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ST46

Les représentations enfantines du politique

Children’s Representations of Politics

Responsables scientifiques
Julie Pagis (CNRS, CERAPS) julie.pagis@univ-lille2.fr
Alice Simon (Université de Montpellier, CEPEL) alice.simon@umontpellier.fr

Comment les enfants se représentent-ils l’univers politique? Quelles perceptions ont-ils du monde social et de ses hiérarchies? En quoi les représentations enfantines du politique diffèrent-elles en fonction de l’origine sociale, du genre, de l’âge, de l’origine migratoire, etc. ? Cette section thématique se propose d’interroger la sociogenèse des représentations individuelles et collectives du politique pendant l’enfance. Pour ce faire, elle adoptera une définition large du politique, qui n’inclut pas seulement le rapport à la politique comme univers spécialisé, mais l’ensemble des représentations et des pratiques orientées par des divisions – potentiellement conflictuelles – du monde social, et ce faisant construites comme politiques (Leca 1973). Les multiples dimensions de l’expérience sociale des enfants (socialisation religieuse, trajectoires scolaires, rapports à l’autorité parentale ou enseignante, sociabilités, etc.) seront ainsi appréhendées comme autant d’éléments susceptibles de nourrir leurs représentations et leurs comportements politiques (Maurer 2000). À partir d’enquêtes exclusivement menées auprès d’enfants, la section thématique se donne pour objectif d’explorer les différents « ingrédients » (Simon 2015) mobilisés par les enfants pour (re)connaître, comprendre et juger le monde social en général et l’univers politique en particulier.

La démarche scientifique de la section thématique s’inscrit dans un renouveau encore balbutiant de l’appréhension de l’enfance par les sciences sociales. Les enquêtes empiriques où les enfants sont directement interrogés sont en effet peu nombreuses (à l’exception des travaux d’inspiration clinique, en psychologie notamment), et posent encore de nombreuses questions épistémologiques. Pour synthétiser, ces travaux peuvent être situés entre deux pôles théoriques : d’un côté, les enfants sont considérés comme étant de purs produits de leur socialisation, laquelle est alors conçue de façon restrictive et mécanique, comme un processus d’inculcation (les behavioristes interrogent ainsi à partir des années 1960 les enfants sur leurs orientations politiques dans l’objectif de comprendre la reproduction du système politique, par exemple Hess, Torney 1967 ; Easton, Dennis 1969); de l’autre, les enfants sont appréhendés comme des acteurs autonomes, créant leur propre société et leur propre culture : certains récents travaux émanant des Childhood Studies – et de leur prolongement français, la Sociologie de l’enfance – rejettent la notion même de socialisation pour mettre l’accent sur l’agency enfantine, et sur les mécanismes de création dont disposeraient les enfants (par exemple James, Jenks, Prout 2005).
Entre ces deux pôles, plusieurs auteurs proposent une approche alternative de l’enfance, initiée notamment par les travaux d’A. Percheron (1974) mais aussi dans le monde anglo-saxon ceux de R.W. Connell (1971). Ces deux auteurs ont ouvert la voie à une réflexion qui ne cherche plus à prédire le vote futur des enfants mais davantage à comprendre comment se forme leur univers politique en s’intéressant à la fois au poids des déterminants sociaux et aux processus d’appropriation de l’héritage. Leurs travaux ont suscité le développement de chantiers de recherche consacrés à l’influence respective des divers agents et cadres de la socialisation politique enfantine, notamment l’influence familiale, à travers des études appariées ou longitudinales (par exemple Muxel 1992 ; Tournier 2000 ; Jennings et al 2001). Non dénoués d’intérêt, ces travaux se sont pour la plupart éloigné des enfants eux-mêmes et de leurs représentations. Ces dernières années, un certain renouveau des études sur l’enfance semble voir le jour : prenant pour objet les discours enfantins, elles s’éloignent souvent de l’étude de la transmission pour adopter une démarche plus compréhensive concernant la façon dont les enfants, appréhendés dans leur diversité, donnent du sens au monde social. En sociologie politique, on note notamment les travaux de B. Zarca (2000) ; W. Lignier et J. Pagis (2012 ; 2014) ; K. Throssell (2015). Du côté de la sociologie et de l’anthropologie, des travaux très stimulants s’éloignent de certains postulats des Childhood Studies en ré-encastrant l’étude de l’enfance dans un contexte social plus large (notamment Lareau 2003 ; Lancy 2014). Ces différents travaux semblent donc laisser la place à une nouvelle sociologie des enfants, qui sont alors considérés comme des individus sociaux parmi d’autres dont il s’agit d’étudier les représentations. Ces travaux demeurent, cependant, relativement isolés dans leurs disciplines respectives et très hétérogènes du point de vue des objets qu’ils étudient, de leur méthodologie et de leur cadre théorique. Cette section thématique se propose ainsi de faire dialoguer différentes disciplines et approches méthodologiques des représentations enfantines afin de participer à structuration naissante des sciences sociales de l’enfance.

