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Réponses politiques aux menaces « terroristes » : Approches comparées

Policy responses to “terrorist” threats: Comparative approaches

Responsables scientifiques
Alice Pannier (Sciences Po/CERI et IRSEM) alice.pannier@sciencespo.fr
Jean-Vincent Holeindre (Université de Poitiers/CECOJI) jvholeindre@gmail.com

Depuis les événements du 11 septembre 2001 et la chute de Kaboul, quinze ans se sont écoulés au cours desquels les réponses publiques aux menaces dites « terroristes » ont évolué, à la fois sur le plan domestique et international. Les faits récents en France et en Belgique rappellent l’importance empirique persistante du phénomène ainsi que son caractère polymorphe, puisqu’il affecte l’ensemble des sociétés dans leur diversité. De fait, la « menace terroriste » se présente comme un méta-enjeu politique, dans sa construction comme dans les réponses apportées, puisqu’elle suppose la mobilisation d’outils discursifs, juridiques, militaires, diplomatiques et économiques, tout en recoupant des questions normatives quant aux régimes politiques concernés.
Partant, la section thématique s’organise autour d’un double questionnement, empirique et méthodologique : Comment ces réponses politiques à la « menace terroriste » s’inscrivent-elles dans l’action publique sécuritaire intérieure et extérieure des Etats ? La question sera abordée dans une perspective comparative : Comment la réponse s’élabore-t-elle dans les Etats de régimes politiques différents, et au sein des différents appareils desdits Etats ? Quelles convergences peut-on identifier dans les pratiques ?

Les exemples français et belges récent illustrent bien l’impact des actions terroristes sur l’Etat et ses politiques de sécurité, et, de là, des points de comparaison possible. Les attaques de janvier et de novembre 2015 puis de mars 2016 ont entrainé des réformes sécuritaires et le retour de certains débats au niveau national (réforme de la Constitution française, débats autour de la déchéance de nationalité) et européen (ex. « Passenger Name Record », PNR). Elles ont également entrainé un renforcement des interventions militaires, avec l’extension des frappes aériennes françaises au territoire syrien au lendemain du 13 novembre.
Ainsi, au premier abord, on peut identifier une variété d’instruments et d’échelles d’action mobilisés ou mobilisables par les pouvoirs publics. D’une part, les instruments internes (ou « domestiques »), notamment par le biais d’une surveillance accrue, d’une réforme des services de renseignement, ou de programmes de « dé-radicalisation ». La réponse à la menace terroriste donne lieu également à différentes modalités d’actions à l’étranger. D’abord, les interventions armées, où l’on observe un relatif effacement des frontières entre divers types d’interventions (interventions de « regime change », accords de coopération et aide au développement, opérations clandestines…). A l’échelle régionale en Europe et au niveau transatlantique également, les réponses se développent de manière intergouvernementale et supranationale, autour des coopérations entre services de renseignement, notamment.
Dans ces diverses perspectives, le terrorisme international pose la question du droit dans les démocraties libérales, mettant en évidence la tension entre une dynamique libérale et une dynamique sécuritaire. Cette section sera alors l’occasion d’ouvrir la réflexion autour des enjeux liés au « big-data », aux questions de surveillance et de renseignement, à la cybersécurité, aux drones et à l’impact des nouvelles technologies sur les politiques de lutte contre le terrorisme (Melzer, 2008 ; Kempf, 2012 ; DeShaw, 2014 ; Lyon, 2015 ; Bigo, Guittet et Scherrer, 2010). A chacune de ces échelles d’action, ces dispositifs donnent lieu à des réponses de la société civile sous la forme de mobilisations contre l’utilisation de certains outils militaires (drones armés et frappes ciblées), contre les mesures juridiques et policières domestiques (ex. « état d’urgence » en France) et internationales (ex. le PNR). Les « lanceurs d’alertes » viennent également remettre en question la capacité des Etats à agir à l’abri de l’examen de la société civile (Chateauraynaud et Torny, 2013).

