le portail de la science politique française

rechercher

ST73

Fonctionnalisation et (dé)politisation de l’Assemblée générale des Nations Unies : contributions à une sociologie des institutions internationales

The Functionalization and (De)politicization of the United Nations General Assembly (UNGA): Contributions to a Sociological Analysis of International Institutions

Responsables scientifiques
Delphine Placidi-Frot (Faculté Jean Monnet, Université Paris-Sud, Université Paris-Saclay / Institut d’Etudes de Droit Public) delphine.placidi-frot@u-psud.fr
Simon Tordjman (Institut d’Etudes Politiques de Toulouse/Laboratoire des Sciences Sociales du Politiques) simon.tordjman@sciencespo-toulouse.fr

Pour l’observateur extérieur, l’Assemblée générale suscite assez invariablement une impression de vertige. Si elle ne saurait être réduite à une simple extension des Etats qui la compose, elle ne bénéficie dans le même temps que d’une autonomie relative (Reinalda & Verbeek, 1998) qui repose –en partie- sur le caractère fragmenté de son espace institutionnel. Des fonds et programmes aux Commissions et Comité permanents, l’Assemblée générale se caractérise par une forte hétérogénéité des règles, des logiques d’action et de compétition internes. Elle rappelle alors le double mouvement d’enchâssement et de cloisonnement institutionnel (Nay & Petiteville, 2011) qui contribue à faire de l’Assemblée générale une institution à la fois ouverte sur l’extérieur et marquée, en interne, par de multiples tensions entre principes généraux et routines organisationnelles, mouvements de solidarité et logiques d’affrontement.
La plasticité de l’Assemblée générale, à la fois incontournable et contestée (Pellet, 2004), unifiée (par l’usage accru du consensus) et tiraillée par les divisions inter- (voire intra-) étatiques, moquée pour la monotonie répétitive de ses discours protocolaires mais méconnue quant à ses innovations institutionnelles et thématiques, explique en partie sa résistance à l’analyse et les manques de la littérature consacrée à cette institution. Tandis qu’elle concentrait un certain nombre d’oppositions théoriques voire d’affrontements normatifs dans les années 1960, l’AGNU ne trouve, depuis les années 1970, qu’une place marginale dans les travaux francophones – et notamment français – de science politique et de relations internationales. La production anglophone propose des travaux certes plus nombreux mais le plus souvent réduits à l’illustration ou à l’expérimentation de théories plus générales sur les dynamiques de vote et la robustesse des affiliations multiples (groupes régionaux, G77, etc.) des membres de l’Organisation.
Alors que l’on vient de célébrer les 70 ans de l’ONU, l’alternative entre une conception du multilatéralisme aveugle aux mutations de son instance autrefois emblématique ou la réduction de l’AGNU à un corps électoral supranational ne tient plus. A la suite de quelques travaux récents qui esquissent un renouvellement de l’analyse de l’AGNU (Beauguitte, 2010), il s’agira de contribuer à l’intelligibilité de l’AGNU suivant deux axes problématiques : celui de sa fonctionnalisation et de sa (dé)/(re)politisation.

La fonctionnalisation de l’Assemblée générale
En s’inspirant de la perspective de réflexion proposée par Bernard Lacroix et Jacques Lagroye (Lacroix, Lagroye, 1992), ce premier axe, articulé autour de la notion de « fonctionnalisation », aura pour objet de penser l’évolution du sens légitime attribué à l’Assemblée générale. Si « la fonctionnalisation de l’institution peut être vue comme l’ensemble des processus qui tendent à privilégier un usage de l’institution et conférer un sens collectif à cet usage » (Lagroye, François, Sawicki, 2006 : 152), cette perspective invitera à s’intéresser à la légitimation des activités de l’institution en partant des acteurs eux-mêmes plutôt qu’à partir de supposées fonctions de l’AG qui seraient déjà et/ou toujours là. Pour paraphraser Elias (in « Qu’est-ce que la sociologie ? », p. 151-152), analyser la fonctionnalisation de l’AG supposera donc de penser son utilité collective (ou sa « fonction impersonnelle ») et/par les usages multiples qui peuvent en être faits. Faire valoir une lecture de l’Assemblée générale comme l’institution en charge du développement, des droits humains ou de « l’humanitaire », c’est attribuer un sens principal aux activités qui s’y déroulent, simplifier ce qui s’y passe et partant faire valoir une « exigence fonctionnelle » de l’AGNU, du système onusien, voire de la gouvernance mondiale. Mais c’est également réduire les conflits et les oppositions qui ont pu se déployer tout au long du processus ayant pu conduire à cette issue.