Les communications présenteront des enquêtes empiriques issues de plusieurs disciplines (science politique, sociologie, psychologie, géographie), qui portent sur les perceptions qu’ont les enfants de leur environnement social et spatial, de l’univers politique spécialisé, du genre ou encore d’instances de participation politique des enfants. Cette section thématique entend dépasser le débat reproduction vs/ agency et propose de considérer les enfants comme des acteurs multi-déterminés, à l’instar de leurs aînés, dont il s’agit alors d’appréhender les croyances, les représentations et les comportements. Une attention particulière sera portée lors des discussions collectives aux logiques de différenciation des perceptions enfantines du politique et à la pluralité des comportements et représentations. Par ailleurs, la section thématique entend s’interroger sur des questions méthodologiques : comment accéder aux représentations enfantines du politique ? De nombreux défis, liés à l’âge et aux capacités cognitives des enquêtés, se posent en effet à de telles recherches. Les chercheurs qui interrogent les enfants font souvent preuve d’une certaine inventivité méthodologique pour s’adapter aux nombreuses spécificités de l’enfance par rapport à l’âge adulte (par exemple Greene, Hill 2005 ; Throssell 2015), mais tout l’enjeu est de ne pas produire, pour autant, une analyse homogénéisant artificiellement l’enfance.

How do children view the political universe? What are their perceptions of the social world and its hierarchies? How do children’s representations of politics differ according to their social origin, their gender, their age, their cultural origin etc.? This thematic section intends to explore the sociogenesis of individual and collective representations of politics during childhood. Here we consider politics in a broad sense: this section is not only interested in the specialized political sphere, but in all types of representations and behavior that are oriented towards (potentially conflictive) divisions of the social world and which are therefore constructed as political (Leca 1973). The multiple dimensions of children’s social experience (such as their religious socialization, their relation to authority, their social relationships, etc) can therefore be considered as elements that nourish their representations and their political behavior. The thematic section will only be based on studies conducted with children. It aims to explore the different “ingredients” (Simon 2015) that children mobilize in order to recognize, understand and judge the social world and the political universe.

This thematic section falls within a renewed scientific approach to childhood, which is still in its infancy. There are only a handful of studies based on interviews with children exploring the political, and many epistemological questions remain. Between studies which, on one side, consider children as pure products of a socialization-inculcation process and studies which, on the opposite, consider children as autonomous producers of a specific “children’s culture”, the thematic section intends to understand how their political universe is formed, through a study of the social determinants of political socialization and through the examination of the process of appropriation of the social heritage. In line with studies which are interested in the way children, considered in all their diversity, give meaning to the social world (for example Zarca 1999 ; Lignier, Pagis 2012 ; 2014 ; Throssell 2015) and with recent sociological and anthropological studies which aim to place the study of childhood in a broader social context (in particular Lareau 2003 ; Lancy 2014), this thematic section intends to establish a dialogue between different academic fields and methodological approaches, in order to participate to the structuring of this renewed social science of childhood.

