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Les métropoles encore au cœur de la critique ? Controverses autour des politiques métropolitaines

Metropolises still at the heart of critical urban studies ? Controversies on Metropolitan Politics and Policies

Responsables scientifiques
Fabrice Bardet (ENTPE – EVS UMR 5600, Université de Lyon) fabrice.bardet@entpe.fr
Stéphane Cadiou (Université Jean Monnet de Saint-Etienne – Triangle UMR 5206) stephane.cadiou@univ-st-etienne.fr
Julie Pollard (Université de Lausanne – IEPHI) julie.pollard@unil.ch
Hélène Reigner (IUAR Aix-Marseille Université – LIEU EA 889) helene.reigner@univ-amu.fr

Depuis les années 1990, les études urbaines connaissent un fort renouveau, impulsé notamment par un courant critique influent dans la communauté académique internationale. Inspirée par l’économie politique et un marxisme revisité, ainsi que par l’article fondateur de David Harvey (1989) cette nouvelle critique urbaine a réinscrit l’analyse des politiques spatiales dans un ensemble de déterminations, liées aux restructurations du capitalisme post-fordiste. Le premier objectif transversal de cette section thématique est de réinterroger collectivement ces perspectives critiques. N’ont-elles pas, avec leur succès grandissant, perdu de leur originalité et de leur capacité d’innovation intellectuelle ? Cette ST propose d’ouvrir un espace de discussion pour mettre sur le métier deux axes de controverses autour de la critique urbaine.
Un premier axe vise à rassembler des contributions questionnant l’unité de la gouvernance urbaine et la nature des coalitions urbaines, en privilégiant les analyses portant sur les fronts de contestation. À la question classique du « qui gouverne ? », un ensemble de travaux a progressivement substitué depuis les années 1990 une préoccupation pour l’analyse des dynamiques d’alliances et de coalitions qui structurent la production de l’action publique urbaine au sein de sociétés plus différenciées (Le Galès, 2003 ; Lorrain, 2011). L’approche en termes de gouvernance tend à produire une lecture unifiée des métropoles en insistant sur l’existence de coalitions identifiables et stables. La gouvernance urbaine serait ainsi caractérisée par l’émergence d’une nouvelle capacité d’action collective favorisée par les démarches de projet (Pinson, 2009). Néanmoins, la gouvernance urbaine contemporaine génère également des mécanismes de clôture des scènes d’action, autour de partenaires responsables (Crouch, 2004). Les « perdants » seraient les classes populaires de plus en plus démobilisées, un certain nombre de groupes socioprofessionnels, ou encore les milieux militants et partisans. Dès lors, reste-t-il pertinent de chercher à penser l’unité et la capacité politique à l’échelle métropolitaine ? Ou faut-il orienter les réflexions vers l’analyse de la segmentation des mécanismes de gouvernement ? Cette section thématique ambitionne d’explorer les possibles conflits de coalition dans les métropoles, notamment autour des fonctions assignées aux sous-espaces des métropoles. La multiplication de mobilisations autour de projets d’envergure métropolitaine (cf. Notre Dame des Landes…) et de mouvements citoyens critiques (Alliance citoyenne, Pas sans nous…) invite, par conséquent, à comprendre en quoi les conflits peuvent infléchir les processus de gouvernance.

