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Responsables scientifiques
Jon Marco Church (EA 2076 HABITER, Université de Reims) jon-marco.church@univ-reims.fr
Kari De Pryck (UMR 7050 CERI Sciences Po Paris et SPERI/GSI Université de Genève) kari.depryck@sciencespo.fr
Depuis plusieurs années, les études sur l’environnement comme domaine des Relations Internationales s’intéressent beaucoup aux régimes internationaux, à savoir les « principes, normes, règles et procédures décisionnelles implicites ou explicites autour desquels il y a une convergence des attentes des acteurs dans un secteur donné » (Krasner 1983, 2 ; Haas et al. 1993). En fait, on observe notamment depuis les années 70, outre les grandes kermesses onusiennes telles que les conférences environnementales de Stockholm et de Rio, une prolifération d’accords bilatéraux et multilatéraux à tous les niveaux, de l’échelle régionale à la planète. On peut citer les exemples de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) et de la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC), mais leur nombre s’élèverait à plus d’un millier d’accords (Mitchell 2014).
Chaque accord constitue un régime international à part entière. Ces régimes ont longtemps été pensés à la fois comme des institutions et comme des instruments de politique publique au niveau international, à savoir comme moyens pour les états et les autres parties prenantes de mieux gérer collectivement des problèmes perçus comme communs aux parties. Normalement, chaque régime est d’abord étudié de façon individuelle, d’abord par rapport à son origine (Finnemore et Sikkink 1998) et ensuite en termes d’efficacité, c’est-à-dire sa capacité à atteindre ses propres objectifs. Malgré les bons résultats de certains régimes, notamment pour ce qui concerne l’ozone ou la Mer Baltique, des doutes commencent à planer sur leur efficacité générale, au point que certains auteurs observent même une certaine fatigue (Conca et Dabelko 2010).
La constitution de grandes bases de données représente jusqu’à présent l’approche dominante pour évaluer l’efficacité des régimes internationaux sur l’environnement dans leur ensemble. Cela a permis d’identifier certains éléments des régimes qui seraient porteurs d’une plus grande efficacité, à l’instar « de la distribution du pouvoir, du rôle des pays leaders et retardataires, des effets des règles pour la prise de décision, de la profondeur et de la densité des normes du régime et du niveau de connaissance du problème » (Breitmeier et al. 2011, nous traduisons). De même, les modalités de la relation entre science et politique au sein de ces régimes sont perçues comme essentielles pour évaluer leur efficacité (Mitchell et al. 2006). Ces analyses reposent ainsi essentiellement sur des analyses différentielles entre un grand nombre de régimes, qui ont le mérite de faire émerger des récurrences par rapport à l’efficacité des cas observés.
Or, ces approches ne permettent pas à elles seules d’aborder de manière critique les régimes internationaux sur l’environnement et peuvent, au mieux, identifier quelques éléments prometteurs de ces régimes. Comment expliquer la fatigue qui peut être observée ? Un facteur décisif qui semble émerger à est la forte dépendance au sentier (David 1985) définie comme « processus sociaux qui engendrent des retours sur l’investissement croissants » (Pierson 2000, 252, nous traduisons) qui caractérise ce domaine des Relations Internationales.
Loin de l’image d’adaptabilité et d’innovation qui est souvent donnée par les acteurs (Church 2014 ; Koonz et al. 2015), les régimes internationaux sur l’environnement ont tendance à suivre le même tracé : ainsi, plusieurs conventions sont établies sur le même modèle (Convention de Vienne sur l’ozone et Convention sur la biodiversité) et plusieurs initiatives se répètent au fil des décennies (Réseau émeraude et Natura2000). Nous pouvons également citer les tentatives de reproduction du dialogue entre experts et décideurs sur le modèle du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans d’autres domaines telle la biodiversité avec la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Les décisions de répliquer le succès du Global Environmental Facility (GEF) avec le Green Climate Fund (GCF) dans le domaine de la finance ou de transformer les Objectifs du Millénaire pour le développement (ODM) en Objectifs de développement durable (ODD), vont dans le même sens. Pour autant, ces initiatives tendent à s’autonomiser de leurs créateurs (Barnett et Finnemore 2004). Dans cette perspective, nous pouvons citer les travaux sur la sécurisation de l’environnement au sein du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) (Maertens 2014) ou le besoin de se distancer du modèle du GIEC, qui est omniprésent dans les discussions autour de l’évolution de l’IPBES (Brooks et al. 2014).
