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Le rapport au rapport. Un impensé de la science politique ?

The influence of official reports on policy-making, public debate and cognitive frames. An under-studied object of political science?

Responsables scientifiques
Vincent Caby (Centre Emile Durkheim UMR 5116) vincent.caby@scpobx.fr
Sébastien Chailleux (Centre Emile Durkheim UMR 5116) s.chailleux@gmail.com

Ce panel souhaite comprendre les rôles que jouent les rapports dans la construction de l’action publique et du débat public.

Rapports administratifs, de groupes d’experts, ou parlementaires peuvent être différenciés en fonction de nombreux critères : paternité, nature de l’information contenue, forme, force contraignante, etc. Cette hétérogénéité des rapports constitue un obstacle à leur subsumption au sein d’un groupe particulier d’écrits, à l’instar de celui que forment lois et règlements, objets d’une littérature considérable. Or, les rapports ont une identité de nature et de destination : ils peuvent être définis a minima comme des supports écrits d’information, adressés aux décideurs et diffusés dans la sphère publique (excluant les documents confinés à la sphère administrative).

Ces supports demeurent largement impensés en science politique, et ce à plusieurs égards.
D’abord, les rapports possèdent une valeur intrinsèquement politique, dès lors qu’on les rapproche des « équipements » qui leur confèrent, ainsi qu’à leurs auteurs, un certain pouvoir (Trépos, 1996). De nombreux travaux se sont intéressés aux équipements contenus dans les productions scientifiques dans le domaine des science studies (par ex. : Latour & Fabbri, 1977). Plus rares sont ceux qui ont interrogé les aspects sociaux et politiques de la production des rapports. Dans cette perspective, une prosographie des auteurs (Robert, 2003) et une sociologie des « brouillons » Gayon (2009), peuvent être heuristiques. Sur ce thème, les travaux de Charvolin (2003), Fournel (2007), Leclerc (2009), Gayon (2009), font figure d’exceptions. Surtout, les travaux comparatifs manquent, ce qui limite fortement les possibilités de montée en généralité.

Les rapports sont ensuite politiques dans la mesure où ils apparaissent jouer des rôles-clés dans la construction du débat public et de l’action publique. Ici également, la littérature sur la réception des savoirs scientifiques au sein de l’espace politique est abondante dans les science studies (par ex. : Cash & al., 2012). Les travaux qui se concentrent sur des savoirs non certifiés par les titres académiques de leurs auteurs sont en revanche moins nombreux – exception faite de ceux de Brown (2004), Parker & Dekker (2009), Laroche (2009) sur les fonctions des rapports. Ce type d’analyse peut bénéficier d’une sociologie des controverses se focalisant davantage sur les rapports. Là encore, les recherches comparatives font défaut.

Sur un plan méthodologique enfin, le recours aux rapports comme source dans l’analyse reste sous-étudié, au regard des travaux existants sur d’autres sources : données d’archives, statistiques, d’entretiens, etc. (Dupuy & Pollard, 2009).

L’objectif de ce panel est de remédier à ces impensés en regroupant les travaux dédiés aux rapports autour des axes de recherche suivants :
– Comment définir les rapports ? Quelles catégories est-il possible d’énoncer au sein de ce groupe hétérogène ? Est-il envisageable de générer une typologie des rapports qui soit heuristique dans l’analyse des processus de leur production et de réception ?

– Comment les auteurs confèrent-ils du pouvoir à leurs rapports? Quel rôle joue dans ce processus la désignation des auteurs ? De quelle nature sont les informations produites ? Comment dépasser la production d’expertise « située » ? Dans quelles conditions les rapports acquièrent-ils une crédibilité scientifique ? une acceptabilité sociale ?

– Comment évaluer les effets de ces rapports ? Quels facteurs influencent leur médiatisation ? leur entrée dans la sphère décisionnelle ? Comment évaluer les effets de ces supports écrits dans les différentes arènes ou forums de l’espace public ? Comment évaluer les effets de ces rapports suivant le caractère « public » ou « discret » de la politique publique ? Quels genres de récits de politique publique permettent-ils de développer ?

This panel aims to better understand the influence of official reports on policy-making, public debate and cognitive frames.