Empirical studies from diverse academic fields (political science, sociology, psychology, geography) will be presented. These studies address children’s perceptions of their social environment, the specialized political universe, gender, among other elements that directly or indirectly impact their apprehension of politics. The section intends to go beyond the debate between reproduction and agency. It suggests that children can be considered as multi-determined actors, just like adults, whose beliefs, representations and behavior can be studied. The collective discussion will question the logics of differentiation of children’s perceptions of politics, in order to apprehend the plurality of behavior and representations. The thematic section will also be interested in the methodological issues related to the understanding of children’s representations of politics. Indeed one of the difficulties in this field is that the research must adapt to the specificity of childhood compared to adulthood without artificially homogenizing childhood.

REFERENCES

CONNELL R. (1972), « Political socialization in the American family : the evidence reexamined », Public Opinion Quarterly, 36(3).
EASTON D., DENNIS J. (1969), Children in the Political System: origins of political legitimacy, New York, Mc Graw-Hill, 1969.
HESS R., TORNEY J. (1967), The Development of Political Attitudes in Children, Chicago, Aldine Publishing Company.
JAMES A., JENKS C., PROUT A. (2005) [1998], Theorizing Childhood, Cambridge, Polity Press.
JENNINGS K., STOKER L., BOWERS J. (2001), Politics Across Generations: Family Transmission Reexamined, UC Berkeley, Institute of Governmental Studies.
LANCY D. (2014), The Anthropology of Childhood ; Cherubs, Chattel, Changelings, Cambridge, Cambridge University Press.
LAREAU A. (2003), Unequal childhoods ; Class, race, and family life, Berkeley, Los Angeles, University of California Press
LECA J. (1973), « Le repérage du politique », Projet, vol. 71, n°1, janvier.
LIGNIER W., PAGIS J. (2012), « Quand les enfants parlent l’ordre social. Enquête sur les classements et jugements enfantins », Politix, 99(3).
LIGNIER W., PAGIS J. (2014), «Inimitiés enfantines ; l’expression précoce des distances sociales », Genèses, 3.
MAURER S. (2000), « Ecole, famille et politique : Socialisations politiques et apprentissage de la citoyenneté. Bilan des recherches en science politique », Dossier d’Étude de la CNAF, N°15, décembre.
MUXEL A. (1992), « L’âge des choix politiques : une enquête longitudinale auprès des 18 – 25 ans », Revue Française de Science Politique, 33 (2).
PERCHERON A. (1974), L’Univers Politique des Enfants, Paris, Armand Colin.
THROSSELL K. (2015), Child and Nation; A Study of Political Socialisation and Banal Nationalism in France and England, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang.
TOURNIER V. (2000), « Filiation et politique ; la construction de l’identité et ses conséquences», in Brechon P., Laurent A., Perrineau P. (dir.), Les cultures politiques des français, Paris, Presses de Sciences Po.
ZARCA B. (1999), « Le sens social des enfants », Sociétés contemporaines, 36.

Axe 1 / Les dispositifs participatifs à destination des enfants

Discutante : Sophie Duchesne (CNRS, Institut des Sciences sociales du Politique)
Présidente de séance : Alice Simon

Brice Angrand (Triangle, Université Lumière Lyon 2), La socialisation politique enfantine : L’exemple des conseils municipaux d’enfants
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Jessica Brandler-Weinreb, Armelle Gaulier, Marion Paoletti (Centre Émile Durkheim) ; Stéphanie Constans (CREN, Université de Nantes) ; Véronique Rouyer (Laboratoire de Psychologie, Université de Bordeaux), Perceptions du politique et construction de la citoyenneté : les expériences des enfants du Conseil Municipal des Enfants de Bordeaux
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Yoan Mieyaa, Huet-Gueye, M., Fourchard, F., Beaumatin, A., & Larroze-Marracq, H. (Laboratoire Psychologie de la Socialisation : Développement et Travail, Université de Toulouse Jean Jaurès), Approche psychologique des expériences enfantines de la citoyenneté : Appropriation d’un dispositif de conseil d’élèves par des enfants de 7-8 ans

Axe 2 / Les perceptions enfantines des hiérarchies sociales

Discutant : Bertrand Geay (CURAPP, Université de Picardie Jules Vernes)
Présidente de séance : Julie Pagis

