ordre que ceux des députés « métropolitains » ? Ont-ils développé un rapport spécifique à leur mandat, à leur circonscription d’élection et aux activités parlementaires au cours de la législature ? Observe-t-on des logiques de spécialisation thématique dans leurs investissements parlementaires et leurs prises de position publiques ?

Who are the representatives for French residents overseas at the National Assembly ? A study of the characteristics and parliamentary activities of the newly created French migrants’ representatives
The purpose of this paper is to look into the profiles and practices of the first representatives for French residents overseas at the National Assembly during the 14th Legislature (2012-2017). Through the study of their socio-political characteristics and parliamentary activities, it provides insights on the process by which they have taken and shaped their new role in the French Parliament. Are the profiles and political backgrounds of the representatives for French residents overseas similar to that of their “metropolitan” counterparts ? How did they organize their time and work between their constituency abroad and the National Assembly in Paris ? Did they tend to focus their parliamentary activities and public statements on issues related to expatriation ?

Amanda Klekowski von Koppenfels (University of Kent, Brussels School of International Studies)

« Imposés mais pas représentés » : les Américains de l’étranger et leur (manque de) représentation directe
Cet article examine le cas des citoyens américains vivant en Europe et examine leur représentation dans la politique américaine en utilisant une approche comparative. Le document est basé sur deux ensembles de recherche originale, en 2011 et 2014-5, portant sur les Américains expatriés. Les Américains de l’étranger sont représentés dans les deux principaux partis politiques, mais pas au Congrès américain. Le document examinera la représentation des citoyens établis à l’étranger dans le Parti démocrate (formellement) et le Parti républicain (informellement), ainsi que les priorités politiques dans les efforts de lobbying pour le compte des Américains de l’étranger par Democrats Abroad ainsi que par American Citizens Abroad (ACA) et l’Association of Americans Resident Overseas (AARO). La communication, se basant sur des recherches originales, discutera des positions des Américains à l’étranger sur la représentation, expliquant que dans le système actuel de nombreux Américains d’outre-mer se sentent privés de leurs droits. Les Américains d’outre-mer ont remporté le droit de vote en 1975 grâce à une campagne de terrain, mais ils n’ont pas de représentants politiques spécifiques. Compte tenu de l’imposition continue de tous les citoyens américains sur leurs revenus mondiaux, les Américains de l’étranger ont un sentiment croissant de « taxation sans représentation ».

“Taxation without representation”: Overseas Americans and their (lack of) overseas representation
This paper looks at the case of US citizens living in Europe and examines their representation in US politics using a comparative approach. The paper is based on two sets of original research, in 2011 and 2014-5, with overseas Americans. Overseas Americans have representation in the two major political parties, although not in the US Congress. The paper will examine overseas citizens’ formal representation in the Democratic Party and informal representation in the Republican Party, as well as political priorities in lobbying efforts on behalf of overseas Americans by Democrats Abroad as well as by American Citizens Abroad (ACA) and the Association of Americans Resident Overseas (AARO). The paper will then, drawing on original research, discuss overseas Americans’ perspectives on representation, arguing that in the current system many overseas Americans feel disenfranchised. Overseas Americans won the right to vote in 1975 through a grassroots campaign, but they have no dedicated political representatives. Given the continued taxation of all US citizens on worldwide income, one perspective that emerges among overseas Americans is a feeling of “taxation without representation”.

Mardi 11 juillet 2017 9h00-13h00

BRITO Zaylin zbrito@casagrande.edu.ec
GELLIBERT Mishelle mishelle.gellibert@casagrande.edu.ec
JAULIN Thibaut thibaut.jaulin@sciencespo.fr
KERNALEGENN Tudi tudi.kernalegenn@unil.ch
KLEKOWSKI VON KOPPENFELS Amanda A.K.von-Koppenfels@kent.ac.uk
NOA Sylvestre sylvestrenoa@gmail.com
PELLEN Cédric cedric.pellen@yahoo.fr
SMITH Étienne etiennesmith1981@gmail.com
UMPIERREZ DE REGUERO Sebastián sumpierrez@casagrande.edu.ec