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Participation Politique et Internet : Questions traditionnelles, nouveaux dispositifs de recherche et nouvelles données

Internet and Political Participation : Traditional Questions, New Research Devices and New Data

Responsables scientifiques
Jean-Gabriel Contamin (Université de Lille, CERAPS) jean-gabriel.contamin@univ-lille2.fr
Olivier Paye (Université Saint-Louis-Bruxelles, CReSPo) olivier.paye@usaintlouis.be
Jean-Benoît Pilet (Université Libre de Bruxelles, CEVIPOL) jpilet@ulb.ac.be

Les études sur la participation politique ont mis en évidence depuis déjà longtemps une profonde différence entre le petit nombre de celles et ceux qui participent beaucoup et la grande majorité des citoyens qui ne participent qu’à très peu d’activités politiques, et pas toujours selon des considérations elles-mêmes « politiques » (Gaxie, 1978 et 1993).
Toutefois, selon les tenants du paradigme de la mobilisation (« (new) mobilization ») (Hirzalla, van Zoonen et de Ridder, 2011), la baisse des coûts de participation, rendue possible par internet, aurait favorisé l’inclusion de nouveaux participants, notamment issus de groupes sociaux que des contraintes structurelles propres tenaient jusque-là éloignés des « formes instituées et temporellement circonscrites de la participation » (Wojcik, 2011). Des travaux empiriques, aux Etats-Unis mais aussi en Europe, mettent ainsi en évidence les effets réels – bien que modestes – d’internet sur la mobilisation de nouveaux participants (Boulianne, 2009; Christensen, 2011; Nam, 2012). Selon eux, non seulement les médias sociaux – comme YouTube, Twitter, Flickr, Facebook, Tumblr etc. – servent pour des activités politiques, mais aussi l’utilisation d’internet inciterait davantage à voter ou à participer politiquement, si bien que même le temps passé à “surfer tous azimuts” pourrait accroître l’activité politique (Margetts, 2015).
Pourtant, les conclusions de ces travaux demeurent contestées. Aux cyberenthousiastes des démocraties occidentales, s’opposent soit les tenants de la thèse de la “normalisation” (“normalization” ou “reinforcement”) (Margolis et Resnick, 2000; Schlozman et alii, 2010), selon lesquels la participation on-line serait surtout le fait d’individus qui participent déjà off-line (Bimber, 2001 ; Norris, 2003 ; Nielsen, 2006; Carlisle and Patton, 2013), soit ceux de la thèse de la “substitution” qui arguent que les nouvelles technologies pourraient nourrir le « clicktivism » (ou « slacktivism » : activisme « mou » ou « paresseux ») (Shulman, 2009; Morozov, 2009) d’individus dont l’activité/activisme politique non-conventionnel(le) ne se concevrait et ne s’exprimerait plus que par internet (pétitions en lignes, groupes facebook, etc.) tant ils auraient renoncé à franchir le pas de l’activisme offline dont ils ne souhaiteraient pas supporter les coûts et risques (déplacement, exposition publique, répression policière, etc.). Pour ceux-ci, la fracture numérique en viendrait même à s’ajouter à la « fracture sociale », non seulement pour des raisons techniques, mais aussi et surtout pour des raisons cognitives. Les inégalités sociales et culturelles se retrouveraient distribuent désormais au sein même des pratiques en ligne, et notamment des pratiques politiques (Cardon, 2010).
La difficulté de conclure est, semble-t-il, pour partie liée au fait qu’on utilise des méthodes éprouvées pour étudier la participation politique hors ligne en vue d’analyser ce qu’il en est de la participation en ligne. A l’inverse, on pourrait supposer que l’émergence, la multiplication et la diversification des formes de participation politique en ligne (Facebook, twitter, instagram, youtube, forums de discussion, commentaires de sites, sites de pétition en ligne, plate-formes plus institutionnelles,…), tout comme les opportunités qu’ouvrent aux chercheurs la possibilité d’accéder à de nouvelles données massives, peuvent permettre de poser à nouveaux frais ces questions traditionnelles, à partir de données inédites et à partir de dispositifs méthodologiques eux-mêmes innovants.
C’est précisément autour de ce « pari » que cette section thématique est pensée. Il s’agit de réunir des travaux empiriquement fondés qui, à partir de données nouvelles et/ou de méthodes nouvelles, réinterrogent cette question devenue traditionnelle de l’articulation entre « fracture sociale en matière de participation politique » (« participatory divide ») et « fracture numérique » (« digital divide »). La dimension éthique et juridique de ce type d’études, qui supposent de travailler des données personnelles parfois pour partie à l’insu de ceux et celles qui les produisent, est aussi un des enjeux de la section thématique.
Cette section thématique prend enfin sens en fonction de sections homologues organisées lors des Congrès IPSA de Poznan et ECPR de Prague, dans l’optique de constituer une communauté de chercheurs autour de ces problématiques et de valoriser ces travaux dans un ouvrage ou un numéro de revue (plutôt en anglais).