(Dé)politisation(s) de l’AG
En tant qu’ensemble structuré offrant un cadre aux interactions (Devin, 2016 : 17), l’AG contribue à la stabilisation des rôles, des conduites et des prescriptions normatives qui s’appliquent en son sein. Mais si ces contraintes s’imposent, elles peuvent dans le même temps constituer autant d’opportunités et de ressources à l’émancipation et à la (re)politisation (Müller, 2012). Se dessine alors une situation mixte dans laquelle la maîtrise des codes de l’institution devient une condition d’intégration en même temps qu’une possibilité d’ouverture à de nouveaux (en)jeux politiques. Se démarquant de toute ambition typologique, le deuxième axe problématique consistera à penser l’AG à partir de mouvements distincts mais bien souvent simultanés de politisation et de dépolitisation qu’elle permet et qui la marquent. Les contributions présentées et discutées dans cette seconde partie ne se limiteront donc pas à appréhender l’AG en tant que structure formelle mais s’efforceront également de penser cette instance comme espace de hiérarchies et de confrontations (Pouliot, 2016), adossées à des représentations souvent divergentes, des « trajectoires en quête de pouvoir » (Abélès, 2011 : 20) et des usages jamais stabilisés de codes et de routines institutionnels.

More than 50 years after its establishment, the UN General Assembly (UNGA) appears as both a central and challenged international institution. Marked by an increased use of consensus, it remains torn by inter-(or intra-) states divisions and a longstanding overshadowing by the Security Council. Despite its significant institutional and thematic innovations since the 1990s, this essential part of the UN system is largely overlooked by recent international studies literature. While it triggered theoretical oppositions and normative clashes in the 1960s and 1970s, IR scholars have since tended to reduce the UNGA to a test case for broader theories on voting behavior and/or group politics. This thematic section seeks to apply a sociological perspective on the institution by emphasizing two intertwined phenomena: the functionalization of the UNGA (i.e. how legitimate meanings are ascribed to the UNGA) and its (de)politicization (i.e. how the UNGA can be seen as a space where hierarchies and confrontations take shape). For that purpose, the participants will mix a broad socio-historical approach with carefully selected case studies in order to contrast with the predominant quantitative and/or monographic literature on the UNGA.

REFERENCES

Abélès (Marc) (dir.), Des anthropologues à l’OMC : scènes de la gouvernance mondiale, Paris, CNRS Éditions, 2011.
Aït-Aoudia (Myriam), Bennani-Chraïbi (Mounia), Contamin (Jean-Gabriel), « Indicateurs et vecteurs de la politisation des individus : les vertus heuristiques du croisement des regards », Critique internationale, n° 50, 2011, p. 9-20.
Beauguitte (Laurent), « L’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies de 1985 à nos jours », Espace géographique, 39 (3), 2010, p. 276-282.
Devin (Guillaume), Les organisations internationales, Paris, Armand Colin, 2016 (2e ed.).
Elias (Norbert), Qu’est-ce que la sociologie ?, Paris-La Tour d’Aigues, Ed. de l’Aube [1ère éd. 1970].
Kott (Sandrine), « Les organisations internationales, terrains d’étude de la globalisation. Jalons pour une approche socio-historique », Critique internationale, n°52, 2011, p. 9-16.
Lacroix (Bernard), Lagroye (Jacques) (dir.), Le président de la République. Usages et genèses d’une institution, Paris, Presses de la FNSP, 1992.
Lagroye (Jacques), « Les processus de politisation », in Jacques Lagroye (dir.), La politisation, Paris, Belin, 2003.
Lagroye (Jacques), Francois (Bastien), Sawicki (Frédéric), Sociologie politique, Paris, Presses de Sciences Po et Dalloz, 2006.
Müller (Birgit), « Comment rendre le monde gouvernable sans le gouverner : les organisations internationales analysées par les anthropologues », Critique internationale, n°54, 2012, p. 9-18.
Nay (Olivier), Petiteville (Franck), « Éléments pour une sociologie du changement dans les organisations internationales. », Critique internationale, 4/2011 (n° 53), p. 9-20.
Pellet (Alain), « Inutile Assemblée générale? », Pouvoirs, n° 109, 2004, p. 43-60.
Pouliot (Vincent), International Pecking Orders. The Politics and Practice of Multilateral Diplomacy, Cambridge and New York, Cambridge University Press, 2016.
Reinalda (Bob), Verbeek (Bertjan) (eds), Autonomous Policy Making by International Organizations, Londres, Routledge, 1998.