Pour aborder ces questions et ces thématiques, il importe d’inscrire l’analyse au sein d’approches conceptuelles plus larges que les seules « études de sécurité » (security studies) qui s’en saisissent habituellement, notamment dans la littérature anglophone. Ainsi, cette section thématique cherche à faire dialoguer les différentes manières, en science politique, d’aborder les politiques publiques relatives aux enjeux de sécurité internationale, en ouvrant notamment la « boite à outils » offerte par l’analyse des politiques publiques, la sociologie politique (notamment la sociologie de l’Etat et de la décision), et la théorie politique. En effet, pris dans leur ensemble, les réponses aux menaces « terroristes » se situent dans la continuité des mutations conjuguées de la conflictualité et de la « fabrique » des politiques publiques (policy-making). En France, la science politique a déjà contribué à l’analyses de ces évolutions par le biais d’approches relevant des relations internationales et des « études stratégiques » (Vennesson, 2009 ; Lindemann, 2010 ; Jeangène Vilmer, 2012 ; Holeindre, 2015), de la sociologie des acteurs et de la décision (Irondelle, 2009 ; Pouponneau, 2013 ; Daho, 2015) et de la sociologie politique de l’international (Balzacq et Carrera, 2006 ; Bigo, Bonelli, Deltombe, 2008 ; Bonditti, 2013).

En s’appuyant sur ces travaux, la section thématique entend mettre l’accent plus spécifiquement sur les approches comparées. En effet, malgré l’existence d’une littérature de plus en plus riche sur les politiques en matière de contre-terrorisme, on compte encore peu de travaux comparatifs (parmi les exceptions récentes : Foley, 2013 ; Ragazzi, 2014 ; ou, sur une problématique connexe, Withol De Wenden et Body-Gendrot, 2015). Or, ces travaux montrent que la comparaison est un outil heuristique pertinent pour comprendre les facteurs qui influencent les actions entreprises par les pouvoirs publics autour de cet enjeu. Foley identifie ainsi trois niveaux déterminants : sociétal (normes entourant la sécurité et la liberté), étatique (conventions institutionnelles) et organisationnel (agences et leurs routines). Selon Foley, ces dimensions de l’action publique déterminent les réponses conçues face à une menace terroriste perçue. Ce type de modèle d’interprétation devra être discuté lors de cette section.

Afin de mener la comparaison, trois axes de recherche de recherche peuvent se dessiner :
• Les dimensions « publiques » des réponses :
– Réformes « sécuritaires », réorganisation des outils juridiques et politico-administratifs, programmes de « déradicalisation »
– Effet de discours sur la menace et dispositifs politiques
– Résistances, réaction et mobilisation de la société civile ; phénomène des « lanceurs d’alerte »
• Les dimensions internationales des réponses :
– Evolution des débats et développements d’outils politiques au sein des organisations internationales (ONU, UE, OTAN…)
– Coopérations transfrontières, régionales et internationales (police, défense, renseignement, aide au développement, formation des forces armées…)
• Les dimensions institutionnelles :
– Modalités légales, institutionnelles, stratégiques et opérationnelles des interventions armées internationales à des fins de contre-terrorisme
– Phénomènes d’apprentissage dans les institutions nationales et internationales, circulation des normes et pratiques autour de ces dispositifs

Since the events of 11 September 2001 and the fall of Kabul, fifteen years have passed during which the policy responses to the terrorist phenomenon have evolved, both at the domestic and international level. In fact, the “terrorist threat” is as a political issue in its construction as well as in the responses to it, since it supposes the mobilisation of discursive, legal, military, diplomatic and economic tools, while overlapping with normative questions about the nature of political regimes.
From there, this section is organized around a double questioning, empirical and methodological: How do policy responses to the « terrorist threat » fit in states’ domestic and external public action in the security field? The question will be addressed through a comparative perspective: How is the policy response elaborated across political regimes and state administrations? What convergences can be identified in practices?