Studies on offline political participation have for a long time demonstrated a deep participatory divide between those participating a lot – a minority – and a vast majority of citizens taking part to very few political activities (Gaxie, 1978 and 1993).
However, according to proponents of the « (new) mobilization » paradigm ( « (new) mobilization ») (Hirzalla, van Zoonen and Ridder, 2011), the internet would have lowered the threshold of participation and allowed new citizens to participate in political life. Empirical work in the US but also in Europe have highlight the real effects – although modest – that Internet has on the mobilization of new participants (Boulianne, 2009; Christensen, 2011; Nam, 2012). According to them, not only social media – such as YouTube, Twitter, Flickr, Facebook, Tumblr etc. – might be used for political purposes but also internet use would be an incentive to vote or to participate politically, so that even the time spent in « surfing » might increase political activity (Margetts, 2015).
Yet such findings remain unchallenged. Cyberenthousiast are criticized either by the proponents of the theory of the « normalization » (Margolis and Resnick, 2000; Schlozman et al, 2010), according to whom on-line participation would mostly be done by individuals already involved off-line (Bimber, 2001; Norris, 2003; Nielsen, 2006; Carlisle and Patton, 2013), and by the proponents of the thesis of the « substitution » who argue that new technologies could feed « clicktivism » (or « slacktivism »: « soft » or « lazy » activism) (Shulman, 2009; Morozov, 2009) of individuals the political activism of whom would be only on line (via e-petitions, facebook groups, etc.). For them, the digital divide would even add to the « social fracture », not only for technical reasons, but mainly for cognitive reasons (Cardon, 2010).
The difficulty to conclude seems partly linked to the fact that methods used to study online participation are the same as methods already used to analyze offline participation. Conversely, one might assume that the emergence, multiplication and diversification of new modes of online political participation (Facebook, twitter, instagram, youtube, forums, site reviews, online petition sites, more institutional platforms, …) as the provision of new large big data for research could help to deal with those traditional issues in new ways. Using new types of date or innovative methodological devices.
This thematic section will precisely deal with this perspective. It aims to gather empirically grounded studies which use new data and/or new methodological devices in order to address this now traditional issue of the relationship between « participatory divide » and « digital divide ». The ethical and legal dimension of such studies, which may involve working on personal data sometimes partly without the knowledge of those who produce them, will also be one of the issues of the thematic section.
This thematic section responds also to counterparts sections organized at IPSA Congress in Poznan and at ECPR General Conference in Prague, with a view to establish a research community around these issues and to enhance those works in a book or a journal issue (rather in English).

Axe 1 / Etudier la participation politique via internet
Président : Olivier Paye
Discutant : Jean-Benoît Pilet

Julien Boyadjian (CERAPS, SciencesPo Lille) et Jean-Yves Dormagen (CEPEL, Université de Montpellier) ,« Retweeter » la politique: les conditions d’accès à l’audience politique sur Twitter

Martine Legris (CERAPS, Université de Lille) et Régis Matuszewicz (CERAPS, Université de Reims), L’e-pétitionement, extension ou complément de la participation politique ? Une nouvelle méthode pour étudier la sociologie des signataires. Le cas des pétitions en ligne relatives à l’environnement
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Fabienne Greffet (Université de Lorraine – IRENEE) et Stéphanie Wojcik (Université Paris Est Créteil – CEDITEC), La participation politique en ligne au prisme des discours. Les internautes et leur engagement durant la campagne présidentielle française de 2012.