Anne-Cécile Ott (Géographie-cités, équipe P.A.R.I.S, Université Paris 1), Les représentations spatiales comme révélateur du sens politique et social des enfants – L’exemple des visions enfantines du Monde et de l’Europe
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Kévin Diter (Inserm, Université Paris Sud), « Amour = gloire + beauté ? » : Les mécaniques socialement différenciées du cœur des enfants
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Alice Simon (CEPEL, Université de Montpellier), Apprendre à juger l’univers politique ; étude de rapports normatifs à la politique chez les enfants de 8 à 11 ans
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Brice Angrand (Triangle, Université Lumière Lyon 2)

La socialisation politique enfantine : L’exemple des conseils municipaux d’enfants
La communication proposée aura pour objet l’analyse des processus de socialisation politique enfantine ainsi que de leurs « effets » sur les représentations et la participation politique des enfants. Pour ce faire, nous nous appuierons sur un travail de recherche ethnographique engagé depuis maintenant 4 ans auprès de Conseils Municipaux d’Enfants (CME) de communes de banlieues populaires de l’agglomération lyonnaise. Cette étude se fonde notamment sur de très nombreuses observations ainsi que sur un grand nombre d’entretiens biographiques avec les jeunes élus et leurs familles. A cette occasion, nous présenterons le portrait approfondi d’une jeune élue qui nous servira de référence pour évoquer nos premiers résultats. A ce titre, il apparaîtra que les représentations enfantines du politique sont souvent le fait de « bricolages », au croisement de la socialisation familiale, du mode scolaire de socialisation et, ici, de la participation à ces CME.

Children’s political socialization : The example of Children’s City Councils
The purpose of this paper will be to analyze the processes of children’s political socialization and their « effects » on the representations and political participation of the children. To do this, we will rely on an ethnographic research initiated for 4 years now with Children’s City Councils of municipalities of working-class suburbs in the urban area of Lyon. This study is particularly based on numerous observations as well on a large number of biographical interviews made with young elected representatives and their families. On this occasion, we will present the in-depth portrait of a young candidate who will serve us as a reference to evoke our first results. As such, it will appear that the child’s representations of politics are often the result of « tinkering », at the crossroads of family socialization, School mode of socialization and, here, participation in these Children’s City Councils.

Jessica Brandler-Weinreb, Armelle Gaulier, Marion Paoletti (Centre Émile Durkheim) ; Stéphanie Constans (CREN, Université de Nantes) ; Véronique Rouyer (Laboratoire de Psychologie, Université de Bordeaux)

Perceptions du politique et construction de la citoyenneté : les expériences des enfants du Conseil Municipal des Enfants de Bordeaux
L’objectif de cette communication est d’analyser, dans une approche pluridisciplinaire (anthropologie, science politique, sociologie, psychologie) l’expérience du politique et de la citoyenneté des enfants (9/10 ans) du Conseil Municipal des Enfants (CME) de Bordeaux. L’enquête est fondée sur l’observation des séances plénières et thématiques de ce conseil ainsi que sur des entretiens recueillis directement auprès des enfants et des adultes ( parents, animateurs du dispositif, instituteurs, élus municipaux). Si l’ensemble des adultes voient dans ce dispositif un mode d’éducation performant pour la citoyenneté future, les enfants témoignent de logiques d’appropriation différenciées, allant de l’ennui poli vis-à-vis d’une activité qui apparaît formelle et scolaire à l’engagement volontaire « au service des autres », au-delà d’une expérience commune et enchantée de l’élection. Les logiques d’adhésion à ce dispositif (dont la ressemblance avec le Conseil Municipal des adultes ne cesse d’être rappelée aux enfants en séance) dépend davantage du soutien par ailleurs très variable de l’école (instituteurs/direction) à l’exercice du mandat de l’enfant et à sa valorisation plus que de facteurs liés à l’origine sociale ou au genre. Si l’expérience au sein du Conseil Municipal des Enfants apparaît bien dans la continuité de l’expérience scolaire, les enfants se montrent globalement satisfaits de celle-ci.