Un deuxième axe invite à reconsidérer la place des politiques sociales et des politiques de gestion des risques dans des métropoles ouvertes aux vents de la compétition et du développement économique. Les travaux « radicaux » ou « critiques » sur les politiques urbaines mettent en lumière le fait que les villes sont devenues non seulement les lieux par excellence de l’accumulation du capitalisme globalisé, mais aussi du réétalonnage les politiques de développement (Brenner, 2003). Pour ce courant, l’État jouerait un rôle majeur dans le basculement à l’œuvre, en faisant primer la logique de compétitivité territoriale sur celle de redistribution et en promouvant des politiques de l’offre. Dans cette perspective, l’un des chantiers est d’identifier les nouveaux enjeux d’urbanisation du capital, notamment sous l’angle des « politiques discrètes » encouragées par des instruments d’étalonnage et comptables : « smart » en tous genres, performances énergétiques, réseaux d’excellence technologique, etc. Doit-on voir là des signes d’approfondissement d’une néolibéralisation des villes et d’une valorisation de celles-ci par de nouveaux marchés ? Les agendas urbains peuvent également révéler des préoccupations redistributives. Les villes françaises et européennes apparaissent comme des espaces d’entre-soi exclusifs (Cousin, 2014), mais aussi comme des espaces de production de sens et d’identité, et plus généralement, des espaces de solidarité. Si les villes d’Europe continentale ont été confrontées aux mêmes pressions que les villes américaines et anglaises (Tissot, 2011), elles semblent avoir mieux résisté à ces évolutions (Kazepov, 2005). Cette thèse a été en partie relayée par Edmond Préteceille qui a souligné les limites empiriques des discours catastrophistes sur la gentrification généralisée et la segmentation des espaces urbains en enclaves ethniques (2006). La prise en compte de cette dimension protectrice des métropoles permet de contraster la thèse précédente en attirant l’attention sinon sur des agendas alternatifs, du moins sur des interventions tout aussi structurantes que le développement économique.
Organisée dans le cadre des 10 ans de la revue Métropoles, cette Section thématique entend interroger les conditions et modalités d’exercice même de la critique dans les espaces métropolitains.

Since the 1990s, the international field of urban studies has experienced a strong renewal. This renewal results in particular from the rise of critical research, in line with political economy and neo-Marxist analytical frameworks, and inspired by David Harvey’s seminal article (1989). Urban policy analysis is then relating to post-Fordism capitalism transformations. The first aim of this thematic section (TS) is to reflect collectively on these critical approaches. With their growing success and audience haven’t they lost their originality and capacity to bring intellectual innovation? This thematic section aims at opening space for discussion around two main lines of controversies.
The first line is concerned with contributions on unity vs. segmentation of urban governance. It deals with the study of characteristics of urban coalitions in depth. In particular it focuses on contentious issues and urban conflicts. The question of “Who governs?” has been replaced by the analysis of alliances and coalitions structuring the production of urban policies in differenciated societies (Le Gales, 2003; Lorrain 2011). Approaches in terms of governance tend to insist on the existence of stable and identifiable coalitions. Such approaches focus on renewed capacity of collective action due to urban projects (Pinson, 2009). But urban governance also sometimes leads to close political arenas with a small number of responsible stakeholders (Crouch, 2004). Losers of such arrangements would be lower classes as well as some socio-professional groups. Activist or partisan actors could also be excluded. Given these elements, how far is it relevant to try to conceptualize unity and political capacity at the metropolitan level? Or should we instead head for the analysis of segmentation of governance mechanisms? We thus invite to explore the possible coalitions conflicts in metropolises, in particular concerning different kind of spaces (core vs. outskirts) of the metropolises. The increased importance of mobilizations against metropolitan projects and critical citizens invites to deal with conflicts in the analyses of urban governance. Do conflicts change the trends of governance?

The second line of this section considers the space taken up by competition and economic development issues. To what extent do alternative aims and policies (for instance social policies and risk management policies) still hold an important place? Critical urban studies research highlights that cities have become the place for global capitalism and for political rescaling (Brenner, 2003). According to this approach, the State would play a key role in the ongoing transformation by favoring territorial competitiveness over redistribution policies. In this regard, one of the main concerns is to identify the “discrete policies” based upon the development of standardizing, accounting or financial tools to attract investors: promotion of labels (smart cities, or green, or good food, etc…), or rankings (entrepreneurship, livelihood…). Are such developments clues of the growing neoliberalization of urban policies? Urban agendas can also reflect redistribution concerns. French and European cities are sometimes also places where sense and identity are produced, and where solidarity issues are dealt with (Cousin, 2014). In the last decades, European cities have had to face the same pressures as their American counterpart (Tissot, 2011) but they seem to have resisted better to socio-economic changes (Kazepov, 2005; Préteceille, 2006). Political capacity can be used to soften and regulate social tensions resulting from globalization. Taking into account this protective dimension of metropolises enables to nuance the previous perspective. Attention can be attracted by alternative agendas or by social policies.
Organized as a contribution to the 10th anniversary edition of Metropoles journal, this thematic section questions the meanings and implications of critical research in metropolitan spaces.

