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Les financements communautaires aux marges de l’Europe. Sociologie des usages

How European Funds are used at the EU’s Periphery. A Political Sociology Approach

Responsables scientifiques
Dorota Dakowska (Université Lumière Lyon 2) Dorota.dakowska@univ-lyon2.fr
Claire Visier (Université Rennes 1) Claire.visier@univ-rennes1.fr

Alors que l’Union européenne, fragilisée et en proie à la crise économique et financière, peine à apporter des réponses cohérentes aux conflits armés qui se déroulent en dehors de ses frontières, certains chercheurs se demandent s’il faut « continuer à étudier l’UE » (Rozenberg, 2015). Au-delà des questionnements arrimés à l’actualité européenne immédiate, cette section propose de prendre distance avec les analyses en terme d’européanisation ou de résistance à l’Europe et de laisser de côté toute démarche évaluative de la supposée efficacité des programmes proposés par l’UE. Elle invite à se pencher sur l’articulation entre les dynamiques communautaires et les espaces politiques nationaux des nouveaux États membres, des pays candidats et ceux du voisinage, pour étudier les logiques sociales qui sous-tendent la mise en œuvre des programmes et financements communautaires.
Dans la lignée des études sociologiques de l’Europe (Guiraudon, Favell, 2011 ; Georgakakis, 2012), nous souhaitons interroger l’hypothèse de leurs effets potentiellement structurants. Nous nous focaliserons sur les questions de constitution et de socialisation de groupes d’experts ou de militants et sur les (re)configurations de relations de pouvoir entre les acteurs de l’espace national. Nous nous intéresserons à la manière dont ces acteurs se saisissent de références et de ressources européennes pour légitimer certaines causes, en délégitimer d’autres.
Les relations de pouvoir transnationales ainsi établies entre l’espace politique communautaire et les champs politiques nationaux ne doivent pas être abordées sur un mode exclusivement top-down : les responsables des pays qui demandent à être inclus dans un dispositif politique européen, voire à bénéficier de fonds communautaires, ne font pas que subir cette relation. Ils peuvent, en retour, tenter de coproduire des politiques communautaires ou s’appuyer sur les recommandations européennes pour reformuler les priorités politiques au niveau national. Dans d’autres cas, les ressources accumulées par un groupe peuvent être une opportunité pour d’autres groupes de critiquer la supposée dépendance de leurs adversaires au centre politique européen. Ce sont donc ces usages croisés des références européennes et la recomposition des relations de pouvoir entre les différents groupes qui seront au centre de l’analyse.
Dans le contexte européen, cette perspective a déjà donné lieu à des travaux portant sur les mobilisations (Balme, Chabanet & Wright, 2002 ; Weisbein, 2004), le lobbying dans l’UE (Michel, 2005 ; Saurugger, 2002), la structuration de l’expertise (Robert, 2010). Elle est toutefois restée sous-exploitée dans les études consacrées à l’élargissement et au voisinage de l’Union européenne, à quelques exceptions près (Neumayer, 2006 ; Roger, 2008 ). Or, si la réceptivité aux recommandations européennes peut être conjoncturellement forte dans les pays qui envisagent l’adhésion, elle n’exclut pas des usages plus critiques, liés à des jeux de pouvoir propres aux champs politiques nationaux. Le ralentissement des processus d’élargissement de l’UE a contribué à un renouvellement de l’intérêt pour les acteurs situés dans l’espace national, sans que ne soient questionnées les reconfigurations de pouvoir dans les champs politique, administratif ou social, engendrées par l’enjeu européen (Börzel & Soyaltin, 2012).
Cette section thématique vise à intégrer à une perspective de sociologie politique les pays situés aux marges de l’UE: nouveaux États membres, pays candidats ou pays du voisinage. Nous souhaitons réfléchir aux relations de pouvoir qui se nouent entre les institutions communautaires, les responsables politiques au niveau national et les entrepreneurs individuels qui s’immiscent dans ces faisceaux de relations. Alors que les processus d’européanisation ont, dans le cas de l’élargissement, été associés à une perspective de démocratisation, il s’agit de se dégager d’une optique normative et développementaliste pour étudier les effets de l’intégration au travers des temporalités propres à chaque pays.
En ce qui concerne la distinction entre États membres, pays candidats et États du voisinage, le degré d’intégration à l’UE est, souvent, une variable postulée et non scientifiquement construite. La comparaison d’études de cas permettra d’esquisser une réflexion sur les variations éventuellement observées entre des pays dont les relations avec l’UE sont inégalement institutionnalisées.
Les contributions à cette section thématique, basées sur des recherches empiriques et théoriquement fondées, n’hésitent pas à questionner les objets désormais classiques des études européennes (européanisation, élargissement…) et à croiser différentes sous-disciplines de la science politique (analyse de l’action collective, de l’action publique, sociologie politique des élites et de l’expertise…) et de la sociologie.