Abdelbasset Ibrahim (Université Paris-Sud / IEDP),
Du rôle de l’Assemblée générale des Nations Unies en matière d’assistance électorale

Mélanie Albaret (Université d’Auvergne / Centre Michel de l’Hospital), L’AGNU comme arène de contestation

Emilie Dairon (Sciences Po Lyon / TRIANGLE), Ressources humaines et compétence universelle : “L’AGNU et le personnel onusien

Quentin Deforge (Université Paris Dauphine – IRISSO) et Benjamin Lemoine (Université Paris Dauphine – IRISSO), L’AGNU aux prises avec les acteurs ‘légitimes’ du système financier international. Luttes autour de l’organisation des restructurations de dettes souveraines

Guillaume Devin (Sciences Po / CERI), Benoît Martin (Sciences Po / CERI) et Marie Saiget (Sciences Po / CERI), De quoi parle l’AGNU ?

Verónica González-González (Système national des chercheurs mexicain / Conseil national de science et technologie, SNI / CONACYT), Le rôle de l’AGNU dans l’élaboration d’un mécanisme de participation des peuples autochtones : entre soutien politique et dysfonctionnements bureaucratiques

Mathilde Leloup (Sciences Po / CERI) & Frédéric Ramel (Sciences Po / CERI), L’intégration transversale de la culture dans l’Agenda du Développement

Natália Frozel-Barros (Université Paris I / CRPS-CESSP), Politiser le droit international à l’AGNU : une importation du principe juridique de ‘ patrimoine commun de l’humanité’ dans la Convention internationale sur le droit de la mer

Abdelbasset Ibrahim (Université Paris-Sud / IEDP)

Du rôle de l’Assemblée générale des Nations Unies en matière d’assistance électorale
Les missions d’assistance électorale sont perçues par l’Assemblée générale des Nations Unies comme une garantie de paix et de sécurité internationales ne pouvant être réalisée que par l’établissement d’une démocratie mondialement admise. L’ONU a ainsi fourni un support électoral normatif puis opérationnel à plus de cent Etats membres depuis l’après-guerre. Pour autant, l’analyse géopolitique indique que ce sont des intérêts d’ordre économique plutôt qu’une véritable volonté politique qui ont amené les Etats à demander l’assistance électorale, sauf à justifier des prises autoritaires de pouvoir auprès de l’opinion publique mondiale. On peut également noter un « deux poids deux mesures » quant aux conditions exigées par l’Assemblée générale en matière d’élection démocratique, les pays en développement disposant d’une marge de manœuvre moindre que celle des pays développés pour réfuter celles-ci ou s’en absoudre. De ce fait, l’assistance apportée a grandement perdu en crédibilité. Récemment, la participation des organisations régionales qui se sont adjointes de structures d’observation et d’aide en matière électorale, conduisant à un chevauchement de compétences initialement dévolues à l’Assemblée générale, a amené à une réorganisation des actions dans ce domaine. L’organe plénier de l’ONU a ainsi vu son rôle se marginaliser en matière d’assistance électorale internationale, lui garantissant, de facto, une nouvelle impartialité politique.