Official reports from administrations, experts’ groups, or MPs can be distinguished using a great number of criteria: authorship, type of information, shape, binding nature, etc. The heterogeneity of reports makes it difficult to think of them as a specific group of objects (contrary to laws and other legal acts, studied by a vast literature). Yet, official reports have common features, regarding their nature and recipients. At least can they be defined as written materials containing information directed primarily towards policymakers (although other actors can have access to them as they are publicly released). The previous definition excludes therefore all reports which remain in the sole political and administrative spheres.

Such reports appear to be under-analyzed in political science.
First, official reports have an intrinsic political value as they contain a certain number of “équipements” (devices) which provide them and their authors with power (Trepos, 1996). A great number of science studies researchers studied how such “équipements” are used in the production of scientific knowledge (e.g.: Latour & Fabbri, 1997). Scarcer publications investigate the social and political aspects features of the production of official reports. Such an analysis can greatly benefit from a thorough description of the authors’ careers (“prosographie”) (Robert, 2003), as well as a meticulous study of the different drafts of the same report (“sociologie des brouillons”) (Gayon, 2009). In this emerging field, recent progress were made by Charvolin (2003), Fournel (2007), Leclerc (2009) and Gayon (2009). The lack of comparative studies limits greatly attempts of generalization.

Reports are also political as they play key-roles in the construction of policymaking, public debate and cognitive frames. Here again, a great number of publications investigating the use of scientific knowledge by policymakers can be found in the science studies literature (e.g.: Cash & al., 2012). However, very few researchers have focused their work on written materials whose authors do not possess scientific credentials. The works of Brown (2004), Parker & Dekker (2009) and Laroche (2009) on the functions played by reports appear to be exceptions here. Such an analysis can benefit from a sociology of controversies focusing more on official reports per se. Here again, isolated case studies are the rule and there is a need for more comparative works.

At a methodological level, official reports as a source in social sciences research turns out to be clearly under-studied when compared to interviews or archives which are studied by a vast literature. (Pollard & Dupuy, 2009).

The aim of this panel is to contribute to fill these research gaps and to gather innovative works on official reports around the three following research questions:

– How to define official reports? What categorizations and typologies can be heuristic in the analysis of the production and reception of reports?

– How do authors give power to their official reports? What role plays the selection of authors in this process? What type of the information is produced? How do they attempt to get around “situated” expertise? Under which conditions official reports acquire scientific credibility? Social acceptability?

– How to assess the impacts of official reports on policymaking, public debate and cognitive frames? Which factors influence their entry into the media arena? Into the policymaking process? How to assess the effects of these written materials in the various arenas of the public sphere? Do they impact policymaking differently regarding the “public” or “discreet” feature of a given public policy? What kind of policy narratives they produce?

REFERENCES

Brown, A. D., 2004, “Authoritative sensemaking in a public inquiry report”, Organization Studies, 25 (1), pp. 95-112
Cash, D., Clark, W. C., Alcock, F., & al., 2002, “Salience, credibility, legitimacy and boundaries: Linking research, assessment and decision making”, KSG Working Papers Series, RWP02-046
Charvolin, F., 2003, L’invention de l’environnement en France. Chronique anthropologique d’une institutionnalisation, Paris : Ed. La Découverte
Dupuy, C., Pollard, J., 2009, Les rapports dans l’administration de la preuve. Quelques réflexions méthodologiques, Congrès AFSP 2009, Section thématique 14 : L’analyse des politiques publiques existe-t-elle encore ?
Fournel, J.-L., 2007, « Introduction à la « forme-rapport » : caractéristiques et temporalités d’une production de vérité publique », Cultures et conflits, 65 (2), pp. 37–50.
Gayon, V., 2009, « Un atelier d’écriture international : l’OCDE au travail. Éléments de sociologie de la forme « rapport » », Sociologie du travail, 51, pp. 324-342.
Laroche, H., 2009, « La crise, les rapports et les problèmes. Le cas de la canicule d’août 2003 », In Gilbert, C., et al. (Eds.), Comment se construisent les problèmes de santé publique, Paris, Ed. La Découverte, pp. 73-89
Latour, B., Fabbri, P., 1977, « La rhétorique de la science. Pouvoir et devoir dans un article de science exacte », Actes de la recherche en sciences sociales, 13 (1), pp. 81-95
Leclerc, O., 2009, « Les règles de production des énoncés au sein du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat », In: Encinas de Munagorri, R. (Ed.), Expertise et gouvernance du changement climatique, Paris : Ed. LGDJ
Parker, C. F., Dekker, S., 2008, “September 11 and post crisis investigation: exploring the role and impact of the 9/11 Commission”, In: Boin, A., McConnell, A., & Hart, P. T. (Eds.), Governing after crisis: the politics of investigation, accountability and learning, Cambridge: Ed. Cambridge University Press, pp. 255-282
Robert, C., 2000, « Ressources juridiques et stratégies politiques : Analyse d’une controverse à la Commission européenne sur la dimension sociale de l’élargissement de l’Union », Sociologie du travail, 42 (2), pp. 203-224
Trépos, J.-Y., 1996, La sociologie de l’expertise, Paris : Ed. PUF

