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Réformer la démocratie. Le changement institutionnel en contexte

Reforming Democracy. The contextualization of institutional change

Responsables scientifiques
Thomas Ehrhard (Université Paris II Panthéon-Assas) thomas.ehrhard@gmail.com
Camille Bedock (Université Libre de Bruxelles – ULB) camille.bedock@gmail.com

Depuis le début des années 1990, les institutions sont revenues au centre de la science politique internationale. Cette section thématique s’inscrit dans l’axe des études relatives aux réformes de la démocratie. Cette section s’intéresse aux « politics of institutional reform » (Rahat, 2011). Dans le cadre des démocraties établies, les recherches appréhendent les nombreux cas d’étude sur un temps long et montrent que les réformes sont progressives (Mahoney, Rueschemeyer, et Thelen 2003; Thelen 2004; Mahoney et Thelen 2010) ou peuvent être perçues comme le résultat d’équilibres ponctuels (Baumgartner et Jones 1993; Capoccia et Kelemen 2007; Jones et Baumgartner 2012). La politique comparée s’est ainsi particulièrement intéressée aux institutions, à leur origine et à leur développement. Les réformes ont, par exemple, été qualifiées selon leur nature et leur degré de changement comme des « transformation without disruption » (Streeck, Thelen, 2005), comme « the evolution of modern states » (Steinmo, 2010), ou encore comme des changements « disjoint, episodic, and not always predictable » (Jones, Baumgartner, 2012). Néanmoins, si le contenu des réformes institutionnelles est soumis, le plus souvent, aux approches comparées spatiales et/ou temporelles, les travaux actuels ont souvent accordé peu d’importance au contexte économique, social ou politique dans lequel les réformes ont été adoptées.
L’objectif de cette section thématique est d’analyser si – et dans quelle mesure – le contexte influence la réforme dans son ensemble : dans son timing, dans son approbation et dans son contenu. Il s’agit, d’abord, d’interroger le contexte comme un déterminant des réformes de la démocratie, en montrant par exemple comment l’insatisfaction contre le système politique ou les bouleversements électoraux structurent les choix et les stratégies des acteurs. Il s’agit, ensuite, d’interroger le contexte comme une contrainte sur les acteurs dont la résistance au changement peut être forte et provoquer des coalitions d’intérêts contre les réformes. En ce sens, la section thématique puise également des concepts et des outils nécessaires à l’étude du processus des réformes dans l’analyse de l’action publique et dans l’étude des politiques publiques.
La section thématique s’inscrit dans une approche néo-institutionnaliste dynamique, avec les questionnements conceptuels et méthodologiques actuels relatifs à l’étude des institutions (Pierre, Peters, Stocker, 2008). La section sera organisée autour de trois axes que la section thématique souhaite mettre en avant.
Le premier axe porte spécifiquement sur les réformes institutionnelles dans un contexte de défiance politique généralisée, envers les acteurs politiques et les institutions de la démocratie représentative. L’objectif est d’interroger les réformes qui résultent de ces critiques pour répondre aux modèles classiques des institutions. L’un des enjeux est de voir comme le contexte de défiance et/ou de crise économique influe sur le contenu des réformes et peut être porteur d’innovations institutionnelles. Les contextes produisent-ils des réformes particulières ? Les objets sont variés : e-democracy, e-government, transparence, modification du fonctionnement des assemblées parlementaires, etc. Le contexte de crise semble renouveler les institutions démocratiques existantes et placer le citoyen au cœur des réformes institutionnelles mais qu’en est-il vraiment ? Dépasse-t-on le cadre de la démocratie représentative ?
Le deuxième axe porte sur les mécanismes et procédures des réformes. Si la plupart des réformes tendent à être adoptées par la voie parlementaire, depuis moins de dix ans, le référendum semble connaître un nouvel essor dans les démocraties occidentales. Il est utilisé dans le cadre de réformes institutionnelles et européennes (Royaume Uni en 2011 et 2016 ; Italie 2009, 2011 ; Pays-Bas, 2016 ; Écosse, 2014 ; Catalogne, 2014, etc.). Le processus des réformes institutionnelles peut être interrogé spécifiquement par ses modalités en général et à travers l’usage du référendum en particulier. L’utilisation des référendums peut aussi être questionnée à travers le double aspect territorial des réformes locales et européennes. Le référendum est-il le moyen utilisé par les gouvernants pour réformer les institutions dans un contexte de crise ? L’étude du processus peut aussi amener à des questionnements relatifs à l’évolution des acteurs qui y participent (partis politiques notamment).
Le troisième axe porte sur les objectifs des réformes, en lien avec leurs conséquences. L’objectif est double. D’une part, il s’agit d’étudier la place des citoyens dans les réformes. Influencent-t-ils, autrement que par leur vote, les réformes institutionnelles ? Plus largement, les changements institutionnels montrent-ils, depuis une dizaine d’années, un changement de référentiel concernant les institutions démocratiques ? Ces questionnements tendent à mesurer sur un temps long et comparé la nature et le degré du changement institutionnel. D’autre part, suivant le postulat selon lequel les réformes institutionnelles visent, en partie, à résoudre les critiques contre la défiance du cadre politique, il s’agit de questionner l’efficacité des réformes, leur échec et leur réussite, pour restaurer la confiance des citoyens. Autrement dit, quelles sont les conséquences des réformes ? Produisent-elles les effets escomptés ?

