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ST08

Gouverner par les modèles

Governing with models

Responsables scientifiques
Sara Angeli Aguiton (CNRS/Centre Alexandre Koyré) sara.aguiton@sciences-po.org
Henri Boullier (IFRIS/CERMES3) henri.boullier@parisdescartes.fr
Lise Cornilleau (Paris Est/ LISIS et Sciences-Po/CSO) lise.cornilleau@sciencespo.fr
Pierre-André Juven (FRIS/CERMES3) pierreandre.juven@gmail.com

En une vingtaine d’années, les instruments d’action publique sont devenus des objets d’étude canoniques pour la science politique. Une famille d’instruments tient un rôle désormais central dans les processus de technicisation de l’action publique : les modèles. Les modèles se présentent sous forme informatique et numérique, nécessitent des professionnel.le.s spécialisé.e.s pour les faire fonctionner, et projettent les différentes actions possibles dans le futur afin d’orienter la décision dans le présent. Objets faits d’un mixte de quantification, de formalisation et de simulation, ils servent souvent de médiation entre le monde réel et la théorie. Les modèles peuvent être rencontrés dans le domaine de la stratégie militaire, de la politique économique, du gouvernement de la sécurité alimentaire, des politiques climatiques, de la santé.

Le travail de modélisation passe par le déploiement d’algorithmes qui tendent à complexifier la conduite de l’action publique, mais aussi son étude. La modélisation se présente comme l’aboutissement d’une rationalité décisionnelle où la technique permettrait d’arbitrer en situation d’incertitude et d’offrir aux décideurs une grande légitimité scientifique tout en maintenant une forme de confinement rendant ces instruments imperméables à la controverse.
Cette section thématique propose de s’arrêter sur les modèles (et le processus de modélisation) et leurs effets sur l’action publique, afin d’éclairer leur conception du politique et leur pouvoir de légitimation. Elle vise aussi à interroger des conceptions critiques de la modélisation y compris lorsqu’elles trouvent leurs origines dans les sciences sociales et les sciences économiques. Pour cela, les communications pourraient s’inscrire dans trois axes.

Axe 1 : Les modèles comme instruments privés d’action publique
Une première entrée consiste à considérer les modèles comme des outils de transformation des frontières entre l’État, le marché et la sphère académique. Loin d’être simplement produits au sein des administrations, les modèles proviennent très souvent d’acteurs privés travaillant en étroite collaboration avec le monde universitaire et les instances publiques. Ainsi, les modèles sédimentent un vaste ensemble de savoirs à visées opératoires, forgés dans des arènes mixtes où de nombreux intérêts et cadrages circulent. L’interrogation portera dans cet axe sur la façon dont des instruments privés deviennent des modèles de décision publique et s’intéressera aux effets d’une telle conversion sur l’action publique.

Axe 2 : Modèles, prospective et gouvernement du futur
Une seconde entrée s’intéresse à la manière dont les modèles sont utilisés pour la formulation et la réalisation des futurs. La modélisation du futur équipe depuis longtemps une conception de l’État « stratège », capable de gouverner le « long terme ». Les modèles visent d’abord à rendre quantifiables des objectifs poursuivis par les programmes d’action publique. Ils intègrent par ailleurs dans les calculs une certaine vision du futur (scénarisation épidémiologique ou des catastrophes, calcul coûts-bénéfices de la décision, etc.). Les modèles associent alors des considérations ontologiques (quelles entités et quelles dimensions d’un problème doivent être prises en compte ?) et normatives (quelles sont les options le plus efficaces ?), deux facettes qu’il conviendra d’explorer.

