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Responsables scientifiques
Pierre-Yves Baudot (UPJV – CURAPP-ESS) pierre-yves.baudot@u-picardie.fr
Patrick Lehingue (UPJV – CURAPP-ESS) Patrick.lehingue@u-picardie.fr
L’élection de Barack Obama en 2008 est aussi la victoire de nouvelles techniques électorales. Si cette élection a été présentée comme le triomphe du grassroot campaigning, ces techniques de mobilisation de proximité ont été pilotées et rationalisées par l’utilisation de nouveaux outils d’analyse des données électorales : l’exploitation de données massives et ouvertes, publiques (listes électorales, listes d’inscription aux primaires, données du recensement) ou fabriquées (indicateurs d’ouverture aux mails, dons, géographie électorale). Ces techniques ont été décrites dans de nombreux récits de cette première victoire comme principale raison de l’efficacité de la campagne Obama, dans sa rationalisation de la dépense financière et dans son ciblage de l’électorat (Issenberg, 2013). A la suite de cette élection, de nouvelles entreprises marchandes ont été créées et les savoirs ont traversé l’Atlantique pour être utilisés lors de la campagne Hollande 2012 (Mabi et Theviot, 2014) et Hidalgo 2014 à Paris (Pène, 2013).
Le recours à ces nouveaux outils de rationalisation du travail politique semble extrêmement familier au politiste, tout en laissant imaginer d’importantes reconfigurations. Familier, dans la mesure où l’usage de ces techniques s’inscrit dans un processus de très longue durée, corrélé à l’émergence des épreuves électorales, puis renforcé par l’élargissement des marchés politiques, visant à (prétendre) contrôler le verdict des urnes. Déjà analysé par les travaux de socio-histoire du politique, cette tentative de contrôler le verdict des urnes a transformé les notions « d’esprit public » (Karila-Cohen, 2008), puis « d’opinion publique » (Blondiaux, 1998), amenant les acteurs politiques à avoir recours aux mathématiques et à la géographie électorale. La science politique a émergé au croisement de ces processus, étant également définies comme un outil permettant non pas seulement d’exercer le pouvoir, mais aussi de le conquérir. Ces différents travaux ont aussi permis de décrire l’émergence de la codification de la compétition politique, notamment pour ce qui concerne l’usage des sondages électoraux ou le recours aux agents électoraux (Garrigou, 1993). Enfin, ces travaux ont pu décrire l’intense travail de rationalisation de la compétition politique par le recours à des professionnels revendiquant pour eux une expertise monopolisée (comme par exemple pour la communication politique (Legavre, 2005) ou pour l’organisation d’événementiels politiques ou le montage de campagne de mobilisations locales (Walker, 2009 ; Walker et al., 2011)) et, par conséquent, l’émergence de nouveaux métiers du politique et d’un marché de la compétition politique.
Si l’émergence de ces nouvelles techniques peut être comprise comme la poursuite d’un processus de division et de rationalisation du travail politique, d’autres éléments laissent toutefois penser que ce processus n’est pas sans effet sur les objets qu’il est sensé contrôler. Les mêmes travaux ont ainsi montré comment l’invention des sondages avaient transformé la définition de l’opinion publique jusqu’alors mobilisée par l’exercice de « votes de paille ». Il serait possible que le recours à des techniques de big data puisse avoir pour effet de transformer les objets mêmes du travail politique : l’électorat, l’opinion, l’élection.
Ces nouvelles techniques sont-elles de simples outils de rationalisation du travail politique ou à l’inverse, peuvent-elles être décrites comme de nouvelles sciences électorales, exigeant de nouveaux profils d’experts, une nouvelle définition de l’objet travaillé (opinion, élection) et un nouveau régime d’exploitation des connaissances ainsi produites ? C’est autour de cette question que cette section thématique du prochain congrès de l’AFSP voudrait réunir les travaux sur les nouvelles formes d’exploitation des données sur l’électorat et l’opinion.