REFERENCES

Brenner Neil, « Metropolitan Institutional Reform and the Rescaling of state in Contemporary Western Europe », European Urban and Regional Studies, 10 (4), 2003.
Brenner Neil, Theodore Nik (eds.), Spaces of neoliberalism, Oxford, Wiley Blackwell, 2002.
Cousin Bruno, « Entre soi, mais chacun chez soi. L’agrégation affinitaire des cadres parisiens dans les espaces refondés », Actes de la recherché en sciences sociales, n°204, 2014.
Crouch Colin, Post-Democracy, Cambridge, Polity Press, 2004.
Harvey David, « From managerialism to entrepreneurialism : the transformation of urban governance in late capitalism », Geografiska Annaler, 71B, 1989.
Kazepov Yuri (eds.), Cities of Europe. Changing Contexts, Local Arrangements and the Challenge to Urban Cohesion, Oxford, Blackwell, 2005.
Le Galès Patrick, Le retour des villes européennes. Sociétés urbaines, mondialisation, gouvernement et gouvernance, Paris, Presses de Sciences Po, 2003.
Lorrain Dominique (2011), Métropoles XXL en pays émergents, Paris, Presses de Sciences Po, 2011.
Lorrain Dominique (2011), « La main discrète ». La finance globale dans la ville », Revue française de science politique, 61 (6), 1097-1122.
Peck Jamie, Tickell Adam, « Neoliberalizing space », Antipode, 34 (3), 2002.
Pinson Gilles, Gouverner la ville par projet. Urbanisme et gouvernance des villes européennes, Paris, Presses de Sciences Po, 2009.
Préteceille Edmond, « La ségrégation sociale a-t-elle augmenté ? La métropole parisienne entre polarisation et mixité », Sociétés contemporaines, 2, 2006.
Tissot Sylvie, De bons voisins. Enquête dans un quartier de la bourgeoisie progressiste, Paris, Raisons d’agir, 2011.

Président de séance et discutants (liste non exhaustive et sous réserve)
Patrick Le Galès (Centre d’études européennes, Sciences Po)
Nicolas Raimbault (LISER, Luxembourg)

Axe 1 / La sélectivité sociale et spatiale des politiques métropolitaines : un produit des alignements et compromis métropolitains ?

Antoine Levêque (Université de Lyon, Triangle UMR 5206), Relégation et géographie prioritaire du développement : Le gouvernement métropolitain de la banlieue lyonnaise à l’aune des politiques de transport urbain
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Clément Barbier (Université de Paris 8, Cresppa-CSU), Les impasses de la « ville néolibérale ». Entre « rééquilibrage territorial » et « rayonnement international », les paradoxes de deux grands projets de renouvellement urbain dans les agglomérations de Lille et de Hambourg
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François Valegas (Aix-Marseille Université, LPED, Lab’Urba), Projeter le « vivre ensemble » dans les écoquartiers : doxa et pratiques opérationnelles du développement urbain durable
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Axe 2 / Les conflits et fragmentation des coalitions de la gouvernance urbaine : quels effets sur la substance des politiques métropolitaines ?

Thomas Aguilera (Sciences Po Rennes, CRAPE-Arènes), Critiquer et se mobiliser dans les métropoles européennes. Des contributions militantes et de sociologues au changement de l’action publique à Paris et à Madrid

Charlotte Halpern et Simon Persico (Sciences Po, CEE), Do-parties-matter? Compétition politique, élections et transformations des politiques de transport et de mobilité à Paris et à Londres (1986-2016)

Sébastien Ségas (Université de Rennes 2, CRAPE-Arènes), Le stade ultime du néo-libéralisme ? La critique urbaine face aux équipements de spectacle sportif
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Antoine Levêque (Université de Lyon, Triangle UMR 5206)