Perceptions of the political world and construction of citizenship: the experiences of the members of the Children’s City Council of Bordeaux
The communication aims at analyzing in a multidisciplinary approach (anthropology, political science, sociology, psychology) the experiences of politic and citizenship of children (aged 9 and 10) from the Children’s City Council of Bordeaux. The survey is based on the Council’s plenary sessions and thematic workshops as well as interviews of these children and adults (discussion leaders, teachers, elected officials). Although every adult see this system as an effective educational process in regard to future citizenship, children developed differentiated approaches, from boredom towards an activity that seems scholar and formal to a voluntary commitment to “helping others”, beyond a common and delighted experience of the election. The adhesion to this system (whose resemblance to the adult version of the City Council keeps being brought up by children) depends more on school’s support otherwise highly variable (teachers and administration) to children’s experience and to its valuation more than on factors such as social origin or gender. If the experience in the Chidren’s City Council appears as positive in the continuity of school experience, children are globally satisfied with its.

Yoann Mieyaa, Huet-Gueye, M., Fourchard, F., Beaumatin, A., & Larroze-Marracq, H. (Laboratoire Psychologie de la Socialisation : Développement et Travail, Université de Toulouse Jean Jaurès)

Approche psychologique des expériences enfantines de la citoyenneté : Appropriation d’un dispositif de conseil d’élèves par des enfants de 7-8 ans
Cette communication a pour objectif de présenter comment, dans le cadre d’une approche psychologique, nous pouvons analyser l’expérience sociale que les enfants font de dispositifs d’éducation à la citoyenneté. Au-delà d’une problématisation théorique, notre communication rendra compte des résultats d’une étude empirique qualitative menée, dans des écoles élémentaires de l’Académie de Toulouse, auprès d’enfants scolarisés en CE1-CE2 et participant à des dispositifs de conseils d’élèves. Les objectifs de ce travail de recherche peuvent être synthétisés sur deux axes principaux. Le premier consiste, au plan descriptif, à repérer, du point de vue des élèves, les caractéristiques de ces expériences sociales, en quoi selon eux les dispositifs d’éducation à la citoyenneté, auxquels ils participent, présentent des spécificités par rapport à d’autres expériences de socialisation citoyenne. L’objectif étant ici d’étudier le processus d’appropriation à travers les significations et représentations élaborées par les enfants. Le second volet s’attache, au plan interprétatif, à apprécier la contribution spécifique de ces expériences sociales au processus global de socialisation citoyenne en analysant les représentations et conduites des enfants vis-à-vis de la citoyenneté et les liens qu’ils élaborent entre leurs diverses expériences de socialisation et leurs conceptions de la citoyenneté et du politique.

Psychological approach to the childhood experiences of citizenship: Appropriation of pupils’ counseling by children aged 7-8 years
The objective of this communication is to present how, within the framework of a psychological approach, we can analyze the social experience that children make of education systems for citizenship. Beyond a theoretical problematic, our presentation will report on the results of a qualitative empirical study carried out in elementary schools of the Toulouse Academy with children enrolled in CE1-CE2 and participating in counseling schemes. The objectives of this research can be synthesized on two main axes. The first consists, from a descriptive perspective, in identifying the characteristics of these social experiments from the students’ point of view, in what way, according to them, are the systems of education for citizenship in which they participate present specific features. The objective here is to study the process of appropriation through the meanings and representations elaborated by the children. In the second part of the study, the interpretive level is concerned with assessing the specific contribution of these social experiences to the overall process of citizen socialization by analyzing the representations and behaviors of children with regard to citizenship and the links they develop between their various experiences of socialization and their conceptions of citizenship and politics.

Anne-Cécile Ott (Géographie-cités, équipe P.A.R.I.S, Université Paris 1)