Il est possible que l’opinion publique produite via Twitter (Boyadjian, 2016) ne soit plus exactement la même que celle produite par les sondages, à la fois par l’échantillon d’opinions rendues visibles, mais aussi par la transformation des acteurs mobilisés pour sa production. Ainsi, ces nouvelles sciences électorales ne se contentent pas de rejouer avec d’autres techniques les mêmes partitions. Elles emploient de nouveaux types de savoirs, appuyés sur de nouveaux outils d’abstraction scientifique, appuyés autant sur la science politique (Gerber et Green, 2000) que sur les calculs de probabilités ou encore sur des outils économiques (Nickerson et Rogers, 2014) ; elles valorisent des profils particuliers d’acteurs, dotés de ressources toutes aussi spécifiques – même si tout aussi potentiellement peu effectives pour gagner véritablement l’élection et conquérir l’opinion ; elles procèdent également à l’entrée de nouveaux acteurs marchands dans le champ de la production des opinions et des élections. Ces nouveaux savoirs pourraient ainsi contribuer à renforcer les inégalités sociales de participation plutôt qu’à leur démocratisation effective tout en contribuant à renouveler les méthodes de mobilisation électorale. Il s’agit de saisir comment ces nouvelles sciences électorales, au nom d’une entreprise de démocratisation accrue de l’opération électorale, mobilisant des activistes démocratiques, viennent s’inscrire dans une configuration particulière du champ politique, marqué par une spécialisation accrue de la division du travail politique et le recul des entreprises partisanes, contribuant finalement à former un nouveau régime, toujours inégalitaire, de production des suffrages dans les démocratiques représentatives contemporaines (Piven et al., 2009 ; Scher, 2010).
Cette section thématique entend donc privilégier trois axes de travail pour interroger le nouveau régime de production scientifique de « l’acte de vote » (Déloye et Ihl, 2008).
– Le premier travaille les savoirs, en s’appuyant sur une sociologie des disciplines scientifiques mobilisées (science politique, économie, mathématique, informatique, gestion) et des relations entre science, marché et politique qui se tissent à l’occasion des élections et contribuant à la formation d’un régime spécifique de production des connaissances scientifiques.
– Le second porte sur les organisations productrices de ces nouvelles mobilisations, sur les relations tissées avec les partis politiques et les équipes de campagne.
– Enfin, le troisième axe restituera une ethnographie des pratiques de ces nouvelles techniques dans les équipes de campagnes, pour comprendre ce que le numérique change aux porte-à-porte (Lefebvre, 2016) et dans le déroulement même des campagnes.
The election of Barack Obama in 2008 is also the victory of new electoral technologies. If this election was presented as the triumph of grassroot campaigning, those mobilization techniques were driven and streamlined by the use of new electoral data analysis tools: the exploitation of massive and open data, public (lists election, primary registration lists, census data) or manufactured (mail opening indicators, donators, electoral geography). These techniques have been described in many accounts of this first victory as the main reason for the effectiveness of the Obama campaign, in its rationalization of financial expenditure and its targeting of the electorate (Issenberg, 2013). Following this election, new firms were created and this knowledge crossed the Atlantic to be used during the Holland 2012 campaign (Mabi et Theviot, 2014) and the Hidalgo campaign 2014 in Paris (Pene, 2013).
The use of new tools to rationalise political work may sound familiar to political scientists, but they may also be able to bring to light significant reconfigurations. Familiar to the extent that the use of these techniques works in a long-term process, correlated to the emergence of the electoral process, then strengthened by the extension of the political markets, in order to limit the uncertainty of polls. As already analyzed by the historical sociology of ballot, this attempt to control the electoral process has gradually redefined notions such as the one of « esprit public » (Karila-Cohen, 2008) and, later, the one of « public opinion » (Blondiaux, 1998) et have led political actors to rely upon mathematics or electoral geography. Political science has emerged through this process also as a tool which allow, not only to exercise power, but also to seize it. Historical sociology of electoral processes also analyzed the progressive codification of the political competition, particulary with regard to the opinion polls or electoral workers (Garrigou, 1993). Finally, these studies describe how political rationalization was also the claim of emerging actors fighting for their jurisdiction (for example, in political communication, Legavre, 2005, for organizing political events or local mobilization campaigns, Walker, 2009 ; Walker and al., 2011).