Trois pistes de réflexion sont proposées :

1) Structuration de l’expertise européanisée. Dans quelle mesure l’inclusion dans des programmes communautaires contribue-t-elle à faire émerger des groupes d’experts et facilite-t-elle leur socialisation et leur mise en réseau transnational (Rihackova, 2014) ? Quels sont les effets de l’apparition d’un secteur privé de l’expertise, spécialisé sur les questions européennes, de même que de la mobilisation de groupes d’intérêt européanisés ?

2) Tentatives d’empowerment de groupes ou mouvements sociaux. Comment les financements européens participent-ils à la structuration de certains groupes ou mouvements sociaux (écologiques, LGBT, des minorités ethniques…) (Kurki, 2011) ? De quelle manière des militants opposés à ces groupes (p. ex. issus des mobilisations anti-immigration, pro-life, mouvements souverainistes) se réfèrent-ils à l’Europe pour tenter de délégitimer leurs adversaires ?

3) Reconfiguration des élites politiques et administratives nationales (ou locales). Dans quelle mesure l’émergence d’enjeux européens et de groupes spécialisés investis dans un espace transnational européen peut-elle avoir des effets sur la reconfiguration des élites politiques et administratives issues de l’espace national (cf ; Goetz, 2001, Roger 2001)? L’articulation policy / politics dans différents secteurs d’action publique dépendants des fonds communautaires sera aussi interrogée dans ce contexte.