The role of the United Nations General Assembly in electoral assistance
Electoral assistance missions are perceived by the United Nations General Assembly as a guarantee of international peace and security that can only be achieved through the establishment of a globally accepted democracy. The United Nations has provided normative and operational support to more than one hundred member states since the post-war period. Nevertheless, the geopolitical analysis indicates that it is more economical interests rather than genuine political will that have led states to ask for electoral assistance, except to justify the authoritarian taking of power from world public opinion. There is also a « double standard » on the conditions required by the General Assembly for democratic elections, since developing countries have less flexibility than developed countries to refute or to absolve them. As a result, the assistance provided has greatly lost credibility. Recently, the involvement of regional organizations, coupled with electoral observation and assistance structures, leading to an overlapping of powers originally devolved to the General Assembly, led to a reorganization of the activities in this area. The United Nations plenary body thus saw its role marginalized in terms of international electoral assistance, guaranteeing it, de facto, a new political impartiality.

Mélanie Albaret (Université d’Auvergne / Centre Michel de l’Hospital)

L’AGNU comme arène de contestation
C’est à l’étude « des processus qui tendent à privilégier un usage » contestataire de l’AGNU ainsi qu’aux évolutions de cet usage que cette contribution est consacrée. Malgré des changements depuis les décennies 1960-1970, période pendant laquelle les pays du sud se servent de l’AGNU pour revendiquer un nouvel ordre international, les acteurs étatiques continuent de se représenter l’AGNU comme un espace au sein duquel la contestation est possible, visible mais encadrée (donc peu susceptible de générer des désordres brutaux, une contestation radicale). Ce processus pourrait être interprété comme une réponse fonctionnelle à la défection, alternative à laquelle les organisations internationales (à l’instar de la SDN) ont eu plus de difficultés à faire face. Dans le même temps, la contestation y serait tellement routinisée, banalisée et acceptée qu’elle se diluerait. D’où les efforts récents de plusieurs acteurs étatiques pour durcir la contestation (menace de défection à l’égard de l’Organisation, refus d’occuper un siège au CSNU après une victoire électorale) ou pour la porter dans d’autres arènes (multiplication des clubs comme les BRICS, le 3G, etc.).

The United Nations General Assembly as a protest arena
This contribution analyses the processes that seem to encourage the use of the UNGA for protest purposes, as well as the evolution of this phenomenon. In spite of changes since the 1960-1970s when Southern states used the UNGA to lay claim to a new international order, state actors continue to envisage the UNGA as an arena where protest is possible, visible but regulated (thus unlikely to generate significant disorder or radical protest). This process could be interpreted as a more functional alternative to defection, something with which international organizations (such as the League of Nations for instance) struggle to deal. In parallel, protest in the UNGA becomes so routinised, commonplace and accepted that its effectiveness is diluted. State actors thus try to harden protest (threatening to exit the UN, refusing to sit in the UN Security Council despite an electoral victory), or to carry out such protest in others arenas (hence the multiplication of clubs such as BRICS, 3G, etc.).

Emilie Dairon (Sciences Po Lyon / TRIANGLE)

Ressources humaines et compétence universelle : L’AGNU et le personnel onusien
L’Assemblée générale (AG) est un organe essentiel de la gestion du personnel des Nations Unies, approuvant, reformulant ou rejetant les orientations et propositions de réforme des ressources humaines émanant du Secrétaire général (SG). Dans ses instances s’expriment différents protagonistes – Etats membres, organes subsidiaires, SG ou syndicats – qui s’accordent ou s’opposent sur la vision du recrutement, des tâches ou de la carrière des différents agents onusiens. A travers cette dimension d’ « architecte » de la fonction publique internationale, l’AG est un acteur stratégique, vecteur de changement et porteur d’une conception particulière de l’organisation, dont la singularité mérite d’être analysée. La communication se propose donc de revenir sur les processus à l’œuvre au sein de l’Assemblée générale sur le sujet spécifique de la gestion des ressources humaines, pour tenter de découvrir, in fine, quelles idées du personnel portent les acteurs et comment ces idées façonnent la position particulière de l’AG par rapport à la ressource humaine de l’organisation. Différents matériaux empiriques seront utilisés et le cas de la réforme du dispositif de mobilité des fonctionnaires, présentée par le Secrétaire général en 2012, modifiée par l’Assemblée générale l’année d’après, puis adoptée et mise en place à partir de 2014, sera mobilisé pour approfondir cette analyse de l’évolution du rôle de l’AG dans les ressources humaines de l’organisation de 1997 à 2016.