Marie Neihouser (CEPEL, Université de Montpellier), Etudier les blogueurs politiques en France : enjeux, méthodes, et résultats
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Axe 2 / Etudier l’engagement dans une campagne d’action via internet
Président : Jean-Gabriel Contamin
Discutant : Olivier Paye

Clément Alapetite (EHESS, ENS Cachan), La démocratie sur internet est-elle contagieuse ? Dynamiques d’inclusion et d’exclusion dans les débats autour de la vaccination sur Twitter
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Franck Bousquet (Université Toulouse 3), Emmanuel Marty (Université Nice Sophia Antipolis) et Nikos Smyrnaios (Université Toulouse 3), La pétition contre la loi El Khomri : des raisons de signer et de leurs liens avec un mouvement social
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Arthur Groz (CEPEL, Université de Montpellier), Le rôle d’internet dans l’évolution des pratiques politiques de militants de Podemos
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Lea Müller-Funk (University of Oxford, CERI-Sciences Po Paris), Méthodes digitales et autres façons d’étudier la mobilisation politique sur Facebook
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Julien Boyadjian (CERAPS, SciencesPo Lille) et Jean-Yves Dormagen (CEPEL, Université de Montpellier)

« Retweeter » la politique: les conditions d’accès à l’audience politique sur Twitter
Quelle est l’identité des comptes les plus retweetés (i.e. dont les messages sont les plus relayés) au sujet de la politique (appréhendée en tant que sphère d’activité spécialisée) sur le réseau social Twitter ? Les auteurs de ces comptes occupent-ils des positions déjà solidement établies au sein du champ politique, médiatique ou idéologique, se contentant alors de convertir leurs ressources « offline » en ressources « online » ? Ou ont-ils au contraire construit leur audience uniquement par l’entreprise d’un important activisme en ligne ? Ce sont à ces questions qu’entend répondre cette communication. Pour ce faire, nous identifierons premièrement l’ensemble des comptes ayant publié des messages politiques durant une période électorale donnée, puis nous les classerons, deuxièmement, en fonction de leur nombre moyen de retweet, pour enfin, troisièmement, caractériser avec précision l’ensemble de leurs ressources « online » (date de création du compte, nombre de « followers », nombre d’abonnements, fréquence de publication, etc.) mais aussi « offline » (position et durée d’ancienneté dans le champ, audience de leurs titres de presse, capacité d’accès aux médias traditionnels, etc.). L’objectif sera in fine de mettre au jour les logiques d’accès à une large audience politique sur Twitter, et par là même d’interroger, à partir d’une approche empirique, la capacité des réseaux sociaux à démocratiser les probabilités d’accès à l’espace public.

« Retweet politics »: the conditions of access to the political audience on Twitter
What is the identity of the most retrieved accounts (i.e. whose messages are most relayed) about the politics (considered as a sphere of specialized activity) on the social network Twitter? Do the authors of these accounts occupy positions already established within the political, media or ideological field, simply converting their offline resources into online resources? Or did they build their audience by undertaking a major online activism? These are the questions that this contribution will try to answer. To do so, we will first identify the set of accounts that have published political messages during a given election period. We will then rank them based on their average number of retweets. And we will characterized them by their online resources (account creation date, number of followers, number of subscriptions, frequency of publication, etc.) but also by their offline ones (position and length of service in the field, capacity of access to the traditional media, etc.). The objective will be to analyze the logic of access to a large political audience on Twitter, and thus to question, from an empirical approach, the capacity of social networks to democratize the probabilities of access to the public space.