As the European Union faces economic and financial crisis and struggles to offer consistent responses to armed conflicts outside its borders, some political scientists are wondering whether it is still worth studying the EU (Rozenberg, 2015). This panel aims at shifting away from approaches emphasising Europeanization or ‘opposing Europe’ (Szczerbiak, Taggart, 2008). The panel’s purpose is to analyse the links between EU dynamics and national political spaces in the new member states, candidate countries and neighbourhood countries, in order to better understand the social effects of the implementation of EU programmes.
Building on sociological approaches to the EU (Guiraudon, Favell, 2011; Georgakakis, 2012), we seek to investigate the potentially structuring effects of these programmes. Papers will in particular focus on the emergence and socialisation of activists and expert groups facilitated by the EU funds. They will analyse the reconfiguration of power relations between actors within national spaces. How do domestic actors refer to and use European references and resources? To what extent do these uses help legitimising or delegitimising specific issues?
This actor-centred approach to the EU has yielded a valuable body of academic literature focusing on mobilisations (Balme, Chabanet & Wright, 2002; Weisbein, 2004), EU lobbying (Michel, 2005; Saurugger, 2007) and expertise (Robert, 2010). However, this perspective has remained underdeveloped regarding the study of EU’s enlargement or neighbourhood policy, with a few exceptions (Neumayer, 2006 Roger; 2008).
We argue that while the impact of EU conditionality may be high in countries that seek to access the Union, it does not preclude critical responses to EU policies that reflect domestic political power relations. Since the EU accession processes have slowed down, research has put more emphasis on the domestic actors (Börzel & Soyaltin, 2012). However, it remains to be seen how the European ‘power of the purse’ (Batory & Lindstrom, 2011) impacts the reconfiguration of political, administrative and social power relationships.
The panel aims at analysing transnational power relations at the EU’s periphery from a political sociology angle. Regardless of the country’s degree of integration into the EU institutional order, we would like to grasp the evolving relationships between EU institutions, domestic policy makers and individual entrepreneurs who interfere in these relations. While Europeanization processes have often been associated with democratisation, this panel moves beyond this approach. The panel will also consider the distinction between EU member states, candidate countries and neighbourhood countries. Comparing various case studies should enable a broader reflection on the political, administrative and social effects of the EU’s programmes in countries with differing institutional statuses.
The panel welcomes proposals that are empirically robust and grounded in theory, that do not hesitate to question the classical approaches in EU studies (Europeanization, enlargement, conditionality, etc.) and are based on single or multiple country case studies. Contributions come from various subfields of political science (such political sociology and public policy analysis).
Contributions are expected to address one or several of the three following themes:
1. The structuring of Europeanised expertise (expertise on EU matters). To what extent does benefitting from EU programmes or receiving EU funds help in consolidating expert groups? To what extent does it facilitate socialisation and transnational networking (Rihackova, 2014)? What impact does it have on the emergence of a private sector of expertise, specialised in EU policy matters (think tanks, counselling firms)? What mobilisations of interest groups can we observe in the countries under study?
2. A possible empowerment of social movements. How do European funds contribute –directly or indirectly – to structuring groups or social movements (for instance ecological, LGBT or ethnic minority groups) (Kurki, 2011)? How do activists opposing these movements (anti-immigration, pro-life or sovereignist groups) use Europe to try and delegitimise their opponents?
3. The reconfiguration of political and administrative elites (at national and local level). How does the emergence of European issues and specialised groups that invest in the EU impact the reconfiguration of political and administrative elites (Goetz, 2001, Roger 2001)? The link between the EU’s programmes and the connection between policies and politics may also be investigated in this context.

REFERENCES

Balme R., Chabanet D., Wright V., (dir.) (2002), L’action collective en Europe, Presses de Sciences Po.
Batory Agnes and Lindstrom Nicole (2011) ‘The Power of the Purse: Supranational Entrepreneurship, Financial Incentives and European Higher Education Policy’, Governance 24(2): 311-329.
Börzel T., Soyaltin D. (2012), « Europeanization in Turkey. Stretching a Concept to its Limits? », KFG Working Paper, 36, February.
Georgakakis D. (dir.) (2012), Le champ de l’Eurocratie. Une sociologie politique du personnel de l’UE, Economica.
Goetz Klaus H. (2001), « Making sense of post-communist central administration: modernization, Europeanization or Latinization? » Journal of European Public Policy, vol. 8, n° 6, p. 864-1051.
Guiraudon V., Favell A., (dir) (2011), Sociology of the European Union, Palgrave Mac Millan.
Michel H. (dir) (2005), Lobbyistes et lobbying de l’Union européenne, trajectoires, pratiques et formations des représentants d’intérêts, Presses Universitaires de Strasbourg
Mischi J., Weisbein J. (2004), « L’Europe comme cause politique proche ? Contestation et promotion de l’intégration communautaire dans l’espace local», Politique européenne 1 (12), p. 84-104.
Kurki M. (2011), « Governmentality and EU Democracy Promotion: The European Instrument for Democracy and Human Rights and the Construction of Democratic Civil Societies » International Political Sociology 5 (4), p. 349-366.
Neumayer L., (2006), L’enjeu européen dans les transformations postcommunistes, Belin.
Rihackova, V. (2014) «Taking stock of EU civil society funding in EAP countries ». Bruxelles: EaP Civil Society Forum/Europeum.
Robert C., (2010) « Les groupes d’experts dans le gouvernement de l’Union européenne. Bilan et perspectives de recherche, Politique européenne, n° 32, p. 7-38.
Roger A. (2001), «Perspectives d’intégration à l’Union européenne et formation des systèmes de partis dans les pays d’Europe orientale», Politique européenne, 2 (3), p.87-117.
Roger A. (2008), « Subversions locales et usages partisans des politiques européennes : l’exemple de la petite viticulture en Roumanie »,Politix, vol.21: n°83, p.179-202.
Rozenberg O. (2015), « Faut-il continuer à étudier l’Union européenne ? Introduction », Politique européenne 4 (50), p. 6-15.
Saurugger, S. (2002), « L’expertise : un mode de participation des groupes d’intérêt au processus décisionnel communautaire », Revue française de science politique, vol. 52, n° 4, p. 375-401.

