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Responsables scientifiques
Sébastien Michon (Université de Strasbourg) smichon@unistra.fr
Etienne Ollion (Université de Strasbourg) ollion@unistra.fr
Fonction centrale des assemblées, la production législative est aussi l’objet de l’attention principale des chercheur.e.s, qui souvent placent la question de la production de la loi au cœur de l’analyse. L’activité des élus ne se limite pourtant pas au travail de fabrique législative, ou même au travail de contrôle de l’exécutif. Bien d’autres pratiques politiques ont lieu dans ces lieux, comme au cours du mandat de parlementaire. Par ailleurs, les élus ne sont pas les seuls à participer à la production législative, y compris lorsque celle-ci est de leur ressort. À côté de ces derniers, nombre d’acteurs sont impliqués, qu’une focale centrée sur les élus tend à faire disparaître de l’analyse.
C’est à l’étude de ces activités qui se déroulent « dans l’ombre de la loi » au sein d’espaces dédiés avant tout à la production législative, que cette section se propose de contribuer. L’objectif est à la fois de mieux connaître le fonctionnement de ces institutions et de leurs agents, mais aussi de s’en servir comme autant d’observatoires pour analyser le champ politique et ses dynamiques.
Plusieurs dimensions pourront être envisagées, seules ou combinées :
i) Un premier axe de réflexion pourrait consister à s’intéresser à l’usage que font les élus de leur mandat. A côté de l’activité législative à proprement parler, bien d’autres sont réalisées au cours du mandat. A tel point que la production législative, même entendue au sens large de toutes les activités qui tiennent à la production ou la modification de la loi, constitue une part circonscrite de leur activité quotidienne. Cette situation connaît d’ailleurs des variations. D’une époque à l’autre, les usages du parlement diffèrent. D’un pays à l’autre, les ressources octroyées, la visibilité médiatique conférée, ou encore les formes du travail parlementaire permettent des usages du parlement (et du mandat) qui varient fortement.
ii) Un autre aspect consiste à s’intéresser aux « personnels de renfort » (Becker, 1988) des parlementaires, afin de saisir le rôle qu’ils jouent dans la production législative. Dans les parlements, les élus ne sont en effet pas les seuls à prendre en charge l’activité de production législative. Si plusieurs travaux récents ont bien montré le rôle joué par les collaborateurs d’élus dans ce domaine, ils ne sont toutefois pas les seuls à accompagner ces derniers dans cette tâche. Plusieurs autres acteurs peuvent être évoqués. Souvent confondus avec le parti, les groupes politiques jouent un rôle crucial d’organisation de l’activité parlementaire. Les administrateurs sont un autre maillon peu visible mais central à l’activité législative. Ils forment un petit groupe aussi discret qu’important au fonctionnement de l’institution. D’autres pourraient être mentionnés, comme les commissaires du gouvernement (envoyés des ministères lors de la discussion de la loi, qui à l’Assemblée disposent d’espaces réservés), etc.
iii) Un autre aspect consistera à étudier les aspects extra-législatifs de l’activité des élus, y compris lorsqu’elle est orientée vers le travail de la loi. Le dépôt d’une proposition de loi ou d’amendements, la prise en charge de rapports, les interventions en séance ou en commission ou l’interpellation du gouvernement via des questions sont autant d’activités surdéterminées par divers enjeux politiques – dont des enjeux de publicisation ou de carrière. Le troisième axe de la session se donne pour objectif d’examiner la manière dont les parlementaires mènent leur travail « au travers de la loi ».
Partant de ce constat d’une diversité des usages des parlements au-delà de la production législative, comme des acteurs qui participent à la production législative, la section thématique invite des propositions qui traitent de l’un de ces thèmes, ou les croisent. Offrant un nouveau point de vue sur ces institutions, la section doit permettre aussi d’ouvrir une fenêtre originale sur le champ politique et ses évolutions. Car si la production de la loi n’est qu’une activité mineure de ces institutions, en particulier dans certains pays où la place des parlementaires dans le trajet de la loi est relativement limitée (Huber, 1986), les parlements restent le plus souvent des lieux centraux de la vie politique nationale.