Relégation et géographie prioritaire du développement : Le gouvernement métropolitain de la banlieue lyonnaise à l’aune des politiques de transport urbain
Cette communication traite du processus de relégation des territoires accueillants d’importants quartiers d’habitat social à partir de l’étude des politiques de transports urbains menées à une échelle d’agglomération.
A mesure que les thématiques de mobilité et d’accessibilité ont été portées au-devant des agendas urbains, figurant désormais parmi les avantages compétitifs des « métropoles », le suivi de l’investissement public des réseaux de transport dessine un développement à géométrie variable de la mobilité au détriment des populations modestes des quartiers d’habitat social.
En proposant une sociohistoire des configurations d’action publique, nous analysons trois projets successifs d’infrastructure de transport concernant Vaulx-en-Velin, commune populaire de la première couronne lyonnaise. Depuis la construction des grands ensembles dans les années 1970, ces projets s’inscrivent dans des contextes différents et incarnent ainsi les inflexions dans la définition d’un problème de desserte des banlieues populaires. Ils invitent à comprendre un processus a piori paradoxal : l’éloignement des projets de transport des grands quartiers d’habitat social est concomitant d’une intégration de la municipalité aux institutions intercommunales. Nous proposons d’éclairer ces évolutions en croisant une littérature portant sur les modes de gouvernement « métropolitain » et intercommunaux, et des études s’intéressant à la construction du problème des « quartiers » comme fondement des programmes de renouvellement urbain.

Relegation Processes and Urban Development Priorities: The Metropolitan Government of Lyon’s banlieue in the light of local transport policies
Studying urban transport policies at the metropolitan scale, this paper sheds light on the processes by which social housing neighborhoods get relegated.
As the issues of mobility and accessibility have been brought to the forefront of urban policy agendas – so much so as to be considered as significant competing advantages of cities – the studying of public investments in the realm of urban transportation shows an unbalanced development at the expense of working class groups.
Proposing a sociohistorical approach of local public policies, we analyze three successive projects of transport infrastructures targeting the city of Vaulx-en-Velin (Lyon Metro aera). Beginning in the 1970’s, when public housing dwellings where built, these projects take place in different contexts and reflect different ways of trying to solve the issue of connecting the banlieues with the rest of their respective cities. They are a strong incite to analyze what at first sight seems to be a paradox: once Vaulx-en-Velin is integrated with metropolitan institutions, the projects aiming at building new transport infrastructures in Vaulx-en-Velin gather more and more consensus at the metropolitan level but their links with public housing areas also weaken at the same time. This analysis draws on a literature dealing with local politics and inter-municipal government, as well as with a literature focusing on the ongoing construction of public housing neighborhoods as a public issue linked with urban renewal programs.

Clément Barbier (Université de Paris 8, Cresppa-CSU)

Les impasses de la « ville néolibérale ». Entre « rééquilibrage territorial » et « rayonnement international », les paradoxes de deux grands projets de renouvellement urbain dans les agglomérations de Lille et de Hambourg.
Tirée d’une comparaison de deux processus de développement urbain dans les agglomérations de Lille et Hambourg, cette contribution esquisse une double critique de la « ville néolibérale » en dégageant les limites de ce concept et les contradictions de deux projets urbains qui font écho au modèle de la « ville entrepreneuriale ». Cette présentation traite de la manière dont l’exposition internationale d’architecture de Hambourg (IBA Hamburg) et le projet de l’Union aux confins des communes de Roubaix, Tourcoing et Wattrelos combinent des objectifs de développement social local et de promotion de l’attractivité territoriale. Dans un premier temps, l’analyse socio-historique des projets permettra de mettre au jour comment en amont de leur lancement officiel, l’articulation de la catégorie de « quartier défavorisé » à celle « d’attractivité métropolitaine » n’a fait qu’infléchir un processus de tri social et symbolique des populations et des acteurs « légitimes » déjà à l’œuvre dans les programmes de géographie prioritaire antérieurs. Dans un second temps, l’étude de la mise en œuvre de l’IBA et de l’Union montrera que l’attraction du capital s’est affirmée comme un objectif prédominant qui est néanmoins articulé à d’autres idéaux d’excellence et de justice spatiale de manière différenciée : selon les rapports de forces économiques, institutionnels et politiques qui structurent chaque champ du pouvoir local.