Axe 1 / Comment conférer du pouvoir à un rapport ?

Nicolas Bataille (CITERES / CRENAU), Les rapports d’étude en aménagement : regard ethnographique sur l’imbrication entre rédaction technique et décision politique
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Amandine Brizio (Centre Emile Durkheim), Influencer la décision politique par la délibération et l’expertise de consensus ? Le cas des rapports des Conseils Économiques, Sociaux et Environnementaux Régionaux

Constantin Brissaud (SAGE), Qu’est-ce qu’un rapport ? Une réponse lexicographique

Discutant : Vincent Gayon (IRISSO)

Axe 2 / Comment évaluer les effets d’un rapport ?

Thomas Lépinay (Université Paris-1, CESSP), Comment les institutions définissent leurs rapports : les cas du Conseil économique, social et environnemental et de la Cour des comptes
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André Bernier (Université d’Ottawa), Rapports et réformes du contrôle externe de la police : les cas du Québec et de la Colombie-Britannique

Alexia Venouil (CESDIP), Refléter les priorités réformatrices : effets des rapports sur les politiques pénitentiaires au Canada et en France (1980-2005)

Discutante : Julie Pollard (Université de Lausanne)

Nicolas Bataille (CITERES / CRENAU)

Les rapports d’études en aménagement : regard ethnographique sur l’imbrication entre rédaction technique et décision politique
L’inutilité des rapports d’études dans l’action publique locale est souvent déplorée. Comment qualifier leur rôle ? Pourquoi en produit-on quand même ?
A partir d’une enquête ethnographique au sein d’un bureau d’études en aménagement, nous montrerons que le rôle de ces rapports est indissociable de son processus de production, celui-ci étant intriqué à la décision. Ces documents sont ainsi au cœur de traductions et de négociations aboutissant à une mise en récit légitimant les projets.
Premièrement, ils sont mis en forme au plus proche du pouvoir local, loin d’une expertise distanciée du bureau d’étude. Ils découlent d’orientations politiques traduites dans une commande, enjeu de renégociations permanentes. Ensuite, la conduite des études se déroule entre scènes et coulisses où se fabrique la décision, en lien étroit avec les techniciens, les élus et l’Etat. L’accès limité à ces arènes pouvant privilégier certains intérêts.
Deuxièmement, la diversité de leur forme tient d’une part à la multiplicité des scènes dans lesquelles ils sont médiatisés et d’autres part à leurs différents rôles : de la coordination d’acteurs à un outil pour faire décider. Ils présentent toujours une mise en récit rationnelle linéaire qui assure la légitimité des politiques menées. Qu’une société d’ingénierie soit l’auteur permet de tirer parti de la supposée scientificité de l’ingénieur.
Au final, ce n’est pas le produit fini des études qui influence la décision mais bien son processus de production.

Consulting reports in urban planning: an ethnographic study of intricacy between technical writing and political decision
Consulting reports in urban planning are often criticized for their uselessness. Which roles do they play beyond their alleged pointlessness?
Based on an ethnographic inquiry led in an engineering firm, this paper aims to describe how reports must be analyzed through their production process, which is closely intricate with decision-making. Such documents lie at the heart of translations, appropriations and bargaining by actors. Finally this process leads to a storytelling effect that legitimates projects.
First, consulting firms work hand in hand with politicians and technicians and can’t be identified as neutral expert. Thus, the rationality of the decision-making process is far from the linear run which is often displayed in reports. On the contrary, consulting firms and their contractors use muddling through by using a large amount of channels. Because of the limited access to such channels, the question of interests representation comes up.
Second, the variety of reports forms is connected to the different scenes where they are shown and their different functions, for example: coordinating actors, being communicative tools or making actors decide. In all cases, they operate as storytelling which reinforces the legitimacy of projects. Employing specialists with qualifications aims to prove the rationality of the decision-making process by telling a scientific story.
Finally, reports aren’t central to decision-making processes because decision is taken while they are produced.