Axe 3 : Modèle, critique et contrainte
Enfin, une troisième entrée dans l’examen des modèles consiste à s’intéresser au pouvoir de coercition des modèles, dans la mesure où ils semblent à la fois avoir force de contrainte sur la décision tout en restant invisibles à la critique. Si des résistances aux instruments s’observent désormais plus fréquemment, des formes d’asymétries profondes demeurent et ce d’autant plus lorsque la technicité des instruments en question s’élève. Le coût d’entrée de l’analyse des modèles est très élevé pour celles et ceux ne participant pas à leur confection ou à leur utilisation quotidienne : chercheurs en sciences sociales bien sûr, mais aussi citoyen.n.es, associations, etc. Ce troisième axe se penchera sur la façon dont les modèles sont rendus invisibles et sur les tentatives de leur remise en cause.

In the last twenty years, policy instruments have become canonical objects of inquiry for political sciences. One family of instruments turns out to be particularly central in the technicization of public action: models. Models often take the form of computer programs or digital tools, they require specialized professionals to make them work, and propel different possible actions in the future in order to inform decision-making in the present. They are, at the same time, technologies of quantification, simulation and formalized knowledge, and they are used as mediators between the real world and theory. Models may be encountered in the making of military strategies, economic policies, in the government of food security, climate policies and health.
The process of modeling generally requires the development of algorithms that tend to make it more complex to conduct public action, but also to analyze it. Modeling is often presented as the culmination of a decisional rationality in which technology makes it possible to resolve uncertainties and provide decision makers with a greater scientific legitimacy. But, at the same time, models maintain a form of containment that renders these instruments resistant to controversies.
This thematic section proposes to study these models and their effects on public action, in order to shed light on the political decisions they embed, and on their power of legitimation. To do so, the communications can follow three threads of questions:

Axis 1: Models as private instruments of public action
A first entry consists in treating models as tools that transform the borders between the State, markets and the academic sphere. Far from simply being produced inside public administrations, models are often imagined and produced by private actors who closely collaborate with academia and public bodies. As such, models sediment a vast body of knowledge designed for the conduct of concrete action, produced in heterogeneous arenas where many interests and frames circulate. In such a context, the main question could be to investigate the ways in which private instruments become models of decision making and to focus on the effects of such a shift on public action itself.

Axis 2: Models, prospective and government of the future
A second entry looks into the ways in which models are used to formulate and to make the futures happen. Modeling the future has been, for a long time, one the tools of the “strategic” State in order to shape long-term policies. Models first try to quantify the policy objectives pursued by the programs are supposed to implement. However, they also integrate, in their computation, specific visions of the future (they plan epidemiological or disaster scenarios, they calculate the costs and benefits of different regulatory options). Models then associate ontological considerations (what entities and what dimensions of a problem should be taken into account?) and normative (what are the most efficient options?), two facets that will be worth exploring.

Axis 3: Model, critique and constraint
A third field of inquiry consists in examining the coercive power of models, in the sense that they tend to have some constraining power over decisions while at the same time remaining invisible for critiques. Of course, some resistance to policy instruments is more and more frequent, but deep asymmetries remain. They are all the more profound that the technicality of the models increases. The entry cost for analyzing models can be very high for those who do not take part in their production or their use: social scientists, obviously, but also citizens or associations. This third axis will discuss the ways in which models are made invisible and how they can still be questioned by external actors.

Axe 1 / Que fait la modélisation aux politiques sociales et aux décisions de justice ?

Ulrike Lepont (Centre de Sociologie des Organisations), Un marché très exclusif. Les acteurs de la modélisation des réformes de protection maladie aux Etats-Unis
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Angèle Christin (Stanford University), Prédire le crime ? Construction et usages des algorithmes d’estimation de la récidive dans la justice pénale américaine
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Émilie Bilan (Université Rennes 2 / CRAPE-Arènes), Sibylle Gollac (CNRS / CRESSPA-CSU), Nicolas Rafin (Université de Nantes / CENS) et Hélène Steinmetz (Université du Havre / IDEES), Un modèle résilient ? Le barème de pension alimentaire face à ses critiques (1999-2016)

Discutant pour l’axe 1 : Emmanuel Henry (Université Paris-Dauphine / IRISSO)