Une priorité sera donnée aux travaux qualitatifs comme quantitatifs qui permettent une mise en perspective (historique, nationale, institutionnelle), comme à ceux qui mettent l’accent sur des aspects moins connus de l’activité de ces institutions.
A central function of parliaments – at least constitutionally -, lawmaking is probably the aspect that has retained most of the attention of researchers. However, the activity of the members of parliaments is neither limited to lawmaking, nor to the control of the executive branch. In fact, MPs carry out scores of other activities during their term. Moreover, elected officials are not the only ones to participate in the legislative production, including when it is their responsibility. Besides them, many other actors are involved whose role tends to be concealed by a strict focus on elected members.
This section aims at examining these various activities taking place « in the shadow of the law » in such spaces primarily dedicated to legislative production. The goal is to reach a better understanding of the functioning of these institutions and their agents, but also to use parliaments as observatory points to analyze in the political field and its dynamics. The section welcomes proposals from scholars working in this area, irrespective of their original discipline, methods or theoretical approach. The proposals can tackle (but are not limited to) one of the following aspects:
i) A first possible direction of work is to investigate what MPs do of their term. Besides lawmaking, MPs carry out many activities while elected: they meet socio-economic actors or representatives of interest groups; they exchange with colleagues and attend party or group meeting; they interact with journalists, they invite constituents, etc …. Ultimately, lawmaking is only a limited share of their activity, even when understood in the broadest sense of the term. How do MPs use their term in office, and what for?
ii) Other proposals could focus on the « supporting personnel » who assist parliamentarians, in order to better understand the role they play in the everyday life of the institution. While they sign the bills into laws, the Members of parliaments are not the one who dedicate most time working on them. Other groups can be mentioned: often confused with the party, political groups play a crucial role for the organization of parliamentary activity. Nowadays, they are endowed with a permanent staff which gives them some leeway to develop an expertise on various topics, although with significant variations from one country to another. Officials are another discreet but central group in the legislative work. They play a central role in the functioning of the institution. In fact, they are the one who, at the request of the MPs, draft texts and amendments or reports without ever endorsing them. During committee sessions, they advise parliamentarians. Others actors could be mentioned, such as government envoys, sent by the cabinets during the discussion of the law in order to follow closely the process.
iii) Other proposals again could zoom in on the extra-legal aspects of the lawmaking process. Submitting a bill or an amendment, filing in a report, intervening during plenary or committee sessions, asking questions to the government… all of these activities are over-determined by various political rationale – from communication to career-making. To take just an example, the number of votes, amendments and written questions to the government all rose significantly in France in the last two decades, despite reforms aimed at curbing this growth. This « legislative inflation » shows well that politicians are also using the tools at their disposal to carry out their activities. On this case or on others, the session invites papers which try detail and account for this repurposing, and examine how MPs conduct their work « through the law ».
Priority will be given to qualitative and quantitative works and papers offering a comparison (historical, national, institutional) as well as to those focusing on understudied aspects.
REFERENCES
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Axe 1 / Ce que font les députés
Discutant : Frédéric Sawicki (CESSP, Université Paris 1)
Vincent Dubois (SAGE, Sciences Po Strasbourg), Marion Lieutaud (LSE), La « fraude sociale » en questions : l’essor d’une thématique politique au prisme des questions à l’Assemblée nationale (1986-2016)
Laure Squarcioni (CED, Sciences Po Bordeaux), La dépendance au parti des députés : étude du mandat parlementaire sous l’angle partisan
Martin Baloge (CESSP, Université Paris 1), Que faire quand on ne peut presque rien faire ? Agir (autrement) à l’Assemblée Nationale et au Bundestag en situation de fait majoritaire
Olivier Costa (CED, Sciences Po Bordeaux), Corentin Poyet (Sciences Po Grenoble), Par-delà les murs du Palais Bourbon : le travail en circonscription des députés français
Axe 2 / Ce qui se passe autour des députés
Discutante : Catherine Achin (IRISSO, Université Paris Dauphine)
Damien Lecomte (CESSP, Université Paris 1), Les groupes politiques : faire exister une majorité parlementaire