At first glance, one can identify a variety of instruments that can be mobilized by governments. On the one hand, internal instruments, including through increased surveillance, the reform of intelligence services, or “de-radicalisation” programmes. The response to terrorism also leads to different modes of actions abroad (e.g. military intervention, where we observe a relative blurring of boundaries between various types of interventions). Responses are also being conceived at the intergovernmental and supranational levels, around cooperation between intelligence services in particular.
What is more, each one of these policy decisions trigger responses from civil society in the form of protests against the use of certain weapons and practices (armed drones and targeted killings), and against policing and judicial measures both domestically (e.g. “state of emergency” in France) and internationally (e.g. “Passenger Name Record”). In addition, “whistle-blowers” also are challenging the ability of states to act free from the examination of civil society (Chateauraynaud and Torny, 2013).

To address these themes and issues, it is important to locate the analysis amidst broader conceptual approaches that security studies, as is the case in much of Anglophone literature. Indeed, this thematic section seeks to foster dialogue among the various ways that we can address in political science, public policies on international security issues. This supposes notably opening the “tool box” offered by the analysis of public policy and sociology policy. In France, political science has contributed to the analysis of these developments through approaches rooted in international relations (Vennesson, 2009; Lindemann, 2010), in the sociology of actors and decision (Irondelle, 2009; Pouponneau, 2013; Daho, 2015) or in international political sociology (Balzacq and Carrera, 2006; Bigo, Bonelli, Deltombe, 2008; Bonditti, 2013). Building on these works, the section intends to focus more specifically on comparative approaches. Indeed, despite the existence of an increasingly rich literature on counter-terrorism policies, there are still few comparative studies (among the recent exceptions: Foley, 2013; Ragazzi, 2014; or, on a related issue, Withol De Wenden and Body-Gendrot, 2015).

The discussion will cover the following research avenues:
– Reforms of security apparatuses, reorganization of legal and political-administrative instruments, “de-radicalisation” programmes
– Effect on speech and political threat devices
– Resistance, reaction and mobilization of civil society
– Evolution of the discussions and developments of policy tools within international organizations
– Cross-border, regional and international cooperation
– Legal, institutional, strategic and operational characteristics of international armed interventions for counter-terrorism purposes
– “Learning” phenomena in national and international institutions, circulation of knowledge and practices around these instruments.

REFERENCES

– Balzacq, Thierry et Sergio Carrera, Security versus Freedom ? A Challenge for Europe’s Future, Londres, Ashgate Publishing, 2006.
– Bigo, Didier, Laurent Bonelli et Thomas Deltombe (dir.), Au nom du 11 septembre… Les démocraties à l’épreuve de l’antiterrorisme, Paris, La Découverte, 2008.
– Bigo, Didier, Emmanuel-Pierre Guittet et Amandine Scherrer (dir.), Mobilité(s) sous surveillance : Perspectives croisées UE – Canada, Montréal, Athéna, 2010.
– Bonditti, Philippe, « (Anti) terrorisme. Mutations des appareils de sécurité et figure de l’ennemi aux États-Unis depuis 1945 », Critique internationale, vol.61, n°4, 2013.
– Chateauraynaud, Francis et Didier Torny, Les sombres précurseurs : Une sociologie pragmatique de l’alerte et du risque, Paris, Editions de L’EHESS, 2013.
– Daho, Grégory, « La socialisation entre groupes professionnels de la politique étrangère : Le cas de l’institutionnalisation des activités civilo-militaires françaises en ex-Yougoslavie », Cultures & Conflits, vol. 2/2015, n°98.‬‬‬‬‬
– DeShaw Rae, James, Analyzing the drone debates: Targeted killings, remote warfare, and military technology, London, Palgrave MacMillan, 2014.
– Foley, Frank, Countering Terrorism in Britain and France : Institutions, norms and the shadow of the past, Cambridge, Cambridge University Press, 2013.
– Holeindre Jean-Vincent, La ruse et la force. Une autre histoire de la stratégie, Paris : Perrin, 2015.
– Irondelle, Bastien, « Dynamique parlementaire de la politique de défense : Une comparaison franco-britannique », Revue internationale de politique comparée, vol.16, n°3, 2009.
– Jeangène Vilmer, Jean-Baptiste, La Guerre au nom de l’humanité. Tuer ou laisser mourir, Paris : Presses Universitaires de France, 2012.
– Kempf, Olivier, Introduction à la cyberstratégie, Paris, Economica, 2012,
– Lindemann, Thomas, La guerre, Paris, Armand Colin, 2010.
– Lyon, David, Surveillance after Snowden, Cambride, Polity Press, 2015.
– Melzer, Nils, Targeted killing in international law, Oxford, Oxford University Press, 2008.
– Pouponneau, Florent, « Les changements de la politique française d’exportations nucléaires (1974-1976) : Un triple double jeu. », Critique internationale, vol.1/2013, n° 58.
– Ragazzi, Francesco, « Towards “policed multiculturalism” ? Counter-radicalization in France, the Netherlands and the United Kingdom », Les Etudes du CERI no. 206 bis, Sciences Po Paris, CERI, 2014.
– Vennesson, Pascal « Military strategy in the global village », New Global Studies, vol.3, n°3, 2009.
– Withol De Wenden, Catherine et Sophie Body-Gendrot, Policing the inner city in France, Britain, and the US : Europe in Crisis, New York, Palgrave Macmillan, 2015.