Amandine Brizio (Centre Emile Durkheim)

Influencer la décision politique par la délibération et l’expertise de consensus ? Le cas des rapports des Conseils Économiques, Sociaux et Environnementaux Régionaux
Assemblées consultatives regroupant partenaires sociaux et représentants de la société civile, les CESER sont des institutions dont la participation au policy-making régional est par définition réduite à la production d’avis et de rapports d’études, adressés à l’assemblée législative régionale en amont de la prise de décision politique. Les principaux enjeux de pouvoir au sein de ces assemblées résident donc dans le choix des sujets, la délimitation des problématiques, la tonalité des formulations et la teneur des diagnostics intermédiaires, le choix des sources et des experts…
On montrera que la compréhension du rôle que jouent les rapports du CESER dans la formulation des politiques publiques de la Région implique d’analyser les procédures, les normes et les configurations spécifiques qui encadrent l’écriture avant la publication du produit fini. Ainsi, la capacité des rapports à influencer l’action publique régionale dépend en grande partie du développement au sein de ses instances de travail de logiques délibératives, au sens d’une décision atteinte par l’évolution des préférences initiales des acteurs à l’issue de la délibération. Ces logiques délibératives permettent en effet aux différents représentants de groupes d’intérêts concurrents ou antagonistes siégeant au CESER de développer des représentations communes des problèmes publics régionaux, et de diffuser à leurs organismes mandataires une expertise de consensus.

The reports of the French regional Economic, social, and environmental Councils : how to influence policy by deliberation and consensus expertise.
The French regional economic, social and environmental councils ( CESER ) are consultative assemblies gathering trade unions, employers organisations and civil society representatives within the decentralised regional institutions. As such, their contribution to the regional policy-making is by essence limited to elaborating consultative opinions and reports, addressed to the decision-making assembly, the Conseil régional. It follows that CESERs have become organisations where power is exerted through the ability to control the reports’ subjects, the specific tone of formulations, choice of sources and experts, etc.
We will show that the influence of a report on the policy-making process cannot be analysed independently from the rules, norms and procedures of the collective writing process before the final report is published by the CESER. One reports’ ability to influence policy depends mainly upon the emergence of a deliberative logic within the commission of the CESER. By deliberative logics, we mean a process by which a decision is reached when some parties change their initial preferences after a collective deliberation. The occurrence of such deliberative logics fosters the development of a common representation of the issues at stake, allowinf for the development of “consensus expertise”.

Constantin Brissaud (SAGE)

Qu’est-ce qu’un rapport ? Une réponse lexicographique
Cette communication vise à rendre compte de la formalisation progressive d’une forme « rapport » au cours du temps, en prenant pour objet les rapports de l’OCDE consacrés à la santé entre 1992 et 2011 d’une part (série « Etudes de politique de santé »), et 2001 et 2015 d’autre part (série « Panoramas de la santé »). Ces deux séries de rapports constituent les publications phares de l’OCDE en matière de santé. Leurs modifications au cours du temps seront appréhendées à l’aide du logiciel de lexicographie Iramuteq. On vise ce faisant à faire apparaître 1) les invariants de la structure argumentative des rapports considérés 2) les modifications des indicateurs présentés dans ces rapports au cours du temps 3) les dispositifs d’ « inscription du lecteur » et 4) les thèmes centraux des préconisations de politiques publiques faites par l’OCDE.
Si la première série apparaît davantage susceptible de renfermer des recommandations de politiques publiques (puisque la seconde, « Panorama de la santé » consiste principalement en une suite d’indicateurs chiffrés commentés), on vise, par la comparaison entre les résultats de l’analyse lexicographique et les politiques publiques de santé mises en œuvre en France, Grande-Bretagne et Allemagne à vérifier empiriquement le pouvoir souvent conféré aux chiffres dans la littérature, et à objectiver le cadrage éventuel des politiques publiques de santé autour des thèmes mis en évidence dans les rapports.