Since the beginning of the 1990s, institutions have come back to the center of international political science. This panel is anchored in the field of study of democratic reforms, replacing the context in which reformers decide to have recourse and attempt to adopt reform to the forefront of the theoretical reflection. This panel is interested in the “politics of institutional reform” (Rahat, 2011). In the realm of consolidated democracies, current research have focused on numerous case studies and on long periods of time showing that change is gradual or that reforms can be understood as the research of punctuated equilibriums. The comparative politics has focused on institutions, their origins and their development. Reforms have been qualified according to their nature and their degree as “transformation without disruption” (Streeck, Thelen, 2005), as the “evolution of modern states” (Steinmo, 2010), or as “disjoint, episodic and not always predictable changes” (Jones, Baumgartner, 2012). However, even if reforms have been studied by taking into account spatial and time-related dynamics, current research has not given enough importance to the changing economic, social, or political context in which reforms have been adopted.
The aim of this panel is to study if – and in what extent- a given context influences the different aspects of reform: its timing, its approval, and its content. We want, first of all, to study the context as a determinant of democratic reforms, showing for example how discontent against the political system or electoral disruptions can structure the choice and the strategies of actors regarding democratic reforms. We want, secondly, to study the context as a powerful constraint on actors who can resist change and build coalitions against reform. In this sense, this panel also uses some of the concepts and theoretical tools of the research field of public policy and public action.
The panel will focus on the three following themes.
The first theme deals specifically on institutional reforms in a context of generalized political discontent against political actors and the institutions of representative democracy. The aim is to study reforms resulting from this situation and to see whether this context of erosion of political support and/or economic crisis can have an influence on the content of reforms and promote institutional innovations. The context of crisis seems at first sight to renew existing forms of democracy and to place the citizen at the heart of reforms, but is it really so?
The second theme focuses on mechanisms and procedures of reform. Even if many reforms are still adopted by using the “traditional” parliamentary road, since ten years at least, the referendum has been used more and more frequently in Western democracies. It has been used to (attempt to) adopt various European and national reforms. Therefore, the processes of institutional reforms can be studied specifically by focusing on its modalities in general and through the use of referendum in particular. The use of referendums can also be questioned through the prism of the interactions between local, national and European levels.
The third theme wishes to focus on the objectives and consequences of democratic reforms. One the one hand, we wish to reflect upon the role of citizens in democratic reforms. Do they influence institutional reforms only by their vote, or also by other means? More broadly, do democratic reforms show, since the last decade, a change of référentiel concerning democratic institutions? Through these questions, we intend to measure in the long run the nature and degree of institutional change. On the other hand, using as a premise the idea that democratic reforms aim at answering – at least in part- to the criticisms against the current state of democracy, we aim at questioning the efficiency of reforms, their failure and their success in affecting the level of political support in particular.

Axe 1 / Innovations démocratiques et légitimité

Guillaume Gourgues (Université de Franche-Comté, CRJFC/CHERPA) et Julien O’Miel (Université de Lille, CERAPS/CHERPA), L’initiative citoyenne, l’angle mort des réformes participatives de la démocratie

Sofia Wickberg (Centre d’études Européennes, Sciences po Paris), La corruption politique comme problème public et la prévention comme solution : un changement de légitimité politique ?
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Lionel Cordier (Laboratoire Triangle, Université de Lyon), Démocratiser la démocratie – les enjeux de la réforme constitutionnelle islandaise
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Axe 2 / Réformes de la démocratie représentative