Human resource and universal competency : the UNGA and the UN staff
The United Nations General Assembly (UNGA) is a crucial organ for staff management, as it approves, reformulates or rejects human resources orientations or reform proposals from the Secretary-General (SG). Different stakeholders – member States, subsidiary organs, SG or staff unions – take the floor in its meetings, sharing or fighting about their conception of recruitment, tasks or career of the different UN agents. Through this role of « architect » of the international civil service, the UNGA is a strategic actor, a vehicle of change and a holder of a specific vision of the organization. This singularity should be analyzed as such ; therefore this communication aims at coming back on the processes taking place in the General Assembly on the particular topic of human resources management, in order to discover which ideas of the staff the stakeholders put forward and how these ideas shape the particular position of the UNGA regarding the human resource of the organization. Several empirical materials will be mobilized and a case study will be developed – the reform of the staff mobility framework presented by the SG in 2012, modified by the UNGA in 2013, finally adopted and implemented as of 2014 – in order to deepen an analysis of the evolution of the UNGA role in human resources management from 1997 to 2016.

Quentin Deforge (Université Paris Dauphine – IRISSO) et Benjamin Lemoine (Université Paris Dauphine – IRISSO)

L’AGNU aux prises avec les acteurs ‘légitimes’ du système financier international. Luttes autour de l’organisation des restructurations de dettes souveraines
Quand les États sont dos au mur et insolvables, la restructuration de leur dette publique vis-à-vis de créanciers domestiques ou internationaux peut se présenter comme une solution afin d’éviter un défaut total vis-à-vis de ces engagements et contrats financiers. Cependant, aucun cadre international ne prévoit l’organisation de ces restructurations, qui, par conséquent, se font bien souvent « trop petites, trop tard ».
Sur la base d’entretiens et d’observations réalisés au sein des organisations internationales concernées et auprès des acteurs financiers, cette communication prendra pour objet une initiative de l’Argentine au sein de l’AGNU visant à mettre en place un cadre international de restructuration des dettes souveraines. Ce point d’entrée nous permettra d’étudier des luttes autour de l’organisation légitime des faillites souveraines, et plus largement des luttes pour la construction de l’architecture financière internationale. Elle montrera comment, au cours de ces négociations, les délégations diplomatiques des pays « développés », ayant intériorisé les normes, les savoir-faire, les interdits et les tabous des marchés financiers, empêchent et verrouillent l’émergence d’un cadre juridique international contraignant pour la résolution de ces conflits, en particulier au sein de l’ONU. Elle permettra ainsi de mettre au jour, sur des sujets macro-économiques sensibles, les tensions entre deux espaces internationaux distincts que sont l’ONU et les institutions de Bretton Woods.

The General Assembly of the UN in struggles against the « legitimate » stakeholders of the international financial system
When States are against the wall and insolvent, restructuring their sovereign debt towards domestic or international creditors can be seen as a solution to avoid a full default to commitments and financial contracts. However, there is no international framework foreseeing such restructuring that, in consequences, are usually achieved “too little, too late”.
Based on interviews and observations among the international organizations involved and financial stakeholders this presentation will focus on an initiative of Argentine at the UN GA regarding the implementation of an international framework for sovereign debt restructuring. This entry point will be a way to study the struggles around the legitimate organization of sovereign defaults, and the struggles around the construction of the international financial architecture in general. It will show how, during the negotiations, the diplomatic delegations of the “developed countries”, having internalized norms, know-how, prohibitions and taboos from financial markets, prevent and block the emergence of an international binding legal framework for the resolution of such conflicts, especially at the UN. It will then allow us to expose, on sensitive macro-economic issues, the tensions between two distinct international spaces: the United Nations and the Bretton Woods institutions.