Les représentations spatiales comme révélateur du sens politique et social des enfants – L’exemple des visions enfantines du Monde et de l’Europe
Les sciences sociales ne se sont que tardivement intéressées aux représentations des enfants, et notamment aux représentations enfantines du politique, mais ce thème reste largement ignoré par l’une d’entre elles : la géographie. Dès 1971, dans The Child’s construction of Politics, RW Connell met pourtant en lumière l’importance de l’espace dans les rapports des enfants à la sphère politique. Les espaces du foyer, de la classe, de la cour de récréation, en tant que théâtres de confrontations aux autres et de rapports de force, constituent par exemple bien souvent les premières pratiques enfantines des divisions du monde social. Cette contribution se propose néanmoins d’explorer des espaces et échelles géographiques moins souvent étudiées : le Monde et l’Europe. Mes travaux de terrain menés depuis 2013 auprès d’enfants âgés de 4 à 11 ans ont en effet souligné l’intérêt de leurs représentations spatiales (et notamment des petites échelles) pour révéler leur sens politique et social. A partir d’observations participantes et d’activités expérimentales menées dans des écoles maternelles et primaires alsaciennes aux profils socio-économiques différents, mais aussi d’entretiens réalisés avec le personnel enseignant et des parents d’élèves, je montrerai tout d’abord que les enfants ont bel et bien des représentations spatiales, et qui se déploient à plusieurs échelles. Il s’agira ensuite de montrer en quoi ces représentations enfantines sont souvent politiques et peuvent être un vecteur de « repolitisation » des questions spatiales, largement dépolitisées par les institutions scolaires. Ces représentations de l’espace et du politique sont cependant loin d’être homogènes et il faudra insister sur les processus de différenciations sociales qui sont à l’œuvre.

Spatial representations as indicators of children’s political and social awareness – The example of children’s visions of Europe and the World
Children’s representations (and especially their representations of politics) have not been studied by social sciences for a long time and they are still largely ignored by geography. However, as early as 1971, RW Connell underlines the importance of space in children’s relations to politics in The Child’s construction of politics. Indeed, places like home, classrooms or playgrounds, as sites of power relations, confront children to the divisions of the social world. This paper deals with spaces and scales that are poorly researched yet: Europe and the World. Drawing on fieldwork carried since 2013 with four-year-old to eleven-year-old children in Alsatian nursery and primary schools, I argue that their spatial representations are good indicators of their political and social awareness. Analysing some results of participant observations and experimental activities with children and interviews with parents and teachers, I will first show that children have indeed spatial representations, both of large and small scales. Then I will underline that these representation are largely political and that the children are “repoliticizing” spatial issues, although the educational system present them in a very unpolitical way. However, I lay stress on the fact that they do so in various ways according to their social background.

Kévin Diter (Inserm, Université Paris Sud)

« Amour = gloire + beauté ? » : Les mécaniques socialement différenciées du cœur des enfants
Les amours et désamours enfantins restent un objet d’étude peu investi par les sciences sociales de l’enfance. A l’exception de quelques travaux, la plupart des chercheurs ont largement ignoré les manières dont se font, se défont et se refont les relations affectives des enfants, leurs conditions sociales de possibilité, ainsi que les critères d’élection et de sélection qui président à l’élaboration des « choix » et catégorisations enfantines (allant de pires ennemi.e.s à amoureux en passant par copain.ine.s).
Ce faisant, ils oublient non seulement que les amours et désamours des enfants sont des jugements socialement différenciés et différenciants mettant en œuvre leurs perceptions du monde social et de ses hiérarchies, mais en plus ils négligent le fait que ces catégorisations constituent souvent des indices de proximité ou de distance sociales entre pairs.
A partir d’une enquête ethnographique d’un an réalisée dans une école primaire, cette présentation a pour but de caractériser les mécaniques du cœur des enfants en soulignant les raisons et logiques qui sont à l’origine de leurs (dé)goûts pour certains de leurs camarades.
Nous verrons tout d’abord que, dès l’enfance, l’homogamie est déjà très présente et que la sélection sociale est plus forte à mesure que le lien affectif est proche : les enfants ressemblant davantage à leurs ami.e.s qu’à leurs ennemi.e.s. Ensuite, ce sont les traits à partir desquels les enfants jugent leurs camarades (beau, propre, intelligent…) qui seront discutés. Ainsi montrerons-nous que les critères et les lois de l’attraction varient selon le genre, l’âge et le milieu social des enfants.