Jonathan Chibois (IIAC LAIOS, EHESS), Le service des systèmes d’informations à l’Assemblée nationale. Infrastructure et réseaux dans le monde parlementaire
Willy Beauvallet (Triangle, Université Lyon 2), Des élus aux groupes d’intérêts : trajectoires et représentations des auxiliaires du travail politique et parlementaire
Guillaume Courty (CERAPS, Université Lille 2), Les hommes de l’ombre. Comment l’encadrement institutionnel du lobbying en France invisibilise les représentants d’intérêt et leur travail
Vincent Dubois (SAGE, Sciences Po Strasbourg), Marion Lieutaud (LSE)
La « fraude sociale » en questions : l’essor d’une thématique politique au prisme des questions à l’Assemblée nationale (1986-2016)
Cette communication rend compte de l’émergence et du « succès » d’une thématique devenue saillante dans le débat politique sur les questions sociales : les abus et la fraude dont se rendraient coupables les bénéficiaires de prestations sociales. On propose à ce propos cinq hypothèses. 1) Ces prises de position proviennent d’abord (chronologiquement et quantitativement) de la droite du champ politique. 2) Si elles restent un « marqueur partisan » à droite, elles sont cependant peu à peu reprises par des agents aux positions politiques plus diversifiées, au centre ou au Parti socialiste. 3) Ceux qui s’opposaient à ces discours rigoristes ont de moins en moins la parole, et se recrutent progressivement de plus en plus exclusivement « à la gauche de la gauche ». 4) À cette diffusion se combine un durcissement progressif des prises de position politiques, dans un discours appelant de plus en plus à des sanctions à l’égard de populations toujours plus explicitement stigmatisées. 5) Ce durcissement a pour corollaire le net affaiblissement des discours alternatifs, et in fine la « naturalisation » d’une thématique politique. Pour étayer ces hypothèses nous avons constitué un corpus d’environ 1000 questions, de 1986 à 2016, recodées de manière à faire apparaître les caractéristiques du député posant la question, de l’objet et des orientations de son interpellation.
Welfare fraud into questions: the rise of a political issue through the lens of parliamentary questions at the French National Assembly (1986-2016)
This paper relates the emergence and success of the topic of welfare fraud – namely, the acts of misuse and fraud supposedly committed by welfare recipients – a theme which has gained much prominence in political debates on social issues. We present 5 hypotheses: 1/ Stances on welfare fraud mostly originate – both chronologically and quantitatively – from the right of the political arena; 2/ Although the theme of welfare fraud remains largely associated with the right-wing, MPs from the centre and the Socialist Party have progressively come to use it as well, thus signifying a diversification of the agents carrying this theme ; 3/ The voices opposing punitive discourses against welfare fraud have become less and less audible, and tend to find themselves almost exclusively at “the left of the left” ; 4/ The growing and spreading of the topic of welfare fraud coincides with a gradual hardening of the political line, always calling for more sanctions towards ever more explicitly stigmatised populations; 5/ While the general line gets progressively tougher, alternative discourses get weaker, as part of the “naturalisation” of this political theme. To support these hypotheses, we have constituted a body of over 1,000 parliamentary questions, ranging from 1986 to 2016, with a coding designed to bring out the characteristics of the MPs asking the questions, as well as the specific object and political orientation of their appeal.
Laure Squarcioni (CED, Sciences Po Bordeaux)
La dépendance au parti des députés français : étude du mandat parlementaire sous l’angle partisan
Un député ne peut espérer faire carrière en France, ni même peser sur la prise de décision politique, s’il n’appartient pas à un parti. À chaque étape, on retrouve le parti politique, que ce soit pendant la sélection avec les investitures, durant l’exercice du mandat à travers notamment le groupe parlementaire ou encore la reconquête du pouvoir qui passe par les militants et le parti national. Ce lien au parti, que nous étudierons avec l’aide de la notion de dépendance au parti, façonne la manière qu’ont les députés d’appréhender leur mandat et affecte leur comportement. Cette communication analyse ce phénomène en comparant les députés du PS et de l’UMP durant la XIIIe et la XIVe législature. Quatre profils de dépendance au parti ont d’abord été dégagés : l’utilitariste, le fataliste, le fidèle et l’éléphant du parti. La relation de dépendance au parti influence, à une intensité variable, le comportement du député, dans de nombreuses sphères d’action du mandat, notamment à l’Assemblée nationale et en circonscription. L’enjeu est de montrer que le mandat parlementaire ne peut se résumer à l’étude de la production législative. Derrière le travail parlementaire se trouvent des logiques partisanes sous-jacentes qui agissent comme un filtre décisionnel sur le comportement du député. Étudier le mandat de député sous l’angle partisan permet de saisir les dynamiques et le fonctionnement de l’institution parlementaire et de dépasser ainsi le mythe de la représentation nationale.