If the emergence of these new methods can be understood as the continuation of the same process (the division of political work), it might possible to go further. Other elements let us think that this process impacts the phenomena which it is supposed to control, transforming the electoral process more than electoral results, such as the « invention » of opinion polls transform the definition of public opinion. Using big data might transform the very objects of political work : « The electorates », « the opinion », « the election »
Are those new techniques mere tools of rationalization of political work or, on the contrary, can they be described as new electoral sciences, requiring new profiles of experts, a new definition of the object (opinion, elections, electorate) and a new knowledge thus produced ? This thematic section of the next congress of AFSP would like to tackle these questions, while analysing new forms of exploitation of data on voters, election and opinion.
Public opinion produced via Twitter (Boyajian, 2016) may no longer be exactly the same as that produced by the opinion polls, both by the sample of opinions made visible, but also by the transformation of actors mobilized for its production. Thus, these new electoral sciences do not simply replay the same partitions with other techniques. They employ new types of knowledge, supported by new scientific abstraction tools, supported as much on political science (Gerber and Green, 2000) as on probability calculations or on economic tools (Nickerson and Rogers, 2014); they enhance new kinds of social and political profiles, backed by new kind of resources – even if as ineffective to truly win the election and conquer public opinion; they also support new market actors in the field of production of opinions and elections. This new knowledge could contribute to widen social inequalities in participation rather than their actual democratization while renewing the methods of electoral mobilization. This is to understand how these new electoral sciences, on behalf of increasing democratization of the electoral process, mobilizing democratic activists, are embedded in a particular configuration of the political field, marked by the specialization of political work and the decline of political parties, eventually helping to train a new regime, still and maybe more unequal, of ballot producing in contemporary representative democraties (Piven et al., 2009; Scher, 2010).
Three focus (knowledge, organizations, practices) will structure this thematic section. Each focus will be analysed by two papers, each presentation lasting 15 minutes max., for a total time of 1h30. These six papers will be preceded by a brief introduction by the two organizers of the ST (10 min. max). Each axis of the section will be discussed by a specialist of sociology of science and/or historical sociology of the vote (15 minutes max per focus). 1h30 will remain for Q&A.
This thematic section intends to focus on three points to examine the new scientific production of « the act of voting » (Déloye and Ihl, 2008).
– The first is knowledge, drawing on the sociology of scientific knowledge (political science, economics, mathematics, computer science, management) and the relationship between science, policy and market that can emerge in the production of the elections.
– The second is to focus on organizations : how to they produce those new datas ? What kind of relationships are built with political parties and campaign staffs.
– Finally, to do an ethnography of uses of these new techniques in the campaign staffs, especially in face-to-face canvassing (Lefebvre, 2016).
REFERENCES
Blondiaux Loïc, 1998, La fabrique de l’opinion: une histoire sociale des sondages, Paris, Seuil.
Boyadjian Julien, 2016, Analyser les opinions politiques sur Internet. Enjeux théoriques et défis méthodologiques, Paris, Dalloz.
Déloye Yves et Ihl Olivier, 2008, L’acte de vote, Presses de Sciences Po.
Garrigou Alain, 1993, « La construction sociale du vote. Fétichisme et raison instrumentale », Politix, vol. 6, no 22, p. 5‑42.
Gerber Alan S. et Green Donald P., 2000, « The Effects of Canvassing, Telephone Calls, and Direct Mail on Voter Turnout: A Field Experiment », The American Political Science Review, vol. 94, no 3, p. 653‑663.