Pour prendre aussi en compte la dépendance au sentier et le changement dans ce domaine des Relations Internationales, nous proposons d’adopter l’approche de la sociologie historique (Déloye 2007 ; Mahoney 2000), ce qui permettra d’identifier les répétitions de configurations d’acteurs et d’éléments contextuels qui conduisent à la reproduction des régimes ou non, alors même que les objets de ces derniers sont assez différents. Dans cette section, nous nous interrogerons donc sur les aspects du passé qui influencent le présent. En partant de l’évolution de ces institutions, il s’agira d’étudier les régimes internationaux sur l’environnement pour montrer à quel point non seulement leur efficacité, mais aussi leur processus d’institutionnalisation, est influencé par la reproduction de schémas préexistants et par certaines configurations d’acteurs. Pour autant, les régimes et les institutions qui les composent ne sont pas des objets monolithiques et une sociologie historique de l’environnement en Relations Internationales de se doit de mettre en lumière les continuités mais également les changements dans les dynamiques organisationnelles, qui peuvent se cacher derrière certaines continuités (Deloye 2007 ; Nay 2011 ; Nay et Petiteville 2011).
Même si un grand nombre de ceux qui s’intéressent à l’environnement et aux Relations Internationales se sont occupés à un moment donné de reconstruire l’évolution historique des processus qu’ils étudient, cela a porté jusqu’à maintenant soit sur une question spécifique, tel que le climat (Aykut et Dahan 2015) ou la montagne (Balsiger et al. à paraître), soit sur une organisation particulière, à l’instar du PNUE (Ivanova 2012). De plus, ces auteurs n’adoptent pas d’approche spécifique et se contentent de récolter le maximum d’informations sur un processus d’après les sources écrites et orales à leur disposition et de les organiser sur la base d’un lien de causalité présumée et de leur impact.
Cette Section thématique examinera donc l’histoire des régimes internationaux sur l’environnement avec une perspective critique et comparative. Afin d’explorer ces pistes de recherche, les propositions de communications sont invitées à s’inscrire dans un ou plusieurs des trois axes (voir le texte de l’appel à communications). Ces axes sont pensés pour engendrer une réflexion théorique, méthodologique et empirique.
The historical sociology of the environment as a domain of International Relations still needs to be written, despite some promising recent publications (Ivanova 2012; Aykut and Dahan 2015).
In fact, most research on international environmental regimes mainly focuses on their emergence and their effectiveness to solve environmental problems (Haas et al. 1993 ; Young et al. 2010 ; Breitmeier et al. 2011).
What the current state of the art does not allow is to appraise international environmental regimes in a critical manner. At best, it can identify some emerging properties of these regimes. How to explain the fatigue that can be observed (Conca and Dabelko 2010)? We suggest that a key element that seems to emerge is the strong path dependence (David 1985; Pierson 2000). More than four decades have shown a tendency to repeat and reproduce existing processes and practices at all levels.
In order to give just a few examples, many conventions were established following the same model, such as the UNFCCC and the CBD, which were created based on the model of the 1985 Vienna Convention for the protection of the ozone layer. At the same time, one can observe a proliferation of boundary organizations bringing together science and politics following the model of the Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC). The best known example is the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES).
This forces us to question the influence of past actions and configurations, identified through archival research, analysis of long series of decisions or collection of oral history. At the same time, environ-mental regimes are not monoliths. An historical sociology of the environment in International Relations is expected to bring forward not only continuity, but also change in the organizational dynamics that may hide behind continuity (Deloye 2007; Nay 2011; Nay and Petiteville 2011).
To consider also path dependence and change in this domain of International Relations, we propose to adopt a historical sociology approach (Déloye 2007; Mahoney 2000) to identify recurring and changing patterns of actors and of contextual elements that lead to the reproduction or non-reproduction of regimes, even if their objective can be quite different. This should at the same time nuance and enrich reflections on the effectiveness of these regimes.