Martine Legris (CERAPS, Université de Lille) et Régis Matuszewicz (CERAPS, Université de Reims)

L’e-pétitionement, extension ou complément de la participation politique ? Une nouvelle méthode pour étudier la sociologie des signataires. Le cas des pétitions en ligne relatives à l’environnement
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TICs) sont souvent présentées comme un moyen pour revitaliser la démocratie. En témoigne la prolifération de sites web consacrés au pétitionnement. De ce point de vue l’e-pétitionnement constitue un objet privilégié d’observation de l’émergence potentielle d’un nouveau rapport au politique et de nouvelles formes de participation politique. L’étude de 1034 pétitions en ligne relatives à l’environnement issues du deuxième site d’e-pétitions francophone le plus fréquenté (lapetition.be) va nous permettre de répondre à cette hypothèse.
Nous allons tenter d’interroger un certain nombre de conclusions contradictoires des travaux de ces vingt dernières années relatifs aux effets politiques des nouvelles TICs. Les nouvelles technologies favorisent-elles l’apparition de nouveaux usagers ou ne sont-elles appropriées pour l’essentiel que par les plus politisés ? La participation électronique marque-t-elle une distance plus grande au politique (clicktivism) (schulman, 2009) ou serait-t-elle plutôt le signe d’une pluralité de types de rapport au politique, du plus distant au plus actif (Léonard, 2009 ; Karpf, 2010 ; Christensen, 2011) ?
Notre étude vise à étudier les activités de « click » en tant que forme d’engagement (collectif, individuel). Nous nous interrogerons sur le statut du net en tant que facilitateur potentiel de production et de diffusion d’un discours argumenté (notamment au travers des commentaires). Enfin, nous montrerons que les caractéristiques qui définissent les pétitions qui recueillent le plus de signatures ne sont pas toujours liées à leur caractère national ou à des enjeux clivant, et que d’autres facteurs de sensibilisation sont à prendre en compte.

E-petitioning, the extension or the complement to the political participation? A new method to study the sociology of the signatories. The case of the online petitions concerning the environment
The new information and communication technologies (ICTS) are often presented as a way to revitalize the democracy. The proliferation of Websites dedicated to petitioning shows it. From this point of view the e-petitioning constitutes a privileged object of observation of the potential emergence of a new link with politics and of new forms of political participation. The study of 1034 on-line petitions relative to environmental issues of the busiest second French-speaking site of e-petitions (lapetition.be ) allows us to question this assumption.
We want to question a number of contradictory conclusions of the works of these last twenty years relative to the political effects of new ICTS. Do the new technologies favor the appearance of new users or are they only suited to the most politicized? Does the electronic participation mark a bigger distance from politics (clicktivism ) (Schulman, 2009) or would it be rather the sign of a plurality of types of linkages with politics, from the most distant to the most active ones (Léonard, 2009; Karpf, 2010; Christensen, 2011)?
Our study aims at studying the activities of « click » as forms of commitment (collective, individual). We shall wonder about the status of the net as a potential facilitator of production and broadcasting of an argued speech (in particular through comments). Finally, we shall demonstrate that the characteristics which define the most popular petitions are not systematically connected with their national character or with hot topics, and that other factors of raising awareness must be taken into account.

Fabienne Greffet (Université de Lorraine – IRENEE) et Stéphanie Wojcik (Université Paris Est Créteil – CEDITEC)