Issenberg Sasha, 2013, The Victory Lab: The Secret Science of Winning Campaigns, Reprint edition., New York, Broadway Books.
Karila-Cohen Pierre, 2008, L’état des esprits: l’invention de l’enquête politique en France, 1814-1848, Rennes, Presses universitaires de Rennes.
Legavre Jean-Baptiste, 2005, « La quête des origines », Questions de communication, no 7, p. 323‑344.
Lefebvre Rémi, 2016, « La modernisation du porte-à-porte au Parti socialiste. Réinvention d’un répertoire de campagne et inerties militantes », Politix, no 113, p. 91‑115.
Nickerson David W. et Rogers Todd, 2014, « Political Campaigns and Big Data », The Journal of Economic Perspectives, vol. 28, no 2, p. 51‑73.
Pène Clémence, 2013, « La nouvelle « science électorale » américaine », Politique étrangère, Eté, no 2, p. 127‑139.
Piven Frances Fox et al., 2009, Keeping Down the Black Vote: Race and the Demobilization of American Voters, New York, New Press, The.
Scher Richard K., 2010, The Politics of Disenfranchisement: Why Is It So Hard to Vote in America?, New York, M.E. Sharpe.
Walker Edward T., 2009, « Privatizing Participation: Civic Change and the Organizational Dynamics of Grassroots Lobbying Firms », American Sociological Review, vol. 74, no 1, p. 83‑105.
Walker Edward T., McCarthy John D. et Baumgartner Frank, 2011, « Replacing Members with Managers? Mutualism among Membership and Nonmembership Advocacy Organizations in the United States », American Journal of Sociology, vol. 116, no 4, p. 1284‑1337.
Introduction
Pierre Yves. Baudot, Patrick Lehingue (CURAPP-ESS, UPJV), «Vieilles » et « nouvelles » sciences électorales
Axe 1 / De nouvelles formes d’engagement distancié ?
Discutant : Clément Desrumaux, (Triangle, Lyon 2)
Marie Neihouser (CEPELMontpellier, GRCP Laval, Québec), Quand l’équipe numérique d’un candidat développe de « nouveaux relais d’opinion » sur le web électoral
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Julien Boyadjian (CERAPS, Sciences Po Lille), Des « auto-entrepreneurs » militants sur Twitter ? Mobiliser Twitter comme un instrument de militantisme hors parti »
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Axe 2/ Les structures d’opportunité technologiques
Discutant Remy Lefebvre (Ceraps, Lille II)
Anaïs Theviot (Centre Emile Durkheim), Eric Treille (CRAPE), Primaires ouvertes et data-campaigning. Les techniques de mobilisation partisanes face au défi des nouvelles sciences
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Thomas Ehrhard (CECP, Paris II), « Les nouvelles sciences électorales » en questions. Réflexions croisées à partir du computer redistricting et du campaigning
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Babak Taghavi (CURAPP-ESS,UPJV), Ce que le canvassing (ne) fait (pas) aux campagnes. Mobilisations d’électeurs lors de la législative de juin 2017 dans la 1ère circonscription de la Somme
Marie Neihouser (CEPELMontpellier, GRCP Laval, Québec)
Quand l’équipe numérique d’un candidat développe de « nouveaux relais d’opinion » sur le web
Dans l’optique de mobiliser des individus toujours plus divers autour d’un candidat, le web a acquis ces dernières années un statut bien particulier en tant que nouveau support de propagande et de mobilisation pour les équipes de campagne. Cela a notamment été le cas lors de la campagne présidentielle de 2012 en France.