REFERENCES
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Présidents : Yves Déloye (Sciences Po Bordeaux, France) et Daniel Compagnon (Sciences Po Bordeaux, France)
Sophie Nemoz (Université de Bourgogne/Franche-Comté, France), Environnement et habitat : des Relations Internationales revisitées par la sociologie historique comparative
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Discutant : bientôt disponible
Natália Frozel Barros (Université de Paris 1, France), Quand les régimes environnementaux entrent dans le régime international des océans : réglementer la biodiversité marine à l’AG de l’ONU
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Discutante : Camille Mazé (CNRS Brest, France)
Raisa Mulatinho Simoes (Université de Paris 1, France), Entre instruments de marché et configurations Nord/Sud : quelle sociologie historique pour le régime international de la diversité biologique depuis 1992 ?
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Discutante : Alice Baillat (Sciences Po Paris, France)
Radoslav Dimitrov (Western University, Canada), Persuasion et gouvernance globale de l’environnement : la diplomatie climatique vue de l’intérieur
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Discutant : Daniel Compagnon (Sciences Po Bordeaux, France)
Christophe Cassen (CIRED, France), Jean Charles Hourcade (CIRED, France), Les transformations récentes de la coordination internationale des politiques climatiques : un changement de paradigme des négociations ?
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Discutant : Jon Marco Church (Université de Reims, France)
Piero Morseletto (VU Amsterdam, Pays-Bas), Gouvernance par les objectifs : reductio ad unum et évolution de l’objectif climatique des deux degrés
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Discutante : Kari De Pryck (Sciences Po Paris, France)
Sophie Nemoz (Université Bourgogne/Franche-Comté)
Environnement et habitat : des Relations Internationales revisitées par la sociologie historique comparative
Il y a quarante ans, lors de la première Conférence des Nations Unies sur les établissements humains, des problèmes croissants ont été pointés en matière d’environnement (Habitat I : Vancouver, 1976). Depuis vingt ans, « l’habitat durable » a été proclamé comme la solution planétaire du Programme pour l’habitat (Sommet des Villes : Istanbul, 1996). A l’heure d’Habitat III, la troisième conférence des Nations Unies sur le logement et le développement urbain durable (Quito, 2016), un « engagement mondial » est réaffirmé, tout en étant encore peu étudié comme un domaine des Relations Internationales. Quel régime environnemental s’applique aux habitations humaines ? Comment comprendre à la fois la continuité, la cyclicité des processus et leur changement ? En quoi les actions et les configurations passées influent sur les dynamiques organisationnelles et les décisions futures ? La communication propose de revisiter ce questionnement à la lumière de la sociologie historique comparative. Il s’agit de repenser la dépendance au sentier et le changement dans les régimes internationaux sur l’environnement à travers une réflexion empirique sur les processus de transformation historique en ce qui concerne l’habitat. La comparaison dans le temps et l’espace porte sur ce que les acteurs font concrètement, et non sur ce qu’ils sont censés faire selon le mandat qui les institue. Cette approche se révèle être un ressort de la réflexion critique, en différenciant les activités tactiques des démarches stratégiques.
Environment and housing: International Relations revisited by comparative historical sociology
Forty years ago, growing environmental problems were identified at the first United Nations Conference on Human Settlements (Habitat I: Vancouver, 1976). For the past two decades, “sustainable housing” has been proclaimed as a “global solution” for the Habitat Agenda (City Summit: Istanbul, 1996). A “global commitment” was reaffirmed a few months after the third United Nations Conference on Housing and Sustainable Urban Development (Habitat III: Quito, 2016), but it remains underresearched in the field of international relations. What is the environmental regime for human settlements? How to understand both the continuity, the cyclicity of the process and its changes? To what extent do past actions and configurations affect organizational dynamics and future decisions? We propose here to revisit these questions using comparative historical sociology. We aim at rethinking path dependency and changes in international environmental regimes through an empirical reflection on historical transformation processes, taking housing as a case study. The comparison, in terms of both time and space, considers what the actors do in practice and not what they are supposedly doing per their mandate. This approach proves to be critical, by further differentiating between tactical activities and strategic initiatives.