Guillaume Devin (Sciences Po / CERI), Benoît Martin (Sciences Po / CERI) et Marie Saiget (Sciences Po / CERI)

De quoi parle l’Assemblée générale?
Le nombre des résolutions de l’Assemblée Générale a connu un développement constant passant d’une centaine dans les années 1950 à près de 330 lors de la 69ème session annuelle (2014-2015). En s’attachant ici à la seule période post-bipolaire qui conforte ce mouvement inflationniste, on voudrait proposer un regard comparé sur le type et le contenu de résolutions de l’Assemblée au cours de deux sessions (49ème et 69ème) à 20 ans d’intervalle (1994-1995 et 2014-2015). Quels sont les continuités et les changements ? Sommes-nous en présence d’une activité routinière et consensuelle ou peut-on repérer l’existence de clivages qui donne à l’Assemblée un tour plus politisé qu’il n’y paraît ? De quoi traitent les résolutions ? Attestent-elles de la production de nouvelles normes ou viennent-elles préciser des thématiques plus anciennes ?
L’objectif est de savoir un peu plus précisément de quoi parle l’Assemblée Générale des Nations Unies et à qui parle-t-elle à travers ses résolutions. Dans les limites de l’exemple retenu, on peut aussi penser qu’émergeront les grands thèmes de la coopération et de la contestation internationales, les foyers de convergence et de division, au cours des 20 dernières années.
Afin de resituer cette analyse dans un contexte plus large, nous comparerons l’ensemble des résolutions de manière transversale avec les autres organes onusiens (Conseil de sécurité et ECOSOC) et chronologique (en replaçant les deux sessions annuelles dans le temps plus long). En second lieu, dans le but d’étudier les clivages en présence, nous étudierons les pratiques de vote à partir d’un travail qualitatif sur les résolutions portant sur le désarmement.

What does the United Nations General Assembly talk about?
The number of General Assembly Resolutions has constantly increased from about a hundred in the 1950s to almost 330 at the 69th annual session (2014-2015). Looking at the post-bipolar period which strengthens this inflationist movement, this contribution offers a comparison on the type and content of the GA Resolutions during two sessions (49th and 69th) twenty years apart (1994-1995 and 2014-2015). What continuity and change may be observed? Are we witnessing a routine and consensual activity or do divides appear, which provide the Assembly with a more political character than actually stated? What do the resolutions deal with? Are they the symptom of the production of new norms or do they detail older themes?
The purpose is to find out more specifically what the United Nations General Assembly talks about and who it talks to in its resolutions. Within the boundaries of our example, one may also think that the great themes of international cooperation and contest, the hotspots of convergence and division of the last twenty years will emerge in our study.
In order to broaden the context of this analysis, we will compare the resolutions with those issued by the other organs (Security Council and ECOSOC) transversally and chronologically (putting the two annual sessions in the context of a longer time frame). Secondly, in order to study the operating divides, we will focus on the voting practices building up on a qualitative work on resolutions on disarmament.

Verónica González-González (Système national des chercheurs mexicain / Conseil national de science et technologie, SNI / CONACYT)