Xavier Crettiez (Sciences Po Saint Germain en Laye), Paroles de djihadistes : structures cognitives et référentiels d’acteurs combattants

Agathe Piquet (CERSA – Paris II),Le renforcement d’Europol comme une nouvelle réponse politique durable aux attaques terroristes ?

Ariane Galy (Laboratoire des Sciences Sociales et du Politique, Institut d’Etudes Politiques de Toulouse), Répondre aux « menaces terroristes » par le contrôle des mobilités aux frontières : une comparaison de programmes de passage rapide aux frontières en France et aux Etats-Unis

Philippe Bonditti (ESPOL-ICL et chercheur associé au LabToP-CRESPPA – Paris 8/CNRS), Par-delà les clichés. L’(anti)terrorisme comme nouvelle problématisation de la violence ?

Malika Danoy (Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, Laboratoire des théories du politique – LabToP), La « restitution extraordinaire » comme réponse au terrorisme : le cas des pratiques américaines de détention dans la Corne de l’Afrique (Kenya, Somalie, Éthiopie)
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Rui M. Pereira (Centre d’études sociologiques et politiques Raymond Aron (CESPRA) à l’Ecole des Hautes Études en Sciences Sociales – EHESS), Deux démocraties en guerre contre le terrorisme (?) : les conséquences des attentats dans les politiques anti-terroristes des Etats-Unis et de la France

Discutant(e) : A confirmer

Xavier Crettiez (Sciences Po Saint Germain en Laye)

Paroles de djihadistes : structures cognitives et référentiels d’acteurs combattants
Cette communication proposera de présenter un travail de recherche effectué tout au long de l’année 2016-2017 auprès de militants djihadistes incarcérés en France pour infraction terroriste. Il s’agira sur la base de quelques cas concrets, en faisant apparaître quelques parcours biographiques, de proposer une analyse des visions du monde et des référentiels utilisés par ces acteurs politiques que sont les djihadistes. On insistera ici singulièrement sur leur rapport à la religion et aux textes sacrés (la « science islamique ») et on complétera ce regard par une approche de leurs perceptions politiques et géopolitiques dont on fait l’hypothèse qu’elles alimentent leur désir de violence. A travers la présentation des « univers cognitifs » des djihadistes, on souhaiterait montrer que ces derniers ne sont pas sans lien avec le type de violences pratiquées.