Guillaume Marrel (LNBC/CHERPA, Université d’Avignon), La démocratie française réformée par la fin du cumul des mandats ? La loi de 2014 et sa mise en œuvre en 2017, aboutissement du processus historique réformateur des incompatibilités électorales en France

Amandine Brizio (Centre Emile Durkheim, Sciences Po Bordeaux), Les Conseils Économiques, Sociaux et Environnementaux régionaux : plus ça change, plus c’est pareil ? Enjeux des réformes de la démocratie pour une institution faible

Simon Heckler (Université Paris 2 Panthéon Assas), Civic Tech et élaboration de la loi: enjeux de la réforme des institutions de la démocratie représentative par la technologie
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Discutant : Jean-Benoit Pilet (Université Libre de Bruxelles – ULB) et Clément Mabi (UTC de Compiègne, Costech)

Guillaume Gourgues (Université de Franche-Comté, CRJFC/CHERPA) et Julien O’Miel (Université de Lille, CERAPS/CHERPA)

L’initiative citoyenne, l’angle mort des réformes participatives de la démocratie
L’ensemble des réformes participatives menées par les institutions depuis les années 1990 présentent une étrangeté : la rareté et l’encadrement de l’initiative citoyenne (IC). En effet, un panorama d’ensemble des « politiques de participation publique » donne à voir des dispositifs largement déterminés par les institutions publiques, dans laquelle les capacités d’initiative des citoyens servent à alimenter les dispositifs (proposer des projets, donner des idées) mais rarement à les cadrer (de quoi parle-t-on, comment, avec qui, pourquoi faire). La communication vise à analyser l’institutionnalisation d’une offre de participation publique, afin de répondre à une double interrogation : Comment cette offre a-t-elle pu progressivement évacuer l’IC du design des dispositifs ? Pourquoi et comment cette initiative est actuellement l’objet de tentatives de réintroduction ? En s’appuyant sur nos recherches empiriques et des travaux de seconde main, cette communication questionne les conditions institutionnelles et contextuelles d’invisibilisation et de résurgence de l’IC. Quatre hypothèses seront discutées : le développement d’une « industrie » des procédures participatives qui privilégie les attentes des commanditaires publics et privés de l’offre de participation et reproduit des dispositifs qui ne facilitent pas le développement d’une IC ; l’opposition frontale de certains élus à ce qu’ils considèrent comme une dépossession de la maîtrise de l’agenda politique institutionnel ; La désillusion des mouvements sociaux qui tendent à s’éloigner d’un éventuel recours à l’IC ; la crise des finances publiques qui tend à verrouiller les options macro-économiques et rend difficilement envisageable l’intrusion de l’IC dans une sphère marquée par la réduction des alternatives.

Citizens’ initiative as the blind-spot of participatory reforms
Participatory reforms carried out by public institutions since the 1990s share an incongruity: the scarcity and the framing of the citizens’ initiative (CI). Indeed, a whole panorama of “public participation policies” show that participatory processes are largely top-down and mainly use citizens’ initiatives capabilities to fuel processes (to propose projects, to give ideas) but rarely to frame them (what is at stake, how, with whom, and for what?). This communication aims analyzing the institutionalization of the “public participation offer” in order to deal with two issues: how does this offer gradually manage to evacuate CI from the process design? Why and how CI is currently and experimentally reintroduced? Based on our empirical research and academic literature, we propose to study institutional and contextual conditions of loss and resurgence of CI within participatory reforms. Four hypotheses will be discussed: the development of an ‘industry’ of public participation that focus on the expectations of public and private sponsors and replicate processes that do not facilitate the development of CI ; the strong opposition of elected officials who fear a dispossession of the institutional political agenda; the disillusionment of social movements who potentially avoid possible resort to IC; the public finances crisis that lock the macroeconomic alternatives and restrain IC in an austerity context.