‘Love = reputation + beauty?’: The socially differentiated mechanics of children’s heart
Children’s likes and dislikes for their fellows are rarely broached topics in the childhood studies. With some sporadic exceptions, most of scholars have ignored how children’s affective and emotional relationships are (re)created or come undone, the social conditions of their possibilities, as well as the criteria of election and selection of children’s “choice” and categorizations (where classmates are ranked from worst enemies to lovers through buddies).
In doing so, researchers not only forget that children’s loves and aversions are socially differentiated judgments emphasizing their perceptions of the social world and its hierarchies, but they also neglect that children’s categorizations are often strong markers to grasp social proximity or distance between kids.
Based on a one-year participant observation in a primary school, this paper aims to capture the (social) mechanics of children’s heart by shedding light on the reasons and logics that are behind children’s (dis)tastes for their schoolmates.
Firstly, we will indicate that homogamy is already present from (early) childhood. The social selection is stronger as the affective or emotional relationship is closer. The expression “birds of a feather flock together” is all the more true that it is related to (best) friends or lovers as compared to classmates or enemies. Secondly, we will identify the different features used by girls and boys to judge and assess their fellows (beauty, cleanliness, smartness…). Specifically, we will highlight that children criteria, as well as the rules of (love) attraction, vary by gender, but above all according to children’s age and social background.

Alice Simon (CEPEL, Université de Montpellier)

Apprendre à juger l’univers politique ; étude de rapports normatifs à la politique chez les enfants de 8 à 11 ans
Comment les enfants parviennent-ils à donner du sens à l’univers politique ? Cette communication est basée sur une étude empirique, alliant méthodes quantitatives et qualitatives, portant sur le rapport des enfants de 8 à 11 ans à l’univers politique spécialisé. Elle montre que les représentations ordinaires de la politique, dès l’enfance, sont bien souvent chargées de valeurs et de jugements. Les enfants, en effet, apprennent à juger le monde politique en même temps qu’ils apprennent à le connaître. Ainsi, l’opinion ne suit pas nécessairement la connaissance : au contraire, elle la précède bien souvent. La « compréhension » et le « jugement » apparaissent alors largement entremêlés, au point que ces deux dimensions du rapport à la politique ne peuvent bien souvent être dissociées. Le processus d’appréhension des phénomènes politiques ne consiste pas en la simple prise en charge cognitive d’informations, mais également en l’intériorisation de normes et de jugements, qui sont associées aux informations acquises et qui permettent de leur donner du sens. On peut ainsi parler de savoirs normatifs, c’est-à-dire d’informations cognitives chargées normativement. Contrairement à ce qu’a longtemps affirmé la littérature anglo-saxonne sur la socialisation politique, les normes acquises par les enfants concernant le monde politique ne les mènent pas toujours à valoriser le monde politique – bien au contraire.

Learning to judge the political universe; results of a study on normative relations to politics in 8 to 11 years old children
How do children make sense of the political universe? This communication is based on an empirical study, which combines quantitative and qualitative methods and which studies 9 to 11 years old children’s relation to the specialized political universe. It shows that ordinary representations of politics, from childhood on, are often charged with values and judgments. Opinion does not necessarily follow knowledge: on the contrary, opinion often precedes knowledge. “Understanding” and “judgment” then appear to be intertwined, so that these two dimensions of political learning often cannot be dissociated. The process of political learning does not include only the acquisition of facts, but also the internalization of norms and judgments, which allow making sense of the information. The cognitive information that is charged with normative judgments can be called normative knowledge. Contrary to what has long been shown by the Anglo-Saxon literature on political socialization, the norms and values children learn about the political universe do not always lead them to valorize the political universe – quite the opposite.

Mercredi 12 juillet 2017 9h00-13h00

ANGRAND Brice Brice.Angrand@univ-lyon2.fr
BRENDLER-VEINREB Jessica
CONSTANS Stéphanie
DITER Kévin kevin.diter@inserm.fr
DUCHESNE Sophie sophie.duchesne.guilluy@gmail.com
GAULIER Armelle armellegaulier@hotmail.com
GEAY Bertrand bertrand.geay@u-picardie.fr
MIEYAA Yoan mieyaa@univ-tlse2.fr
OTT Anne-Cécile anne-cecile.ott@parisgeo.cnrs.fr
PAGIS Julie julie.pagis@univ-lille2.fr
PAOLETTI Marion marion.paoletti@u-bordeaux.fr
ROUYER Véronique veronique.rouyer@u-bordeaux.fr
SIMON Alice alicesimon@hotmail.fr