Natália Frozel Barros (Université de Paris 1, France)
Quand les régimes environnementaux entrent dans le régime international des océans : réglementer la biodiversité marine à l’AG de l’ONU
Que se passe-t-il lorsque des dispositifs et des principes actuels de gestion environnementale sont intégrés dans un espace de négociation encadré par des règles élaborées dans les années 1970 ? Cette communication vise à montrer comment le corpus de règles juridiques bien institutionnalisées de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (hard law, CNUDM, 1982) est mis en question par l’importation de quelques normes et principes (soft law) du droit environnemental au sein de l’Assemblée Générale des Nations Unies sur les affaires océaniques. Dans un processus court et assez récent de mise en agenda de la biodiversité marine comme problème public international (2011-2015), différentes alliances diplomatiques se heurtent à des tensions et résistances qui mêlent des « intérêts nationaux » à des dépendances au sentier cristallisées dans les règles de droit et dans le décalage historique entre les pratiques d’écriture du droit international. Or, ces tensions ne sont intelligibles qu’au travers d’une analyse historique remontant aux années 1970, lorsqu’on élabore les règles de la CNUDM. La communication portera un regard privilégié sur les conditions historiques d’écriture du droit pour comprendre des phénomènes de changement ou de reproduction du droit international.
When environmental regimes meet the Law of the Sea: regulating marine biodiversity at the UN General Assembly
What happens when recent principles and mechanisms of environmental management are placed into a negotiation which has been historically framed by rules created in the 1970s? This paper explores how well-institutionalized rules such as those of the United Nations Law of the Sea Convention (UNCLOS) are challenged when diplomats bring into the United Nations General Assembly on ocean matters some norms and principles taken from environmental law. Within a brief and recent process of agenda setting on the issue of marine biodiversity (2011-2015), various diplomatic groups face resistances and tensions. These resistances entangle opposing “national interests” and path dependencies crystallized in the rules of law and in how practices of rule-making have changed. We claim that it is not possible to fully understand these tensions without going back to 1970s, when UNCLOS was first developed. We take carefully into consideration in our analysis the historical conditions of rule-making to better understand how international law can change or be reproduced.
Raisa Mulatinho Simoes (Université de Paris 1, France)
Entre instruments de marché et configurations Nord/Sud : quelle sociologie historique pour le régime international de la diversité biologique depuis 1992 ?
Cette communication examinera les continuités et changements à l’intérieur du régime international de la biodiversité́ à travers une approche ancrée dans la sociologie historique, qui s’impose grâce à deux changements de caractères économique, normatif et institutionnel : la montée en puissance de certains pays du Sud et le pivotement vers le paiement pour services écosystémiques (PSE) comme instrument de marché favorisé à la place des contrats d’Accès et partage des avantages (APA) prescrits par la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) et le Protocole de Nagoya. Le développement des industries biotechnologiques dans des pays comme le Brésil remet en cause le clivage Nord/Sud à la base de la norme de partage juste et équitable des avantages, alors que la coexistence du Protocole de Nagoya avec la Plateforme Intergouvernementale Scientifique et Politique sur la Biodiversité et les Services Ecosystémiques (IPBES) nous amène à interroger ce que le choix d’un nouvel instrument comme le PSE implique pour l’évolution du régime. Notre analyse servira à répondre aux questions suivantes : Comment les arrangements institutionnels et normatifs du passé influencent-ils les nouvelles règles et normes de ce régime ? Est-il caractérisé par une dépendance au sentier ? En quoi l’adoption du PSE représente-t-elle un véritable changement institutionnel et normatif ? Ou ne serait-elle qu’un recyclage de la même norme néolibérale sous de nouvelles prescriptions ?
Between market-based instruments and North/South configurations: a historical sociology approach for the international regime on biological diversity since 1992?
This paper will examine the continuities and changes within the international biodiversity regime using an approach anchored in historical sociology, which may be called upon in light of two changes of economic, normative and institutional nature: the growing strength of certain countries of the global South, and the shift towards Payments for Ecosystem Services (PES) as the favored market-based instrument in place of Access and Benefit Sharing (ABS) contracts recommended by the Convention on Biological Diversity (CBD) and the Nagoya Protocol. The development of biotechnology industries in countries like Brazil present a challenge to the traditional North/South cleavage at the foundation of the norm of fair and equitable sharing of benefits, while the coexistence of the Nagoya Protocol with the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES) leads us to question what the choice of a new policy instrument like PES means for the evolution of this regime. The analysis will seek to respond to the following questions: How have institutional and normative arrangements from the past influenced new rules and norms of this regime? Is the regime characterized by path dependency? To what extent does the adoption of PES represent a veritable institutional and normative change? Or does this simply signal the recycling of the same neoliberal norm under new rules?