Axe 2 / L’environnement à l’épreuve de la modélisation

Maël Goumri (Université Paris-Descartes / Cermes3), Modéliser l’insaisissable : les futurs des réacteurs nucléaires au prisme des usages des modèles d’accidents graves
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Cécile Coulmain (Université Lumière Lyon 2 / Triangle), Un pouvoir public captif d’un modèle de décision privé ? Le système de pilotage Hublo dans la gestion de l’eau au Grand Lyon
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Leny Panitaux (EHESS / Centre Alexandre Koyré), Un impossible calcul. Petite histoire du rôle de la modélisation dans l’administration de la preuve de la sûreté d’un projet de stockage géologique de déchets nucléaires, en France au tournant du XXIe siècle
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Discutante pour l’axe 2 : Topcu Sezin (CNRS / Centre d’étude des mouvements sociaux – Institut Marcel Mauss)

Ulrike Lepont (Centre de Sociologie des Organisations)

Un marché très exclusif. Les acteurs de la modélisation des réformes de protection maladie aux Etats-Unis
Dans un contexte où la faisabilité budgétaire des projets de réforme est devenue un aspect crucial du débat politique, des outils de modélisation visant à anticiper les coûts associés à ces projets ont été développés. Se pose alors la question de la maîtrise de ces outils de plus en plus sophistiqués : qui sont les acteurs impliqués et qu’est-ce que cette compétence particulière leur apporte ? C’est sur ces questions que cette communication se penche, à partir du cas des réformes du système de protection maladie aux Etats-Unis. Elle montre tout d’abord que, dans ce secteur, les outils de modélisation sont la possession d’un très petit nombre d’experts qui maintiennent leur prédominance en s’investissant dans une constante amélioration technique des modèles qu’ils proposent. Elle montre ensuite comment la maîtrise de ces outils, apparemment purement technique, donne à ceux qui le détiennent une place dans le monde de l’expertise qui va bien au-delà du simple appui technique. C’est en effet, pour eux, un tremplin pour se hisser aux positions les plus stratégiques du conseil auprès des décideurs. C’est aussi un moyen de mettre en avant certaines options de réforme plutôt que d’autres, reflétant leurs préférences politiques et leurs valeurs.

A very exclusive market. Modeling health care reforms in the US
Budgetary feasibility of reform has become a crucial aspect of the political debate in Western democracies. In this context, modeling tools have been developed in order to anticipate the costs of these reforms. This raises questions that have rarely been asked concerning these ever more sophisticated tools: who are the actors involved in their production and what skills do their use entail? This paper proposes to address these questions on the basis of the case of health care reforms in the US. First, it shows that very few people possess such cutting edge expertise, and that they maintain their predominant positions by constantly improving the technical sophistication of their models. Then, it shows how this skill, only technical in appearance, provides them with a privileged position in expertise circles. For them, it represents an opportunity to get access to the most strategic positions of expertise in the political spheres. This is also a way to promote some options for reforms, reflecting their political preferences and their values.

Angèle Christin (Department of Communication, Stanford University)

Prédire le crime ? Construction et usages des algorithmes d’estimation de la récidive dans la justice pénale américaine
La justice pénale américaine connaît actuellement une prolifération de modèles et de logiciels permettant d’évaluer le « risque » posé par les prévenus. Bien que les premières analyses statistiques de la délinquance remontent aux débuts du XXème siècle (Harcourt 2006), c’est principalement à partir des années 1970 que ces formules ont été raffinées, généralisées, et transformées en outils prédictifs (risk assessment tools) permettant de mesurer et de quantifier le risque de récidive de chaque prévenu. Ce projet examine la construction et les usages de ces modèles visant à prédire le crime. Bien que l’utilisation de plus en plus fréquente de ces instruments prédictifs soit liée à des risques forts de renforcement des discriminations raciales et socio-économiques, les éléments d’analyse ethnographique qui ressortent de cette enquête permettent également de relativiser l’impact concret de ces modèles dans l’administration et le rendu de la justice pénale au quotidien.