What is a report ? A lexicographical answer
This communication aims at showing the progressive formalization of the form « report » through time, by studying the OECD reports devoted to health between 1992 and 2011 on the one hand (« Health Policy Studies » serie), and 2001 and 2015 on the other hand (« Health at a Glance » serie). Those two series of reports constitute the leading publications of OECD on health topics. Their modifications through time will be apprehended by means of lexicography software Iramuteq. We aim at showing 1) invariants of argumentative structure of considered reports 2) modifications of presented indicators through time 3) “reader-embededness” apparatus and 4) central themes of OECD’s policy recommendations.
If the first serie appears more than the other one akin to present policy recommendations (since the second one, “Health at a Glance”, consists mainly in commented numeral indicators), we aim, thanks to comparison between the results of lexicographical analysis and health policies implemented in France, Great-Britain and Germany, to empirically verify the often alleged power of numbers and to objectify the eventual framing of health policies around the themes shown as central in the reports.

Thomas Lépinay (Université Paris-1, CESSP)

Comment les institutions définissent leurs rapports : les cas du Conseil économique, social et environnemental et de la Cour des comptes
Le Conseil économique, social et environnemental, parlement de la « société civile organisée », et la Cour des comptes, qui est en charge de l’audit des finances publiques et de l’évaluation des politiques publiques, sont tous deux chargées de produire des rapports. Au-delà des missions et des pratiques inscrites dans la loi, les deux institutions doivent orienter la réception de ces rapports par les différents publics (fonctionnaires, acteurs politiques, journalistes) et convaincre de leur influence. Elles doivent également justifier la légitimité de leurs constats et propositions. Parce qu’elles n’ont que le pouvoir de la parole et sont parfois contestées pour leur inefficacité ou pour leurs parti-pris, il leur importe de donner par un méta-discours un sens à leurs rapports.
La communication a pour objectif d’établir une comparaison entre les présentations de soi et les politiques éditoriales des deux institutions, à partir de l’étude des rapports, de discours prononcés par les autorités institutionnelles, d’entretiens et d’observations in situ. À partir d’une sociologie des institutions, elle mettra l’accent sur les contraintes qui pèsent sur les acteurs pour la définition de ces rôles et les luttes au sein des institutions. Elle interrogera enfin le lien entre les politiques éditoriales des institutions et l’influence, réelle ou supposée, des rapports produits. La communication entend montrer ainsi le travail institutionnel qui sous-tend la vie des rapports publics.

How Institutions Define Their Reports: The Cases of French Economic, Social and Environnemental Council and Court of Accounts
Both the Conseil économique, social et environnemental, which is a parliament of organized civil society, and the Cour des comptes, bureaucratic organization in charge of auditing the public funds and evaluating public policies, are dedicated to production of reports. However, beyond the functions and practices enshrined in the law, both institutions have to impact the reception by the various publics (such as civil servants, politicians, journalists), and to convince them about the influence of these reports. Besides, they always have to show that their findings and proposals are legitimate. Since they only have the power of speech and are sometimes criticized about their inefficiency or bias, it is extremely important for these institutions to give sense to these reports, through a metadiscourse.
The paper will aim to establish a comparison between the presentations of self and editorial policies of the two institutions. It will be based on the study of the reports, speeches given by the institutional authorities, interviews and in situ observations. Based on a sociology of institutions, it will focus on the constraints on the actors in defining their roles and struggles within institutions. Finally, the relationship between the editorial policies of the institutions and the actual or supposed influence of their reports will be discussed. The paper intends to show the institutional work that underlies the life of public reports.

André Bernier (Université d’Ottawa)

Rapports d’enquêtes publiques et réformes du contrôle externe de la police au Québec et en Colombie-Britannique
Cette communication présente la place occupée par le rapport dans l’action publique pour deux réformes provinciales ayant mené à la création d’instances de contrôle de la police. Chaque fois, des enquêtes publiques ont occupé une place importante dans le processus de changement. Les données de recherche proviennent de sources documentaires, mais également d’entretiens semi-dirigés. L’analyse mise sur une sociologie politique des acteurs et des problèmes publics dans une perspective comparative. L’entrée par le rapport permet une double lecture de la politique publique : l’une à la fois longitudinale et cumulative, et l’autre plus sociologique et stratégique. La première lecture est centrée sur le contenu des rapports des enquêtes publiques qui ont abordé le contrôle externe de la police. L’analyse du matériel met en évidence le rôle des rapports dans la formulation d’un discours critique sur la politique publique en place, ainsi que dans l’émergence d’un programme de changement. Elle permet également de constater un phénomène de renforcement graduel, qui se traduit concrètement par une prise d’appui sur les rapports antérieurs. La seconde lecture examine quant à elle l’usage stratégique du rapport dans l’action publique. La comparaison des cas sur ce plan montre notamment que le rapport constitue une forme de ressource stratégique mise de l’avant par les acteurs afin d’opérer une problématisation des « enquêtes de la police sur la police ».