Radoslav Dimitrov (Western University, Canada)
Persuasion et gouvernance globale de l’environnement : la diplomatie climatique vue de l’intérieur
Une transformation majeure de la gouvernance climatique s’est produite au cours des dix dernières années. Cependant, la théorie des régimes et les relations internationales ont des difficultés à expliquer ce changement dans la mesure où les institutions formelles et les accords politiques ne sont pas les principaux moteurs des changements de politique internationale. Les chercheurs doivent reconsidérer les approches par les « résultats » et reconnaître les impacts des discussions et des négociations internationales sur le comportement des états, en dehors de l’élaboration des traités. Les dialogues dans la politique internationale exposent les acteurs à de nouvelles informations et à un raisonnement qui les aide à (re)considérer leurs intérêts. Je développe l’argument selon lequel la persuasion et l’argumentation au cours des négociations sur le climat ont réussi à faciliter le changement de politique en l’absence d’accords formels. La micro-dynamique du processus diplomatique peut produire un changement sociologique, même sans produire de traités internationaux formels. Cette intervention se concentrera sur les mécanismes cognitifs de changement de politique en RI. Les conversations internationales à la CCNUCC ont diffusé des idées influentes qui ont modifié les calculs de coût-bénéfice concernant la politique intérieure. Même avant de conclure des accords formels tels que l’Accord de Paris, les conversations au cours des négociations contribuent à expliquer la prolifération mondiale de politiques respectueuses du climat qui attestent d’un « changement vert » mondial.
Persuasion and global environmental governance: inside climate diplomacy
A major transformation of multilevel climate governance has occurred in the past 10 years. Regime theory and academic IR scholarship has difficulty explaining this change because formal institutions and policy agreements are not the primary drivers of the global policy shift. Scholars need to reconsider the meaning of ‘outcome’ and recognize the diverse impacts of conversations and international negotiations on state behavior, apart from treatymaking. Dialogue in world politics exposes actors to new information and reasoning that helps them (re)consider their interests. The argument I advance here is that persuasion and argumentation during UN climate negotiations have succeeded in facilitating policy change without formal agreements. The microdynamics of the diplomatic process can produce sociological change – even without producing formal international treaties. This paper will focus on the cognitive mechanisms of policy change in IR. The international conversations during UNFCCC diplomacy spread influential ideas that altered cost-benefit calculations about domestic policy. Even before producing formal agreements such as the Paris Agreement, the conversations during negotiations help explain the worldwide proliferation of climate-friendly policies today that signal a global “Green Shift.” Here I will present evidence that dialogue alters policy preferences. Global discussions have affected state behavior and fostered the development of domestic policies even in the absence of a formal treaty.
Christophe Cassen (CIRED, France), Jean Charles Hourcade (CIRED, France)
Les transformations récentes de la coordination internationale des politiques climatiques : un changement de paradigme des négociations ?
Cette présentation s’intéresse aux transformations récentes du régime climatique du point de vue de la coordination internationale des politiques climatiques. En effet, en se démarquant du cadre descendant hérité du Protocole de Kyoto, l’Accord de Paris en a redéfini les contours et les instruments associés. Elle montre ainsi que le débat entre coordination ascendante/descendante constitue un enjeu structurant des négociations depuis Rio. Elle caractérise ensuite les spécificités du Protocole de Kyoto autour d’instruments de marché associés à des mécanismes de flexibilité, ainsi que les dispositifs auto-renforçant, qui ont façonné un paradigme de négociation climato-centré, peu favorable au dialogue Nord/Sud. A partir de la conférence de Bali de 2007, elle souligne les facteurs d’émergence d’une architecture hybride, qui mêle des mécanismes ascendants (NAMAs, NDCs, etc.), destinés à aligner les politiques nationales, avec les objectifs de réduction globaux descendants, afin de garantir le respect des engagements. Ce nouveau type de coordination s’écarte de l’approche de Kyoto fondée sur des transferts compensatoires Nord/Sud, tout en requalifiant les termes du débat sur l’équité et le partage du fardeau des émissions. Elle conclut sur les conditions nécessaires pour rendre opérationnels ces nouveaux mécanismes de coordination, en particulier en matière de financement, ainsi que sur la persistance des sentiers institutionnels passés autour des instruments de marché.
The emergence of new types of policy instruments in the international climate regime: toward the end of some path dependencies?