Words of jihadists: cognitive and referential structures of combatants
This communication will propose to present a research work carried out throughout the year 2016-2017 with jihadist militants incarcerated in France for terrorist offense. It will be based on a few concrete cases, showing some biographical paths, to propose an analysis of worldviews and references used by these political actors that are jihadists. In this respect, we will emphasize their relationship to religion and sacred texts (« Islamic science ») and will complete this view with an approach to their political and geopolitical perceptions, which are supposed to fuel their desire for violence. Through the presentation of the « cognitive universes » of the jihadists, we would like to show that the latter are not unrelated to the type of violence practiced.

Agathe Piquet (CERSA – Paris II)

Le renforcement d’Europol comme une nouvelle réponse politique durable aux attaques terroristes ?
« Le modèle souverainiste en matière de terrorisme vient d’exploser et plus rien ne sera comme avant » (Entretien avec un officier de police français de la Direction des Relations Internationales, décembre 2015). Les attentats de Paris de janvier et novembre 2015, puis ceux de Bruxelles en mars 2016, semblent avoir considérablement renforcé le rôle de l’Office européen de police (Europol) dans la lutte antiterroriste. Cette communication s’intéressera ainsi à la pérennisation de l’utilisation d’Europol et au développement d’outils en son sein dans ce domaine en considérant les pressions politiques nationales et européennes et leur potentielle transformation. Cette question est particulièrement pertinente du fait des variations de la place d’Europol en matière de contre-terrorisme depuis sa création avec de fortes impulsions et une résistance tout autant marquée.
Ce travail sera réalisé à partir du cadre théorique des 3 I (idées, intérêt, institutions) (Palier, Surel, 2005), d’entretiens (services de la Commission européenne, services de police, Europol etc.) et de l’analyse de documents officiels. L’hypothèse centrale de cette communication est que le renforcement du rôle d’Europol est lié à des jeux multiniveaux complexes au niveau européen, notamment de la part de la Commission qui joue un rôle d’entrepreneur politique supranational (Kaunert, 2010) et d’Europol qui se saisit de fenêtres d’opportunité politique (Kingdon, 1990) et développe des instruments spécifiques d’action publique (Lascoumes, Le Galès, 2004) ; mais aussi au niveau national, avec une demande politique de développement d’Europol qui soulève des questions quant aux raisons de ce choix (demandes des services de police, évolution des représentations de la menace, bouc-émissaire européen) et quant aux potentielles résistances de certains Etats membres.

Reinforcing Europol as a new lasting political answer to terrorist attacks?
“The nationalist model regarding terrorism has just exploded and nothing will ever be as it used to be” (Interview with a police officer from the French International Relations Direction, December 2015). The 2015 January and November Paris terrorist attacks, followed by the 2016 March Brussels ones, seem to have substantially reinforced the European Police Office (Europol)’s role in the fight against terrorism. This communication will hence focus on the perpetuation of Europol’s use and the development of tools within it in this domain by considering the national and European political pressures and their eventual transformation.
This question appears especially relevant due to the fluctuating place of Europol in counterterrorism since its creation, with strong impetus and resistance.
This analysis will be realized within the 3 I (ideas, interests, institutions) theoretical framework (Palier, Surel, 2005), from interviews (European Commission, police agencies, Europol etc.) and the study of official documents. The main hypothesis of the communication is that the reinforcement of Europol’s role is linked to complex multilevel games at the European level, especially from the Commission acting as a supranational policy entrepreneur (Kaunert, 2010) and from Europol which captures policy windows of opportunity (Kingdon, 1990) and develops specific public action instruments (Lascoumes, Le Galès, 2004); but also at the national level, with political pressures for Europol’s development, which raises questions on the rationales (needs from police agencies, evolutions of the perception of threat, European scapegoat) and on the eventual resistances from some Member States.