On a ainsi pu constater l’intérêt porté par Vincent Feltesse (alors en charge de l’équipe numérique du candidat François Hollande) à un petit groupe de blogueurs qui, pourtant, n’étaient ni membres du PS, ni militants politiques au sens traditionnel du terme. Ayant eu l’occasion de suivre ce groupe ainsi que l’équipe numérique tout au long de la campagne, nous proposons de nous servir de cet exemple pour montrer que ces « nouveaux relais d’opinion » en ligne ne constituent pas une population très éloignée des cadres partisans traditionnels : mêmes caractéristiques sociodémographiques, mêmes études supérieures relativement longues, mêmes relations, etc. Plus encore, ils ne permettent en aucun cas d’élargir le public du candidat, leurs lecteurs étant très semblables sociologiquement au public suivant traditionnellement l’actualité politique.
Ainsi, allant a contrario des promesses d’ouverture invoquées par les chantres de l’intégration du web au dispositif de campagne, cette communication sera pour nous l’occasion de démontrer en quoi la bataille du web peut très vite tourner à l’entre soi partisan, alors même que les équipes tentent d’user de leurs savoir-faire pour éviter cette situation.
Digital campaign team and new « online opinion multipliers »
Internet acquired these last years a very particular status to mobilize individuals more diverse to support a candidate. It became a new medium of propaganda and mobilization for campaign teams, in particular during the presidential campaign in France in 2012.
During this campaign, we noticed the interest of Vincent Feltesse (then in charge of the digital team of the candidate François Hollande) for a small group of bloggers whereas they were neither members of the PS, nor political activists in the classic sense of the term.
Having followed this group as well as the digital team during the campaign, we show that these « new online opinion multipliers » do not constitute a different population than the population of traditional partisan leaders : they present the same characteristics in terms of sociodemography, education, relations, etc. In others words, they don’t widen the public of the candidate, their readers being very similar sociologically with the traditional public of political affairs.
So, unlike promises of opening called by cyber optimists, this paper demonstrates in what the « battle of the web » is now a partisan « entre-soi », even though the teams try to do everything to avoid this situation.
Julien Boyadjian (CERAPS, Sciences Po Lille)
« Des « auto-entrepreneurs » militants sur Twitter ? Mobiliser Twitter comme un instrument de militantisme hors parti
Catégorie statistique créée par les sondages d’opinion, « les sympathisants » des partis politiques appariassent, depuis l’instauration du système des primaires ouvertes en France, comme une notion davantage « incarnée » ; les sympathisants prenant « corps » électoralement (Lefebvre, 2014). Mais au-delà de ces mobilisations épisodiques, les électeurs non-adhérents des partis politiques peuvent également trouver avec Internet une opportunité nouvelle de témoigner de leur « sympathie » partisane. Nous avons en effet pu observer lors d’une précédente recherche (Boyadjian, 2014) que les internautes affichant publiquement une préférence envers un parti ou un homme politique sur Twitter n’étaient pas nécessairement des militants « encartés ». Nous avions alors qualifié ces internautes d’ « auto-entrepreneurs militants » afin de signifier d’une part leur absence d’affiliation organisationnelle et d’autre part leur aptitude à mobiliser leur compte Twitter comme un petit instrument de production militante.
Au-delà d’un engagement distancié ou simplement intermittent (Ion, 1997), Internet permet donc de porter au jour un phénomène dont la nouveauté semble difficile à évaluer : la publicité active et combative d’un engagement politique exercé en dehors de tout cadre partisan. La question de recherche posée par cette communication consiste à interroger les ressorts de cette pratique militante « isolée ». S’agit-il d’un isolement « choisi » ou « subi » ? Nous monterons que la propension à l’auto-entreprenariat militant est fonction principalement de la distance (sociale et géographique) séparant ces internautes des réseaux militants organisés.
« Self-made activists » on Twitter ? Mobilize their Twitter account as an new acticism tool.