La participation politique en ligne au prisme des discours. Les internautes et leur engagement durant la campagne présidentielle française de 2012
Si certains travaux tendent à disqualifier la participation politique lorsqu’elle se manifeste sur des espaces en ligne, d’autres prônent une conception extensive, considérant notamment que la participation se niche désormais dans des espaces de sociabilité non initiés par les autorités politiques. Entre ces deux pôles, des recherches insistent sur le fait que les médias numériques ont permis la création de formes inédites de participation et développent des notions telles que « participation discursive » ou « participation expressive » afin d’en rendre compte.
Ainsi, la notion de « participation politique en ligne » est l’objet de définitions et de constructions très diverses et souvent surplombantes. A rebours, et en s’appuyant sur une définition compréhensive de la participation politique, notre objectif est de l’analyser « par le bas », à la lumière des discours des internautes eux-mêmes sur leur engagement en ligne (et hors ligne). Ce travail repose sur une étude des pratiques numériques lors de la campagne présidentielle française de 2012 (projet « enpolitique.com: stratégies, contenus et perceptions des usages politiques du web en période électorale. Le cas des campagnes électorales présidentielle française et législative québécoise », ANR- 11-FRQ-003-01), appréhendées à travers quatre entretiens de groupes et vingt entretiens individuels.
Deux aspects seront analysés. Tout d’abord, dans quelle mesure les internautes utilisent-ils les espaces numériques officiels, ou des espaces non contrôlés par les partis ? Il s’agira de tester l’hypothèse selon laquelle les arènes institutionnelles seraient délaissées au profit d’autres espaces, a priori davantage favorables à l’expression, y compris de positions politiques.
Ensuite, quels sont les liens entre espaces en ligne et espaces hors ligne ? Les internautes continuent-ils à pratiquer des formes traditionnelles d’engagement, notamment au sein des partis politiques ? Il s’agira ici de tester l’hypothèse d’une substitution (ou d’une complémentarité à) d’autres formes d’engagement à l’engagement partisan, induites par les technologies numériques.

Online Political Participation and its Discourses. Internet-users talk and their engagement in the French Presidential campaign 2012.
Some approaches consider that online activities should not be included in the definition of political participation, whereas others have an extensive vision, pointing out that participation also exists on non-political online spaces. In-between, some authors use expressions such as « discursive » or « participative » expression to underline the new forms of political participation allowed by digital media.
« Online participation » is therefore defined in several ways, often by « overlooking » research, rather than through user practices and perceptions. Conversely, based on a comprehensive approach of online political participation, this paper explores a « bottom-up » perspective, analysing the discourses of net-users about their acts of online (and offline) participation (project (projet « webinpolitics.com: strategies, contents and perception of political uses of the web during electoral campaigns », ANR- 11-FRQ-003-01). The study leans on four focus-group interviews and 20 individual interviews.
Two aspects would be analysed. Do net-users use official campaign online spaces, or rather those that are not controlled by candidates and parties? The hypothesis here is that the institutional arenas might be neglected by net-users: they might prefer other online spaces that are oriented towards personal expression, including political expression.
The relationship between online and offline spaces would also be explored. Do net-users still engage in « traditional » forms of political activities, for instance within political parties? The paper would particularly focus on party activism, in order to test the hypothesis that party activism could be replaced or, on the contrary, complemented by other forms of political participation, especially through digital technologies.

Marie Neihouser (CEPEL, Université de Montpellier)

Etudier les blogueurs politiques en France : enjeux, méthodes, et résultats
À la suite des travaux démontrant la faible démocratisation de la prise de parole politique grâce à internet (Bimber, 2001 ; Norris, 2003 ; Nielsen, 2006 ; Carlisle et Patton, 2013), nous cherchons à mettre en évidence la très forte sélection sociologique qui opère à l’entrée en blogage politique en France. L’idée est ici de remettre sur le métier une question traditionnelle en science politique, celle des facteurs favorisant ou pas la participation politique (Gaxie, 1977), grâce à une méthode originale permettant de tirer avantage des spécificités des données issues d’internet et alliant panélisation exhaustive des blogs politiques français (3509 blogs), interrogation des blogueurs par questionnaire électronique (745 répondants) et entretiens (31).
Au-delà de la très forte sélection sociologique des blogueurs, cette méthode nous a permis, via la récolte de données précises et nombreuses sur un grand nombre de blogueurs, de démontrer l’hétéronomie de la blogosphère politique française par rapport aux champs politique et médiatique. En d’autres termes, l’espace des blogs politiques en France ne pourrait se comprendre que comme encastré aux espaces politique et médiatique traditionnels.