Sofia Wickberg (Centre d’études Européennes, Sciences po Paris)

La corruption politique comme problème public et la prévention comme solution : un changement de légitimité politique ?
L’émergence de la prévention de la corruption politique en Europe occidentale à la fin des années 1980 représente un recadrage du problème de la corruption, d’un problème inexorable lié à quelques brebis galeuses à un risque socio-politique à prévenir. Nous explorons ici l’émergence de la corruption politique comme problème public dans le contexte de la défiance grandissante à l’égard des élites politiques dans trois pays ayant une culture et des institutions politiques différentes : la France, la Suède et le Royaume-Uni. Entre un discours prônant un changement démocratique fondamental plaçant la probité et le citoyen éclairé au centre du système et l’apparence symbolique des solutions proposées, la prévention de la corruption pose la question de la question de la légitimité politique. Nous comprenons ici la légitimité politique comme une combinaison de l’évaluation de la légitimité démocratique par les processus (throughput), proposée par Schmidt, et d’une résurgence de la légitimité éthique ou morale du représentant politique, toutes deux particulièrement pertinentes concernant la corruption.
Les réformes visant à prévenir la corruption politique en garantissant l’intégrité ou la probité publique, proposées comme la solution au problème de la crise de la légitimité démocratique, sont un cas d’étude particulièrement pertinent ici et nous prenons les politiques de prévention des conflits d’intérêt comme exemple. Une analyse comparative de trois contextes politiques et institutionnels nous offre la possibilité de questionner l’influence des structures institutionnelles et de la conjoncture dans la construction des problèmes publics et des solutions à ceux-ci. Une analyse des cadres d’interprétation utilisés dans les discours politiques, aux niveaux national et international, durant la période initiale d’émergence (1980s-1990s) et durant les moments de réformes plus récents (2010s) nous permet de combiner une comparaison internationale et diachronique.

Political corruption as a public problem and prevention as the solution: a shift in political legitimacy?
The emergence of corruption prevention, in Western Europe, in the late 1980, represents a reframing of the issue of political corruption, from an inexorable evil of a few bad apples or a to a social risk that can and should be prevented. This paper examines the (re)politicisation of political corruption within the broader context of growing distrust in political elites and changing citizen-state relationship. Between a discourse of fundamental democratic change placing integrity and the enlightened citizen at the centre of the system and the symbolic appearance of policy responses, corruption prevention and ethics management pose the question of political legitimacy. This paper combines Schmidt’s throughput criterion for evaluating democratic legitimacy, focussing on the “black box” of decision-making, with an interrogation concerning the resurgence of a need for ethical personal legitimacy for political representative, which are particularly relevant for the conceptualisation of corruption
I propose to study the emergence of the (political) corruption prevention discourse in a comparative perspective, looking at three countries with relatively different political cultures and institutions namely France, Sweden and the UK, using conflict of interest prevention as an example. The different political cultures of my three case studies offer the possibility to analyse the influence of institutional structure and of specific contexts on the construction of public problems and solutions. I use frame analysis to study the political discourse on political corruption prevention at the national and international, in the initial period of politicisation (1980s-1990s) and in the later period of reform (2010s) in the three countries, allowing for both a spatial and a temporal comparison.

Lionel Cordier (Laboratoire Triangle, Université de Lyon)

Démocratiser la démocratie : enjeux et effets de la réforme constitutionnelle islandaise
À travers cette communication nous analyserons la question de la démocratisation en contexte de crise politique et de défiance profonde envers les institutions représentatives à travers l’exemple de la tentative de rénovation constitutionnelle islandaise de 2009-2013 suite à la crise financière puis politique qu’a connu le pays, puis les effets qu’elle a produit sur le jeu politique traditionnelle islandais.
L’élaboration de la nouvelle constitution islandaise, réalisée à travers un processus participatif original, a révélé de profondes dissensions entre les différentes institutions politiques islandaises, qu’il s’agisse du Parlement, de la Cour Suprême ou des Commissions ad hoc créées pour son bon déroulement. Loin d’être un processus exemplaire, cette réécriture a été parsemée d’obstacles juridiques et politiques et n’a pas réussi à aboutir, malgré un référendum national favorable à son adoption. Paradoxalement cet échec de la réforme permet d’éclairer de façon crue les dynamiques et les stratégies des institutions politiques au sein d’une démocratie représentative occidentale en temps de crise politique. Le cas islandais apparaît alors comme le meilleur exemple de ce qu’il ne faut pas faire lors de rénovation participative des institutions.
Enfin la question de l’adoption du texte n’a pas disparu du débat politique et est revenue en force à l’occasion du scandale des Panama Papers puis des élections législatives d’octobre 2016. C’est cette fois les partis d’opposition apparus après la crise qui ont servi de chambre d’écho à la question constitutionnelle, prenant le relais des mobilisations sociales de 2008.