Axe 1 / Reconfigurations des élites
Présidente de séance : Dorota Dakowska ;
Discutante : Elise Massicard (CNRS, Sciences Po, CERI)

Teele Tõnismann (Laboratoire des Sciences Sociales du Politique (LaSSP), Sciences Po Toulouse / Université de Technologie de Tallinn, Institut de Ragnar Nurkse), Le rôle des experts dans l’intégration européenne : le financement des politiques de recherche dans les pays baltes
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Serif Onur Bahcecik (Département de Relations Internationales, Middle East Technical University, Ankara, Turquie), Les projets européens de jumelage et la Police turque : constitution et renforcement d’une clique administrative
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Fanny Bouquerel (Institut d’études européennes, Université Paris 8, CRESPPA – LabTop, UMR 7217), L’action culturelle communautaire dans la politique de voisinage du Sud : le cas du programme Med Culture
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Axe 2 / Tentatives d’empowerment de groupes et mouvements sociaux
Présidente de séance : Claire Visier ;
Discutante : Emmanuelle Reungoat (CEPEL, Université de Montpellier)

Nathalie Ferré (Sciences Po Aix-en-Provence, CHERPA/ École de la Gouvernance, Rabat), Se constituer en tant que « société civile » dans la Politique Européenne de Voisinage. Recomposition de réseaux militants dans la Tunisie post-2011

Irina Muetzelburg (Sciences Po Paris, CERI / Centre Marc Bloch à Berlin), L’usage de financements communautaires pour l’asile en Ukraine. L’émergence d’un secteur non-étatique influent mais dépendant des donateurs
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Agnès Chetaille (IRIS, EHESS), La lutte contre les discriminations dans le processus d’adhésion à l’Union européenne : le cas du Bureau de la Plénipotentiaire pour l’Égalité en Pologne (2001-2005)

Teele Tõnismann (Laboratoire des Sciences Sociales du Politique (LaSSP), Sciences Po Toulouse / Université de Technologie de Tallinn, Institut de Ragnar Nurkse)

Le rôle des experts dans l’intégration européenne : le financement des politiques de recherche dans les pays baltes
Cette communication analyse les liens entre les dynamiques de l´Union Européenne (UE) et ses Etats membres périphériques à travers le cas de la politique de financement de la recherche. L’étude se focalise sur les sciences humaines et sociales (SHS) dans les trois pays Baltes. Malgré des trajectoires politiques similaires, les politiques nationales en matière de financement de la recherche de l’UE n’ont pas évolué de manière homogène (les politiques estonienne et lettonne ont progressé vers le soutien à la compétitivité internationale, tandis que les SHS sont restées sous le patronage de l’État en Lituanie). Notre propos se centre sur l’émergence dans les espaces politiques nationaux et à Bruxelles d’experts administratifs sur les questions européennes. Il étudie les représentations et les pratiques de ces médiateurs entre l’UE et les espaces politiques locaux et la façon dont leur travail a contribué à légitimer des stratégies locales spécifiques dans l’utilisation des ressources de l’UE. Nous montrons comment différents espaces politiques nationaux ont favorisé l’émergence d’experts locaux de l’UE qui ont ensuite contribué à légitimer des politiques spécifiques de l’UE au niveau local depuis les années 1990. Nous analysons également la localisation de ces experts dans des espaces institutionnels spécifiques en dehors des structures gouvernementales (secteur privé et administration) comme une forme de résistance à l’acceptation inconditionnelle du programme politique de l’UE.