The impasse of the « neoliberal city ». Between spatial redistribution and international attractiveness promotion : the paradoxes of two great projects of urban renewal in the metropolises of Lille and Hamburg.
Built on a comparison of two processes of urban development in the area of Lille and Hamburg, this contribution outlines a two-fold criticism of the « neoliberal city », underlining the limits of this concept as well as the contradictions of two urban projects that fit with the image of the « entrepreneurial city ». This presentation deals with the way the International Building Exhibition (IBA) Hamburg and the Union-project between the municipalities of Roubaix, Tourcoing and Wattrelos combine place-based social development with urban marketing. First, the socio-historical part of the analysis enlightens that the combination of the categories of « deprived neighborhood » and « metropolitan attractiveness » has mainly increased a process of social selection that had already begun with the previous programs of neighborhood development. Then, the second part focusing on the implementation of the IBA and the Union-project will show that even if capital attraction turned out to be a predominant objective of both projects, it has been combined with other ideals like excellence and spatial justice in a very differentiated way, depending on economic, institutional and political struggles that structure each local political scene.

François Valegas (Aix-Marseille Université, LPED, Lab’Urba)

Projeter le « vivre ensemble » dans les écoquartiers : doxa et pratiques opérationnelles du développement urbain durable
Revendiquée comme une spécificité de l’approche française des écoquartiers, la prise en compte du « volet social » est révélatrice d’une doxa du développement durable. Notre communication mettra en évidence les ressorts idéologiques des projets urbains durables au travers de l’analyse des discours et pratiques des acteurs de ces opérations.
Nous nous s’appuierons sur l’analyse de 3 démarches nationales d’appels à projets urbains durables ainsi qu’une douzaine de projets en France (documents opérationnels, corpus de textes d’anticipation sur la vie en écoquartier, entretiens auprès d’acteurs).
Les mots d’ordres de ces projets ont évolué : d’une approche initiale ayant pour objectif de prévenir d’éventuels « risques » sociaux (sélectivité sociale, perte du lien social, …), un ensemble de discours et pratiques visent désormais l’encadrement les comportements pour un « nouvel art de vivre ensemble » (MEEDAT, 2009). Dans cette perspective, le projet social des écoquartiers consiste principalement à assurer la performance écologique, la rhétorique du « vivre ensemble » participant de sa mise en récit. Des normes d’habiter, fondées sur des pratiques idéal-typiques, sont diffusées, afin de favoriser l’acceptabilité sociale des projets, à responsabiliser les habitants ou encore à contraindre leurs pratiques par des dispositifs spatiaux. Finalement, le « vivre ensemble » promu dans ces projets s’avère socialement sélectif, témoignant d’un hygiénisme renouvelé par la durabilité.

Projecting « living together » in sustainable neighborhoods: doxa and operational practices of urban sustainable development
Claimed as a specificity of French sustainable neighborhoods, social objectives of these projects reveal a doxa of sustainable development. Our presentation will highlight the ideological roots of sustainable urban projects through the analysis of discourses and practices of the actors involved in these operations.
We will study 3 national calls for projects and a dozen of projects in France (operational documents, futuristic stories of life in sustainable neighborhoods, interviews with actors).
The intentions behind these projects have changed: from an initial objective of preventing possible social risks (social selectivity, loss of social ties…), discourses and practices now aim at regulating behaviors towards a “new art of living together” (MEEDAT, 2009). In this context, the social project of sustainable neighborhoods mainly consists in ensuring ecological performance, the rhetoric of “living together” contributing to the story-telling. Some living standards, based on ideal-typical practices, are propagated in order to promote social acceptability of these projects, to make inhabitants accountable or to force them to change their ways of living by space-based devices. Eventually, the “living-together” promoted in these projects comes out to be socially selective, expressing a hygienic ideology renewed by sustainability.

Thomas Aguilera (Sciences Po Rennes, CRAPE-Arènes)