Democratizing democracy : challenges and effects of the Icelandic constitutional reform
This paper analyzes the question of democratization in a context of political crisis and profound distrust in representative institutions, through the example of Iceland’s attempt, from 2009 to 2013, to reform the constitution in the wake of the financial crisis. It then analyzes the impact of this attempt at constitutional reform on Iceland’s traditional political institutions.
The drafting of a new Icelandic constitution via an original participatory process unveiled deep divisions between political institutions including Parliament, the Supreme Court and the ad hoc Committees created to facilitate the participatory process itself. Far from being an exemplary process, the attempt at reform was blocked by a number of legal and political obstacles and ultimately did not succeed, despite a national referendum indicating public support for the new text. Paradoxically, this failed attempt at reform sheds light on how the traditional political institutions of Western representative democracies strategise and interact in times of political crisis. Indeed, the Icelandic example provides an excellent blueprint for what should be avoided when reforming institutions via participatory democratic processes.
The idea of adopting the redrafted text has not disappeared from political discourse. The topic resurfaced during the Panama Papers scandal and the legislative elections of October 2016. This time, the opposition parties, which had come into being following the financial and political crisis, took the reins from the social movements of 2008-2009 and ensured the ongoing presence of the constitutional theme in public debates

Guillaume Marrel (LNBC/CHERPA, Université d’Avignon)

La démocratie française réformée par la fin du cumul des mandats ? La loi de 2014 comme aboutissement du processus historique réformateur des incompatibilités électorales en France
Les lois du 14 février 2014 sont censés mettre un terme définitif au cumul des mandats électifs, singularité démocratique hexagonale. Pour la troisième fois en près de quarante ans une majorité socialiste réglemente l’exercice simultané et durable de plusieurs mandats électifs. Le cumul avait d’abord été limité à deux mandats importants en 1985. Depuis 2000, la loi interdisait aux parlementaires européens une autre fonction nationale. Elle limitait le cumul d’un parlementaire national ou européen avec un seul mandat local et, à deux le cumul de mandats locaux. Elle interdisait en outre le cumul de fonctions exécutives locales. En 2014, c’est l’institution française du « député-maire » ou du « sénateur-président de conseil départemental » qui est visée. Les textes prévoient ainsi qu’un parlementaire ne pourra plus cumuler son mandat avec aucune présidence ou vice-présidence d’une quelconque collectivité territoriale, intercommunalité ou syndicat mixte. Prudemment, les parlementaires ont planifié la mise en œuvre de cette réforme en reportant son application de plus de trois ans, aux élections postérieures au 31 mars 2017. Pourquoi et comment ce « serpent de mer » historique des politiques publiques électorales et de la codification des incompatibilités politiques aboutit-il en 2014, après 140 ans de débats quasi stériles, à une loi de limitation drastique apparemment consensuelle ? On ne comprend cette longue phase d’impossible réglementation du cumul (1876 – 1958) et son dénouement en trois lois depuis la fin des années 1970, qu’en portant une attention particulière à la singularité des procédures réformatrices de l’auto-réglementation parlementaire des mandats et du métier politique dans l’espace public, et notamment à la particularité des configurations stratégiques, partisanes et notabiliaires, plus ou moins favorables à leur mise à l’agenda, aux logiques de publicisation et de médiatisation déployées, ou encore aux conditions de négociations pour l’obtention de majorités, en termes de calendrier d’application par exemple. Ce délai de mise en œuvre pourrait-il donner lieu à une remise en cause par certaines coalitions d’intérêts hostiles ?

French democracy reformed by the end of cumul des mandats ? The law of 2014 as the culmination of the reformist historical process of electoral incompatibilities in France
The laws of February 14, 2014 are supposed to put an end to the cumul des mandats, a French democratic singularity. For the third time in almost forty years a socialist majority has regulated the simultaneous and lasting exercise of several elective term office. Since 2000, the law has prohibited MEPs from holding another national office. It limited the accumulation of a national or European parliamentarian with only a single local office and forbid to combine more than two local offices. It also prohibited the holding of several local executive functions. In 2014, the French institution of the « deputy-mayor » or the « senator-president of departmental council » is targeted. The laws stipulate that a parliamentarian can no longer cumulate his office with any presidency or vice-presidency of any local authority. Prudently, parliamentarians planned the implementation of this reform by postponing its enforcement for more than three years, up until the elections after March 31, 2017. Why and how does this long-running story of electoral public policies ended in a seemingly consensual drastic limitation law in 2014, after 140 years of almost sterile debates? It is difficult to understand the long absence of regulation (1876 – 1958), and the three laws that were passed after the late 1970s, only focused on the singularity of the reformatory procedures of the self-regulation of the political profession in the public space, including the particuliarity of strategic configurations, partisan and notabiliaires more or less favorable to their agenda setting, considering the publishing and mediatization logic deployed, or the terms of negotiations to obtain majorities, in terms of timing application, for example. The delay in implementation could give rise to questioning by some hostile coalitions?