Political bloggeurs in France : Issues, Methods and Results
Many researches show the weak democratization of the political speaking thanks to Internet (Bimber, 2001 ; Norris, 2003 ; Nielsen, 2006 ; Carlisle et Patton, 2013). We try to highlight the strong selection which operates in the entrance in political blogging in France. We also try to question a traditional issue in political science : the factors allowing political participation (Gaxie, 1977). Our method allows us to take advantages of the specificities of the web data : we use panelisation (3509 french political blogs), electronic questionnaires (745 respondents) and interviews (31).
Beyong the very strong sociological selection of bloggers, this method allows us, via the collection of precise and numerous data on a large scale of bloggers, to demonstrate the heteronomy of the French political blogosphere with regard to the political and media fields. In other words, the space of the political blogs in France is embeded in the traditional political and media spaces.

Clément Alapetite (EHESS, ENS Cachan)

La démocratie sur internet est-elle contagieuse ? Dynamiques d’inclusion et d’exclusion dans les débats autour de la vaccination sur Twitter
La sécurité des vaccins, et partant le bien-fondé des politiques publiques de vaccination font l’objet de nombreuses discussions en ligne, sur des supports très variés. En particulier, Twitter constitue un espace de discussion avec des fonctionnalités particulières qui visent à mettre en réseau des messages et des utilisateurs qui ne sont pas forcément « followers » les uns des autres, mais qui discutent de thématiques proches. Si la base de « tweets » et de leur métadonnées de laquelle part notre étude permet certes une forme de cartographie exhaustive des réseaux d’utilisateurs et de messages intéressés par les controverses vaccinales, nous gagnons aussi à mettre place une analyse qualitative des fils de discussion de ce média social. Ainsi, en croisant des concepts issus des STS (frontière, normes de la science) et de la sociologie des problèmes publics (cadrage), il devient possible d’apercevoir que, dans ce type d’interactions spécifiques au Web, la science peut devenir un critère de légitimation ou de délégitimation d’une position politique. Dès lors, Internet peut certes ressembler au premier abord à une sphère publique idéale, en offrant des espaces de discussion politique à des individus qui ne se connaissent pas et cherchent à se convaincre mutuellement. Néanmoins, ces discussions prennent souvent, dans leur déroulement concret, la forme de tentatives de disqualification de la parole d’autrui dans le but de rétablir un rapport de force asymétrique entre approches déclarées sensées et approches déclarées irrationnelles des problèmes publics.

Is democracy on the Internet contagious? Dynamics of inclusion and of exclusion in the debates around vaccination on Twitter
The safety of vaccines and therefore the legitimacy of vaccination public policies are discussed at many times and places on the Web. Twitter especially can be conceived as a space for discussion, with particular tools aiming to link users interested in similar topics, even if they do not “follow” each other. The original material of our study is constituted by a database containing Twitter messages and their meta-data. But even if such a material enables an overall mapping of users and messages concerned by vaccine controversies, we want to show the advantages of qualitative analysis of conversations between twittos. Thus, by using concepts of both STS (boundary work, norms of science) and the sociology of public problems (framing), we will present how, in those Web-specific interactions, science can become a criterion to claim the legitimacy or illegitimacy of a political opinion. So, the Internet may look at first sight like the ideal public sphere, by proposing rooms for political discussion to strangers who wish to convince each other. However, discussion often take the shape of trials for disqualifying each other’s words, in an attempt to re-establish the asymmetrical balance of power between supposedly rational and irrational opinions about public problems.

Franck Bousquet (Université Toulouse 3), Emmanuel Marty (Université Nice Sophia Antipolis) et Nikos Smyrnaios (Université Toulouse 3)

La pétition contre la loi El Khomri : des raisons de signer et de leurs liens avec un mouvement social
Cette communication se propose d’étudier la pétition lancée le 18 février contre la Loi Travail. Son nombre de signataires de même que les réseaux et initiatives numériques qui l’ont entourée semblent en effet avoir constitué un évènement politique, dans le sens où ils ont paru rompre avec les cadrages en cours sur le fonctionnement de la politique française
C’est à la fois ce mouvement politique en ligne, initié par la pétition, et par extension ses relais, les réseaux d’interaction en ligne qu’il a pu provoquer et sa réappropriation par ses signataires que nous nous proposons d’interroger dans cette communication. Notre objectif est de déterminer les logiques de mobilisation ainsi que leurs représentations. Pour cela nous avons effectué une analyse de la configuration politique ayant présidé à la mobilisation, une étude lexicométrique des commentaires postés par les signataires de la pétition et un travail sur les réseaux d’interaction à l’oeuvre sur Twitter autour de ce mouvement.