Predicting Crime? The construction and uses of risk-assessment tools in the U.S. criminal justice system
The criminal justice system in the United States is currently witnessing a multiplication of models and software programs designed to evaluated the “risk” of defendants. Although the first statistical analyses of crime and recidivism go back to the early twentieth century (Harcourt 2006), it is primarily since the 1970s that predictive formulas – or “risk-assessment tools” – have emerged to quantitatively assess the risk of recidivism of any given defendant. In this project, I examine the construction and uses of the risk-assessment tools currently being deployed throughout the U.S. criminal courts. Though the increased reliance of on these tools is associated with higher chances of racial and socioeconomic bias in judicial sentencing, I also find based on an ethnographic study of criminal courts that the concrete practices associated with these instruments may blunt their actual impact on the daily administration of justice in the United States.

Émilie Bilan (Université Rennes 2 / CRAPE-Arènes), Sibylle Gollac (CNRS / CRESSPA-CSU), Nicolas Rafin (Université de Nantes / CENS) et Hélène Steinmetz (Université du Havre / IDEES)

Un modèle résilient ? Le barème de pension alimentaire face à ses critiques (1999-2016)
Dans les années 2000, la justice française, après bien d’autres pays, a mis en place un barème de pension alimentaire, visant à rationaliser le traitement du conflit le plus fréquent à l’issue des séparations conjugales, soit le partage de la contribution économique parentale. Cet instrument discret et technique a pris la forme d’un modèle peu sophistiqué, aisément appropriable par des non-professionnels, qui a pour objectif de guider un nombre important de décisions individuelles rendues par les juges aux affaires familiales. Mais il a été critiqué par plusieurs experts, porteurs d’une conception davantage macroéconomique du modèle. Basée sur une enquête collective de longue durée sur le traitement judiciaire des séparations conjugales, cette communication montre que ces critiques ont paradoxalement conduit à l’élargissement de l’influence et de l’application du barème. Fondé sur une définition restrictive du coût de l’enfant aveugle aux inégalités genrées, il est certes juridiquement peu contraignant, mais il a acquis légitimité et effectivité auprès des caisses d’allocations familiales. Les controverses à son sujet révèlent les logiques distinctes du recours à la modélisation dans les tribunaux et dans les administrations sociales et montrent que le barème participe à la reconfiguration des rapports entre ces différentes institutions.

A resilient model? French child support guidelines strengthened by criticism (1999-2016)
Following many other countries, the French judiciary has set up child support guidelines since the 2000s. These guidelines promote a genderblind and restrictive calculation of the cost of a child in order to rationalize the treatment of parental disputes on child support, which are the most frequent ones in family courts. This discreet and technical tool of government is an unsophisticated model, which can readily be appropriated by non-professionals in order to take individual decisions. However, it has been challenged by several experts, who carry a more macroeconomic conception. This talk is based on a long-term collective research on family justice. It will show that these criticisms paradoxically led to the widening of the influence of these guidelines. Although they are optional for judges, they have gained legitimacy and effectiveness through their use by the caisses d’allocations familiales (family allowance fund). The controversies on child support guidelines reveal that these Welfare agencies do not use modeling as the judiciary does. In fact, the use of child-support guidelines contributes to reconfiguring the relationships between the two main institutions in charge of public policy targeting marital dissolutions.

Maël Goumri (Université Paris-Descartes / Cermes3)