Statistical category created by opinion polls, « the sympathizers » of the political parties, since the establishment of the system of primaries opened in France, have become a more « incarnated » notion (Lefebvre, 2014). But beyond these episodic mobilizations, this people can also find a new opportunity on the Internet to show their partisan « sympathy ». Indeed, we observed in previous research (Boyadjian, 2014) that Internet users who publicly displayed a preference for a party or politician on Twitter were not necessarily parties activists. We then called these Internet users « self-made activists » in order to signify on the one hand their lack of organizational affiliation and on the other hand their ability to mobilize their Twitter account as an new acticism tool.
Beyond a distant or simply intermittent commitment (Ion, 1997), the Internet thus makes it possible to bring to light a phenomenon whose novelty seems difficult to evaluate: the publicity of a political commitment exercised outside any partisan framework. The research question posed by this communication consists in questioning the springs of this « isolated » activism practice. Is this a « chosen » or « suffered » isolation? We will show that the propensity for « self-made activism » depends mainly on the distance (social and geographical) separating these Internet users from organized activists networks.
Anaïs Theviot (Centre Emile Durkheim), Eric Treille (CRAPE)
Primaires ouvertes et data-campaigning. Les techniques de mobilisation partisanes face au défi des nouvelles sciences.
En remettant en 2009 à Martine Aubry, un rapport intitulé « Pour une primaire ouverte et populaire », Arnaud Montebourg et Olivier Ferrand, le Président de la Fondation ; Terra Nova, n’ont pas seulement engagé leur parti dans la voie d’un mode inédit de consultation démocratique. Ils ont également accéléré l’importation en France, dans le prolongement de leurs voyages auprès des équipes de Barack Obama, de techniques inédites de mobilisation électorales destinées à mieux rationaliser les outils de sollicitation des votes.
Alors que la mise en œuvre des primaires commence à produire de nouvelles analyses, ces innovations technologiques – utilisation de la plateforme Nation Builder cartographie des porte-à–porte, ciblage numérique des mailings listes …- ont été en revanche beaucoup moins interrogées.
Les primaires ont pourtant profondément défié l’acte de vote partisan. En s’adressant au groupe spécifique des « sympathisants », elles ont favorisé le développement des « data campaigning », de la segmentation des publics à l’exploitation des bases de données qualifiées, bousculant ainsi les « manières de faire » traditionnelles des candidats. Elles ont également joué pour le PS et plus encore pour LR un rôle clé d’expérimentation d’innovations venues d’Outre-Atlantique sur le territoire métropolitain. Elles ont enfin permis de souligner comment pouvaient s’accréditer le caractère « scientifique » des nouvelles campagnes « modernes » et la croyance en leur efficacité électorale.
Open Primaries and datacampaigning. Partisan mobilization skills in the challenge of new sciences
Barack Obama’s successful campaign of 2008 has been widely discussed and analyzed by numerous think tanks in order to identify which elements are transposable within the French context. Inspired by the American campaigns, French Primaries challenged profoundly the act of partisan vote. By addressing the specific group of the « sympathizers », they favored the development of « datacampaigning », from the segmentation of the public to the exploitation of the qualified databases. Thus, they played for the PS and more still for LR a key-role of experiment of innovations. They underline the speeches around the scientific character of the new “modern” campaign, the faith in their electoral efficiency and so contribute to a rhetoric of the innovation.
Thomas Ehrhard (CECP, Paris II)
Les « nouvelles sciences électorales » en questions. Réflexions croisées à partir du computer redistricting et du campaigning
L’utilisation des techniques de big data dans l’electoral engineering lors des opérations de découpages électoraux aux États-Unis date des années 1970. Le computer redistricting connait des caractéristiques et des logiques similaires à ce qui est actuellement dénommée « nouvelle science électorale ». De multiples exemples récents vantent les possibilités offertes par et l’influence des nouvelles technologies pour remporter des élections, notamment grâce à des innovations dans les techniques de campagnes électorales. Une comparaison avec le computer redistricting, montrera ce que « les nouvelles technologies » ont apporté et modifié dans les pratiques des acteurs politiques. Actuellement, le digital campagning dispose d’un certain nombre de points communs (enjeux, influence sur les activités politiques, prévisions électorales) qu’il sera intéressant de mettre en perspective. L’ensemble permet d’interroger le concept de « nouvelle science électorale » par plusieurs questions : qui sont les nouveaux acteurs ? quelle influence sur le domaine d’activité politique ? Quelles sont les innovations du digital campaigning ? En quoi renouvellent-elles les pratiques politiques et/ou la science électorale ?