European integration through the action of experts: R&D funding in the Baltic States
The paper studies the links between European Union (EU) dynamics and its peripheral Member states through the case of research funding policy. The paper concentrates on social sciences and humanities (SSH) in three Baltic States – Estonia, Latvia and Lithuania. Despite similar political trajectories, local policies in respect of the EU research funding have not developed under common rationalities- while Estonia and Latvia have moved towards supporting international competitiveness, Lithuanian SSH have remained under the State patronage. The paper examines the emergence of administrative experts in EU matters in local political spaces and in Brussels. The study focuses on the representations and practices of these actors working in as mediators between EU and local political spaces. It asks how their work has helped to (de) legitimize specific local strategies in the utilisation of EU resources. The aim of this paper is to show how different national political spaces have allowed the emergence of local EU experts. The paper also analyses the localisation of these experts in institutional spaces outside the central government (in the private sector and in administration) as a form of resistance against unconditional support to the EU policy agenda.

Serif Onur Bahcecik (Département de Relations Internationales, Middle East Technical University, Ankara, Turquie)

Les projets européens de jumelage et la Police turque : constitution et renforcement d’une clique administrative
L’amélioration des droits humains en Turquie dans les années 2000 a été considérée, par les militants locaux et la communauté internationale, comme un des succès du processus d’élargissement de l’UE à la Turquie. Cette évolution a été analysée avant tout sous l’angle de l’européanisation : la diffusion de normes et de principes grâce à la mise en place de projets de jumelage administratifs (twinning) aurait ainsi permis une certaine démocratisation et un plus grand respect des droit de l’Homme. Outre qu’elle souffre d’un excès d’optimisme, nous considérons cette lecture limitée par son manque de prise en considération de la prégnance des relations de pouvoir. Notre contribution vise à montrer comment les réformes soutenues par les projets européens conduits entre 2002 et 2003 dans le secteur de la police ont non seulement atténué le potentiel critique des droits de l’homme (en réduisant aux accidents du travail des faits de torture ou de mauvais traitement), mais également accru les pouvoirs de surveillance de la police. Par ailleurs, ces projets ont été utilisés par un groupe spécifique, celui des officiers proches de F. Gülen, dans leur lutte contre les forces laïcistes et ultra-nationalistes présentes dans l’appareil d’Etat. Au travers de projets européen, les gülenistes ont pu accroitre leur capital de reconnaissance internationale. Ils sont apparus comme une force démocratique et pro-européenne et se sont positionnés comme un puissant levier dans le processus d’adhésion de la Turquie à l’UE.

EU Twinning Projects and the Turkish Police: Strengthening an Administrative Clique
One of the success stories of the EU-Turkey enlargement process has been the significant improvement of the human rights record of the country, welcomed and recognized by local human rights activists and the international community. This development has often been interpreted from a Europeanization perspective. It has been argued that the diffusion of European norms and ideas into the Turkish polity through twinning projects and their eventual internalization has prepared the ground for democratization and the respect for human rights. But this perspective suffered from not only a liberal short-sightedness and undue optimism but also a lack of appreciation of the ubiquity of power relations. This contribution argues that the human rights reforms supported by the EU Twinning projects initiated between 2002-2003 have not only blunted the critical potential of human rights by reducing torture and ill treatment to the status of workplace accidents; they have also expanded the surveillance powers of the police and its capacity to control the population. Another and equally interesting aspect is that these projects were supported officers who were the followers of F. Gulen in an attempt to outmaneuver secularist and ultra-nationalist elements within the state bureaucracy. They used the projects not only to increase their capital as a democratic and Europeanist force in the eyes of international community but also to position themselves as powerful leverage in Turkey’s EU accession process.