Modéliser l’insaisissable : les futurs des réacteurs nucléaires au prisme des usages des modèles d’accidents graves
Les codes de calcul sont des outils de modélisation incontournables pour les processus d’expertise en sûreté nucléaire, notamment pour évaluer les risques d’accident lors de la conception des réacteurs. Cette communication revient sur les débats d’experts quant à leur utilisation à propos sur la gestion du cœur fondu en cas d’accident grave. Ces débats ont des implications importantes sur les choix futurs.
Ces codes sont construits de façon hybride en mobilisant différentes formes de savoirs produits par différentes communautés d’experts. Ils permettent le passage à échelle macro de connaissances issues des essais à petite ou moyenne échelle se basant sur des calculs choisis à partir d’hypothèses qui ne peuvent pas toujours être vérifiées empiriquement. Cela peut conduire à des estimations très différentes d’un même risque et, in fine, à des controverses scientifiques. Dans le cadre du projet In Vessel Melt Retention actuellement conduit par l’IRSN, plusieurs industriels souhaitent démontrer grâce aux codes disponibles, qu’un dispositif de maintien en cuve du cœur fondu est réalisable pour les réacteurs en conception. Cela permettrait de s’affranchir de l’implantation d’un dispositif de récupération du corium beaucoup plus onéreux, mais qui s’affirme néanmoins comme une référence de sûreté. Or, l’efficacité de cette option technique fait l’objet d’une controverse notamment du fait des incertitudes dans l’usage de ces modèles qui supposent de maintenir une marge suffisante.

Modeling Intangibles. Future nuclear reactors in the face of severe accident models’ uses
Calculation codes are inescapable tools for nuclear safety expertise, particularly to evaluate the risk of accident during the reactor’s design. This paper looks back on debates amongst experts about their use for managing the molten core in case of severe accidents. These debates have strong implications for future design choices.
The codes are built in a hybrid way and combine different types of knowledge produced by various expert communities. They permit the extrapolation to a macro scale of knowledge produced within small or medium scale experiments using calculations. These calculations are made following hypotheses that cannot always be empirically verified. That could lead to varied estimations of the same risk and, in short, to controversies. In the In Vessel Melt Retention project, conducted by IRSN, a number of designers seek to demonstrate, using calculation models, that an in-vessel retention system of molten core is achievable for future reactors. It would make it possible to free future reactors from an expensive core-catcher, still considered a reference requirement in terms of safety. However, the efficiency of in-vessel retention is controversial, especially due to the uncertainties concerning the models that are supposed to maintain sufficient safety margins.

Cécile Coulmain (Université Lumière Lyon 2 / Triangle)

Un pouvoir public captif d’un modèle de décision privé ? Le système de pilotage Hublo dans la gestion de l’eau au Grand Lyon
Depuis février 2015, la Métropole de Lyon, autorité organisatrice de l’alimentation en eau potable de l’agglomération, dispose d’un outil inédit d’aide au pilotage de la gestion de l’eau : le centre de supervision Hublo. Cette plateforme, qui permet d’obtenir et d’agréger en temps réel l’intégralité des données de gestion de l’eau (production, maintenance, qualité, etc.), s’inscrit dans une double démarche portée par l’institution publique : produire un service de l’eau optimal et avancer dans sa stratégie de déploiement de la « smart city ». Mais au-delà de l’innovation qu’elle représente, la plateforme Hublo traduit un repositionnement conjoint de l’autorité publique et de son délégataire en charge de l’exécution du service de l’eau, l’opérateur Veolia. En effet, ce modèle d’aide à la décision participe d’une reprise de contrôle et de supervision de l’activité du délégataire par le Grand Lyon. Cependant, en tant que technologie développée et déployée par l’opérateur privé, il renforce sa position d’acteur majeur voire indispensable de la gestion de l’eau à l’échelle du territoire (et plus largement encore…). Il s’agira alors d’interroger dans quelle mesure Hublo crée les conditions d’une relation de dépendance de l’autorité publique vis-à-vis de son délégataire.

A public authority dependant on private decision model? The Hublo system for water management in Greater Lyon
Since February 2015, the Metropole of Lyon, as competent authority in urban water service, has a new water management tool to ensure drinking water supply service of the urban area, called “Hublo”. Essentially, Hublo is a platform that allows to obtain and aggregate in real time all water management data (production, maintenance, quality, etc.). It is a strategic tool for Greater Lyon : it allows to produce an optimal water service and also contributes to the metropolitan policy of smart city. Beyond the innovation it represents, Hublo reflects a repositioning of the public authority helping it to control and monitor the activity of its delegate Veolia, responsible for implementing the water service. But at the same time, as a technology developed and deployed by the private firm, it strengthens Veolia’s position as a major player for water management at the local level (and even more…). In this regard, the purpose of this communication will be to examine how Hublo puts the public authority in a relationship of dependency from its delegate.