Le rôle de l’AGNU dans l’élaboration d’un mécanisme de participation des peuples autochtones : entre soutien politique et dysfonctionnements bureaucratiques
L’Assemblée générale des Nations unies (AGNU) a joué un rôle important dans la reconnaissance des peuples autochtones en tant qu’acteurs internationaux. Plus d’une trentaine de résolutions émises par cet organe ont mobilisé des éléments rhétoriques et cognitifs entraînant la légitimation d’un espace consacré à ces peuples au sein de l’ONU, à la fois organique et politique. En étant conçues sur la base de l’expertise que l’ONU a développée sur les peuples autochtones depuis les années 60, ces résolutions n’ont pas toujours produit les effets politiques qu’elles elles étaient censées induire. L’analyse de la mise en place de ces résolutions révèle, entre autres, des dysfonctionnements découlant des interactions entre les enjeux de politisation, d’expertise et de bureaucratisation caractérisant ce que les militants autochtones appellent « la bureaucratie la plus grande du monde ».
Aujourd’hui, au moment où l’AGNU est en train de discuter les mécanismes qui permettront la participation autochtone à l’ONU, cette communication analysera les défis auxquels cette institution se heurte afin d’assurer que la participation de ces acteurs non étatiques ait un poids effectif au sein de la structure onusienne.

The role of the UN General Assembly in the elaboration of a political participation mechanism for indigenous peoples: between political support and bureaucratic pathologies
The United Nations General Assembly (UNGA) has played an important role in recognizing indigenous peoples as international actors. More than thirty resolutions passed by the UNGA have given legitimacy to a space, both organic and political, devoted to these peoples within the UN. In spite of the resolutions based on the expertise, and the rhetorical and cognitive framework that the UN has produced on indigenous peoples since the 1960s, they have not always produced the political effects they were supposed to induce. The analysis of the implementation of these resolutions reveals, among other things, a complex interaction between political, expert, and bureaucratic machineries. This interplay has eventually been the basis of a pathological behavior of what indigenous activists call « the world’s largest bureaucracy ».
Today, as the UNGA is discussing mechanisms for indigenous participation in the United Nations, this paper will analyze the challenges that this institution faces in order to assure the effectiveness of the participation of these actors within the UN structure.

Mathilde Leloup (Sciences Po / CERI) & Frédéric Ramel (Sciences Po / CERI)

L’intégration transversale de la culture dans l’Agenda du Développement
Considérée comme un objectif transversal des Objectifs du Millénaires du Développement – contribuant à la fois à l’éradication de la pauvreté, à l’amélioration de l’éducation, à l’égalité des Genres, la santé, la durabilité environnementale et les partenariats pour le développement avant 2015 – la « culture » a soudainement été précisée, transformée en « patrimoine culturel » pour accentuer ses liens avec le patrimoine naturel au sein des Objectifs du Développement Durable. Intrinsèquement liée à la question écologique, la culture contribue désormais à la création de villes durables, à la lutte contre le changement climatique, mais également à l’inclusion et à la réconciliation dans l’Agenda 2030. L’objectif de la présente contribution consiste à décrire le processus de fonctionnalisation et de dépolitisation de l’Assemblée générale à partir du cas de l’intégration de la culture dans l’Agenda du Développement. Pour ce faire, cette contribution comprend trois niveaux d’analyse: macro – la division des tâches entre le Conseil de Sécurité et l’Assemblée Générale de l’ONU pour l’intégration de la culture dans l’agenda onusien –, mezzo – l’usage des « bonnes pratiques » par les agences spécialisées pour accentuer leur action de lobbying auprès de l’Assemblée Générale – et micro – le débat des différents acteurs de l’Assemblée Générale autour des modalités d’intégration de la culture dans l’Agenda du Développement.

The integration of culture in the Development Agenda
Considered as a transversal goal in the Millennium Development Goals (MDGs)– that contributes to the fight against poverty, the improvement of education, gender equality, health, environmental sustainability and partnerships for development before 2015 – « culture » has suddenly been precised, turned into « cultural heritage » to deepen its links with natural heritage in the frame of the Sustainable Development Goals (SDGs). Intrinsically linked to the ecological issue, culture now contributes to the creation of sustainable cities and communities, to the fight against climate change, but also to inclusion and reconciliation in the 2030 Agenda.
Our contribution aims at describing the double process of functionalization and depoliticization of the UN General Assembly starting from the case-study of the integration of culture in the Development Agenda. Therefore, this contribution will encompass three levels of analysis: macro – the division of tasks between the UN Security and the UN General Assembly for the integration of culture in the UN Agenda –, mezzo – the use of “best practices” by specialized agencies in order to stress their lobbying work at the UN General Assembly, and micro – the debate of the various actors composing the UN General Assembly surrounding the modalities for integration of culture in the Development Agenda.