Fanny Bouquerel (Institut d’études européennes, Université Paris 8, CRESPPA – LabTop, UMR 7217)

L’action culturelle communautaire dans la politique de voisinage du sud : le cas du programme Med Culture
Le programme communautaire régional dédié à la culture dans les pays du voisinage sud, Med Culture, affiche l’objectif de « soutenir la culture comme vecteur de démocratisation et de développement », et en particulier d’encourager les réformes dans le domaine des politiques culturelles. Notre communication étudie l’influence possible de l’action culturelle de l’UE sur les relations entre les élites institutionnelles et les acteurs culturels à travers l’analyse de la mise en œuvre de ce programme. Nous évoquons particulièrement le cas de la Jordanie, où le ministère de la Culture a exprimé la volonté de bénéficier du soutien de Med Culture pour mettre en place une stratégie nationale pour la culture. L’unité d’assistance technique du programme a ainsi organisé conjointement avec le ministère des consultations publiques pour réfléchir aux composantes d’une telle stratégie. Les participants, provenant de tout le pays, ont débattu d’une « vision commune de la culture », des objectifs liés à celle-ci et du rôle des différentes parties prenantes engagées dans cette action. Cette ouverture sur une méthodologie participative, en phase avec les valeurs européennes, n’a cependant pas radicalement modifié les pratiques du ministère, qui a produit en parallèle un document où il expose son projet de politique culturelle.

EU Cultural Action in the Framework of the Neighbourhood Policy: the Case of the Med Culture Programme
Med Culture, the regional EU-funded program dedicated to culture in the Southern Mediterranean region, aims at supporting culture as a vector of democratisation and development, and in particular at encouraging reforms in the field of cultural policies. This paper addresses the possible influence of EU cultural action on the relations between institutional elites and cultural actors by examining the implementation of this program. We focus on the Jordanian case, where the Ministry of Culture expressed the will to benefit from the support of Med Culture to design a national strategy for culture. Together with the Ministry, the technical assistance unit of this programme has organized public consultations to reflect on the components of such a strategy. Participants from across the country have discussed a « common vision of culture », its objectives and the role of the various stakeholders involved in this action. However, this opening up to a participatory methodology, in line with European values, has not radically changed the practices of the Ministry: in parallel to this action, the latter has produced a document in which it presents its new cultural policy.

Nathalie Ferré (Sciences Po Aix-en-Provence, CHERPA/ École de la Gouvernance, Rabat),

Se constituer en tant que « société civile » dans la Politique Européenne de Voisinage. Recomposition de réseaux militants dans la Tunisie post-2011
Suite aux soulèvements dans les pays arabes, les institutions de l’Union Européenne (UE) annoncent une mutation dans la Politique Européenne de Voisinage (PEV) et le renforcement du soutien à la « société civile ». La Tunisie post-2011 apparaît alors comme un laboratoire pour la mise-en-place de dispositifs de démocratie participative. L’analyse des acteurs qui investissent la notion de « société civile » et parviennent à être reconnus et labellisés par la PEV, permet d’étudier comment les financements et programmes européens participent à la configuration des réseaux militants en Tunisie. Notre cas d’étude porte sur le « Dialogue tripartite entre l’UE, la Tunisie et la société civile », cadre d’interaction formalisé entre les fonctionnaires de la Délégation de l’UE à Tunis et des associations sélectionnées. Nous considérons que les fonds européens ont des effets structurants en tant que vecteur d’exclusion et d’inclusion au sein des lieux de négociation de la décision publique et d’accès à des ressources financières et symboliques. Les nouvelles structures créées pour fédérer les associations conditionnent également la configuration des réseaux militants et leurs répertoires d’action. Ces dynamiques d’exclusion et d’inclusion rejoignent cependant des clivages préexistants sociaux, sectoriels et la socialisation militante des individus. Nous étudions comment des acteurs associatifs, souvent multi-positionnés dans des réseaux transnationaux investissent et réinterprètent des catégories et normes internationales dans cet espace militant compétitif.