French Deputies’ Party dependency: an empirical analysis of MPs’ mandate from the party perspective
A deputy cannot hope to make a career in France, or even to influence political decision-making if he does not belong to a party. The political party plays a crucial role in this respect at each stage of the MPs’ career, from selection to re-election with the help of the national party and the party on the ground and through the exercise of his mandate within the parliamentary party group, This specific link to the party – i.e. the party dependency- shapes the manner in which MPs understand their mandate and affects their behaviour. This paper analyses the party dependency by comparing MPs from two government parties, the Socialist Party (PS) and the Union for a Popular Movement (UMP) during the XIII and the XIV legislatures. Different types of party dependency among MPs have been identified: the utilitarian, the fatalistic, the believer and the grandee. Party dependency affects MPs’ behaviour with a varying intensity over time and space, in particular in the National Assembly and during constituency work. The aim is to point out that MPs’ work cannot be reduced to lawmaking. MPs’ activities are influenced by their relationship to the party, which acts as a decision filter on their behaviour. Considering MPs’ mandate from the perspective of the party brings to light the dynamics and the functioning of the parliamentary institution and thereby, helps to go beyond the myth of national representation.
Martin Baloge (CESSP, Université Paris 1)
Que faire quand on ne peut presque rien faire ? Agir (autrement) à l’Assemblée nationale et au Bundestag en situation de fait majoritaire
Souligner que les parlements, en Europe, sont des institutions dominées voire marginalisées semble relever, de nos jours, du truisme. La production législative ne se décide généralement pas au sein des chambres basses et les députés ne disposent souvent que de marges de manœuvre restreintes pour peser sur la Loi. Face à ce constat, nous proposons de décaler notre regard sur d’autres formes de participation et d’activité que développent les députés français et allemands dans leur assemblée. Il s’agit alors de répondre à la question suivante : que font ces élus lorsque pour diverses raisons ils ne peuvent pas, ou ne souhaitent pas, participer directement à l’élaboration de la Loi ? Nous insistons en particulier sur le fait que les assemblées nationales peuvent être considérées comme des espaces de socialisation qui contribuent à la fois au rapprochement des députés avec différents acteurs (collaborateurs, agents administratifs, groupes d’intérêts, citoyens ordinaires, associations, etc.) et qui produisent des effets sur leurs perceptions du monde en renforçant ou en réorientant leurs appartenances sociales et professionnelles. Cette communication s’appuie sur des entretiens réalisés en Allemagne et en France auprès de parlementaires, de collaborateurs, d’administrateurs et de représentants d’intérêts, ainsi que sur une observation non-participante réalisée au Bundestag au contact d’un député CDU.
What to do when you cannot do anything ? Acting (differently) in the Assemblée nationale and Bundestag in a context of legislative submission.
It seems to be hard to argue that Parliaments are dominated institutions in Europe nowadays. Laws are generaly not produced in these legislative assemblies and often MP’s are not enough empowered to influence the law-making process. Facing this situation, we propose to shift our focus on further forms of participation and activities that French and German MP’s develop in their institution. Thereby, we intend to answer the following question : how French and German MP’s proceed when they cannot or do not want to participate in the law-making process for various reasons? We insist on the fact that national assemblies can be considered as socializing spaces which, firstly, contribute to build closer relationships with different actors (collaborators, public servants, lobbies, ordinary citizens, associations, etc) and secondly, impact on their vision of the society, either strengthening or reorientating their affiliation to social and professional groups. This communication is based on in-depth interviews with French and German MP’s, collaborators, public servants, lobbyists as well as on internal observations made in the Bundestag, within the staff of a right-wing MP.