Critiquer et se mobiliser dans les métropoles européennes. Des contributions militantes et académiques au changement de l’action publique à Paris et à Madrid
Les métropoles sont bien, encore aujourd’hui, au cœur de la critique à l’égard des politiques publiques voire des institutions politiques dans leur ensemble. Les mobilisations de la dernière décennie confirment la forte territorialisation des mouvements sociaux, notamment dans les grandes villes avec des occupations de places et des squats, ou face à des projets d’aménagement qui visent la constitution de pôles métropolitains compétitifs. Ces mobilisations s’inscrivent en Europe dans des gouvernances territoriales conflictuelles et multiniveaux à travers lesquelles elles pèsent sur la conception et la mise en œuvre des politiques publiques. Les acteurs métropolitains cherchent à rendre compétitifs leurs territoires, contribuant ainsi à leur fragmentation. Mais en Europe, au-delà de capacités politiques importantes qui permettent de résister aux marchés, ils mettent aussi en place des formes de gouvernance qui associent des innovations sociales, culturelles et politiques développées dans le cadre de mouvements sociaux pour ouvrir des agendas et concevoir des politiques dites « alternatives ». Si celles-ci servent également les objectifs de compétitivité, elles témoignent aussi de la possibilité d’un changement des politiques « par le bas » : les mobilisations critiques impulsent des innovations, infiltrent les administrations, font changer les politiques sur le moyen terme, tout en conservant leur identité et modes d’action subversifs. Dans cette communication, la comparaison des mouvements squats à Paris et à Madrid permet d’identifier les conditions dans lesquelles des effets sont produits sur la gouvernance et les politiques métropolitaines. La communication adopte également une posture réflexive en étant attentive à la façon dont les sociologues urbains participent encore au développement d’une pensée critique du fait métropolitain et plus largement des institutions politiques.

Criticizing and Protesting in European Metropolises. Contributions from activists and academics to change public policies in Paris and Madrid
Nowadays, metropolises are still at the core of criticism of public policies and even political institutions as a whole. The mobilisations of the last decade confirm the strong territorialization of social movements, especially in large cities, with the occupations of publics spaces and squats, or against development projects that aim at the conception of competitive metropolitan centers. These mobilisations are part of the conflicting and multilevel governance in Europe through which they influence design and implementation of policies. Metropolitan actors seek to make their territories competitive, thus contributing to their fragmentation. But in Europe, beyond the important political capacities that resist markets and the so-called neoliberalization, they also settle forms of governance that integrate social, cultural and political innovations developped by social movements organizations in order to open “alternative” agendas and policies. These policies also aim at creating attractiveness. But they also testify to the possibility of changing policies “from below” : critical mobilizations stimulate innovations, infiltrate administrations, change policies over the medium term, while conserving their subversive identities and modes of action. In this paper, through the comparison of squatting movements in Paris and Madrid, I identify the conditions in which social movements can produce effects on metropolitan governance and policies. The paper also adopts a reflexive point of view about the role of sociologists who still participate to the development of critical thinking of metropolization and more broadly of political institutions.

Charlotte Halpern et Simon Persico (Sciences Po, CEE)

Do-parties-matter? Compétition politique, élections et transformations des politiques de transport et de mobilité à Paris et à Londres (1986-2016)
Dans quelle mesure la compétition politique partisane explique-t-elle les changements de politiques publiques dans les métropoles européennes ? Cet article interroge le rôle des partis dans les transformations survenues entre 1986 et 2016 dans les politiques de transport et de mobilité à Londres et Paris, deux métropoles-capitales réputées ingouvernables et dont la vie politique est dominée par des enjeux de politique nationale. La question du “Do-parties-matter?” permet d’explorer plusieurs hypothèses quant aux dynamiques de politisation dans deux métropoles présentant des situations contrastées en termes de trajectoire et de degré d’autonomisation par rapport au gouvernement central, et des pouvoirs et de l’élection du maire.
A partir de l’enquête réalisée dans le cadre du projet de recherche CREATE (Horizon 2020), l’article analyse la relation entre dynamiques de politisation et processus d’action publique à partir de données quali-quantitatives sur les programmes électoraux et les politiques publiques mises avec en œuvre dans les deux métropoles. L’article commence par analyser le degré de conflictualité des enjeux liés aux transports et à la mobilité en période de campagne électorale, puis le lien entre ces programmes et les politiques effectivement mises en œuvre. Enfin, il explique les variations du conflit inter-partisan et le respect des promesses à partir de l’évolution des formes de gouvernance et des relations nouées par les acteurs politiques.