Embodying “civil society” in the European Neighborhood Policy. Reconfiguration of activist networks in post-2011 Tunisia
The post-Arab uprisings rhetoric of the European Union (EU) emphasizes support to “civil society” in the European Neighborhood Policy (ENP). Tunisia has served as a laboratory for political engineering through the implementation of participatory democracy schemes. The paper focuses on the actors who appropriate the concept of “civil society” and tend to be recognized as legitimate partners in the ENP. I explore the extent to which EU funding and programs shape activist networks in Tunisia. To do so, I conduct a case study of the “Tripartite Dialog between the European Union, Tunisia”, a framework of institutionalized interactions between the EU delegation and the selected voluntary organizations. I show that EU funding can impact the organizations by including and excluding actors from the decision-making process and by facilitating their access to symbolic, financial and political resources. The new structures created to federate organizations shape the configuration of activist networks and their repertoires of action. I argue, however, that these dynamics of inclusion and exclusion are linked to preexisting social and sectoral divides as well as to the socialization of individuals. I seek to understand how voluntary actors – often multi-positioned within transnational networks – reinterpret international categories and norms while positioning themselves within a competitive third-sector.

Irina Muetzelburg (Sciences Po Paris, CERI / Centre Marc Bloch à Berlin)

L’usage de financements communautaires pour l’asile en Ukraine. L’émergence d’un secteur non-étatique influent mais dirigé par les donateurs
L’Union Européenne cherche à diffuser ses normes aux Etats voisins en finançant des projets émanant d’organisations internationales qui délèguent une partie de la mise en œuvre de ces projets à des ONG locales. Cette contribution analyse l’impact des financements internationaux sur le secteur non-étatique d’asile en Ukraine. En liant les recherches sur l’européanisation et sur les relations ONG / bailleurs de fonds et ONG / autorités publiques, elle montre que les financements européens provoquent l’émergence d’un secteur non-étatique fortement dépendant et orienté par les bailleurs de fonds qui cherchent à influencer les pratiques étatiques. Les financements internationaux favorisent l’émergence de nouvelles organisations et la réorientation de celles qui cherchent à s’adapter à la disponibilité des financements. Les employés d’ONG à financements internationaux acquièrent les compétences requises par les bailleurs de fonds. Cependant, le secteur d’asile en Ukraine est restreint et les débouchés professionnels limités. Les employés d’ONG restent souvent embauchés dans le secteur non-étatique relatif à l’asile ou dans les ONG qui adaptent leurs activités en fonction des financements disponibles. En dépit du discours officiel de l’UE sur l’« empowerment » de ces ONG, ces dernières demeurent précaires et dépendantes des financements et soutien internationaux.

The use of EU funds for asylum in Ukraine. The emergence of an influential but donor-driven non-state sector
The European Union tries to spread its norms to its neighbours by funding projects by international organisations, which in turn delegate parts of the implementation of these projects to domestic NGOs. This contribution analyses the impact of international funding on the non-state asylum sector in Ukraine. Combining research on Europeanization and research on donor-NGO relations and on NGO-public authorities’ relations, it shows that EU funding for asylum-related projects has led to the emergence of a strongly donor-driven non-state sector, which pushes for changing state practices. International funding has triggered the emergence of new organisations and the reorientation of existing organisations, which try to adapt to the available funding and the donors’ expectations. The employees of internationally-funded domestic NGOs develop working skills required by their donors. However, given the small size of the asylum sector in Ukraine, the professional opportunities for NGO staff specialised in the area are limited. Employees of internationally funded asylum NGOs often remain employed within the non-state asylum sector or in organisations that adapt their activities to the available international funding. While the EU claims to “empower” the said NGOS, it needs to be noted that the position of these NGOs remains precarious and dependent on international funding.