Are the « new electoral sciences » really new? Perspectives from the computer redistricting and digital campaigning
The electoral engineering uses big data and automated mapping for the redistricting process in the United States since the 1970’. The computer redistricting has characteristics and logics similar to what is now called “new electoral science”. There are many recent examples of using new technologies to win elections, Including through innovations in electoral campaigns. A comparison between digital campaigning and computer redistricting shows what the “new technologies” have bring and what is modified in the political activities, or in the political actors strategies. Currently, digital campaigning has a number of common features (issues, influences, electoral predictions) that it will be interesting to put into perspective to question the concept of “new electoral science”. Who are the new actors? For what influence on the field of political activity? What are the innovations of digital campaigning? How do they renew political practices or electoral science?
Babak Taghavi (CURAPP-ESS,UPJV)
Ce que le canvassing (ne) fait (pas) aux campagnes. Mobilisations d’électeurs lors de la législative de juin 2017 dans la 1ère circonscription de la Somme
D’importation américaine, de nouvelles technologies de pilotage des campagnes électorales promouvant un « retour au terrain » assisté par ordinateur ont récemment fait leur apparition en France. On a pu montrer que ces instruments séduisent alors tout autant qu’ils se heurtent aux inerties partisanes et militantes, ce qui tend à en relativiser le poids dans les pratiques de campagne (R. Lefebvre, 2016). Il est question ici d’examiner comment s’invitent (ou non) ces nouveaux outils d’organisation du travail de campagne dans les « répertoires d’actions électorales » (C. Desrumeaux, R. Lefebvre, 2016). On montrera à l’appui d’une enquête sur la campagne législative de juin 2017 dans la première circonscription de la Somme que cette tendance de fond à la rationalisation s’accompagne toutefois d’irréductibles incertitudes invitant à des réajustements bricolés chemin faisant, et obligeant in fine les prétendants aux mandats politiques à naviguer à vue.
What canvassing does (or does not) to campaigns. Mobilization of voters in the legislative election of june 2017 in the first constituency of the Somme department.
Imported from the USA, new technologies of electoral campaigns management promoting a computer-aided return to the field have recently appeared in France. It has been shown that these instruments seduce as much as they come up against the partisan and militant inertia, which tends to relativize their influence on campaigning (R. Lefebvre, 2016). The paper is about examining how these new tools for campaigning interfere (or not) in the « electoral actions repertoires » (C. Desrumeaux, R. Lefebvre, 2016). Based on a study on the legislative campaign of june 2017 in the first constituency of the Somme department, it shows that this fundamental tendency towards rationalization is however not without its inevitable uncertainty, inducing on-going adjustments, and eventually forcing political mandate claimers to do things as they come along.
Mercredi 12 juillet 2017 9h00-13h00
BAUDOT Pierre-Yves pierre-yves.baudot@u-picardie.fr
BOYADJIAN Julien julien.boyadjian@sciencespo-lille.eu
DESRUMAUX Clément Clement.Desrumaux@univ-lyon2.fr
EHRHARD Thomas thomas.ehrhard@gmail.com
LEFEBVRE Remy remi.lefebvre@univ-lille2.fr
LEHINGUE Patrick patrick.lehingue@u-picardie.fr
NEIHOUSER Marie neihouser.marie@gmail.com
TAGHAVI Babak bbk.taghavi@gmail.com
THEVIOT Anaïs a.theviot@gmail.com
TREILLE Eric eric.treille@laposte.net