Ariane Galy (Laboratoire des Sciences Sociales et du Politique, Institut d’Etudes Politiques de Toulouse)

Répondre aux « menaces terroristes » par le contrôle des mobilités aux frontières : une comparaison de deux programmes de passage rapide aux frontières en France et aux Etats-Unis
Aux Etats-Unis comme en France, la « menace terroriste » a été explicitement intégrée dans la réflexion portant sur la refonte des politiques de contrôle des mobilités aux frontières. Cependant, les politiques publiques relatives aux enjeux de « l’intégrité des frontières » ne se résument pas aux seules pratiques de répression. En comparant le programme de passage rapide aux frontières français « PARAFE » et le programme de passage rapide des Etats-Unis « Global Entry », cette contribution interroge l’insertion de la « problématique du terrorisme » dans la gestion des mobilités dites « légitimes ». A la lumière de ces deux programmes, peut-on parler de convergence ? Par l’étude des critères d’adhésion aux programmes et les modalités du déploiement de ces derniers, nous présentons leur trajectoire. Ceci nous permet d’évoquer les tensions qui soulignent la gestion des frontières de ces deux pays. Enfin, nous soutenons que le déploiement de ces programmes impliquent un re-couplement des préoccupations en matière de sécurité interne et externe donnant chair à une coopération reposant non (uniquement) sur le partage de renseignements, mais sur la construction d’une appréciation commune de la « fiabilité » du voyageur.

Answering the « threats of terrorism » by controlling mobility at the border : a comparison of two expedited entry programs at the border in France and in the United States
In the United States alike in France, the « threat of terrorism » has been explicitly integrated to the reflection touching upon the reformulation of mobility control policies at the border. However, public policies dealing with the stakes of « border integrity » are not exclusive to practices of repression. Comparing the French expedited entry program « PARAFE » and the United States’ program « Global Entry », this contribution inquires into the insertion of the « terrorism issue » to the management of « legitimate » mobilities. In light of these two programs can we speak of policy convergence ? Through the study of the programs’ membership criteria and the modalities of their deployment we present the programs’ trajectory. This enables us to evoke tensions that underlie the policies of border management of these two countries. Lastly, we demonstrate that the deployment of these programs imply the re-coupling of interior and exterior security preoccupations, giving substance to cooperation based not (only) on the sharing of information but on the construction of a common appreciation of a “bona fide” traveler.

Philippe Bonditti (ESPOL-ICL et chercheur associé au LabToP-CRESPPA – Paris 8/CNRS),

Par-delà les clichés. L’(anti)terrorisme comme nouvelle problématisation de la violence ?
Le « terrorisme » n’est pas ce que nous croyons, et l’« antiterrorisme » n’est pas ce qui s’y oppose. Tel est l’argument que nous développons dans cette contribution en montrant que, loin de devoir être opposés, « terrorisme » et « antiterrorisme » relèvent en fait d’une même logique historique, celle d’un nouveau partage de la violence, qui donne à comprendre l’(anti)terrorisme comme production nécessaire de la modernité politique. Pour cela, nous proposons d’abord une déconstruction analytique de ce que nous appelons le « discours-terrorisme. » Il s’agira d’une part de montrer comment ce discours a construit le « terrorisme » comme nouvelle catégorie de violence, d’autre part de problématiser le rapport d’opposition qu’il construit entre « terrorisme » et « antiterrorisme » et qui en fait un profond mimétisme entre ce qu’il nomme « terrorisme » d’un côté, « antiterrorisme » de l’autre. Nous développerons ensuite autour l’idée de l’(anti)terrorisme comme invention/production nécessaire de la modernité politique en montrant que l’(anti)terrorisme—concept que je développe pour dépasser l’opposition entre terrorisme et antiterrorisme—est ce que la modernité politique, dans ses déterminations spatiales et temporelles, a rendu nécessaire à elle-même et qu’elle a donc produit pour permettre sa propre mutation et celle de son grand système de partage entre l’interne et l’externe, le national et l’international, le citoyen et l’étranger, le crime et la guerre, la police et les forces armées, le civil et le militaire.