Olivier Costa (CED, Sciences Po Bordeaux), Corentin Poyet (Sciences Po Grenoble)
Par-delà les murs du Palais Bourbon : le travail en circonscription des députés français
La littérature s’est beaucoup attachée à expliquer les raisons qui incitent les députés à s’investir en circonscription en mettant l’accent tant sur l’aspect informationnel que sur l’aspect électoral. Pourtant, malgré cet intérêt, peu de chercheurs se sont penchés sur les pratiques concrètes des députés. En mobilisant des données ethnographiques (observation des députés lors de leurs séjours en circonscription) et d’entretiens, cette communication vise à interroger la place de l’appartenance partisane des élus dans leur réponse à ce qui est devenu un impératif de proximité avec les citoyens. Malgré la diversité des pratiques, il apparaît que les députés n’intègrent que rarement les débats nationaux lors des rencontres avec les citoyens et groupes sociaux en circonscription. Les contenus partisans sont ainsi très rares. A l’inverse, presque tous déclarent se nourrir de ce qu’ils entendent en circonscription pour formater leurs prises de parole à l’Assemblée. Cela indique donc que pour saisir la fabrique des politiques publiques, il faut aller au-delà de la procédure législative à proprement parlé et prendre en compte ce qui se passe par-delà les murs de l’Assemblée.
Beyond the walls of the Palais Bourbon : French MPs in their district
Literature pays a lot of attention to the factors inciting MPs to invest in their district. It highlights the importance of district work to gather information from constituents but also for securing reelection. However, despite this interest, only few studies focus on concrete district work. By mobilizing ethnographic data (observations of MPs during their stays in their district) and in-depth interviews, the paper aims to investigate the role of party membership and ideology in MPs response to the necessity of assuring a proximity with citizens and social groups. Despite the variety of practices, the results show that MPs rarely refer to national issues and parliamentary debates when they meet with constituents at the district level. Partisan contents are thus very limited. MPs declare they feed on what they listen and see in the district to further formalize their positions in Parliament. This indicates that to understand policy-making process, we should go beyond the formal legislative procedure and consider what happens beyond the walls of the parliament.
Damien Lecomte (CESSP, Université Paris 1)
Les groupes politiques : faire exister une majorité parlementaire
Les groupes politiques sont des structures essentielles de l’Assemblée nationale : ils participent à l’organisation de ses travaux et contrôlent l’accès à des responsabilités qu’ils distribuent entre leurs membres. Être la représentation parlementaire d’une organisation partisane impose un travail politique pour encadrer les activités de ses membres et faire exister le groupe en tant qu’entité collective ayant des objectifs communs et une action commune. Ce travail de gestion d’un groupe parlementaire est un enjeu particulièrement crucial pour le groupe le plus nombreux, notamment s’il détient la majorité absolue ou presque : dans un système politique qui repose sur le « fait majoritaire », il lui revient de faire exister une majorité parlementaire stable et disciplinée, sur laquelle le pouvoir gouvernant puisse s’appuyer durablement et qui collabore avec lui pour mettre en œuvre la traduction législative d’un projet politique. Au-delà des différences entre les partis majoritaires successifs, les groupes reposent cependant moins sur des règles statutaires et des procédures strictes qu’ils ne sont gouvernés par le sens pratique, les habitudes informelles et les relations interpersonnelles. Loin d’être le résultat mécanique et passif d’une relation verticale d’autorité fondée sur une contrainte pure, la discipline est aussi faite de multiples accommodements et négociations, qui laissent certaines marges de manœuvre aux députés.
Political groups: making a parliamentary majority
Political groups are essential structures of the National Assembly: they contribute to the organization of its work and they control the access to some responsibilities distributed among their members. Being the parliamentary representation of a partisan organization imposes a political work to supervise its members’ activities and to build the group as a collective entity with common objectives and action. This management of a parliamentary group is specifically decisive for the largest group, notably if it disposes of an absolute or nearly absolute majority: with a political system based on the “majority rule”, it has to make a stable and disciplined majority, and the governing power could rely on this majority, which would collaborate with it so as to enforce the legislative implementation of a political project. Beyond the differences between successive governing parties, parliamentary groups are less based on statutory rules and strict procedures than on practical sense, informal habits and interpersonal relationships. Far from being a mechanic and passive result of a vertical relationship of authority based on pure constraint, discipline is also made of multiple accommodations and negotiations, and the deputies can have room for maneuver.