Natália Frozel-Barros (Université Paris I / CRPS-CESSP)

Politiser le droit international à l’AGNU : une importation du principe juridique de “patrimoine commun de l’humanité” dans la Convention internationale sur le droit de la mer
Le principe de patrimoine commun de l’humanité fait ses grands débuts à l’AG des Nations Unies en 1967 comme solution afin de gouverner en paix les fonds marins internationaux. Ce principe est politisé pour être ensuite inscrit dans le droit international à travers la Convention sur le droit de la mer. Pourtant, aujourd’hui, on le référence beaucoup moins. Plus encore, le principe est largement associé à un ensemble de règles protocolaires pour l’exploitation minière des fonds marins. Comment rendre compte du succès et, ensuite, du déclin de cette notion juridique ? Tout en suivant le début du processus de politisation des fonds marins comme un problème public international, cette communication montre que le patrimoine commun de l’humanité est introduit avec succès dans l’agenda de l’AG grâce à un processus de politisation portant moins sur les fonds marins que sur la « solution » au problème des fonds marins : construire un ordre juridique international. Un groupe de juristes à fort capital social s’attaque aux océans internationaux pour promouvoir la cause. Sa participation et sa mise à l’écart de l’espace de l’AG est une variable clé pour comprendre l’insertion du principe dans un texte juridique international et ses consécutives transformations dans de véritables jeux de ré-problématisations multiples des fonds marins. L’étude propose ainsi de penser les processus de politisation et dépolitisation à l’AGNU en lien avec les innovations et les mutations du droit international.

Politicizing international law in the UNGA: how the principle of Common Heritage of Mankind is inscribed in the Convention for the Law of the Sea
The principle of Common Heritage of Mankind enters the United Nations General Assembly for the first time in 1967. It is presented as a solution to govern international areas of the seabed in peace. Thereon, it is ‘politicized’ and then attached to international law through the UN Conference for the Law of the Sea. Today instead, little do we talk about it and the principle is mainly associated to protocol and technical rules on how to explore minerals in the seabed. How to explain the success and decline of this legal notion? The paper follows the first years of ‘politicization’ of the seabed as a public international problem. It shows how the principle is inserted into the GA’s agenda thanks to a ‘politicization’ process concerning more the “solution” to the seabed problem than the seabed itself: the project of world law. A group of legal professionals with high social capital focus on the oceans in order to promote this vaster cause. When they participate and when they are put aside from the GA conjugate a key variable to understand how the principle of common heritage is inserted into international law and how it is transformed thereafter. A true game of redefining the public problem of the seabed takes place. This study aims at connecting ‘politicization’ and ‘depoliticization’ processes within the UNGA with transformations of international law.

Mardi 11 juillet 2017 9h00-13h00

ALBARET Mélanie melaniealbaret@gmail.com
DAIRON Emilie emilie.dairon@sciencespo-lyon.fr
DEFORGE Quentin quentin.deforge@gmail.com
DEVIN Guillaume guillaume.devin@sciencespo.fr
FROZEL-BARROS Natália nfrozelb@hotmail.com
GONZALES-GONZALES Verónica veroglezglez@hotmail.com
IBRAHIM Abdelbasset ib_abdelbasset@yahoo.fr
LELOUP Mathilde mathilde.leloup@sciencespo.fr
LEMOINE Benjamin benjamin.lemoine@dauphine.fr
MARTIN Benoît benoit.martin@sciencespo.fr
PLACIDI-FROT Delphine delphine.placidi-frot@u-psud.fr
RAMEL Frédéric frederic.ramel@sciencespo.fr
SAIGET Marie marie.saiget@sciencespo.fr
TORDJMAN Simon simon.tordjman@sciencespo-toulouse.fr