Beyond all clichés. (Anti)terrorism and the new problematization of violence
“Terrorism” is not what we think it is, and (anti)terrorism is not what should be opposed to it. This is the main argument I hope to develop in this contribution by showing especially that, far from having to be opposed, “terrorism” and “antiterrorism” in fact belong to a same historical logic, that of a new division of violence which allows to understand (anti)terrorism as a necessary production of political modernity. In this purpose, I first propose an analytical deconstruction of what I call the “terrorism-discourse”, first to show how this discourse constructed « terrorism » as a new category of violence, second to problematize the relationship of opposition it has built between « terrorism » and « antiterrorism » hereby disguising profound mimicry between what it calls « terrorism » on the one hand, « anti-terrorism » on the other. I will then turn to the idea of ​​(anti) terrorism as a necessary invention / production of political modernity, showing especially that (anti) terrorism—a concept I develop to overcome the oppositional relation between terrorism and antiterrorism—is what political modernity, in its spatial and temporal determinations, has made necessary Itself, and which it has therefore produced—in order to enable its own mutation and that of its great system of division between the internal and the external, national and international, citizen and foreigner, crime and war, police and forces Armed forces, the civilian and the military.

Malika Danoy (Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, Laboratoire des théories du politique – LabToP)

La « restitution extraordinaire » comme réponse au terrorisme : le cas des pratiques américaines de détention dans la Corne de l’Afrique (Kenya, Ethiopie, Somalie).
Notre contribution, par le biais de l’étude de l’évolution de la pratique de la détention dans le cadre du « programme de restitutions extraordinaires » américain, vise à saisir les conséquences militaires et politiques d’un réinvestissement américain de la lutte anti-terroriste dans la Corne de l’Afrique.
Nous reviendrons sur l’histoire du programme de restitutions et sur la place occupée par la région de la Corne de l’Afrique dans cette évolution historique. Nous verrons que depuis la naissance du programme dans les années 1980, jusqu’à sa réactualisation après les attentats du 11 septembre au cœur du volet clandestin de la lutte antiterroriste, les restitutions ont d’abord été utilisées comme une modalité d’enlèvement international, afin de traduire en justice des coupables de terrorisme, avant qu’elle ne devienne un outil de disparitions internationales pensé pour soustraire de supposés terroristes à la justice en les détenant de manière illimitée et/ou secrète. Quant à la Corne, elle a été intégrée au programme en 2002 pour sous-traiter la détention et la torture de supposés terroristes pour les États-Unis, avant que la pratique de la restitution ne soit intégrée dans le répertoire régional de lutte contre le terrorisme à partir de 2007 par les acteurs locaux, appuyés par leurs partenaires américains.
L’évolution du programme dans la Corne illustre le regain d’intérêt stratégique des Américains pour cette région dans le domaine sécuritaire et la confirme comme un théâtre à part entière dans la « guerre contre le terrorisme ». Par ailleurs, l’importation de la restitution à un niveau régional met au jour des logiques de circulation et de transmission internationales d’une pratique répressive que les États-Unis avaient pourtant officiellement déclaré avoir abandonnée en 2006. Enfin, cela souligne le paradoxe qui veut qu’en matière de détention et d’« interrogatoires », la doctrine militaire du « leadership from behind » se traduit par une plus grande ingérence des forces militaires américaines dans les opérations sécuritaires de leurs alliés locaux.

The “extraordinary rendition” as a response to terrorism: the case of the US detention practices in the Horn of Africa (Kenya, Ethiopia, Somalia).
By studying the evolution of the detention practice within the framework of the US “extraordinary rendition program”, our contribution aims at understanding the military and political consequences of a US reinvestment in the anti-terrorism fight in the Horn of Africa.
We will underline the renditions’ history and the role of the Horn region in that historical evolution. We will see that since the beginning of the program in the 1980s up to its resumption in the aftermath of 9/11 for the clandestine part of the “global war on terrorism”, renditions were firstly used as a way to abduct convicted terrorists and take them to justice, before being an international tool used to make terror suspects disappear, in order to avoid judicial scrutiny by indefinite and/or secret detention. As for the Horn, the region is part of the program since 2002 as a proxy for detention and torture of terror suspects on behalf of the United States of America. And since 2007, the rendition practice is used by local security forces, in collaboration with their US counterparts in the regional fight against terrorism. The evolution of the rendition program put forth the US strategic interest for that region regarding security issues, and reinforces it as an important theater of the “global war on terror”.
Furthermore, importing rendition at a regional scale underscore international dynamics of circulation and transmission of a repressive practice the US had nonetheless stopped and condemned since 2006. Finally, this emphasizes paradoxically that regarding detention and “interrogation”, the “leadership from behind” doctrine means a greater interference of the US military forces within the local security operations.