Do-parties-matter? Elections, mayors and transport policy processes in Paris and London (1986-2016)
To what extent does the “Do-parties-matter?” question contributes to explaining policy processes in European metropolises? This paper examines the role of political parties in transport and mobility policy processes between 1986 and 2006 in London and Paris. These capital cities are often characterized as ungovernable and their political life is dominated by national policy issues. By focusing on two contrasting cases in terms of degrees of institutional capacity and the mayor’s powers and election, the “Do-parties-matter?” question allows developing several hypotheses in order to account for and explain the impact of dynamics of politicization at the metropolitan level on policy processes.
Drawing on the data gathered as part of the CREATE research project (Horizon 2020), this article explores the relationship between dynamics of politicization and transport policy processes by combining a statistical analysis of electoral manifestos and transport policy outputs with a qualitative interpretation of the data gathered during a series of individual and collective interviews in both metropolises. The article begins with an analysis of degrees of salience of transport and mobility issues during electoral campaigns. It then explores the relationship between political programmes and policy outputs. Finally, it highlights variations in inter-partisan conflict and respect for electoral promises by analyzing evolving forms of governance in the field of transport.

Sébastien Ségas (Université de Rennes 2, CRAPE-Arènes)

Le stade ultime du néo-libéralisme ? La critique urbaine face aux équipements de spectacle sportif
La construction de stades ou d’arénas constitue un des objets privilégiés de la critique urbaine en Amérique du Nord (Belanger, 2000 ; Sam et Scherer, 2010 ; Schimmel, 2015). Dans ces travaux, la construction ou la rénovation de ces équipements sont appréhendées à l’aide de concepts tirés à la fois de l’économie politique urbaine et de l’approche situationniste de Guy Debord. Ces recherches montrent comment, dans un contexte de compétition interurbaine (Molotch, 1976), émergent des coalitions de croissance réunissant élites économique et politique visant à attirer ou à garder des franchises des ligues professionnelles dans le cadre de stratégies de développement territorial (Schimmel, 2001). Ces analyses mettent également en lumière les inégalités socio-spatiales générées par ces constructions d’équipements : la nature consensuelle du sport professionnel servirait de masque à des opérations défavorables aux classes populaires. A partir de l’analyse de cas français et nord-américains,  cette communication entend montrer les limites de ce type d’approche. La critique urbaine a une lecture probablement trop mécanique des effets de la compétition interurbaine : elle surévalue le consensus des élites politiques et économiques autour de ce type d’objectif. A contrario, la critique urbaine sous-estime la capacité des coalitions « anti-développement sportif » à politiser ce type de problème et à remettre en cause ce type de projet.

The final stage of neo-liberalism? Critical urban studies and professional sports facilities
The construction of stadiums or arenas is one of the main topics in the field of critical urban studies in North America (Bélanger, 2000; Sam and Scherer, 2010; Schimmel, 2015). This kind of analysis mobilizes both political economy and situationist analytical frameworks to study the construction and renovation of arenas and stadiums.
These researches show how, in a context of urban competition (Molotch, 1976), economic and political urban elites form “growth coalitions” which, in an economic development perspective, intend to attract or to keep professional sports leagues franchises (Schimmel, 2001). These analyses also highlight the spatial inequalities generated by these constructions: the consensual nature of professional sports would conceal operations that would harm the working class. Based on the analysis of French and North American cases, this communication intends to show the limits of such an approach. Critical urban studies have a too mechanistic view of the urban competition effects: they overestimate the consensus of political and economic elites on this kind of goal. Conversely, critical urban studies underestimate the ability of “anti-arena or ‘anti-stadium” coalitions to politicize this kind of problem and to question this kind of project.

Mercredi 12 juillet 2017 14h00-18h00

AGUILERA Thomas thomas.aguilera@sciencespo.fr
BARBIER Clément clement.barbier@cnrs.fr
BARDET Fabrice fabrice.bardet@entpe.fr
CADIOU Stéphane stephane.cadiou@univ-st-etienne.fr
HALPERN Charlotte charlotte.halpern@sciencespo.fr
LE GALES Patrick patrick.legales@sciencespo.fr
LEVEQUE Antoine antoine.n.leveque@gmail.com
PERSICO Simon simon.persico@sciencespo.fr
POLLARD Julie julie.pollard@unil.ch
RAIMBAULT Nicolas nicolas.raimbault@liser.lu
REIGNER Hélène helene.reigner@univ-amu.fr
SEGAS Sébastien sebastien.segas@univ-rennes2.fr
VALEGEAS François francoisvalegeas@hotmail.fr