Public Inquiry Reports and Civilian Oversight Reforms in Quebec and British Columbia
This paper highlights the public role of the report in two provincial reforms that led to the creation of police oversight bodies. In both cases, a public inquiry was an important part of the process of change. The research data come mainly from documentary sources, supplemented by semi-directed interviews, and the analysis is based on a political sociology of actors and public problems in a comparative perspective. The focus of this research allows a parallel examination of public policy: one longitudinal and cumulative, the other more sociological and strategic. The first focuses on the content of public inquiries reports that have addressed the external control of the police. The analysis highlights the role of the reports in the formulation of a critical discourse of the policies in place and in the emergence of a reform agenda. It also reveals a phenomenon of gradual reinforcement based on the content of previous reports. The second part of the analysis examines the strategic use of the report in public action. Both cases show that the report is a kind of strategic resources put forward by the actors in order to carry out a problematization about “the police investigating the police”.

Alexia Venouil (CESDIP)

Refléter les priorités réformatrices : effets des rapports sur les politiques pénitentiaires au Canada et en France (1980-2005)
Objet : Etude comparative des effets et de la réceptivité des rapports publics et administratifs dans le secteur pénitentiaire, Canada-France, de 1980 à 2005.
Question: Comment les rapports (scientifiques ou politico-administratifs) construisent-ils le débat public
Hypothèse : Les objectifs politiques et les priorités réformatrices sont liés à la nature des rapports (parlementaire, administrative, scientifique) et aux propriétés sociales de leurs auteurs.
L’ancrage académique de la criminologie a conduit l’administration canadienne à investir dans la production de résultats démontrant l’efficacité des politiques correctionnelles, leur scientificité les rendant crédibles aux yeux des décideurs. En France, la tonalité critique des travaux de chercheurs a brouillé le discours à leur encontre
Méthode/résultats : La recension systématique des rapports politiques et administratifs des deux pays a montré que, côté français, les rapports ont surtout servi de cautions techniques aux projets gouvernementaux en cours, hormis un rapport parlementaire en 2000 soulignant le besoin de doter le pays d’une loi pénitentiaire. Le secteur correctionnel canadien étant, lui, peu exposé médiatiquement et déjà régi par de grandes lois-cadres, rapports administratifs et parlementaires ont écrit l’histoire d’une tradition de modération pénale inspirant les décideurs.

Reflecting priority reforms : the effects of reports on prison policies in Canada and France (1980-2005)
Object : Comparative study of the effects and reception of public and administrative reports in the prison sector in Canada and France (1980-2005).
Question raised : How do reports (scientific or politico-administrative) shape public debate ?
Hypothesis : Political objectives and priority reforms are determined by the reports’nature (parliamentary, administrative, scientific), as well as their authors’ social properties.
Criminology being a well-embedded discipline in Canada, public servants were driven to support the production of empirical studies assessing correctional programs’ efficiency. Such studies’ scientifical apparatus made them look credible in the eyes of decision-makers. Given their works’ critical tone, French researchers were far less successful in reaching policy-makers.
Method/ results : Listing political and administrative reports in both countries, we evidenced that French reports were used as technical endorsments for impending government projets, except for a 2000 parliamentary report that highlighted the need for a penitentiary act. The Canadian correctional sector being far less high-profile and already ruled by comprehensive legislations, administrative and parliamentary reports served to write the history of a tradition of penal mildness.

Lundi 10 juillet 2017 13h30-17h30

BATAILLE Nicolas bataille.nico@gmail.com
BERNIER André abern082@uottawa.ca
BRISSAUD Constantin cbrissaud@gmail.com
BRIZIO Amandine amandine.brizio@gmail.com
CABY Vincent vincent.caby@scpobx.fr
CHAILLEUX Sébastien s.chailleux@gmail.com
GAYON Vincent vincent.gayon@dauphine.fr
LEPINAY Thomas Thomas.Lepinay@univ-paris1.fr
OGER Claire cla.oger@gmail.com
POLLARD Julie Julie.Pollard@unil.ch
VENOUIL Alexia alexvenouil@hotmail.com