Rui M. Pereira (Centre d’études sociologiques et politiques Raymond Aron (CESPRA) à l’Ecole des Hautes Études en Sciences Sociales – EHESS)

Deux démocraties en guerre contre le terrorisme (?) : les conséquences des attentats dans les politiques anti-terroristes des Etats-Unis et de la France
Les Etats-Unis et la France ont déclaré être en guerre contre le terrorisme. Néanmoins, l’apparente similitude de leur perception de la menace – le terrorisme comme un acte de guerre – a eu des impacts différents dans les politiques anti-terroristes de ces deux pays. Après les attentats du 11 septembre 2001, l’Administration américaine a mené des opérations militaires de grande envergure à l’étranger contre des organisations terroristes et des États ; elle a détenu des citoyens et des étrangers indéfiniment, créé des commissions militaires pour juger les étrangers suspects de terrorisme et utilisé des assassinats ciblés à grande échelle. Les Etats-Unis n’ont pas utilisé de dispositif d’exception ou changé substantiellement leur système judicaire pour faire face au terrorisme. Au contraire, après les attentats de 2015, le gouvernement français a déclaré l’état d’urgence et une nouvelle loi a été votée pour renforcer les pouvoirs administratifs et réformer le système judiciaire. Au niveau militaire, la France a continué à mener des frappes aériennes contre l’État Islamique et à mobiliser l’armée pour assister la police en France métropolitaine. L’adoption d’une rhétorique de guerre n’a pas fondamentalement changé la manière dont les autorités françaises font face au terrorisme. Pour expliquer ces différences, j’analyse l’évolution des politiques anti-terroristes de ces deux pays à la lumière de leurs contextes politiques et juridiques et de leurs expériences dans la lutte contre le terrorisme.

Two democracies at war against terrorism (?) : the consequences of terrorist attacks in the counter-terrorism policies of United States and France
United States and France declared being at war against terrorism. However, these apparently similar threat perceptions – terrorism as an act of war – had different impacts on the counter-terrorism policies of these two countries. After 9/11, the American administration used large scale foreign military operations against terrorist organizations and States ; detained citizens and aliens indefinitely, created military commissions to deal with alien terrorism suspects and made extensive use of targeted killings. United States made no use of state of emergency or exceptional criminal justice to cope with the terrorist threat. By contrast, after the 2015 attacks, French government declared a national state of emergency and a new law was voted to reinforce the administrative powers and reform the criminal justice system to fight terrorism. At the military level, France continued to carry out airstrikes against the Islamic State and to mobilize the military to support the police in metropolitan France. The adoption of the war rhetoric did not globally change the way French authorities fight against terrorism. To explain these differences, I analyse the evolution of the counter-terrorism policies in these two countries through the lenses of their political and legal contexts and counter-terrorism experiences.

Mardi 11 juillet 2017 9h00-13h00

BONDITTI Philippe philippe.bonditti@gmail.com
CRETTIEZ Xavier xavier.crettiez@wanadoo.fr
DANOY Malika malika.danoy@etud.univ-paris8.fr
GALY Ariane ariane.galy@sciencespo-toulouse.fr
HOLEINDRE Jean-Vincent, jvholeindre@gmail.com
PANNIER Alice, alice.pannier@sciencespo.fr
PEREIRA Rui M., rui.vialatina@gmail.com
PIQUET Agathe piquetagathe@gmail.com