The petition against the EL Khomri law: reasons to sign and their links with a social movement.
This paper aims to study the petition launched on February 18th against the French Labor Law. Its significant number of signatories as well as the digital networks and initiatives that surrounded it seem to have constituted a political event, in the sense that they broke with the common frameworks of French policy functioning.
In this study, we propose to question both the online political movement initiated by the petition and its relays, especially the online interaction networks it triggered and its reappropriation by its signatories. Our objective is to determine the logics of mobilization and their representations. For this purpose, we first conducted an analysis of the political configuration that led to the mobilization. Then we led a lexicometric study of the comments posted by the signatories of the petition and we finally strove to characterize the interaction networks constituted on Twitter around this movement.

Arthur Groz (CEPEL, Université de Montpellier)

Le rôle d’internet dans l’évolution des pratiques politiques de militants de Podemos
Alors que s’achève pour Podemos la « genèse partisane » (Dézé, 2011), les militants de base expérimentent depuis trois ans un ensemble de pratiques visant à mettre en place une « démocratie réelle » (Nez, 2015), horizontale et participative, avec l’objectif d’appliquer demain ces dispositifs à l’ensemble du pays. Dans ce laps de temps assez court, ces personnes aux parcours biographiques variés prennent en main avec succès les nouvelles technologies passant par internet : réseaux sociaux, blogs, votes en ligne, et surtout services de messagerie cryptés, devenus en quelques années incontournables dans le répertoire d’action collective du parti (Boullier, 2013).
Ma communication se propose donc d’aborder le rôle d’internet dans l’évolution des pratiques politiques de militants de Podemos, pour déterminer comment la « fracture cognitive » générationnelle a pu être surmontée dans un cadre collectif. Ce travail sera principalement issu des données sociologiques tirées d’une série d’entretiens réalisés à Barcelone auprès des militants et militantes de Podemos lors d’une enquête de terrain, données qui seront complétées et vérifiées par une observation participante axée sur les méthodes de communication et de partage de l’information.

The role of internet in the evolution of political practices of Podemos activists – Abstract
While « political party genesis » (Dézé, 2011) is ending for Podemos, since three years grassroots activists experience a set of practices aiming at building a « real democracy » (Nez, 2015), horizontal and participatory, with its application to the whole country as an objective for tomorrow. During this rather short period of time, those people coming from various backgrounds successfully took charge of the new internet-based technologies : social networks, blogs, online votations, and most of all encrypted chats that became in a few years unmissable in the party’s repertoire of contention (Boullier, 2013).
Therefore my paper intends to analyze the role of internet in the evolution of political practices among Podemos activists in order to determine how the generational « cognitive gap » was overcome in a collective framework. This work will be mainly based upon sociological data coming from a set of interviews realized in Barcelona among Podemos activists during a field work. Those data will be checked and complemented with a participant observation oriented on communication and information-sharing methods.

Lea Müller-Funk (University of Oxford, CERI-Sciences Po Paris)