Jonathan Chibois (IIAC LAIOS, EHESS)
Le service des systèmes d’informations à l’Assemblée nationale. Infrastructure et réseaux dans le monde parlementaire
Cette communication propose de présenter le service des systèmes d’informations (SSI) de l’administration de l’Assemblée nationale française. Bien que ses activités soient aujourd’hui méconnues, les missions de ce service sont aujourd’hui cruciales dans l’exercice quotidien du pouvoir législatif, et cela pour trois raisons. Premièrement en raison de l’étendue de ces missions. Le SSI doit non seulement concevoir des applications métiers spécifiques au travail législatif ainsi que les réseaux de communications qui leur sont nécessaires au Palais Bourbon, mais aussi assurer leur maintenance et fournir une assistance aux utilisateurs. Deuxièmement, en raison de son rôle de chef d’orchestre. Ses missions offrent aux utilisateurs une plateforme coopérative de gestion documentaire, qui est centralisée. Cette plateforme rassemble et rend accessible l’ensemble des données parlementaires produites durant le processus législatif à ses différents acteurs. En tant que telle, elle organise et prolonge la division du travail parlementaire. Troisièmement, en raison de son rôle de conseil. En traduisant en code informatique de règles, de normes et de pratiques juridiques, le SSI prolonge et formalise certains principes de fonctionnement du travail parlementaire. Il devient alors un interlocuteur incontournable, pour les députés et le personnel de l’administration, pour toute question relative au travail parlementaire.
The information systems service at the National Assembly. Infrastructure and networks in the parliamentary world.
This presentation presents the information systems service (SSI) of the French National Assembly’s administration. Although its activities are hardly known, nowadays the functions of the SSI are crucial to the day-to-day operation of the legislature. There are three key aspects to their work : Firstly, the breadth of scope of the services. The SSI must not only develop the appropriate parliamentary applications together with the associated networking in the Palais Bourbon, but also provide technical support and advice to the users. Secondly, its role of conductor of the “orchestra”. The SSI offer users a document creation system and process within a cooperative framework, which is totally centralized. This platform captures and then makes available all the various documents (and versions) created during the legislative process to the multiplicity of users. As such, it creates and hence organises the parliamentary work-flow. Thirdly, its advisory role. In its transformation of legal rules, norms and practices into software, the SSI extends and formalises some key aspects of parliamentary work. It has become a key interlocutor for MPs and the administration’s staff, for any matter relating to parliamentary work.
Willy Beauvallet (Triangle, Université Lyon 2)
Des élus aux groupes d’intérêts : trajectoires et représentations des collaborateurs parlementaires
Elus, ministres et haut-fonctionnaires, représentants d’intérêts constituent les trois pôles habituels du jeu législatif. Ils sont assistés d’individus (collaborateurs d’élus, collaborateurs de groupes, conseillers des ministres et chargés de relations institutionnelles) dont les fonctions sont articulées les unes aux autres dans le cadre de carrières relativement spécifiques. Débutant auprès des élus, ces carrières passent par une série de positions au sein des cabinets ministériels avant de déboucher sur des postes de lobbyistes, au sein de groupes privés ou parapublics. A partir d’observations participantes et d’entretiens, on cherchera à comprendre la manière dont ces différentes fonctions se construisent les unes par rapport aux autres. Si le « pantouflage » des fonctionnaires issus des grands corps ou les processus de « revolving doors » touchant les dirigeants politiques sont au cœur des questionnements relatifs à l’interpénétration public/privé, la circulation des couches intermédiaires du travail politique est assez peu interrogée. Le fait que la représentation d’intérêts constitue l’un des horizons professionnels les plus probables des collaborateurs d’élus a des effets importants sur leur manière de se représenter, à la fois leur rôle en tant que collaborateur au service d’un élu, mais également leur vision du fonctionnement normal de l’Etat et de la fabrication de la loi.