Amandine Brizio (Centre Emile Durkheim, Sciences Po Bordeaux)

Les Conseils Économiques, Sociaux et Environnementaux régionaux : plus ça change, plus c’est pareil ? Enjeux des réformes de la démocratie pour une institution faible

Simon Heckler (Université Paris 2 Panthéon Assas)

Civic Tech et élaboration de la loi: enjeux de la réforme des institutions de la démocratie représentative par la technologie
Dans le contexte actuel, marqué par une défiance politique généralisée, une réforme des institutions de la démocratie représentative est parfois envisagée par l’usage des nouvelles technologies. C’est précisément l’objectif d’une partie des acteurs de la Civic Tech, qui souhaitent utiliser les outils numériques pour remodeler le lien entre représentants et représentés, aussi bien dans le cadre de l’action de l’Etat qu’en renouvelant la participation des citoyens aux processus de délibération et de décision aux questions publiques et politiques.
Si la conception disruptive de la Civic Tech peut être envisagée sous des angles différents, c’est celui de la volonté d’une évolution institutionnelle qui nous intéresse ici. A ce titre, la communication aura vocation à étudier précisément l’usage des consultations en ligne des citoyens dans l’élaboration de la loi.
En 2016, le projet de loi pour une République numérique a fait l’objet d’un processus de co-création entre citoyens et acteurs politiques. La plateforme de la Civic Tech « Parlement & Citoyens » a travaillé en collaboration avec le ministère et les parlementaires, certains ayant accepté de « jouer le jeu » en défendant les amendements citoyens.
L’analyse détaillée de ce processus nous permettra d’ouvrir la réflexion autour du contexte propice à la généralisation des consultations en ligne dans le travail parlementaire. Une proposition de loi a été déposée en ce sens à l’Assemblée Nationale en 2016. Nous nous demanderons dans quelle mesure le contexte de développement d’outillages techniques à destination des citoyens influence la volonté – qui parait partielle et limitée – d’ouverture démocratique du système politique et comment ce contexte peut être source de contrainte et de résistance, tant par les parlementaires que par les utilisateurs de ces technologies nouvelles.

Civic Tech and elaboration of the law: issues of the reform of the institutions of representative democracy by technology.
In the current context, impacted by a political distrust that has become widespread, a reform of the institutions of representative democracy is sometimes viewed with the use of new technologies. This is clearly the purpose of some of the players of Civic Tech, who wish to use digital tools to reorganize the link between representatives and individuals, whether it is within the action of the state or by renewing the citizens’ involvement in the deliberation and decision-making processes of public and political questions.
If the disruptive conception of Civic Tech may be considered from different angles, the one that interests us here is the one that implies the will of an institutional evolution. Therefore, the communication will precisely study the use of citizens’ online consultations in the elaboration of the law.
In 2016, the bill for a digital Republic was subjected to a co-creation process between citizens and political players. The « Parlement & Citoyens » Civic Tech platform collaborated with the government and the members of Parliament, some having accepted to « play the game » by defending the citizens’ amendments.
The detailed analysis of this process will allow us to open the debate on the favourable context of the widespread use of online consultations in parliamentary business. A public bill was therein brought in at the National Assembly in 2016. We will explore to what extent the context of the development of technical tools for citizens can influence the intention – which seems partial or limited – of a democratic openness of the political system and how this context can trigger constraint and resistance, both from the members of Parliament and the users of these new technologies.

Mercredi 12 juillet 2017 14h00-18h00

BEDOCK Camille camille.bedock@gmail.com
BRIZIO Amandine amandine.brizio@gmail.com
CORDIER Lionel lionel.cordier@sciencespo-lyon.fr
EHRHARD Thomas thomas.ehrhard@gmail.com
GOURGUES Guillaume guillaume.gourgues@gmail.com
HECKLER Simon simon.heckler@orange.fr
MABI Clément clement.mabi@gmail.com
MARREL Guillaume guillaume.marrel@univ-avignon.fr
PILET Jean-Benoit jpilet@ulb.ac.be
O’MIEL Julien julien.omiel@gmail.com
WICKBERG Sofia sofia.wickberg@sciencespo.fr