Méthodes digitales et autres façons d’étudier la mobilisation politique sur Facebook
Cette communication interroge les méthodes à utiliser pour étudier les mobilisations politiques. Je soutiens dans cette contribution que les recherches sur les mobilisations politiques contemporaines doivent de plus en plus prendre en compte les médias sociaux car ils sont devenus des outils centraux pour la mobilisation et l’organisation de nombreux réseaux politiques. En m’appuyant sur ma recherche doctorale sur l’activisme diasporique égyptien lors des soulèvements arabes, je discute quelques défis méthodologiques auxquels j’ai été confronté lors de l’étude de la mobilisation sur Facebook et je suggère de combiner une analyse des mobilisations en ligne et hors ligne.
D’un point de vue méthodologique, Facebook est à la fois social et informatif. Il s’agit de comprendre à la fois ce qui fait tenir les réseaux ensemble et ce qui y est discuté. Ceci induit de nombreux défis pour les chercheur.e.s. Comment étudier les interactions entre mobilisations en ligne et hors ligne ? Comment faire face à la quantité de données qui sont générées de manière automatique et ne sont plus récoltées par les chercheur.e.s eux- et elles-mêmes ? Comment étudier les réseaux sociaux sur Facebook ? Comment traiter les questions éthiques dans ce genre de recherche ?
Dans une deuxième étape, je présente ma propre approche méthodologique qui a combiné des entretiens semi-structurés avec une analyse qualitative du contenu des discussions sur les pages et les groupes Facebook et une analyse graphique de réseaux basée sur l’application Netvizz et le logiciel Gephi. Cette analyse de réseaux permet de visualiser les réseaux de telle sorte qu’ils puissent être lus comme des cartes : les acteurs les plus connectés peuvent être vus en un seul clic ainsi que leurs liens, le nombre d’acteurs dans un réseau et les groupes d’acteurs interconnectés. L’application révèle également qui sont les utilisateurs les plus actifs dans un groupe, quels sont les messages les plus commentés, quelle est la langue la plus utilisée et quel est le sexe des utilisateurs. Je termine avec une brève discussion sur les questions éthiques.

Digital methods and other ways to study political mobilization on Facebook
This intervention reflects on methodology when studying political mobilization. I argue that social scientists need to increasingly take social media into account when studying modern political mobilization because social media have become central tools for mobilization and organization for many political networks. Drawing on my PhD research about Egyptian migrant activism during the Arab uprisings, I discuss the methodological challenges I faced when studying mobilization on Facebook and suggest to combine an analysis of online and offline mobilization.
From a methodological perspective, Facebook is social and informational at the same time – it is about what holds networks together and what is discussed in it, hence presenting researchers with numerous challenges: How to study the interlinkages between offline and online? How to deal with the sheer amount of data which are automatically generated and not any longer harvested by researchers themselves? How to study social networks on Facebook? And, how to deal with ethical issues in this kind of research?
In a second step, I present my own methodological approach, which combined semi-structures interviews with political actors, a qualitative content analysis of discussions on Facebook pages and groups and a graphical network analysis based on the application Netvizz and the software Gephi. This network analysis visualizes networks in a way that they can be read like maps: The most connected actors can be seen with one click, as can their links, the numbers of actors in a network, as well as clusters of interconnected actors. The application also reveals who the most active users are, what the most commented posts are, which language is mostly used in a group and which sex users have. I conclude with a short discussion about ethical issues in Facebook research.

Lundi 10 juillet 2017 13h30-17h30

ALAPETITE Clément calapeti@ens-paris-saclay.fr
BOUSQUET Franck franck.bousquet@iut-tlse3.fr
BOYADJIAN Julien julien.boyadjian@hotmail.fr
CONTAMIN Jean-Gabriel jean-gabriel.contamin@univ-lille2.fr
DORMAGEN Jean-Yves jydormagen@gmail.com
GREFFET Fabienne fabienne.greffet@univ-lorraine.fr
GROZ Arthur arthur.groz@laposte.net
LEGRIS Martine mart.revel@gmail.com
LEONARD Thomas tl.leonard@laposte.net
MARTY Emmanuel manu.marty@gmail.com
MATUSZEWICZ Régis regis.matuszewicz@numericable.fr
MULLER-FUNK Lea lea.muller-funk@politics.ox.ac.uk
NEIHOUSER Marie neihouser.marie@gmail.com
PAYE Olivier olivier.paye@usaintlouis.be
PILET Jean-Benoît jpilet@ulb.ac.be
SMYRNAIOS Nikos nicolaos.smyrnaios@iut-tlse3.fr
TORTERAT Frédéric frederic.torterat@umontpellier.fr
WOJCIK Stéphanie stephanie.wojcik@u-pec.fr