From members of Parliament to interest groups: trajectories and representations of political staffers and parliamentary assistants
Members of Parliament, ministers and high civil servants, and interest groups constitute the usual poles of the legislative game. They are attended by individuals (parliamentary assistant or political staffers, advisers to ministers and lobbyists) whose jobs are articulated one to another by specific professional careers. Beginning in parliaments, these careers go through several positions within ministerial cabinets before leading to positions in private or para-public sector. Through direct observations and interviews, we will try to understand how these different jobs are built in relation to each other. If the « pantouflage » of high civil servants or the processes of revolving doors affecting political leaders are at the heart of questions concerning the interpenetration of public and private sector, questions links to the circulation of the intermediate levels of political workers is far less asked. The fact that interest groups constitutes one of the most likely career prospect of parliamentary assistant or political staffers has quite important outcomes on the way they represent themselves, their role as political staffers, or the process of law-making.
Guillaume Courty (CERAPS, Université Lille 2)
Les hommes de l’ombre. Comment l’encadrement institutionnel du lobbying en France invisibilise les représentants d’intérêt et leur travail
La France s’est dotée depuis 2009 d’une réglementation du lobbying. La première version était cantonnée autour de l’Assemblée nationale, la dernière est nationale et concerne également l’exécutif et les collectivités territoriales. Ces différentes versions ont un point commun : mettre à disposition des citoyens des informations sur les représentants d’intérêt qui s’inscrivent sur un registre. La présente communication a donc utilisé ces registres pour comparer les éléments mis à disposition du public. Ces trois populations (Assemblée, Sénat, nationale) ont été comparées avec une autre population composée pour effectuer un suivi de cohorte sur 15 ans. Le résultat tient en deux constats. Le premier tend à focaliser l’attention sur des données qui ne permettent en rien de savoir comment ces représentants agissent. Pour explorer cet aspect pratique du lobbying, il faut s’en remettre à des articles de presse ou à des rapports d’ONG qui alertent sur telle ou telle méthode ou habitude. Le second résultat renvoie à la morphologie de ces populations. Celles qui sont « officielles » ne recouvrent pas celles qui sont opérationnelles. Des vides sont directement le produit de la volonté des pouvoirs publics : ne pas montrer le travail des partenaires sociaux, de fonctionnaires et des associations d’élus. D’autres permettent d’explorer différentes formes de censure qui sont à l’œuvre dans le champ politique français qui sélectionne ainsi les acteurs considérés comme légitimes et exclut les autres.
Men in the dark. How lobbying registration in France put interest representatives and their work out of the light
France has been equipped since 2009 with a lobbying registration. The first version was confined around the Parliament, the last one is national and also concerns the executive and the local authorities. These various versions have a common point: make citizens aware of interest’s representatives who join on a register. This communication used these registers to compare the elements that citizens can see. These three populations (Assembly, Senate, national) were compared with another population consisted to make a follow-up of cohort. The result holds in two reports. The first one tends to focus the attention to data which do not at all allow to know how these representatives are acting in the political field. The second result sends back to the morphology of these populations. Those who are « official » do not recover those who are operational. This blank space is directly the product of the will of public authorities: do not show the work of the social partners, the state employees and the associations of elected representatives. Others allow to explore various forms of censorship which are at work in the French political arena which so selects the actors considered as legitimate and excludes the others.
Mardi 11 juillet 2017 9h00-13h00
ACHIN Catherine catherine.achin@dauphine.fr
BALOGE Martin mbaloge@gmail.com
BEAUVALLET Willy willy.beauvallet@univ-lyon2.fr
CHIBOIS Jonathan chibois@ehess.fr
COASTA Olivier o.costa@sciencespobordeaux.fr
COURTY Guillaume courty.guillaume@sfr.fr
DUBOIS Vincent vincent.dubois@misha.fr
LECOMTE Damien dlecomte@assemblee-nationale.fr
LIEUTAUD Marion lieutaum@tcd.ie
MICHON Sébastien smichon@unistra.fr
OLLION Etienne (ollion@unistra.fr
POYET Corentin corentin.poyet@sciencespo-grenoble.fr
SAWICKI Frédéric frederic.sawicki@univ-paris1.fr
SQUARCIONI Laure laure.squarcioni@gmail.com