Agnès Chetaille (IRIS, EHESS)

La lutte contre les discriminations dans le processus d’adhésion à l’Union européenne : le cas du Bureau de la Plénipotentiaire pour l’Égalité en Pologne (2001-2005)
Cette intervention examinera la création et le fonctionnement, entre 2001 et 2005, du Bureau de la Plénipotentiaire pour l’Égalité au sein du gouvernement polonais. Répondant en partie aux exigences de l’Union européenne (UE) concernant la création d’organismes chargés de l’égalité, l’apparition et le destin de cette institution fragile sont emblématiques des interactions complexes entre niveaux européen et national. Sa création marque l’émergence de la lutte contre les discriminations comme nouveau registre de l’action politique en Pologne. Ce phénomène est imbriqué avec la prise en compte progressive de la lutte contre les discriminations au sein des négociations de pré-adhésion à l’UE, tout en s’articulant à des dynamiques locales. Sans négliger les autres aspects, la communication prendra en particulier l’exemple de la discrimination en raison de l’orientation sexuelle pour pointer le rôle complexe, et parfois ambivalent, du contexte de l’adhésion à l’UE dans l’apparition d’une politique anti-discriminatoire en Pologne. Les tensions entre niveau national et niveau européen constitueront un premier axe de l’analyse, qui sera complété par l’étude des tensions entre gouvernement et société civile qui marquent l’action du Bureau de la Plénipotentiaire. La présentation abordera également la façon dont les financements européens liés à la lutte contre les discriminations, gérés par le Bureau, ont contribué à influencer la forme et la structure des organisations de la société civile, et notamment des organisations gaies et lesbiennes, en Pologne.

The Fight against Discrimination and the EU Accession Process: The Plenipotentiary for Equal Treatment in Poland (2001-2005)
The presentation will look at the creation and action, between 2001 and 2005, of the Office of the Government Plenipotentiary for Equal Treatment in Poland. Both the emergence, partly linked to European Union (EU) directives regarding the creation of ‘equality bodies’, and the fate of this fragile institution are emblematic of the complex interactions between European and domestic political levels. Its existence demonstrates the rise of a new domain of political action in Poland, the fight against discrimination. This phenomenon is closely intertwined with the gradual consideration of the struggle against discrimination in the EU pre-accession negotiation process, but is also connected to a local political momentum. Without overlooking other aspects, the presentation will look closely at the case of discrimination on the grounds of sexual orientation to point out the complex and sometimes ambivalent role of the EU accession context in the emergence of an anti-discrimination policy in Poland. On the one hand, the analysis will focus on the tensions between the European and domestic levels. On the second hand, it will also explore the tensions between the government and civil society, and show that the Plenipotentiary Office positions itself in-between these two poles. In doing so, the presentation will tackle the way EU funding for anti-discrimination action, handled by the Office, came to influence the shape and structure of civil society organizations, including lesbian and gay organizations in Poland during this period.

Mardi 11 juillet 2017 9h00-13h00

BAHCECIK Serif Onur bahcecik@metu.edu.tr
BOUQUEREL Fanny fannybouquerel@gmail.com
CHETAILLE Agnès agnès.chetaille@gmail.com
DAKOWSKA Dorota Dorota.Dakowska@univ-lyon2.fr
FERRE Nathalie nathalie.ferre1@gmail.com
MUETZELBURG Irina irina.muetzelburg@sciencespo.fr
TONISMANN Teele teele.tonismann@gmail.com
VISIER Claire Claire.visier@univ-rennes1.fr