This paper addresses the dynamics behind the current paradigm shift of the international climate negotiations. Not only the Paris agreement notably departs from the top-down architecture inherited from the Kyoto Protocol, it has also redefined coordination policy instruments. It shows that the debate around top-down vs bottom-up coordination approach is a cross-cutting issue since the Rio Convention and has impacted the choice of coordination policy instruments. It then characterizes the specificities of the Kyoto Protocol based around market based instruments jointly with flexibility mechanisms in the 1990s. It shows that self-reinforcing processes around them have defined a climate-centric negotiation paradigm, which have hindered a constructive North/South dialogue. From the Bali conference in 2007, this paper examines the factors that drove the progressive emergence of a hybrid architecture, blending bottom-up flexibility mechanisms (NAMAs, NDCs, GCF) that seek to align national policies with global objectives with top-down rules to promote accountability. This new landscape of instruments institutionalized by the Paris Agreement represents a bifurcation compared to the Kyoto approach, while redefining the fairness debate and the burden sharing of emissions. It concludes by insisting on the necessary conditions to make these new coordination mechanisms operational, notably in terms of financing, while past institutional pathways around market instruments are still persisting.
Piero Morseletto (VU University Amsterdam, Pays-Bas)
Gouvernance par les objectifs : reductio ad unum et évolution de l’objectif climatique des deux degrés
Les objectifs sont largement utilisés dans la gouvernance environnementale. Dans cette communication, nous étudions la construction de l’objectif climatique des 2°C, l’un des objectifs les plus connus dans la gouvernance mondiale de l’environnement. Notre communication examine cet objectif à travers une reconstruction historique qui identifie quatre phases différentes : encadrement, consolidation et diffusion, adoption et non-intégration. Notre analyse montre que, dans un premier temps, l’objectif était axé sur la science et soutenu principalement par l’UE. Il a ensuite été progressivement accepté au niveau international, malgré le manque de débat entre les gouvernements sur les implications politiques de cet objectif et les mesures nécessaires pour sa mise en œuvre. Une fois que l’objectif de 2°C a été approuvé au niveau des Nations Unies, sa nature a changé, passant d’une norme prescriptive à une norme symbolique. Au cours de cette phase, l’objectif est devenu un objet non-intégré de la gouvernance mondiale qui n’est pas lié à un programme partagé ni à des efforts d’atténuation coordonnés et contraignants. L’accord de Paris de 2015 marque la dernière étape de cette évolution et peut avoir renforcé les 2°C en tant qu’objet non-intégré. Dans la dernière partie de cette communication, nous suggérons des moyens de surmonter la situation actuelle et de développer l’objectif de 2°C en un véritable objectif mondial de gouvernance environnementale.
Governing by targets: reductio ad unum and evolution of the two-degree climate target
Targets are widely employed in environmental governance. In this paper, we investigate the construction of the 2°C climate target, one of the best-known targets in global environmental governance. Our paper examines this target through a historical reconstruction that identifies four different phases: framing, consolidation and diffusion, adoption, and disembeddedness. Our analysis shows that, initially, the target was science-driven and predominantly EU-based; it then became progressively accepted at the international level, despite a lack of broader debate among governments on the policy implications and required measures for implementation. Once the 2°C target was endorsed at the level of the United Nations, the nature of the target changed from being policy-prescriptive to being largely symbolic. In this phase, the target became a disembedded object in global governance not linked to a shared agenda nor to coordinated and mutually binding mitigation efforts. The 2015 Paris Agreement marks the last stage in this development and may have further solidified the target as a disembedded object. In the final part of the paper, we suggest ways to overcome the current situation and to develop the 2°C target into a fully-fledged global environmental governance target.
Lundi 10 juillet 2017 13h30-17h30
BAILLAT Alice alice.baillat@sciencespo.fr
CASSEN Christophe cassen@centre-cired.fr
CHURCH Jon Marco jon-marco.church@univ-reims.fr
COMPAGNON Daniel d.compagnon@sciencespobordeaux.fr
DE PRYCK Kari kari.depryck@sciencespo.fr
DELOYE Yves y.deloye@sciencespobordeaux.fr
DIMITROV Radoslav radoslav.dimitrov@uwo.ca
FROZEL BARROS Natália natalia.frozel-barros@univ-paris1.fr
HOURCADE Jean Charles hourcade@centre-cired.fr
MAZE Camille camille.maze@univ-brest.fr
MORSELETTO Piero piero.morseletto@vu.nl
NEMOZ Sophie sophie.nemoz@univ-fcomte.fr
SIMOES Raisa simoes.raisa@gmail.com