Leny Panitaux (EHESS / Centre Alexandre Koyré)

Un impossible calcul. Petite histoire de la modélisation dans l’administration de la preuve de la sûreté d’un projet de stockage géologique de déchets nucléaires, en France au tournant du XXIe siècle
Avant les années 2000, l’impact radiologique d’un projet de stockage géologique de déchets nucléaires constituait l’étalon de l’évaluation de sa sûreté. Cependant, la décroissance radioactive de certains radionucléides destinés à être enfouis se compte en centaines de milliers d’années. Sur de telles temporalités, il est difficilement envisageable de construire un modèle de la migration des radionucléides vers la surface qui intégrerait l’ensemble des phénomènes qui peuvent influer sur l’évolution du stockage.
Alors que l’Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs (Andra) doit montrer au Parlement sa capacité à concevoir un stockage sûr en 2005, le directeur général de l’Agence mène un travail important afin de requalifier les fondements de la démonstration de sûreté d’un projet de stockage. L’objectif de cette communication est d’analyser cette transformation. Au début des années 2000, la construction d’un modèle global à même de calculer l’impact radiologique du stockage n’est plus envisagée comme pouvant seule permettre de garantir la sûreté d’un stockage. L’heure est à « l’action mesurée » (Callon et al., Agir dans un monde incertain, 2001) : modeste et responsable, la direction de l’Andra présente désormais un « faisceau d’arguments » étayant sa conviction que les incertitudes sur la compréhension de l’évolution du dépôt qui inévitablement subsistent ne constituent pas un obstacle rédhibitoire à l’autorisation d’une telle installation.

An impossible calculation. A short history of modeling for administering scientific proof of the safety of a nuclear waste storage project in France, at the turn of the 21st century
In France, before the beginning of the 2000’s, the radiological impact of a nuclear waste storage project was the decisive standard to evaluate its safety. However, for some elements intended to be buried, the radioactive decay below an acceptable level could take hundreds of thousand years. Over such periods of time, it cannot reasonably be expected to construct a model including all physical phenomena affecting the storage evolution.
In 2005, the National Agency for Radioactive Waste management (Andra) had to prove to the Parliament its capability to design a safe storage. At this moment, the Andra chief executive officer done an significant work to redefine the safety demonstration basis of a storage project. The aim of this communication is to analyze this transformation. At the beginning of the 2000’s, it was no longer expected that constructing a global model able to calculate the radiological impact of a storage could ensure the storage safety by itself. From that time, the “measured action” guided nuclear waste government (Callon et al., Agir dans un monde incertain, 2001). Andra directors became modest and responsible: inevitably there were uncertainties but a “cluster of arguments” supported their belief than those uncertainties were not a crippling problem for a storage authorization.

Lundi 10 juillet 2017 13h30-17h30

AGUITON Sara, sara.aguiton@ehess.fr
BILAND Émilie, emilie.biland@univ-rennes2.fr
BOULLIER Henri, henri.boullier@parisdescartes.fr
CHRISTIN Angèle, angelec@stanford.edu
CORNILLEAU Lise, lise.cornilleau@sciencespo.fr
COULMAIN Cécile, cecile_coulmain@yahoo.fr
GOLLAC Sybille, sibylle.gollac@cnrs.fr
GOUMRI Maël, mael.goumri@gmail.com
HENRY Emmanuel, emmanuel.henry@dauphine.fr
JUVEN Pierre-André, pierreandre.juven@gmail.com
LEPONT Ulrike, ulrike.lepont@gmail.com
PATINEAUX Leny, leny.patinaux@ehess.fr
RAFIN Nicolas, nicolas.rafin@univ-nantes.fr
STEINMETZ Hélène, helene.steinmetz@ens.fr
TOPCU SEZIN sezin.topcu@ehess.fr